Jean-Jacques OLIER
Le Directeur Spirituel
(suite)

* * *

6
La vie spirituelle des directeurs

6-1-Les vertus nécessaires aux directeurs

6-1-1-Le dévouement pour les âmes

Quand les dirigés sont éprouvés, quand les privations, les sécheresses, les persécutions ou les calomnies arrivent, quand la vie des dirigés devient crucifiée et anéantie, ils peuvent s’arrêter et se décourager. C’est alors “que les directeurs doivent prendre un soin particulier pour inciter les âmes à passer outre... C’est en pareille rencontre que leur amour doit éclater... C’est sur la Croix que l’amour du Fils de Dieu s’est montré le plus grand pour nous, dans les terribles peines qu’Il lui fallut souffrir pour notre salut... On fait injure à Dieu en refusant d’aller à Lui par ce chemin de la difficulté... Nous devons être comme des anges pour nos dirigés, parce que nous sommes envoyés par Dieu pour leur salut... Ils dorment souvent...”

Olier prenant l’exemple d’Élie qui fut nourri et réconforté par un ange, déclare: “Il est nécessaire que les directeurs soient bien remplis de Dieu pour que leurs paroles puissent produire d’aussi puissants effets dans les âmes de leurs dirigés. Et parce qu’ils ne sont pas unis à Dieu comme il le faut, souvent les âmes n’en reçoivent pas les avantages et les forces dont elles auraient besoin.”

6-1-2-Le désintéressement même dans la prière

Olier conseille aux directeurs de prier en Dieu pour les âmes des dirigés, c’est-à-dire, qu’ils doivent “demeurer en Dieu et occupés de Lui, sans que les personnes pour qui ils prient les attirent un seul instant à elles pour nous en emplir et nous y appliquer... Dieu veut que nous recherchions ces grâces (de grande pureté et de dégagement)seulement en vue de sa gloire et parce qu’il nous faut les vouloir, aimer et désirer uniquement pour obéir à ses ordres pour suivre ses desseins.”

6-2-La prière

“Priez beaucoup!” exige Jean-Jacques Olier des directeurs qu’il conseille, ”parce que le cheminement d’une âme vers la sainteté est essentiellement l’œuvre de l’Esprit-Saint... Pour que la vie divine croisse dans les dirigés, et pour qu’ils soient à l’abri des attaques du Mauvais, le directeur leur doit l’aide d’une prière assidue, qui sera un des moyens les plus efficaces de son action... C’est au Saint-Esprit à dilater les âmes dans l’amour divin, à les faire grandir dans la vie divine. Mais c’est aux directeurs à l’obtenir et à le faire descendre en elles par leurs prières continuelles.”

Jean-Jacques Olier donne quelques exemples de grands hommes qui n’ont pu réaliser les missions que Dieu leur confiait, que parce qu’ils priaient beaucoup.

Tout d’abord Jésus qui passait ses nuits en prière pour ses disciples pour qu’ils ne défaillent pas, qu’ils ne succombent pas aux mauvais desseins du Satan, qu’ils soient fidèles et forts.

Jean-Jacques Olier cite aussi Saint Paul qui était fidèle à rendre grâces à Dieu pour les biens qu’Il accordait à ses disciples. À leur exemple, les directeurs doivent demander à Dieu qu’Il les éclaire, que leurs dirigés marchent dignement devant Lui, et qu’ils fructifient en bonnes œuvres.

Il y a aussi Moïse “qui a soutenu de sa prière la marche de son peuple vers la Terre promise.” À son exemple, le directeur doit avertir ceux qu’il conduit des dangers et des obstacles que Satan sème sur la route de leur perfection, et “pour qu’ils ne s’écartent pas de leur chemin... Car le démon n’est pas à court de prétextes pour nous détourner, s’il le faut, du bon chemin. À cause de cela, il faut que ceux que nous avons à conduire soient comme de petits enfants insouciants qui se laissent conduire par Dieu dans un profond abandon à ceux qu’Il leur a donnés comme guides... Les directeurs doivent être comme les gouvernantes des petits enfants: elles ne les perdent jamais de vue de peur qu’ils ne viennent à tomber et à se blesser en voulant marcher tout seuls; aussi les tiennent-elles par la main de peur qu’ils ne trébuchent...”

C’est en priant Dieu à leur intention que les directeurs peuvent être spirituellement présents à leur côté.

Enfin, il y a Job.

