

EXHORTATION APOSTOLIQUE
POST-SYNODALE
DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II
AUX ÉVÊQUES AUX
PRÊTRES ET AUX DIACRES
AUX PERSONNES CONSACRÉES
ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS
1. L'Église
en Amérique, comblée de joie en raison de la foi reçue et reconnaissante envers
le Christ pour ce don immense, a récemment célébré le cinquième centenaire du
début de la prédication de l'Évangile sur son territoire. Cette commémoration a
rendu tous les catholiques américains plus conscients du désir du Christ de
rencontrer les habitants de ce qu'on appelle le Nouveau Monde, pour les
incorporer à son Église et pour se rendre ainsi présent dans l'histoire du
continent. L'évangélisation de l'Amérique n'est pas seulement un don du
Seigneur; elle est aussi la source de nouvelles responsabilités. Grâce à
l'action de ceux qui ont évangélisé toutes les parties du continent, l'Église et
l'Esprit ont donné naissance à de nombreux fils
.
Dans le passé comme dans le présent, les paroles de l'Apôtre continuent à
résonner dans leur cœur : « Annoncer l'Évangile en effet n'est pas pour moi un
titre de gloire; c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je
n'annonçais pas l'Évangile ! » (1 Co 9, 16). Ce devoir est fondé sur
l'ordre donné aux Apôtres par le Seigneur ressuscité avant son Ascension au
ciel : « Proclamez l'Évangile à toute la création » (Mc 16, 15).
Cet ordre concerne toute
l'Église; et l'Église qui est en Amérique est appelée, en ce moment particulier
de son histoire, à le recevoir et à répondre avec générosité et amour au devoir
fondamental de l'évangélisation. Mon prédécesseur Paul VI, premier Pape à
visiter l'Amérique, le soulignait à Bogotá : « C'est à nous qu'il appartiendra,
[Seigneur Jésus], en tant que tes représentants, dispensateurs de tes divins
mystères (cf. 1 Co 4, 1 ; 1 P 4, 10), de répandre les trésors de
ta parole, de ta grâce, de tes exemples parmi les hommes »
.
Pour les disciples du Christ, le devoir d'évangélisation constitue une urgence
de charité: « L'amour du Christ nous presse » (2 Co 5, 14), affirme
l'Apôtre Paul, et il rappelle ce que le Fils de Dieu a fait pour nous dans son
sacrifice rédempteur : « Un seul est mort pour tous, [...] afin que les vivants
ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour
eux » (2 Co 5, 14-15).
La commémoration
d'événements particulièrement évocateurs de l'amour du Christ pour nous suscite
dans les esprits, en même temps que la reconnaissance, le besoin d’« annoncer
les merveilles de Dieu », le besoin d'évangéliser. Ainsi, le souvenir de la
récente célébration du cinquième centenaire de l'arrivée du message évangélique
en Amérique, c'est-à-dire du moment où le Christ appela l'Amérique à la foi, et
le prochain Jubilé au cours duquel l'Église célébrera les deux mille ans écoulés
depuis l'incarnation du Fils de Dieu sont des occasions privilégiées qui font
spontanément monter de notre cœur avec plus de force l'expression de notre
gratitude envers le Seigneur. Consciente de la grandeur des dons reçus, l'Église
qui poursuit sa marche en Amérique désire faire participer à la richesse de la
foi et de la communion dans le Christ toute la société et chacun des hommes et
des femmes qui vivent sur la terre américaine.
2. Le jour
même du cinq centième anniversaire du début de l'évangélisation de l'Amérique,
le 12 octobre 1992, j'ai voulu ouvrir de nouveaux horizons et donner un élan
renouvelé à l'évangélisation: dans l'allocution par laquelle j'inaugurais les
travaux de la IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain
à Saint-Domingue, je proposai une rencontre synodale « afin d'accroître la
coopération entre les différentes Églises particulières » pour affronter
ensemble, dans l'optique de la nouvelle évangélisation et comme une expression
de la communion épiscopale, « les problèmes relatifs à la justice et à la
solidarité entre toutes les nations d'Amérique »
.
L'accueil positif réservé par les épiscopats d'Amérique à ma proposition me
permit d'annoncer dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente
mon intention de convoquer une assemblée synodale « sur la problématique de la
nouvelle évangélisation dans les deux parties de ce continent, si différentes
par leur origine et leur histoire, et sur les thèmes de la justice et des
rapports économiques internationaux, en tenant compte de l'énorme différence
entre le Nord et le Sud »
.
