Textes de Pierre-Julien Eymard
sur l’Eucharistie

7 - Le Sacerdoce

7-1-Comment le Sacrifice de Jésus-Christ se perpétue-t-il dans l’Eucharistie? Par les prêtres, consacrés et consécrateurs de l’Eucharistie.

Comment Jésus remonté au Ciel sera-t-il présent sur la terre? Ce sera par l’homme devenu son prêtre. Jésus dit: 

“J’aimerai l’homme jusqu’à lui être soumis en tout et toujours. À la voix du prêtre, je serai présent dans l’Hostie... L’honneur de l’amour est dans son amour même, dans ses dons, dans ses sacrifices. À la vue de ma condescendance, l’homme comprendra mon amour... Mon amour est sans réserve, sans condition; je multiplierai mon sacerdoce comme les étoiles du ciel; mes ministres couvriront le monde de temples et d’autels, afin que partout on m’offre à mon Père en oblation pure. Mes prêtres seront les incendiaires de ce feu divin que j’ai apporté du ciel et qu’ils trouveront allumé au saint Tabernacle. Il faut que l’univers soit incendié par ce feu d’amour...” 

”Pour se faire homme, Jésus a voulu avoir une mère, fille d’Adam... Marie est le fruit de quatre mille ans de préparation, la fleur de Jessé... Pour inaugurer sa vie dans l’Eucharistie, Jésus se sert d’un homme dont il fait son prêtre... Jésus fait du prêtre un autre lui-même, et c’est par le prêtre qu’il sauve les hommes et règne ans le monde. Le prêtre a donc été la fin du ministère évangélique de Jésus...”  

Jésus devait former ses prêtres: “Voilà pourquoi il a vécu en communauté de vie, pendant trois années consécutives, avec ceux qui seraient un jour les premiers prêtres. Il devait leur apprendre la miséricorde envers les pécheurs...” 

7-2-Être prêtre 

“Pour être prêtre, dit P.J.Eymard, il faut avoir le pouvoir d’offrir le sacrifice, qui est essentiel à la religion et au sacerdoce... C’est à la Cène que le Sauveur a consacré les premiers prêtres, lui, le souverain Prêtre selon l’ordre de Melchisédech...”  

P.J.Eymard précise: Jésus donne une victime à ses prêtres: Lui-même: 

“L’autel, ce sont les mains de Jésus-Christ; ce seront les mains des apôtres et, bientôt, les corps des martyrs sur lesquels on célébrera la sainte Messe. Le temple, c’est le Cénacle et toutes les églises catholiques de l’avenir. Jésus ajoute alors ces paroles effrayantes par leur puissance, adorables dans leurs effets: “Faites ceci en mémoire de moi.” Faites ceci. Voilà l’ordre qui donne le pouvoir et imprime le caractère sacerdotal. 

Oh! comme Jésus fut heureux quand il eut fait, de ses apôtres, ses prêtres! Comme son Cœur tressaillit de joie!... À peine eut-il institué l’Eucharistie et le sacerdoce... Jésus s’écria: Maintenant le Fils de l’Homme a été glorifié...” 

7-3-La condition humaine du prêtre 

          7-3-1-L’humanité pécheresse du prêtre

Ce qui frappe P. J. Eymard, c‘est la condition humaine du prêtre revêtu d’un tel pouvoir. Il écrit: “Quand je regarde le prêtre, que vois-je? Jésus lui a laissé toutes les conséquences du péché originel dont il était souillé en naissant. Aussi puis-je trouver un prêtre pécheur, esclave de Satan, tout en gardant sa dignité et sa puissance. Quel contraste! Quel déshonneur pour Jésus-Christ! Le sacerdoce ne rend donc pas impeccable.

Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il laissé au prêtre une humanité d’origine pécheresse?

          Par miséricorde pour lui, et par amour pour les fidèles...

          Pour le tenir

                   — dans l’humilité: il se perdrait par orgueil, comme le séraphin Lucifer;

                   — dans la vigilance: il se perdrait au milieu du monde; il a besoin de ce voile de la pauvre humanité pour lui rappeler qu’il est homme, même au pied de l’autel.

