Etienne Vincent
Frelichowski naquit le 22 janvier 1913 à Culmsee (devenue, depuis
son intégration à la Pologne,
Chelmza),
dans le Culmerland, appartenant à la Prusse Occidentale. Cette
région se distinguait du reste de la Prusse par une forte population
catholique.
De 7000 habitants, au
début du XXème siècle, elle allait compter 12000 habitants à la
veille de la seconde guerre mondiale. La ville fut de plus en plus
industrialisée, surtout depuis la construction de la gare de chemin
de fer en 1882, qui la reliait à Bromberg et à Marienburg. La ville
comptait des brasseries réputées et des usines sucrières. Elle était
aussi sur la route de Thorn, centre commercial et indutriel.
Les Franciscains
avaient construit un monastère au Moyen-Age, autour duquel se
construisit Culmsee (le lac de Culm). La ville s'honorait d'une
belle cathédrale gothique avec des ajouts baroques. Joliment située
près d' un lac, elle accueillit de nombreux colons au fil des
siècles.
Ce fut aussi le lieu où
vécut, à l'époque de l'Ordre Teutonique, au XIIIème siècle, sainte
Jutte de Culmsee, devenue depuis patronne de la Prusse, dont le
culte fut propagé par les Dominicains. Grande mystique, née en
Thuringe, elle mourut en 1260. Le Culmerland fut tardivement
évangélisé à partir du XIème siècle. Les Chevaliers Teutoniques
furent par la suite les propagateurs du Christianisme, emmenant avec
eux Franciscains et Dominicains, dans le " Drang nach Osten ".
Sainte Jutte, qui était parente du Grand Maître Hanno de
Sangershausen, participa à son enracinement.
A la fin du XVème
siècle, le Culmerland, resté majoritairement catholique alors que
les régions évangélisées par l'Ordre Teutonique passèrent à la
réforme protestante, s'intégra à la Prusse royale sous
administration polonaise. Mais il existait une forte population
d'origine germanique en majorité protestante — surtout dans les
villes — dont les lois protégeaient les droits, surtout commerciaux.
Une minorité prussienne était restée catholique. Les villes étaient
organisées en ligues selon le droit municipal et commercial, connu
comme le Droit de Culm, jusqu' à la fin du XVIIIème siècle.
Au XVIIIème siècle, le
Culmerland passa à la Prusse (sauf Thorn qui ne sera absorbé qu'en
1817).
Dans les campagnes, les
Catholiques étaient nombreux. L'exode rural était important, et les
ouvriers arrivés en ville, dans un univers germanique, restaient
toutefois attachés à leur Foi, malgré les lois anti-catholiques de
Bismarck.
Après le bouleversement
de 1918 et la chute de l'Empire allemand, les Alliés Occidentaux
organisèrent un référendum et le Culmerland se sépara de la Prusse
pour intégrer en 1920 la nouvelle république polonaise.
Dans sa prime jeunesse,
Etienne Vincent fut scout et enfant de chœur. Il faisait aussi
partie des enfants de Marie. Il passa sa Maturité (équivalent du
baccalauréat) en 1931. C'était un garçon fervent et droit. Il entra
donc à 18 ans au séminaire du diocèse de Chelmno, l'ancienne Culm
(ou Kulm en allemand), à Pelplin, dans le corridor de Dantzig qui
séparait la Prusse Orientale du reste de l'Allemagne.
Il fut ordonné en mars
1937 et devint aussitôt le secrétaire de l'évêque. En 1938 il fut
nommé vicaire à la paroisse de l'Ascension à Thorn (Torun). Il
célébrait la Sainte Messe avec ferveur et menait un apostolat actif,
avec simplicité.
La tourmente de
septembre 1939 allait l'exposer, comme ses compatriotes, à la
catastrophe de la guerre. L'armée polonaise fut balayée. En octobre,
le diocèse et la région du Culmerland furent intégrés au Reich.
Faisant partie de l'élite intellectuelle, il fut incarcéré le 18
octobre au fort de Thorn, où il réconforta ses compagnons
d'infortune, puis transféré en janvier 1940 au camp de Stutthof, non
loin de Dantzig.
Il réussit à organiser
des cérémonies de prières et à célébrer la Messe au camp, surtout en
l'honneur de Notre Dame des Affligés.
En avril, il fut
déporté à Orianenburg, près de Berlin, au Bloc 20, commandé par un
criminel particulièrement cruel. Avec l'ardeur de sa jeunesse, le
jeune prêtre continua son discret apostolat aussi bien auprès des
vieux prisonniers que des jeunes, mais surtout auprès des plus
fragiles.
Le 13 décembre, il fut
avec d'autres prêtres une nouvelle fois déporté, cette fois-ci à
Dachau, dans un Bloc de travail. On lui demanda de renier sa
nationalité polonaise — le Culmerland étant devenu allemand
contrairement à d'autres provinces polonaises — mais il refusa,
préférant partager le sort des Polonais d'autres régions. Il
travailla à l'infirmerie dans des conditions extrêmement pénibles.
Il apportait une assistance spirituelle aux malades et aux nombreux
moribonds.
En 1943 et 1944 les
conditions du Bloc furent moins effroyables. Les
prisonniers — travailleurs forcés — purent recevoir des colis de la
part de leurs familles. Il put donc recevoir des hosties et du vin
pour célébrer le Saint-Sacrifice dans différents Blocs. Il
partageait aussi ses vivres avec ceux qui ne recevaient rien.
Mais en 1944 une
épidémie de typhus décima le camp de Dachau. Des Blocs furent mis en
quarantaine et les malades furent abandonnés à leur sort. Il réussit
toutefois à se porter au secours de certains Blocs. Malgré les
admonestations de ses compagnons qui craignaient la contagion, il
poursuivit son apostolat.
Il fut atteint de la
maladie et mourut le 23 février 1945, peu de temps avant la
libération du camp. On ne sait si son corps fut brûlé ou jeté dans
une fosse commune.
Il fut béatifié le 7
juin 1999 par Jean-Paul II à Torun. Il est le patron des scouts de
Pologne.
Illustrations de haut
en bas : église Saint-Nicolas de Chelmza, cathédrale de Pelplin,
Bloc X à Dachau. |