Il fut alors possible de commencer les travaux préparatoires proprement dits,
pour arriver finalement à la célébration de l'Assemblée spéciale pour l'Amérique
du Synode des Évêques, qui a eu lieu au Vatican du 16 novembre au 12 décembre
1997.
3. En accord
avec l'idée initiale et après avoir pris connaissance des suggestions du Conseil
pré-synodal, expression vivante de la pensée de nombreux Pasteurs du peuple de
Dieu dans le continent américain, j'ai précisé le thème de l'Assemblée spéciale
du Synode pour l'Amérique dans les termes suivants : « La rencontre avec le
Christ vivant, chemin de conversion, de communion et de solidarité en Amérique ».
Le thème ainsi formulé manifeste clairement la place centrale de la personne de
Jésus Christ ressuscité, présent dans la vie de l'Église, qui appelle à la
conversion, à la communion et à la solidarité. Le point de départ de ce
programme d'évangélisation est, bien sûr, la rencontre avec le Seigneur.
L'Esprit Saint, don du Christ dans le mystère pascal, nous guide vers les fins
pastorales que l'Église en Amérique doit atteindre au cours du troisième
millénaire de l'ère chrétienne.
4.
L'expérience vécue durant l'Assemblée a eu sans aucun doute le caractère d'une
rencontre avec le Seigneur. Je me souviens avec plaisir, en particulier, des
deux concélébrations solennelles que j'ai moi-même présidées dans la Basilique
Saint-Pierre pour l'ouverture et la clôture des travaux de l'Assemblée. Le
contact avec le Seigneur ressuscité, véritablement, réellement et
substantiellement présent dans l'Eucharistie, a créé l'atmosphère spirituelle
qui a permis à tous les Évêques de l'Assemblée synodale de se reconnaître non
seulement comme frères dans le Seigneur mais aussi comme membres du Collège
épiscopal, désireux de suivre, sous la présidence du Successeur de Pierre, les
traces du Bon Pasteur, servant l'Église, en marche dans toutes les régions du
continent. Tous ont pu constater la joie des participants à l'Assemblée, qui
découvraient en elle une occasion exceptionnelle de rencontre avec le Seigneur,
avec le Vicaire du Christ, avec les nombreux Évêques, prêtres, personnes
consacrées et laïcs venus de toutes les parties du continent.
Sans aucun doute,
certains facteurs précédents ont contribué, indirectement mais efficacement, à
assurer ce climat de rencontre fraternelle au sein de l'Assemblée synodale. Il
faut tout d'abord mentionner les expériences de communion vécues précédemment
lors des Assemblées générales de l'épiscopat latino-américain à Rio de Janeiro
(1955), Medellín (1968), Puebla (1979) et Saint-Domingue (1992). Lors de ces
rencontres, les Pasteurs de l'Église qui est en Amérique latine avaient eu
l'occasion de réfléchir ensemble, en frères, sur les questions pastorales les
plus urgentes dans cette partie du continent. Il faut ajouter à ces assemblées
les réunions périodiques inter-américaines d'Évêques, où les participants ont la
possibilité d'élargir leur horizon aux dimensions de tout le continent,
discutant sur les problèmes et les défis communs concernant l'Église dans les
pays américains.
5. Dans la
première proposition que j'ai faite à Saint-Domingue, à propos de l'éventualité
de réunir une Assemblée spéciale du Synode, je signalais que, « désormais au
seuil du troisième millénaire chrétien, et en un temps où sont tombées de
nombreuses barrières et frontières idéologiques, l'Église ressent comme un
devoir inéluctable d'unir spirituellement, et davantage encore, tous les peuples
qui forment ce grand continent et, en même temps, dans le cadre de la mission
religieuse qui lui est propre, d'impulser un esprit solidaire entre eux tous »
.
Les éléments communs à tous les peuples d'Amérique, parmi lesquels ressortent
une même identité chrétienne et aussi une authentique recherche de
l'affermissement des liens de solidarité et de communion entre les diverses
expressions du riche patrimoine culturel du continent, constituent le motif
décisif qui m'a fait demander que l'Assemblée spéciale du Synode des Évêques
consacre ses réflexions à l'Amérique comme à une réalité unique. Le choix
d'utiliser le mot au singulier voulait exprimer non seulement l'unité déjà
existante sous certains aspects, mais aussi le lien plus étroit auquel aspirent
les peuples du continent et que l'Église veut fortifier, dans le cadre de sa
mission, qui tend à promouvoir la communion de tous dans le Seigneur.