          Par égard pour les âmes et pour que leur foi soit simple et forte; car si la validité de la consécration était attachée à la perfection du consécrateur, qui oserait monter à l’autel? Les prêtres les plus saints seraient les premiers à s’en croire indignes...

L’amour de Jésus-Christ a tranché la difficulté. Le pouvoir consécrateur est attaché au caractère de l’Ordre et à la volonté du prêtre. C’est un acte humain et divin du prêtre.

          7-3-2-Les mauvais prêtres 

Et que dire du mauvais prêtre, publiquement pécheur? Consacrera-t-il l’Eucharistie? Offrira-t-il Jésus en oblation au Père céleste? Pourra-t-il donner Jésus comme pain de vie aux foules affamées? Jésus répond: “Oui, j’obéirai à un Judas comme à un saint, à un ennemi de mon amour comme au disciple de ma dilection... Comme j’ai obéi à mes bourreaux sur la Croix pour être la victime du salut du monde, j’obéirai de même au sacrificateur de mon Corps sur l’autel pour être un holocauste d’amour...” 

La Passion sera renouvelée par le divin Sacrement, tous les jours et partout dans le monde. Cela, Jésus le sait et il “se voit trahi par l’apostasie, vendu par l’intérêt, crucifié par le vice qui le recevra dans un cœur coupable.” 

          7-3-3-Mais tout prêtre est sacré 

Les chrétiens ne doivent donc pas s’arrêter à l’homme faible et même pécheur. Aussi le père Eymard a-t-il soin de les mettre en garde: “Que les chrétiens se gardent de mépriser ce Jésus-Christ humilié; leur plus grande punition serait de perdre la foi dans le sacerdoce; qu’ils se gardent de naturaliser cet être divin; ils épuiseraient pour eux les bienfaits de son ministère sacré. En voyant un prêtre, il faut se dire: que Jésus-Christ est bon, qu’il est grand!... 

Pour avoir foi en l’Eucharistie, il faut d’abord avoir foi au sacerdoce. Le prêtre peut se présenter à nous comme un homme ordinaire, simple, pauvre, pécheur même. Le monde s’en montre scandalisé. Et cependant c’est le prêtre qui est le ministre consécrateur de l’Eucharistie. Pour croire à l’Eucharistie, il faut avant tout, croire à ce pouvoir du prêtre... C’est un pouvoir  de glorification, car une messe rend plus de gloire à Dieu que les hommages de tous les êtres créés réunis, sur la terre et dans le ciel... Et ce pouvoir est attaché au caractère sacerdotal et non à la sainteté du prêtre.” 

8 - La vie d’union à Dieu

8-1-L’adoration du Très Saint Sacrement 

‘Il faut adorer Jésus-Christ: le Père céleste le commande. Il veut que tout genou fléchisse devant le Verbe incarné, au ciel, sur la terre et dans les enfers. Au ciel, toute la cours céleste l’adore.” L’Apocalypse en parle: “À l’Agneau qui a été immolé, louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles!”  

Sur la terre, Jésus-Christ a été adoré “à sa naissance, dans ses courses évangéliques, sur la Croix, et après sa mort. Maintenant il doit être adoré au Très Saint-Sacrement.” 

          8-1-1-Qu’est-ce qu’adorer?[1]  

Adorer, selon le Père Eymard “c’est confesser la divinité de Jésus-Christ, sa souveraineté, sa puissance dans la sainte Hostie; c’est une profession de foi. 

Adorer, c’est faire acte de soumission à la parole de Jésus-Christ, de dépendance à l’égard de son autorité. C’est faire acte d’action de grâce à sa bonté, d’amour de son amour; de louange et de bénédiction de son infinie miséricorde. L’adoration est l’acte souverain du chrétien: il renferme tout... Mais il ne faut pas se contenter de l’adoration intérieure, il faut adorer Jésus-Christ par un culte extérieur de respect et d’hommages... Jésus-Christ est encore trop peu adoré dans l’Église catholique, même par les siens... En combien d’endroits, et combien de temps, Jésus-Christ reste seul!” 

          8-1-2-Pourquoi l’adoration? 

