Épiphane de Salamine
Évêque, Docteur de l’Église, Saint
ca. 310-403

Saint Épiphane naquit vers l'an 310, dans le territoire d'Eleuthérople, en Palestine. On a tout lieu de croire qu'il reçut de ses parents une éducation chrétienne. Ils s'appliqua , dès sa jeunesse , à l'étude de l'Écriture sainte , et afin de mieux pénétrer le sens des oracles sacrés, il apprit l'hébreu, l'égyptien, le syriaque, le grec et le latin.

Son amour pour la piété lui faisait rendre de fréquentes visites aux solitaires, afin de puiser dans leurs entretiens des instructions salutaires. L'exemple de leurs vertus le toucha si vivement, qu'il résolut, étant encore fort jeune, d'embrasser la vie monastique. S'il est vrai que ce fut en Palestine qu'il exécuta cette résolution, il est au moins certain qu'il passa bientôt après en Egypte pour aller vivre dans les déserts de ce pays.

Il revint en Palestine vers l'an 333, et bâtit un monastère près du lieu de sa naissance. Quelques personnes trouvant qu'il portait trop loin les macérations de la pénitence. « Dieu, répondit-il, ne nous donnera le royaume du ciel qu'à condition que nous travaillerons ; et tout ce que nous pouvons faire n'a point de proportion avec la couronne de gloire qui nous est promise. » Aux austérités corporelles, il joignait une application infatigable à la prière et à l'étude. Il lisait, dans l'intention de s'instruire de plus en plus, tous les bons livres qui se publiaient ; il étendit aussi ses connaissances par le moyen des voyages qu'il fit en différentes contrées.

Dieu avait enfin permis que le grand saint Hilarion, caché dans le désert depuis vingt-deux ans, fût manifesté au monde. L'éclat de ses vertus et de ses miracles lui attirait beaucoup de disciples. Saint Épiphane, quoique très versé dans les voies de la perfection, le prit pour son maître, et se conduisit par ses avis depuis l'an 333 jusqu'à l'an 356. L'amitié de ces deux Saints fut toujours fort étroite, et la distance des lieux ne put en diminuer la force et la vivacité. Il paraît que ce fut saint Hilarion qui détermina depuis l'église de Salamine, à demander saint Épiphane pour pasteur ; et lorsque la mort eut enlevé le premier, le second consacra sa plume à faire connaître au monde toutes les vertus qui avaient brillé en lui.

Durant la cruelle persécution que les ariens firent souffrir aux catholiques sous le règne de Constance, saint Épiphane sortit souvent de sa cellule pour voler au secours de ceux qui tenaient pour la vraie foi ; il se sépara même de la communion d'Eutychius, évêque d'Eleuthérople, qui, par des vues de politique, était entré dans le parti des hérétiques ; il montra aussi beaucoup de zèle à précautionner les orthodoxes contre les erreurs qu'il avait découvertes dans les écrits d'Origène.

Saint Épiphane était dans son monastère l'oracle de la Palestine et des pays voisins. On venait le consulter de toutes parts, et on ne le quittait jamais sans avoir reçu les plus sages avis. Sa réputation avait pénétré jusque dans les contrées les plus éloignées, et on l'élut vers l'an 367, évêque de Constantia, ou de Salamine en Chypre. Cette dignité n'apporta aucun changement dans sa manière de vivre; il continua de porter son habit monastique, et même de gouverner ses religieux, qu'il visitait de temps en temps.

Il n'était pas tellement attaché à ses observances, qu'il ne s'en relâchât quelquefois par des vues de charité ; ainsi ses abstinences étaient moins rigoureuses lorsqu'il se trouvait dans le cas d'exercer l'hospitalité.

Sa tendresse pour les pauvres était sans bornes ; il leur fournissait en toute occasion des secours abondants. Plusieurs personnes de piété le faisaient le dispensateur de leurs aumônes. De ce nombre fut sainte Olympiade, qui lui fit des présents considérables en argent et en terres.

La vénération que lui attirait sa sainteté était universelle. Les hérétiques eux-mêmes ne pouvaient s'empêcher de le Tespecter ; aussi ne fut-il point enveloppé dans la persécution que les ariens, soutenus par l'Empereur Valens, excitèrent contre les catholiques en 371. Il fut presque le seul évêque orthodoxe que l'hérésie épargna dans cette partie de l'empire.