6. Dans la
perspective du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai voulu que l'on tienne une
Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour chacun des cinq continents: après
celles qui ont été consacrées à l'Afrique (1994), à l'Amérique (1997), à l'Asie
(1998) et, tout récemment, à l'Océanie (1998), en cette année 1999 sera
célébrée, avec l'aide du Seigneur, une nouvelle Assemblée spéciale pour
l'Europe. De cette manière, pendant l'année jubilaire, on pourra tenir une
Assemblée générale ordinaire qui fera la synthèse et tirera les conclusions des
matériaux précieux que les diverses Assemblées continentales auront élaborés.
Cela sera facilité par le fait que, dans tous ces Synodes, il y a eu des
préoccupations semblables et des centres d'intérêt communs. En ce sens, me
référant à cette série d'Assemblées synodales, j'ai signalé que « le thème
fondamental est celui de l'évangélisation, et même de la nouvelle
évangélisation, dont les bases ont été posées par l'exhortation apostolique
Evangelii nuntiandi de Paul VI »
.
C'est pourquoi, tant dans ma première déclaration sur la célébration de cette
Assemblée spéciale du Synode que plus tard, lors de son annonce explicite, après
que tous les épiscopats d'Amérique eurent fait leur cette idée, j'ai précisé que
ses délibérations devaient se dérouler « dans l'optique de la nouvelle
évangélisation »
,
en abordant les problèmes qu'elle suscite
.
Cette préoccupation
était d'autant plus naturelle que j'avais moi-même établi le premier plan d'une
nouvelle évangélisation en terre américaine. En effet, lorsque, dans toute
l'Amérique, l'Église se préparait à fêter le cinquième centenaire du début de la
première évangélisation du continent, m'adressant au Conseil épiscopal
latino-américain à Port-au-Prince (Haïti), j'affirmais : « La célébration du
demi-millénaire d'évangélisation aura sa pleine signification dans la mesure où
elle est un engagement pour vous, comme Évêques, avec vos prêtres et vos
fidèles ; un engagement, non de ré-évangélisation, mais d'une nouvelle
évangélisation. Nouvelle en son ardeur, dans ses méthodes, dans son expression »
.
Par la suite, j'ai invité toute l'Église à mener à bonne fin cette exhortation,
bien que le programme d'évangélisation, visant la grande diversité que présente
aujourd'hui l'ensemble du monde, doive se diversifier à la lumière,
principalement, de deux situations clairement différentes : celle des pays
fortement touchés par la sécularisation, et celle des autres pays où « l'on
conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment
chrétien »
.
Il s'agit, bien sûr, de deux situations qui existent, à des degrés divers, dans
différents pays, ou mieux peut-être en divers milieux concrets à l'intérieur des
pays eux-mêmes du continent américain.
7. La
mission d'évangéliser, que le Seigneur ressuscité a confiée à son Église,
s'accompagne de la certitude, fondée sur sa promesse, qu'il continue à vivre et
à agir parmi nous : « Voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin
du monde » (Mt 28, 20). Cette présence mystérieuse du Christ dans son
Église est pour elle une garantie de réussite dans la réalisation de la tâche
qui lui a été confiée. En même temps, cette présence rend possible notre
rencontre avec Lui, comme Fils envoyé par le Père, comme Seigneur de la Vie qui
nous communique son Esprit. Une rencontre renouvelée avec Jésus Christ rendra
tous les membres de l'Église en Amérique conscients du fait qu'ils sont appelés
à continuer la mission du Rédempteur sur leurs terres.
La rencontre
personnelle avec le Seigneur, si elle est authentique, apportera aussi avec elle
le renouveau ecclésial : les Églises particulières du continent, comme Églises
sœurs et voisines les unes des autres, feront croître les liens de coopération
et de solidarité pour prolonger et rendre plus incisive l'œuvre de salut du
Christ dans l'histoire de l'Amérique. Dans une attitude d'ouverture à l'unité,
fruit d'une communion authentique avec le Seigneur ressuscité, les Églises
particulières, et en elles les membres eux-mêmes, découvriront, à travers leur
expérience spirituelle, que « la rencontre avec le Christ vivant » est un
« chemin de conversion, de communion et de solidarité ». Et, dans la mesure où
ces fins seront atteintes, on rendra possible un engagement toujours plus fort
dans la nouvelle évangélisation de l'Amérique.