Les directeurs doivent savoir imiter Job qui offrait des sacrifices pour ses enfants, afin de demander pardon à Dieu de leurs fautes: “C’est une des intentions que nous devons avoir dans nos prières: demander pardon à Dieu pour les fautes dans lesquelles ont pu tomber les âmes que nous conduisons.... Nous devons entrer dans l’esprit de pénitence pour nos dirigés, à l’exemple de Notre Seigneur qui a voulu être victime pour le monde entier, et prendre sur soi les iniquités de tous ses enfants, ressentir en sa propre personne les colères de Dieu que ceux-ci méritaient.”

6-3-L’union à Dieu

Jean-Jacques Olier a été imprégné de la spiritualité de Bérulle et du Père de Condren [1] qui fut son directeur. L’une des constantes de cette spiritualité de ce que l’on appela plus tard L’École Française de spiritualité réside dans l’union à Dieu. “Seule l’union à Dieu écrit Olier, est capable d’apaiser les inquiétudes et de changer les difficultés en moyen de L’aimer. On résoud les difficultés en s’unissant à Dieu. C’est par cette communion qu’on parvient peu à peu, à penser, à aimer, à réagir selon Dieu, selon son Esprit...”  

Et Mr Olier saura conseiller : “Plongez-vous toute en Lui, donnez-vous toute à Lui, n’attendez rien que de Lui et méprisez toute créature comme impuissante de vous servir; même ayez un peu d’aversion de ce qui n’est point Dieu, surtout de ce qui vous pourrait promettre du secours et dont vous en pourriez attendre: Dieu seul le veut faire pour vous.”

Parfois, ainsi qu’il le fit au retour d’un voyage, Jean-Jacques Olier se confie, révélant l’union profonde qui l’attache à Dieu: “Je me suis trouvé dans Paris sans en remarquer les approches ni la présence, ne pouvant m’arrêter et me plaire qu’en Dieu; cela continue jusqu’à présent et cessera quand Dieu voudra, auquel je suis tout par désir. Et ce qui me console, c’est qu’il me semble expérimenter en moi une certaine possession de mon Tout, qui dispose de moi comme Il lui plaît, me porte et me retire d’où Il veut.” 

6-4-Vivre avec le Christ

Parfait représentant de l’École Française, Jean-Jacques Olier estime “qu’on doit être rempli de Jésus-Christ... C’est en accueillant le Christ en soi qu’on se libère de soi. L’opération par laquelle on se vide de soi n’a de sens que si l’on se remplit du Christ pour agir par Lui... C’est par là qu’il faut commencer, à savoir, d’établir Jésus en nous, qui en banisse Adam; que son humilité chasse notre superbe; son amour, l’amour-propre; que son Esprit prenne le lieu du nôtre, bref, que le nouvel homme bannisse l’ancien. Il faut beaucoup aimer et adorer Jésus pour L’attirer en nous.”

“Tous les prêtres doivent recourir à Jésus-Christ pour trouver en Lui leur grâce et la sainteté que requiert leur état, parce qu’Il est le Grand Prêtre de l’Église qui possède en lui la plénitude et l’étendue de la grâce et de l’esprit sacerdotal pour les répandre en tous ceux qu’Il appelle à ce divin état...

Il faut que tous les directeurs regardent Jésus-Christ comme celui qui doit écouter et révéler en eux le véritable Esprit, la grâce et la lumière qui sont nécessaires pour la direction des âmes... Il n’y a dans l’Église qu’un seul véritable directeur, à savoir: Jésus-Christ, rempli du Saint-Esprit qui, par Lui et en Lui, veut conduire tous les fidèles...

Le directeur, dans cette vue de foi, doit se considérer comme le supplément de Notre Seigneur qui, ne voulant plus conduire les chrétiens visiblement comme Il le faisait autrefois avec les apôtres, désire les diriger invisiblement désormais par le ministère des prêtres.”

6-5-Et vivre avec le Christ crucifié

La Croix est au cœur du mystère évangélique: “Les souffrances que nous impose notre condition, voilà les véritables croix, qui sont à préférer à toutes les pénitences et mortifications que nous pouvons choisir nous-mêmes:

– elles nous sont imposées par Dieu lui-même.

– elles sont attachées à notre état et durent ordinairement toute la vie.

– tenant à notre condition, nous ne nous y accoutumons pas.... Elles restent toujours sensibles.