Dans l’Eucharistie, Jésus est vivant: “Il y est vivant; il veut que nous lui parlions, et il nous parle... Et ce colloque qui s’établit entre l’âme et Notre-Seigneur, c’est la vraie méditation eucharistique, c’est l’adoration.”  

Il faut aller naturellement à Notre-Seigneur, même si l’on se sent très pauvre. Le Père Eymard nous dit: “Aimez le livre inépuisable de l’humilité de l’amour... notre bon Maître préfère la pauvreté de notre cœur aux plus sublimes pensées et affections des autres... Offrez-lui votre pauvreté pour qu’il l’enrichisse; c’est un chef-d’œuvre digne de sa gloire.” 

Face à l’inutilité de nos efforts pour méditer, la tentation arrive vite de quitter l’adoration pour faire quelque chose de plus utile. Il faut rester fidèle coûte que coûte: “Notre Maître attend de nous l’hommage de la persévérance jusqu’à la dernière minute du temps que nous devions lui consacrer... Le vrai amour ne regarde pas ce qu’il donne, mais ce que mérite son bien-aimé.”   

          8-1-3-Pierre-Julien Eymard était-il prophète?

Dans ses notes personnelles, le Père Eymard écrivait: “Jamais siècle[2]  n’a attaqué plus violemment Notre-Seigneur Jésus-Christ; c’est le grand scandale de notre époque... Les moyens ordinaires ne suffisent plus à raviver l’esprit chrétien... La religion a été attaquée dans sa base: la divinité de Jésus-Christ même. Il faut comme une nouvelle prédication, une nouvelle manifestation de Jésus-Christ pour renouveler la foi qui va en s’éteignant. 

Il faut ranimer la foi par l’amour, et l’amour, par son foyer divin.... Il faut le Soleil divin aux âmes engourdies, gelées par l’incrédulité négative ou par l’indifférence pratique: on guérit la tête par le cœur. L’adoration eucharistique est une protestation nécessaire contre l’incrédulité actuelle... L’adoration du Très saint Sacrement est donc aussi une réparation, combien nécessaire, pour ceux qui se rendent coupables de lèse-majesté, de lèse-divinité envers Jésus-Christ dans l’Eucharistie.” 

Hymne à l’Eucharistie

Contemplons Jésus dans son Eucharistie, et adorons-le avec les paroles de Pierre-Julien Eymard: 

“L’Eucharistie est comme un fleuve de vie sortant du Cénacle et serpentant à travers tous les peuples, puis allant se perdre dans l’océan de l’éternité. C’est un soleil d’amour inépuisable, toujours beau qui précède, accompagne et suit toutes les générations. C’est la colonne de feu et de nuée dans le désert de la vie; la manne pour le voyage vers l’au-delà; le tabernacle ambulant avec le peuple de Dieu; la source d’eau vive qui jaillit jusqu’à la vie éternelle.” 

8-2-L’Eucharistie conduit à la vie d’union à Dieu 

“La Communion est une union d’amour, elle est le Sacrement de l’amour. Mais l’amour veut l’unité de sentiments, de pensées, de joies et de peines, en un mot: l’unité de vie...” 

          8-2-1-La communion établit en nous la vie d’union à Dieu.

“Dans l’Eucharistie, Jésus est substantiellement, et c’est par sa substance qu’il vient s’unir à nous. L’Eucharistie étend, en quelque sorte, l’Incarnation à chaque homme en particulier... Quelle merveille d’amour que cette union eucharistique! Notre corps est uni à celui de Jésus, notre âme à son âme; sa divinité les sanctifie aussi, l’un et l’autre... Notre corps acquiert peu à peu, la grâce, la délicatesse, les mœurs de celui de Jésus-Christ, il vit par cette sève surnaturelle, il se spiritualise...” 