8. Les
Évangiles rapportent de nombreuses rencontres de Jésus avec des hommes et des
femmes de son temps. La caractéristique commune à tous ces récits est la force
transformante que les rencontres avec Jésus portent en elles et révèlent, car
« elles ouvrent à un véritable chemin de conversion, de communion et de
solidarité »
.
Le récit de la rencontre avec la Samaritaine est parmi les plus significatifs
(cf. Jn 4, 5-42). Jésus l'interpelle pour étancher sa soif, qui n'était
pas seulement une soif physique : en réalité, « celui qui cherchait à boire
avait soif de la foi de cette femme »
.
En lui disant « Donne-moi à boire » (Jn 4, 7) et en lui parlant de l'eau
vive, le Seigneur suscite chez la Samaritaine une demande, presque une prière,
dont le but véritable dépasse ce qu'elle est en mesure de comprendre à ce
moment-là : « Seigneur... donne-moi de cette eau afin que je n'aie plus soif » (Jn
4, 15). Même si « elle ne comprend pas encore »
,
la Samaritaine demande en réalité l'eau vive dont lui parle son divin
interlocuteur. Quand Jésus lui révèle sa messianité (cf. Jn 4, 26), elle
se sent poussée à annoncer à ses concitoyens sa découverte du Messie (cf. Jn
4, 28-30). De même, dans la rencontre de Jésus avec Zachée (cf. Lc
19, 1-10), le fruit le plus précieux est la conversion du publicain, qui prend
conscience des injustices qu'il a commises et décide de restituer largement —
« le quadruple » — à ceux qu'il avait volés. Il se place en outre dans une
perspective de détachement vis-à-vis des biens matériels et de charité envers
ceux qui sont dans le besoin, au point de donner aux pauvres la moitié de ses
richesses.
Il faut accorder une
attention particulière aux rencontres avec le Christ ressuscité, telles qu'elles
sont racontées dans le Nouveau Testament. Grâce à sa rencontre avec le
Ressuscité, Marie-Madeleine surmonte le découragement et la tristesse qui
l'avaient envahie à la mort du Maître (cf. Jn 20, 11-18). Dans sa
nouvelle dimension pascale, Jésus l'envoie annoncer aux disciples qu'il est
ressuscité : « Va trouver mes frères » (Jn 20, 17). C'est pourquoi
Marie-Madeleine a pu être appelée « l'apôtre des Apôtres »
.
Pour leur part, après avoir rencontré et reconnu le Seigneur ressuscité, les
disciples d'Emmaüs retournent à Jérusalem pour raconter aux Apôtres et aux
autres disciples ce qui vient de leur arriver (cf. Lc 24, 13-35). Jésus,
« commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, leur interpréta dans
toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc 24, 27). Et eux
reconnaîtront plus tard que leur cœur était tout brûlant quand il leur parlait
en chemin et leur expliquait les Écritures (cf. Lc 24, 32). Il n'y a pas
de doute qu'en racontant cet épisode et surtout le moment décisif où les
disciples reconnaissent Jésus, saint Luc fait une allusion explicite aux récits
de l'institution de l'Eucharistie, c'est-à-dire à tout ce que Jésus a fait
durant la dernière Cène (cf. Lc 24, 30). Pour rapporter ce que les
disciples d'Emmaüs racontent aux Onze, l'évangéliste utilise une expression qui,
dans l'Église naissante, avait une signification eucharistique précise : « Ils
l'avaient reconnu à la fraction du pain » (Lc 24, 35).
L'une des rencontres
avec le Seigneur ressuscité qui ont eu une influence décisive dans l'histoire du
christianisme est sans aucun doute la conversion de Saul, celui qui deviendra
Paul, l'Apôtre des Nations. C'est là, sur le chemin de Damas, qu'un changement
radical s'est opéré dans sa vie : de persécuteur, il est devenu Apôtre (cf.
Ac 9, 3-30 ; 22, 6-11; 26, 12-18). Paul lui-même parle de cette expérience
extraordinaire comme d'une révélation du Fils de Dieu « pour que je l'annonce
parmi les païens » (Ga 1, 16).