– elles sont très sanctifiantes, et, tandis qu’on les endure, souvent elles nous semblent comme sans utilité pour notre profit spirituel.

– quand nous endurons ces croix de notre état, il arrive souvent que nous nous trouvons en butte au mépris, aux moqueries ou, au moins, à l’incompréhension du prochain.

– Les croix providentielles domptent l’esprit lui-même en le mettant dans une attitude où il est en mesure de plaire à Dieu.

À une de ses dirigées, Jean-Jacques Olier n’hésite pas à écrire: “Aimez seulement, ma très chère, et souffrez ce que votre amour crucifié désire... L’amour vrai est nécessairement un amour crucifié.”

6-6-D’où la nécessité de s’offrir en victime

La Mère de Bressand, supérieure de la Visitation de Grenoble, traversait une étape spirituelle difficile, qui lui faisait se comparer à une statue lorsqu’elle priait. Jean-Jacques Olier lui répond: “Au nom de Dieu, ma fille, changez en l’oraison votre nom de statue en celui de victime immolée qui attend en patience le feu du ciel.”  

En effet, toute épreuve offre la possibilité de s’offrir à Dieu comme victime. Ce sacrifice consiste à se perdre soi-même dans le Christ, c’est-à-dire à renoncer à ce que l’on souhaiterait pour entrer dans les voies mystérieuses de Dieu en adhérant profondément à Jésus-Christ. “C’est un martyre assez sensible aux âmes qui aiment leur avancement et qui recherchent Dieu. Mais le plus solide en l’amour de Jésus, c’est la sincère confiance dans l’adhérence intime à Lui; se fier entièrement à Lui de tout son propre intérieur, qu’il sera bien conduit; moins nous le connaîtrons et plus nous voudrons qu’il y soit tout abandonné. Perdez-vous en Jésus, car en Lui est votre voie...

Dieu a sur nous des desseins cachés, secrets. Seule l’adhésion à Jésus-Christ, qui est la voie sûre de chaque âme vers  Dieu, nous permettra de laisser Dieu les accomplir en nous... Quand on est dans l’obscurité, il faut tenir à Jésus-Christ comme à notre unique chemin, il faut se perdre en Lui... Attendez que l’Esprit de Dieu touche et frappe intérieurement le vôtre par son rayon, et il vous indiquera sa volonté...”

6-7-Être ouvert à la lumière de Dieu

Pour transmettre aux âmes la lumière de Dieu, les directeurs doivent d’abord s’y ouvrir largement et n’envisager que Jésus-Christ: “Nous devons être entre les mains de Dieu pour diriger en Lui les âmes qu’Il nous confie, comme des instruments dont Il veut se servir pour leur faire connaître ses volontés, les faire marcher à grand pas sur le chemin de la perfection, les fortifier dans leurs faiblesses, les animer dans leur découragement, les détourner des précipices et des pièges que l’Ennemi leur tend continuellement... Nous devons anéantir notre propre esprit pour être remplis de celui de Dieu... Il faut être entre les mains de Notre Seigneur pour entrer dans sa conduite sur les âmes et ne pas vouloir les diriger par la nôtre propre...

Nous devons être un peu comme des canaux qui servent seulement pour le passage des eaux qui jaillissent de la source pour aller se perdre dans les bassins: s’ils sont propres, les eaux y descendent avec la même pureté qu’elles avaient au sortir de leurs sources; tandis qu’au contraire elles contractent la souillure et deviennent bourbeuses si elles rencontrent la saleté. Tout ce que les canaux peuvent faire de mieux, c’est de restituer les eaux dans l’état où ils les reçoivent, sans y mêler rien d’autre.

Ainsi le directeur doit-il être ouvert à la lumière divine, afin de la communiquer à celui pour qui elle est donnée, sans y rien ajouter du sien ce qui lui enlèverait de son état et de sa beauté. Il ne faut jamais que la créature mêle sa propre lumière avec celle de Dieu... ce qui ne peut se réaliser sans une mort universelle du directeur à tout soi-même... C’est pour eux le moyen d’agir dans une grande pauvreté spirituelle et d’obtenir de Dieu une particulière bénédiction.

Nous devons imiter nos anges gardiens: ils sont toujours auprès de nous et pourtant ne perdent jamais la vue de Dieu qu’ils contemplent sans cesse face à face.”