Mais Jésus ne fait que passer dans notre corps. “C’est l’âme qui reçoit vraiment Jésus et entre en communication avec sa vie divine... Et Notre Seigneur, avant de rien demander à l’âme, commence par lui donner un sentiment de sa bonté qui la pénètre... Cette grâce de douceur, ce sentiment de bonheur est immédiat... Mais il faut que l’âme, assidue à la sainte Table, aime Jésus pour lui-même... Car Jésus ne cherche pas son intérêt dans l’amour qu’il a pour nous; il veut bien plutôt nous rendre heureux. S’il nous demande tout, c’est pour que nous puissions prouver que nous l’aimons véritablement comme il nous a aimés.” 

“Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.” disait St Paul. L’Eucharistie “c’est vraiment, selon Pierre-Julien Eymard,  une extension mystérieuse de l’Incarnation.” 

          8-2-2-L’Union à l’Esprit-Saint

“On ne s’unit pas assez au Saint-Esprit, on le recherche trop peu... Pensons que l’Esprit Saint est en nous, tout disposé, si nous recourons à lui, à nous suggérer la manière de bien recevoir Notre-Seigneur. Rappelons-nous seulement que la disposition qui lui plaît le plus en nous, est l’humilité... 

Laissons l’Esprit-Saint travailler en nous et y former Notre-Seigneur... Que chacune de nos communions soit comme une pentecôte personnelle.” 

          8-2-3-Le désir de la communion 

“L’homme vit de désirs; il ne cherche rien, ne va à rien, que d’abord il ne l’ait désiré. Un désir divin nous pousse à la communion au point de nous donner le courage de faire, sans trembler, de Jésus-Christ, juge du ciel et de la terre, notre nourriture... La faim de Dieu excuse notre témérité... La faim d’amour est l’apanage des âmes toutes pures et avides de perfection.” 

Comme un cerf soupire après les eaux vives, ainsi mon âme a soif de Toi, Seigneur! [3]“L’amour devrait nous rendre toujours prêts à communier: l’amour soupire, languit après le Bien-aimé...” D’où le conseil de P.J. Eymard: “Exaltez l’amour immense qui le fait (Jésus-Christ) en l’Eucharistie, devenir la victime perpétuelle de votre salut, l’aliment divin de votre vie, l’ami si tendre et si constant de votre exil... Demandez de saints prêtres pour les peuples, de fervents religieux dans l’Église, de bons adorateurs pour son divin Sacrement: priez pour le règne eucharistique de Jésus.” 

          8-2-4-L’état de grâce[4]  

”L’Eucharistie est une nourriture, un pain de délices. Pour s’en nourrir et le goûter, la première condition, c’est d’être vivant, c’est-à-dire en état de grâce. C’est la seule condition essentielle: être exempt de péché mortel... La loi indispensable de la Communion, celle qui regarde tout le monde, c’est d’être exempt de péché mortel... J’appuie bien sur ce point: on doit être exempt de péché mortel; autrement le pain de vie deviendrait pour vous un pain de mort. 

La Communion est un banquet céleste, le repas nuptial de l’Agneau où lui-même est celui qui invite et celui qui nourrit. La convenance ne demande-t-elle pas, dans le monde, qu’on soit honorable en pareille circonstance? C’est un grand honneur d’être invité par un supérieur. Qui oserait se présenter avec des vêtements malpropres? Personne. Faites donc pour Jésus-Christ ce que vous feriez pour un homme... 

Quand l’âme est pure, même des péchés véniels volontaires, Notre-Seigneur agit avec force et sans entrave: il illumine l’esprit, excite la volonté, enflamme le cœur. Jésus entre dans l’intimité de cette âme comme dans une chambre d’amitié où il n’y a rien qui lui déplaise, savourant le parfum des bons désirs qu’elle y a répandus pour lui. Il se passe alors entre lui et l’âme pure des choses ineffables. L’âme devient d’une délicatesse inouïe; elle ne se compte plus, ne fait plus qu’un avec Jésus-Christ: prenez tout, lui dit-elle, régnez sur tout; soyez à jamais mon amour, je serai votre servante pour l’éternité. 

9 - L’éducation divine 

9-1-La joie de l’esprit - L’éducation divine

La communion, plus que tout autre moyen, ouvre l’intelligence aux choses spirituelles. “La foi peut mener loin dans la connaissance de Dieu, cependant elle n’est en définitive, qu’une lumière; la communion est une lumière aussi, mais, de plus, elle est une union avec Dieu.” 