Le Seigneur respecte
toujours la liberté de ceux qu'il appelle. Il y a des cas où l'homme qui
rencontre Jésus refuse le changement de vie auquel il l'invite. Bien des
contemporains de Jésus l'ont vu et entendu, et cependant ils ne se sont pas
ouverts à sa parole. L'Évangile de saint Jean indique le péché comme ce qui
empêche l'être humain de s'ouvrir à la lumière qui est le Christ : « La lumière
est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la
lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3, 19). Les textes
évangéliques montrent que l'attachement aux richesses constitue un obstacle à
l'accueil de l'appel à suivre Jésus de manière radicale et généreuse. Le cas du
jeune homme riche est typique à cet égard (cf. Mt 19, 16-22 ; Mc
10, 17-22 ; Lc 18, 18-23).
9. Certaines
rencontres de Jésus, rapportées par les Évangiles, sont des rencontres tout à
fait personnelles, comme par exemple les appels à une vocation particulière (cf.
Mt 4, 19 ; 9, 9 ; Mc 10, 21 ; Lc 9, 59). Dans ces
rencontres, Jésus fait entrer ses interlocuteurs dans son intimité : « Rabbi —
ce qui veut dire Maître —, où demeures-tu ? » [...] « Venez et voyez » (Jn
1, 38-39). En d'autres circonstances au contraire, les rencontres ont un
caractère communautaire. Il s'agit notamment des rencontres avec les Apôtres,
qui sont d'une importante capitale pour la constitution de l'Église. C'est ainsi
que les Apôtres, choisis par Jésus dans le cercle plus large des disciples (cf.
Mc 3, 13-19 ; Lc 6, 12-16), reçoivent de lui une formation
spéciale et profitent d'un enseignement plus intime. Aux foules, Jésus parle en
paraboles, mais il les explique aux Douze : « À vous il a été donné de connaître
les mystères du Royaume des Cieux, tandis qu'à ces gens-là cela n'a pas été
donné » (Mt 13, 11). Les Apôtres sont appelés à annoncer la Bonne
Nouvelle et à accomplir une mission particulière pour édifier l'Église par la
grâce des sacrements. À cette fin, ils reçoivent le pouvoir nécessaire : Jésus
leur confère le pouvoir de pardonner les péchés, en se référant à la plénitude
de ce même pouvoir que le Père lui a donné au ciel et sur la terre (cf. Mt
28, 18). Ils seront les premiers à recevoir le don du Saint-Esprit (cf. Ac
2, 1-4), don qui par la suite sera communiqué à ceux qui, grâce aux sacrements
de l'initiation chrétienne, seront incorporés à la Communauté des croyants (cf.
Ac 2, 38).
10. L'Église
constitue le lieu où les hommes, en rencontrant Jésus, peuvent découvrir l'amour
du Père, car celui qui a vu Jésus a vu le Père (cf. Jn 14, 9). Après être
monté au ciel, Jésus continue à agir par la puissance de l'Esprit Paraclet (cf.
Jn 16, 7), qui transforme les croyants en leur donnant la vie nouvelle.
C'est ainsi que ceux-ci deviennent capables d'aimer avec l'amour même de Dieu,
« répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5,
5). La grâce divine rend en outre les chrétiens aptes à œuvrer à la
transformation du monde pour y instaurer ce que mon prédécesseur Paul VI appela
si justement « la civilisation de l'amour »
.
En effet, « le Verbe de
Dieu, en prenant sur lui notre nature humaine, à l'exception du péché (cf. He
4, 15), manifeste le dessein du Père qui est de révéler à la personne humaine la
manière d'arriver à la plénitude de sa vocation [...]. Ce faisant, Jésus non
seulement réconcilie l'homme avec Dieu mais il le réconcilie aussi avec
lui-même, en lui révélant sa nature »
.
Par ces mots, les Pères du Synode, s'appuyant sur le Concile Vatican II, ont
redit que Jésus est le chemin à suivre pour parvenir à la pleine réalisation de
soi, qui est la rencontre définitive et éternelle avec Dieu. « Je suis le
Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi » (Jn 14,
6). Dieu nous a « prédestinés à reproduire l'image de son Fils, afin qu'il soit
l'aîné d'une multitude de frères » (Rm 8, 29). Jésus Christ est bien la
réponse définitive à la question sur le sens de la vie et aux interrogations
fondamentales qui angoissent tant d'hommes et de femmes aujourd'hui sur le
continent américain.
11. À la
naissance de Jésus, les mages venus de l'Orient arrivèrent à Bethléem et
« virent l'Enfant avec Marie sa Mère » (Mt 2, 11). Au début de sa vie
publique, quand le Fils de Dieu, aux noces de Cana, accomplit son premier signe
qui suscite la foi des disciples (cf. Jn 2, 11), c'est Marie qui
intervient et qui oriente les serviteurs vers son Fils en leur disant : « Tout
ce qu'il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). J'ai eu l'occasion d'écrire à
ce sujet : « La Mère du Christ se présente devant les hommes comme
porte-parole de la volonté du Fils, celle qui montre quelles exigences
doivent être satisfaites afin que puisse se manifester la puissance salvifique
du Messie »
.