Et Dieu ne refuse jamais ses lumières quand on se dispose à les accueillir comme il convient. “Jésus est comme le général de l’Église et les prêtres en sont les capitaines: il leur faut s’adresser à Lui pour connaître ses volontés.”

Jésus n’éclaire les peuples que par le ministère des prêtres. “Parce que Notre Seigneur est le Maître et Seigneur, il ne faut pas le devancer, il faut ne rien dire avant qu’Il ne nous en ait donné l’ordre en nous faisant connaître ce qu’Il demande: autrement nous serions des serviteurs infidèles.” D’où la nécessité d’avoir l’esprit d’oraison.

6-8-L’esprit d’oraison

“Le ministère de la direction spirituelle impose la fidélité à l’oraison; c’est là que le directeur reçoit la lumière, la vie et l’Esprit qu’il pourra communiquer... C’est pour cela que Jésus-Christ lui-même fut transfiguré sur la montagne, afin de nous faire comprendre que sur la montagne, c’est-à-dire dans l’oraison, nous serons éclairés, transfigurés et remplis de lumière, à la fois pour nous-mêmes et pour les autres...

Nous devons être encore comme des sources de vie en Jésus-Christ: de leur plénitude, ceux qui sont sous notre conduite seront remplis et recevront chacun ce qui lui est nécessaire. De cette manière, ils doivent tirer leur vie de nous, et c’est en cela que nous sommes appelés leurs pères... Or c’est dans l’oraison que Dieu nous remplit de son Esprit et nous donne ce que nous devons communiquer aux autres... Il nous faut, de plus, nous adonner à l’oraison pour y recevoir la force, afin de soutenir les âmes qui nous sont confiées... Comme nous ne sommes par nous-mêmes que faiblesse, nous ne pouvons être forts qu’en Jésus-Christ par le moyen de la sainte oraison.”

Tous les défauts qui se rencontrent dans la direction des âmes proviennent du peu d’union des directeurs avec Jésus-Christ: “Si c’est dans l’oraison que nous devons recevoir ce qui est nécessaire pour la conduite des autres, encore faut-il ensuite se donner beaucoup à Notre Seigneur afin de dire en Lui ce que nous y avons reçu: nous devons, pour ainsi dire, parler avec la bouche de Jésus-Christ... Il faut que nous soyons remplis de l’Esprit-Saint comme l’étaient les apôtres... Et nous ne devons pas nous appliquer à la conduite des âmes avant d’être d’abord bien remplis de Notre Seigneur... Ceci indique le grand abandon que nous devons avoir à l’Esprit-Saint.”

6-9-En conclusion

Rejoignant en quelque sorte sa dévotion à la sainte Trinité, Jean-Jacques Olier incite les directeurs à être:

          – forts en la puissance du Père pour assister les âmes.

          – sages dans l’union au Verbe pour les conduire.

          – pleins d’amour grâce à la présence en eux, du Saint-Esprit, pour supporter les défauts des dirigés, et les aimer tels qu’ils sont.

7
Quelques conseils donnés aux âmes

Olier veut absolument lancer les autres dans l’aventure spirituelle, et pour cela, il leur conseille:

d’avoir un cœur libre,...

un cœur libre, ouvert à la grâce, joyeux, toujours content, et ne refusant pas à Dieu le don généreux de soi-même. Il faut aller à Dieu contre vents et marées, dans l’orage et dans le calme. À la Marquise de Portes, éprouvée, Olier écrit: “Quoiqu’il en soit, c’est de l’intérieur que viendra la décision, du cœur que Dieu emplira de désir. Et il importe beaucoup dans cette affaire de s’établir dans les conditions spirituelles qui permettent un vrai choix... Usez-en de la sorte, je vous supplie, pour le bien et la suave liberté de votre esprit qui ne doit être gêné en rien, et qui doit être libre en ce point par dessus tout.”

beaucoup d’humilité,...

Aux débutants, Dieu donne souvent des facilités et de la sérénité. mais c’est parce qu’ils sont faibles: aussi doivent-ils se soumettre simplement aux avis de leur directeur, et surtout être très humbles :

“C’est l’humilité qui convient particulièrement à cet état; elle permet de garder conscience de sa faiblesse, de se préparer à entrer dans les voies de rigueur, et de s’offrir à Dieu comme une victime qui n’est pas encore digne d’être immolée sur l’autel, mais qui peut l’être au pied de l’autel.”