La grâce et le triomphe de l’Eucharistie, c’est de former Jésus-Christ en nous. ”Toute éducation chrétienne, sous peine de rester incomplète, doit être soumise à l’influence de l’Eucharistie; or sur quoi porte cette éducation qui vient directement de Notre-Seigneur dans la communion? Sur deux points: la vérité divine et l’amour divin.” 

Saint Pierre-Julien Eymard a, chaque fois qu’il parle du goût de  l’Eucharistie, des expressions très fortes qui peuvent dérouter nos mentalités encore imprégnées de jansénisme et de la crainte des grâces sensibles. Il revient souvent sur cette question primordiale: “Celui qui ne communie pas n’a guère qu’une science religieuse spéculative; il sait des termes, des mots, mais il ignore leur signification profonde... Il ne sait pas Notre-Seigneur... Jésus ne se fait bien connaître que par lui-même; c’est l’apprentissage de la vérité par la vérité elle-même...” 

9-2-L’Eucharistie conduit à l’amour

“Cette révélation intime pousse ensuite l’esprit et le cœur à rechercher les raisons profondes des mystères, à sonder la bonté de Notre-Seigneur qui les a inspirés; elle mène à aimer, car c’est peu de savoir, il faut embraser et agir... 

Voilà pourquoi l’adoration, faite dans la Communion et sous son influence, non seulement médite, voit et contemple, mais elle aime. Comme au ciel, on va alors de clarté en clarté, car le Sauveur est toujours nouveau: on n’a jamais fini de le connaître. C’est l’apathie, la paresse, qui se contentent des données extérieures; l’amour, lui, veut aller toujours de l’avant, il pénètre, il sonde son objet. Ah! si on osait sonder Notre-Seigneur, comme on l’aimerait! 

La communion forme aussi notre cœur à l’amour divin... L’Eucharistie est le Sacrement d’amour où Jésus-Christ épuise son amour pour nous... Mais pour apprendre comment l’aimer, il faut se sentir aimé. Notre-Seigneur s’est réservé cette mission. 

C’est Notre-Seigneur qui opère cette œuvre dans la communion; il y donne d’abord le sentiment de l’amour, puis il fait saisir les raisons de cet amour, enfin il conduit jusqu’à l’héroïsme dans l’amour...  

À la Communion, c’est le bonheur pur, sans mélange; là seulement on voit, on pèse les sacrifices de Jésus-Christ pour arriver jusqu’à nous; on finit par éclater en transports de joie et par dire: comment pouvez-vous tant m’aimer? Et l’on se lève de la Table sainte comme jetant des flammes d’amour: tanquam ignem spirantes?... L’amour ainsi senti produit toujours le dévouement de correspondance. Voyez Zachée: touché de la miséricorde de Jésus, non seulement il veut réparer tous ses torts, mais il va jusqu’à la plus large générosité. 

Ce qu’en pratique il y a à faire, l’amour l’indique. Il porte à sortir de soi pour s’élever jusqu’aux vertus de Notre-Seigneur, et l’éducation, ainsi commencée par lui, va loin et vite. 

9-3-Le goût de Dieu 

“Le goût de Dieu, c’est le sentiment de famille qui nous introduit dans l’intimité de son esprit, dans la tendresse de son cœur. Ce goût nous le fait connaître plus par impression que par raison; il nous donne en particulier, un attrait plus marqué pour l’Eucharistie et tout ce qui s’y rattache, il nous fait pénétrer sans peine en Jésus-Christ. C’est presque un mystère que cette facilité, que cette aptitude: c’est la grâce spéciale de la Communion... Par la communion nous entrons dans l’amour, dans le Cœur de Jésus-Christ, nous prenons l’esprit de son amour, son propre sens, son propre jugement.” 