C'est pourquoi Marie est une voie sûre pour rencontrer le Christ. La dévotion
envers la Mère du Seigneur, quand elle est authentique, conduit toujours à
orienter sa propre vie selon l'esprit et les valeurs de l'Évangile.
Comment alors ne pas
mettre en lumière le rôle de la Vierge dans la vie de l'Église en Amérique qui
marche à la rencontre de son Seigneur ? La Sainte Vierge, en effet, « est liée
de manière particulière à la naissance de l'Église dans l'histoire [...] des
peuples de l'Amérique, qui, par Marie, sont arrivés à la rencontre avec le
Seigneur »
.
Dans toutes les parties
du continent, et cela depuis l'époque de la première évangélisation, la présence
de la Mère de Dieu a été forte, grâce aux efforts des missionnaires. Par leur
prédication, « l'Évangile a été annoncé en présentant la Vierge Marie comme
modèle de sa réalisation la plus haute. Depuis les origines — invoquée sous le
titre de Notre-Dame de Guadalupe —, Marie est apparue comme un signe éclatant,
au visage maternel et miséricordieux, de la proximité du Père et du Fils avec
lesquels elle nous invite à entrer en communion »
.
L'apparition de Marie à
l'Indien Juan Diego sur la colline de Tepeyac, en 1531, eut des répercussions
décisives pour l'évangélisation
.
Son influence dépasse largement les frontières du Mexique et s'étend au
continent tout entier. Et l'Amérique, qui a été au long de son histoire et qui
demeure un creuset de peuples, a reconnu dans le visage métissé de la Vierge de
Tepeyac « le grand exemple d'évangélisation parfaitement inculturée qu'est
sainte Marie de Guadalupe »
.
C'est pourquoi, non seulement au centre et au sud mais aussi au nord du
continent, la Vierge de Guadalupe est vénérée comme la Reine de toute l'Amérique
.
À mesure que le temps
passait, les Pasteurs comme les fidèles ont eu une conscience toujours plus vive
du rôle de la Vierge dans l'évangélisation du continent. Dans la prière composée
à l'occasion de l'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques, la
Vierge Sainte de Guadalupe est invoquée comme « Patronne de toute l'Amérique,
Étoile de la première et de la nouvelle évangélisation ». Dans cet esprit,
j'accueille avec joie la proposition faite par les Pères du Synode que le 12
décembre soit célébrée dans tout le continent la fête de Notre-Dame de
Guadalupe, Mère et Évangélisatrice de l'Amérique
.
Et je nourris dans mon cœur la ferme espérance que Celle dont l'intercession a
obtenu que soit fortifiée la foi des premiers disciples (cf. Jn 2, 11)
guidera par sa maternelle intercession l'Église dans ce continent et lui
obtiendra l'effusion de l'Esprit Saint comme sur l'Église naissante (cf. Ac
1, 14), afin que la nouvelle évangélisation produise des fruits abondants de vie
chrétienne.
12. En
s'appuyant avec confiance sur l'aide de Marie, l'Église en Amérique désire
conduire les hommes et les femmes de ce continent à la rencontre avec le Christ,
d'où jaillit une authentique conversion et un engagement renouvelé de communion
et de solidarité. Une telle rencontre contribuera efficacement à fortifier la
foi de nombreux catholiques, pour qu'elle mûrisse, devenant une foi assurée,
vive et active.
Pour que la recherche du
Christ présent dans son Église ne soit pas réduite à une pure abstraction, il
est nécessaire de mettre en évidence les lieux et les moments concrets où, à
l'intérieur de l'Église, on peut le rencontrer. À cet égard, la réflexion des
Pères synodaux a suscité une grande richesse de suggestions et d'observations.
Tout d'abord, ils ont
souligné l'importance de « l'Écriture sainte lue à la lumière de la Tradition et
du Magistère, approfondie dans la méditation et l'oraison »
.