Nous sommes tous pécheurs. Le péché, c’est “la plus basse chose du monde.” Pourtant, Jean-Jacques Olier ne craint pas d’affirmer: “Il anéantit notre orgueil, et au cœur de l’humilité qui s’établit alors en nous, l’amour de Dieu peut grandir.” Il n’hésitera pas à écrire: “Avec l’Esprit de Jésus, auquel vous vous donnerez pour faire toutes vos actions, vous pourrez vous humilier en la vue de votre propre abjection.”

Il faut viser l’humilité, mais, pour obtenir cette vertu et la bien pratiquer, Mr Olier ajoute : “Je vous dis encore qu’il faut que vous vous donniez au Saint-Esprit.”

de pratiquer une certaine ascèse,...

Mr Olier conseille une ascèse volontaire modérée et souple. “C’est l’obéissance qui reste le signe que la mortification est accomplie pour faire la volonté de Dieu et non pas sa propre volonté.” L’essentiel, c’est de se mettre sous la dépendance de Jésus.

Il y a d’abord la lutte contre ses défauts qui se réalise en se confiant à l’amour de Dieu qui les submerge. Le but, c’est Dieu seul; il ne faut donc pas s’inquiéter outre mesure de ses défauts. C’est Dieu qui couvre nos défauts et les efface.

La meilleure ascèse, c’est l’amour, ainsi que Jean-Jacques Olier l’écrit à l’une de ses correspondantes: “Détachez-vous de tout pour ne vouloir rien que Jésus... Mourez d’amour pour Jésus notre amour, faisant mourir en vous à tout moment ce que vous ne sentez pas de Jésus... Ne cessons jamais d’être à l’amour et en l’amour.” Par ailleurs, J.J.Olier invite souvent ses dirigés à la vie cachée, au silence, et à se livrer à l’amour.

de communier aussi souvent que possible, car l’Eucharistie est une nourriture indispensable,...

Jean Jacques Olier conseille de communier souvent, et spirituellement tous les jours, afin, dit-il à une de ses dirigées, “que votre époux vous remplisse de l’amour qu’il est venu apporter sur la terre et dont Il désire tout brûler.”

de ne jamais négliger l’oraison,...

afin d’être toujours en union intime avec le Saint-Esprit: “Donnez-vous à l’Esprit de l’Église qui seul sait comme il faut prier... Cet Esprit de l’Église est l’Esprit de Jésus-Christ qui est le même dans les membres et dans le chef. C’est le Saint-Esprit même que Dieu a donné à ses fidèles, pour les conduire dans la prière et dans toutes leurs œuvres, comme étant le principe de toute sainteté, sans lequel ils ne sauraient rien faire qui puisse plaire à Dieu.”

En effet, les véritables enfants de Dieu, sont, dit Saint Paul, ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu. Aussi Jean-Jacques Olier conseille-t-il à l’une de ses filles:

“Faites cela afin que vous soyez vraie fille du Père éternel, membre de Jésus-Christ et temple du Saint-Esprit qui repose dans vous pour louer Dieu par vous et le servir aussi par vous... Je vous laisse entre les mains de l’Esprit-Saint et je vous conjure de vous abandonner à Lui en confiance, car c’est Lui qui gouverne tout le corps de l’Église. Il est jaloux de conduire toutes les âmes à Dieu.”

enfin, de vivre dans l’obéissance,...

Jean-Jacques Olier invite fréquemment ses dirigés à l’obéissance, comme lui-même à appris à obéir. À la Mère de Bressand, il écrit : “Pour moi, ma très chère mère, je ne vivrai jamais, si Dieu me le permet, sans soumission et obéissance.”

et surtout d’aimer la croix.

La Croix peut se manifester d’abord par des tentations, mais il faut toujours s’abandonner à la sainte volonté de Dieu.

Parlant des tentations, Olier a parfois des élans mystiques et des accents lyriques: “C’est un excellent moyen à Dieu que la tentation qui nous chasse à son Fils et nous fait sortir de nous-mêmes. C’est un aiguillon excellent pour nous réveiller de notre assoupissement et nous obliger à recourir à celui qui est notre vie et notre perfection.”

L’invention est admirable: “La tentation nous chasse vers le Christ!... Oh! douce loi, Mademoiselle, que celle des chrétiens, qui n’est rien que l’amour! Oh! la douce condition de notre misère, puisqu’elle est guérie par l’amour! Oh! la bienheureuse tentation qui m’avertit d’aller à l’amour et le chasse, sans y penser, de moi, et me porte à son Dieu! Bienheureux mal qui me fait tant de bien!”