Le raisonnement paralyse souvent l’effet de la communion: ”Écoutez donc un peu Notre-Seigneur. Ce n’est pas le moment de chercher, mais de goûter; c’est le temps où Jésus-Christ se fait connaître par lui-même... L’âme qui a connu Notre-Seigneur et a joui de lui, ne sait plus se complaire en rien de créé; rien en effet ne peut être mis en parallèle avec Jésus. Notre-Seigneur a déposé dans cette âme un besoin de lui que personne, que rien autre, ne pourra satisfaire. Et parce que l’amour vit de désir, l’âme sainte qui a communié éprouve un désir continuel de s’unir à Notre-Seigneur... Jésus-Christ répond à son désir, il la mène de clarté en clarté; et comme il est inépuisable, jamais elle ne sera rassasiée... 

Craignez l’abus, dira-t-on. Est-ce que les élus abusent de Dieu dans le Ciel, parce que chaque jour ils le connaissent mieux et trouvent en lui un bonheur plus grand? Vous aussi communiez et vous goûterez, vous verrez combien le Seigneur est bon. Quel malheur de n’être pas cru sur ce point! 

9-4-La sainteté 

Pour mieux se faire comprendre, le Père Eymard cite des saints: “Il existe deux sortes de gens qui doivent communier souvent: les parfaits, parce qu’étant bien disposés, ils auraient grand tort de ne point s’approcher de la source et fontaine de perfection, et les imparfaits, afin de pouvoir justement prétendre à la perfection.”[5] 

Saint Pierre-Julien Eymard ira encore plus loin: “La Sainte Communion est le remède le plus puissant contre les trois maladies qui peuvent atteindre notre âme: le péché véniel, les ardeurs de la concupiscence dont se sert le démon pour nous tenter, le découragement dans le combat spirituel, causé par la vue de nos imperfections. Elle nous purifie du péché véniel, elle nous prémunit contre notre concupiscence et les tentations du démon, elle nous encourage dans les efforts vers le bien.”  

Le Père Eymard donne aussi l’exemple de l’Église qui “avant de laisser partir les confesseurs de la foi pour le lieu du supplice, avait soin de les fortifier par la réception du Corps et du Sang de Jésus-Christ.” 

Nous sommes en mars 1867. Pierre-Julien Eymard, dans une de ses homélies, fait une curieuse remarque: “On demande comment l’Europe a perdu la foi. C’est qu’on ne communie plus ou presque plus... Les fidèles sont engourdis et paralysés. Comment les ranimer? Rendez-leur le pain qui seul les réconfortera; mettez-les sous les rayons du soleil vivificateur de l’amour divin... Ensuite, incorporés au Corps mystique de Jésus-Christ, les justes sont peu à peu changés spirituellement en lui... En recevant le Corps et le Sang du Sauveur et en les recevant souvent, la sainteté de Jésus-Christ pénètre toujours davantage dans le cœur des justes et leur donne la vigueur nécessaire pour aller sans cesse en progressant dans le chemin de la perfection.” 

De nos jours, en 2003, ceux qui vont encore à la messe communient beaucoup, mais ils ne se confessent plus jamais. Et ils n’adorent plus le Saint Sacrement exposé. Ne faudrait-il pas redonner aux Chrétiens du XXIe siècle les ingrédients: confession et adoration qui seuls permettent l’assimilation de l’aliment eucharistique, et conduisent à la sainteté véritable?... “La sainteté, sur cette terre, n’est autre chose qu’une ascension continuelle vers Dieu, une aspiration de l’âme vers lui, une tendance à ne chercher que lui, sa volonté, sa plus grande gloire.” 

10 - La Gloire du Père et de l’Église

10-1-La Gloire du Père 

La raison suprême de l’Eucharistie, c’est la gloire du Père. Sur la terre, dans l’Eucharistie, Jésus, Fils et Verbe de Dieu, “continue son office d’adorateur, de glorificateur de son Père. Il est Eucharistie, sacrifice et sacrement.” Jésus là, présent dans le tabernacle, “adore son Père et lui rend grâces; il continue son office d’intercesseur pour les hommes; il se fait victime de réparation, de propitiation, offerte à la gloire de Dieu outragée. L’autel est son calvaire mystique, et là il redit: Père, pardonnez-leur, je vous offre mes plaies, je vous offre mon sang.” 