Ils ont recommandé d'encourager la connaissance des Évangiles, dans lesquels est
décrite, avec des mots facilement compréhensibles par tous, la manière dont
Jésus a vécu parmi les hommes. Si, en lisant ces textes sacrés, on sait se
mettre dans une attitude d'écoute semblable à celle des foules qui écoutaient
Jésus sur les pentes du Mont des Béatitudes ou sur les rives du lac de Tibériade
tandis qu'il prêchait depuis la barque, on recueille d'une telle lecture
d'authentiques fruits de conversion du cœur.
Un deuxième lieu de
rencontre avec Jésus est la sainte Liturgie
.
Le Concile Vatican II nous a offert une riche exposition de la présence
multiforme du Christ dans la liturgie, dont l'importance doit inciter à en faire
l'objet d'une constante prédication: le Christ est présent dans le célébrant qui
renouvelle sur l'autel le même et unique Sacrifice de la Croix; il est présent
dans les sacrements, par lesquels il exerce sa force efficace. Quand est
proclamée sa parole, c'est Lui-même qui nous parle. Il est encore présent au
sein de la communauté, car il a dit : « Que deux ou trois soient réunis en mon
nom, je suis là au milieu d'eux » (Mt 18, 20). Il est présent « au plus
haut degré sous les espèces eucharistiques »
.
Mon prédécesseur Paul VI a estimé nécessaire d'expliquer la particularité de la
présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. « On la nomme 'réelle', non à
titre exclusif, comme si les autres présences n'étaient pas 'réelles', mais par
antonomase, parce qu'elle est substantielle »
.
Sous les espèces du pain et du vin, « le Christ tout entier est présent en sa
réalité physique, et même corporelle »
.
L'Écriture et
l'Eucharistie, lieux de rencontre avec le Christ, sont évoquées par le récit de
l'apparition du Ressuscité aux disciples d'Emmaüs. Mais le texte de l'Évangile
sur le jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46), où il est dit que nous serons
jugés sur l'amour envers ceux qui sont dans le besoin, dans lesquels le Seigneur
Jésus est mystérieusement présent, ce texte montre que l'on ne peut négliger un
troisième lieu de rencontre avec le Christ : « les personnes, spécialement les
pauvres, auxquelles le Christ s'identifie »
.
À la clôture du Concile Vatican II, le Pape Paul VI rappelait que « dans le
visage de tout homme, surtout si les larmes et les souffrances l'ont rendu plus
transparent, il faut reconnaître le visage du Christ (cf. Mt 25, 40), le
Fils de l'homme »
.
13. Dans les
Évangiles, on relate les rencontres avec le Christ de personnes en situations
très diverses. Parfois il s'agit de situations de péché, qui laissent
transparaître le besoin de conversion et de pardon du Seigneur. En d'autres
circonstances apparaissent des attitudes positives de recherche de la vérité, de
confiance authentique en Jésus, qui favorisent l'établissement d'une relation
d'amitié avec Lui et qui stimulent le désir de l'imiter. On ne saurait oublier
non plus les dons par lesquels le Seigneur prépare quelques-uns à une rencontre
ultérieure. Ainsi Dieu, donnant à Marie d'être « pleine de grâce » (Lc 1,
28) dès le premier instant, la prépara en vue de la réalisation en elle de sa
plus haute rencontre avec la nature humaine: le mystère ineffable de
l'Incarnation.
Parce que les péchés
comme les vertus sociales n'existent pas dans l'abstrait, mais sont le résultat
d'actes personnels
,
il est nécessaire de tenir compte du fait que l'Amérique est aujourd'hui une
réalité complexe, fruit des tendances et des façons d'agir des hommes et des
femmes qui l'habitent. C'est dans cette situation réelle et concrète qu'ils
doivent rencontrer Jésus.
14. Le don le
plus grand que l'Amérique a reçu du Seigneur est la foi, qui a forgé son
identité chrétienne. Il y a déjà plus de cinq cents ans que le nom du Christ a
été annoncé dans le continent. La physionomie religieuse américaine est le fruit
de l'évangélisation qui a accompagné les mouvements migratoires en provenance
d'Europe. Elle est marquée par les valeurs morales chrétiennes qui, même si
elles ne sont pas toujours vécues de façon cohérente et si elles sont parfois
remises en question, peuvent être considérées d'une certaine manière comme le
patrimoine de tous les habitants de l'Amérique, même de ceux qui ne s'y
reconnaissent pas explicitement. Il est clair que l'identité chrétienne de
l'Amérique ne peut être considérée comme synonyme de l'identité catholique. La
présence des autres confessions chrétiennes, plus ou moins forte selon les
diverses parties de l'Amérique, rend particulièrement urgent l'engagement
œcuménique, pour rechercher l'unité entre tous ceux qui croient au Christ
.