Olier invite ses correspondants à ne pas s’inquiéter de l’avenir, à s’abandonner entre les mains de Dieu, et à porter la croix comme instrument de purification. Olier est certain que l’amour et la souffrance sont étroitement liés: “La souffrance purifie, mais c’est l’amour qu’elle purifie en nous... La croix affine l’amour.” Olier ira encore plus loin: “Ce n’est que lorsqu’elle est sanctifiée par la croix que l’âme peut entrer en l’unité intime du Dieu de sainteté.” À l’une de ses dirigés, il dira: “Il est temps de croître dans l’amour solide et de nous retirer de l’amour enfantin.”

Et il l’invite à s’affermir dans la communion au mystère de la Croix du Christ et de Passion: “C’est justice et miséricorde tout ensemble de la part de votre Époux, qui veut que vous n’ayez plus de joie qu’en Lui, et que vous ne soyez point partagée par d’autres sujets  qui vous consolent. Cette voie est rigoureuse à la nature, car elle se trouve par là crucifiée en tous ses désirs, même en ceux qui sont innocents et qui pourraient la satisfaire; mais c’est un temps où l’amour divin s’augmente et l’intérieur se fortifie, se purifie, se sanctifie, et s’unit plus intimement à Jésus.”

Jean-Jacques Olier insiste :

“C’est pour cela qu’afin que notre Seigneur vous purifie, il faudra vous résoudre à souffrir qu’Il soustraie les consolations et les joies de votre cœur, et qu’Il vous dénue (sic) de tout ce qu’il y a de sensible qui environne votre âme; car ces sensibilités ne sont pas la pureté et la sainteté. Ce n’est que comme un habit dont Dieu se revêt pour se faire connaître à vous, et pour vous faire ressentir sa demeure dans votre cœur. L’état le plus sanctifiant de tous est celui des soustractions intérieures, et des privations et souffrances sensibles; mais c’est aussi le plus pénible.. Ne vous étonnez pas si vos sécheresses continuent. Plus vous communierez au saint sacrifice de Jésus, plus vous serez participante de ses peines intérieures.”

À une âme qui aspire à la sainteté, Olier écrit: “Je sais, ma Fille, que votre esprit aspire à la pureté et sainteté; mais il faut le faire en Jésus-Christ et non pas en vous-même; il faut y parvenir par les voies de Dieu et non pas par les vues que vous pouvez former. Les desseins de Dieu sont infiniment élevés par-dessus les vôtres, et les moyens dont Il se veut servir sont tout autres que ceux que vous pouvez imaginer. Il faut être aussi bien abandonné aux moyens qu’Il veut tenir sur vous pour vous sanctifier, comme aux desseins qu’Il a sur vous et sur toutes les âmes qu’Il a choisies dedans le sanctuaire de son conseil.”

Le seul chemin qui puisse réaliser vraiment cet abandon, c’est l’appartenance à Jésus-Christ, dans l’anéantissement du cœur.

Dieu veut et aime les cœurs simples, anéantis et abîmés en Lui-même, et rien hors de Lui. Et Olier de s’écrier: “Ma sœur, que je vous veux sainte en Jésus notre tout et notre amour! Que je vous désire vivante en charité et en l’opération du seul Esprit!... Ne songez point à une perfection élevée et extraordinaire; laissez faire à l’Esprit qui a commencé et qui achèvera.”

Conclusions sur Jean-Jacques Olier directeur spirituel

On peut résumer comme suit les qualités principales de Jean-Jacques Olier directeur spirituel :

– Il doit faire preuve de charité et de dévouement désintéressé envers ceux qui s’adressent à lui.

– Il se sent responsable devant Dieu de ceux qu’il accompagne sur le chemin du salut.

– Il sait conserver une grande liberté pour lui-même et pour ses dirigés.

– Il considère que l’aspect mystique de la vie chrétienne est premier par rapport à l’aspect ascétique.

– Il conseille toujours l’amour de la croix, l’abandon à la volonté de Dieu.

– Il est convaincu qu’il faut laisser agir le Saint-Esprit, le meilleur des directeurs.