Cinq ans après, il entreprit un voyage à Antioche. Son but était de travailler à la conversion de l'évêque Vitalis, qui était tombé dans l'apollinarisme. Malheureusement son zèle ne produisit aucun effet. Lorsque Paulin, évêque de la même ville, alla à Rome en 382, il l'y accompagna.

Ils logèrent l'un et l'autre dans la maison de sainte Paule. A la fin de l'hiver, saint Épiphane s'embarqua pour retourner à Salamine. Il eut en 385 la consolation de recevoir sainte Paule, qui passa dix jours avec lui allant en Palestine.

Étant à Jérusalem en 394, il prêcha contre l'origénisme, en présence du patriarche Jean, qu'il soupçonnait pencher vers cette hérésie ; mais son discours fut très mal reçu par le patriarche, et par tous ceux qui lui étaient attachés. Il quitta donc Jérusalem pour se retirer à Bethléem. Il persuada à saint Jérôme de se séparer de la communion de Jean, jusqu'à ce qu'il eût donné des preuves publiques de sa catholicité. Il éleva en même temps au sacerdoce Paulinien, frère de saint Jérôme. Le patriarche se plaignit hautement de cette ordination, et soutint qu'elle était un attentat contre ses droits. Saint Épiphane tâcha de se justifier, dans une lettre qu'il écrivit au prélat qui prétendait sa juridiction lésée. J'ai pu, lui disait-il, ordonner un moine, qui, en qualité d'étranger, ne doit point être censé de votre province. C'est la crainte de Dieu qui m'a fait agir de la sorte; je ne me suis proposé que l'utilité de l'Église. Il n'y a point de diversité dans le sacerdoce, dès qu'il est question de la charité de Jésus-Christ. Nous n'avons point désapprouvé de semblables ordinations qui ont été faites dans notre province ; pourquoi donc Vous emportez-vous avec tant de chaleur contre une action dont les motifs ont été si purs ? Quant à Paulinien, il suivit saint Épiphane à Salamine, et lui demeura soumis comme étant de son clergé.

On doit conclure de la conduite que saint Épiphane tint en cette occasion, et à Constantinople, qu'il n'avait pas des idées aussi exactes qu'on les a aujourd'hui sur la juridiction d'un évêque hors de son diocèse : ce qui venait de ce que l'Église, par ses canons, ne s'était point encore expliquée sur ce sujet d'une manière aussi expresse qu'elle l'a fait depuis. Autrement il n'aurait pas conféré les ordres dans un diocèse étranger ; il n'aurait pas non plus prêché à Constantinople, qu'il n'en eût préalablement obtenu la permission de l'archevêque : mais il croyait pouvoir faire dans le diocèse des autres évêques, ce qu'il ne trouvait pas mauvais qu'ils fissent dans le sien.

Ce fut en 401 que saint Épiphane se rendit à Constantinople. Il y accusa d'origénisme les solitaires appelés Grands-Frères, contre lesquels il avait été prévenu par les clameurs de Théophile. Il refusa même de communiquer avec saint Chrysostôme, qui leur avait accordé sa protection, et qui ne les avait admis à la communion qu'après s'être assuré de leur orthodoxie. Les Grands-Frères allèrent voir saint Épiphane, dans la vue de lui expliquer leurs sentimens. « Mon père, lui dirent-ils, nous désirons savoir de vous si vous avez jamais vu nos disciples et nos écrits ». Non, répondit l'évêque. Comment donc, reprit Ammonius, un des solitaires, nous avez-vous jugés hérétiques sans avoir des preuves de nos sentiments ? » C'est, repartit le Saint, que je l'ai ouï dire. Nous avons fait le contraire, répliqua Ammonius. Nous avons souvent rencontré vos disciples, et vu vos écrits, entre autres L’Anchorat; et comme plusieurs voulaient le blâmer et l'accuser d'hérésie, nous en avons pris la défense. Vous ne deviez donc pas nous condamner sans nous entendre, ni traiter comme vous avez fait, ceux qui ne disent de vous que du bien. Saint Épiphane leur parla plus doucement, et les renvoya. Il quitta lui-même Constantinople, et s'embarqua pour retourner dans son diocèse : mais il ne put arriver jusqu'à Salamine; il mourut en route dans l'année 403, après trente-six ans d'épiscopat. Ses disciples bâtirent en Chypre une église sous son invocation, où ils placèrent son image avec celles de plusieurs autres saints personnages. Dieu honora son tombeau par un grand nombre de miracles.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… Tome VI – Traduction : Jean-François Godescard.

 

 

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