Dans l’Eucharistie, le Père reçoit un hommage nouveau, l’offrande de la gloire de son Fils ressuscité et glorieux, mais gloire cachée dans la plus grande humilité: “Le voilà encore pauvre comme à Bethléem, lui, le Roi du ciel et de la terre; humble et humilié comme à Nazareth; obéissant non seulement jusqu’à la Croix, mais subissant avec mansuétude les profanations et les communions sacrilèges. 

Doux Agneau qui ne se plaint jamais.
Tendre Victime qui ne profère jamais de menace.
Bon Sauveur qui n’exerce jamais de vengeance.” 

Tout cela pour glorifier son Père... Spectacle digne d’admiration pour les anges; condamnation pour les démons. “Dans le Ciel, Lucifer et ses milices angéliques péchèrent par orgueil. Jésus-Christ, glorieux dans le Ciel, s’humilie, sur la terre, dans l’Eucharistie, pour honorer le Père céleste et restaurer sa gloire, en contrebalançant et en expiant l’orgueil de l’homme.” 

10-2-La gloire de l’Église 

Jésus-Christ aime son Église, son épouse. Dans l’Eucharistie, il reste avec elle pour être sa vie, sa puissance et sa gloire. L’Eucharistie est le centre du Cœur de l’Église; elle en est aussi l’âme. “La vie d’une épouse privée de son époux n’est plus une vie, c’est le deuil, c’est l’agonie. À côté de son époux, elle est forte et heureuse de le servir... 

C’est par l’Eucharistie que l’Église est féconde, puisque c’est l’extension de l’Incarnation. Par l’Eucharistie, Pain de vie avec lequel elle nourrit divinement les âmes, elle fait grandir en elles Jésus-Christ... 

L’Époux est la gloire de l’épouse... L’Église, devant l’Eucharistie, est belle aux jours de fête de son divin Époux et Sauveur... Elle est heureuse dans les chants d’amour et de gloire qu’elle fait monter vers son Roi et son Dieu... L’Église est triomphante par son service eucharistique... Reine-mère, elle est alors à la tête de ses enfants dans un même hommage, un même amour: c’est le règne de l’Eucharistie et de l’Église.”

11 - Conclusion

“Jésus, par l’Eucharistie, répand d’abord dans notre âme, et, par elle dans nos sens, la grâce et l’onction de son amour... C’est une attraction délicieuse vers Jésus, qui nous fait désirer de le mieux connaître... 

La Communion, voilà aussi le grand triomphe de Jésus-Christ en l’homme; par elle, il l’unit à son corps et à son sang. C’est une fusion par l’amour et dans l’amour; c’est un foyer d’amour divin qui s’allume dans l’homme et dont les étincelles embraseront toutes ses facultés pour le bien. 

Le Sacrement de l’amour 

L’Eucharistie est, par excellence, le Sacrement d’amour... L’Eucharistie, seule nous donne Jésus-Christ en personne, avec tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. Aussi constitue-t-elle la plus grande preuve de l’amour de Dieu pour nous. C’est le Sacrement des sacrements... 

“Demeurez dans mon amour” a dit Jésus... “Par l’Eucharistie, Jésus dépose dans nos cœurs une grâce d’amour, il met en nous le foyer de l’incendie, il l’allume, il l’entretient par ses fréquentes venues, il fait l’expansion de cette flamme... Et ce feu, si nous le voulons, ne s’éteindra pas, car son foyer c’est Jésus-Christ lui-même qui l’entretient en nous; il brûlera avec l’aide de la grâce de Dieu, tant que nous le voudrons, tant que le péché ne viendra pas l’étouffer.”


[1] Extrait des notes de Pierre-Julien Eymard.

[2] Il ne faut pas oublier que les lignes qui suivent ont été écrites au XIXe siècle, malgré leur actualité brûlante.

[3] Psaume XLI, 2

[4] Extraits d’une homélie prêchée à Paris le 9 mai 1867

[5] Nous pouvons confirmer: en effet, ainsi que le dira bien plus tard la Constitution Apostolique Christus Dominus du 6 janvier 1953, la sainte Communion est le grand moyen de sainteté que Jésus-Christ nous donne dans son amour.

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