Annexe
Agnès de langeac et Jean-Jacques Olier

Enseignement du Groupe de Prière St. Damien, Fraternité de Tibériade, 5580 Lavaux-Sainte-Anne, Belgium, sur la Bienheureuse Agnès de Langeac. Diffusion expressément encouragée.

Agnès de Langeac, dominicaine, connut plusieurs saints qui lui étaient apparus comme par exemple saint Dominique. Elle ne dormait pas la nuit, car Dieu lui avait accordé cette grâce pour qu’elle puisse intercéder pour les pécheurs comme l’avait fait Saint Dominique en son temps. L’intercession d’Agnès était très ardente liée à son amour pour Jésus. Elle lui disait: “Souffrir oh mon Dieu tant qu’il vous plaira et mourir comme il vous plaira. A présent Seigneur, plus que jamais, je veux vous montrer ma fidélité.” Pour elle, ce qui comptait, c’était sa fidélité à Jésus à travers tout ce qu’elle devait vivre. Par ailleurs, elle disait qu’on ne pouvait rien faire de plus agréable à la Sainte Vierge que de penser volontiers à sa pureté, à son humilité et à son amour incomparable. Elle aimait aussi beaucoup Saint Joseph: “Il suffit de rappeler à Notre Seigneur les services que lui a rendus son père adoptif pour obtenir tout ce que l’on veut de sa bonté.”

Agnès avait un grand rayonnement: beaucoup d’évêques la demandaient un peu partout mais ses sœurs refusaient de la laisser sortir. Après un an de profession, Agnès qui avait alors 23 ans, fut nommée maîtresse des novices.  A 24 ans elle devint prieure tant ses sœurs étaient enthousiasmées par sa charité. 

Tout se passait bien pour elle, elle était prieure et aimée de ses sœurs, mais, bientôt, des bruits calomnieux coururent à Langeac, et  elle fut destituée... Après quelques années, ses sœurs ont reconnu que c’était une erreur et elle redevint prieure.

Quelques mois avant sa mort, Jésus lui confia une dernière mission:  elle devait vivre et souffrir encore un peu pour la conversion d’un prêtre pécheur: Jean-Jacques Olier, à qui on avait confié la charge d’un monastère à Pébrac, pas loin de Langeac, et où il allait se rendre prochainement dans le cadre d’une mission d’évangélisation.

Il y avait vraiment à l’époque un besoin de formation pour les prêtres, er Agnès ouvrit le cœur de Jean-Jacques à sa véritable mission: ouvrir des séminaires. Jean-Jacques Olier devait former les prêtres tant au niveau de la vie de prière qu’au niveau théologique pour qu’ils puissent être à même de mieux accomplir leur tâche auprès des fidèles.

Le jour où Jean-Jacques retourna à Paris, Agnès tomba malade et elle mourut quelques jours après. Elle avait accompli sa dernière mission  sur la terre.

Bibliographie

Principales œuvres de J. J. Olier

          – Pietas seminarii sancti Sulpitii

          – Mémoires autographes

          – Catéchisme chrétien pour la vie intérieure

          – Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes

          – La journée chrétienne

          – Lettres

          – Projet de l'établissement d'un séminaire

Ouvrages consacrés à Jean-Jacques Olier et à sa spiritualité

          – B.PITAUD

Petite vie de J.J. Olier  Desclée de Brouwer Paris 1996

          – M. DUPUY

Se laisser à l'Esprit: itinéraire spirituel de J.J.Olier  Cerf Paris 1982

          – M.DUPUY

Vivre pour Dieu en Jésus-Christ (textes de Mr Olier) Cerf Paris 1995

          – R. DEVILLE

L'école française de spiritualité Bib. d'Histoire du Christianisme n°11 Desclée Paris 1987

          – G. CHAILLOT

Le directeur spirituel selon J. J. Olier  Compagnie St Sulpice 1991

          – G. CHAILLOT

Monsieur Olier  Cahiers sur l'Oraison Feu nouveau Troussures 1991

          – G. CHAILLOT

Prier à Saint Sulpice avec J. J. Olier  Desclée de Brouwer 1995

          – B. PITAUD et G. CHAILLOT

J. J. Olier, directeur spirituel  Cerf 1998

          – Y. KRUMENAKER (Editeur)

L'école française de spiritualité   1998

(Tous droits réservés Copyright © 1998 Séminaire de St Sulpice

E-Mail:sem.issy@wanadoo.fr)


[1] Olier estimait “Qu’il n’y avait rien de pareil à cet homme dans le monde.”

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