15. Les saints
sont l'expression et les fruits les plus élevés de l'identité chrétienne de
l'Amérique. En eux, la rencontre avec le Christ vivant « est si profonde et si
engagée [...] qu'elle devient un feu qui les consume totalement et les pousse à
construire son Règne, à faire en sorte que Lui et la Nouvelle Alliance soient le
sens et l'âme [...] de la vie personnelle et communautaire »
.
L'Amérique a vu fleurir des fruits de sainteté dès les débuts de son
évangélisation. C'est le cas de sainte Rose de Lima (1586-1617), « la première
fleur de sainteté dans le Nouveau Monde », proclamée patronne principale de
l'Amérique en 1670 par le Pape Clément X
.
A partir d'elle, le sanctoral américain s'est amplifié jusqu'à atteindre son
développement actuel
.
Les béatifications et les canonisations par lesquelles de nombreux fils et
filles du continent ont été élevés à l'honneur des autels offrent des modèles
héroïques de vie chrétienne selon la diversité des états de vie et des milieux
sociaux. En les béatifiant ou en les canonisant, l'Église les désigne comme de
puissants intercesseurs unis au Christ, Prêtre suprême et éternel, Médiateur
entre Dieu et les hommes. Les bienheureux et les saints d'Amérique accompagnent
avec une sollicitude fraternelle les hommes et les femmes qui sont leurs
compatriotes, à travers joies et souffrances, jusqu'à la rencontre définitive
avec le Seigneur
.
Pour aider les fidèles à les imiter toujours davantage et à recourir à leur
intercession de manière plus fréquente et plus fructueuse, j'estime très
opportune la proposition des Pères synodaux de préparer « un recueil de brèves
biographies des saints et des bienheureux américains. Cela peut éclairer et
stimuler en Amérique la réponse à la vocation universelle à la sainteté »
.
Parmi ses saints,
« l'histoire de l'évangélisation de l'Amérique reconnaît de nombreux martyrs,
hommes et femmes, évêques et prêtres, religieux et laïcs, qui arrosèrent de leur
sang [...] la terre de [ces] nations. Telle une nuée de témoins (cf. He
12, 1), ces saints nous encouragent à prendre en charge aujourd'hui, sans
crainte et avec ardeur, la nouvelle évangélisation »
.
Il est nécessaire que leurs exemples de dévouement sans limite à la cause de
l'Évangile soient non seulement préservés de l'oubli, mais mieux connus et
diffusés parmi les fidèles du continent. J'écrivais à ce sujet dans Tertio
millennio adveniente : « Il faut que les Églises locales fassent tout leur
possible pour ne pas laisser perdre la mémoire de ceux qui ont subi le martyre,
en rassemblant à cette intention la documentation nécessaire »
.
16.
L'existence d'une intense piété populaire enracinée dans les diverses nations
est une caractéristique particulière de l'Amérique. On la rencontre à tous les
niveaux et dans tous les milieux sociaux; elle revêt une importance spéciale
comme lieu de rencontre avec le Christ pour tous ceux qui cherchent Dieu
sincèrement avec un esprit de pauvreté et un cœur humble (cf. Mt 11, 25).
Les expressions d'une telle piété sont nombreuses : « Les pèlerinages aux
sanctuaires du Christ, de la Sainte Vierge et des Saints, ainsi que la prière
pour les âmes du purgatoire, l'usage des sacramentaux (eau, huile, cierges...).
Ces expressions, et tant d'autres, de la piété populaire donnent aux fidèles
l'occasion de rencontrer le Christ vivant »
.
Les Pères synodaux ont souligné l'urgence de découvrir, dans les manifestations
de la religiosité populaire, les vrais valeurs spirituelles, pour les enrichir
avec les éléments de la doctrine catholique authentique, afin que cette
religiosité puisse conduire à un engagement sincère de conversion et à une
expérience concrète de charité
.
La piété populaire, si elle est convenablement orientée, contribue aussi à
accroître chez les fidèles la conscience de leur appartenance à l'Église, en
alimentant la ferveur et en offrant ainsi une réponse valable aux défis actuels
de la sécularisation
.
Étant donné que, en
Amérique, la piété populaire est l'expression de l'inculturation de la foi
catholique et que beaucoup de ses manifestations ont pris des formes religieuses
autochtones, on ne doit pas sous-évaluer la possibilité d'en tirer aussi, avec
une prudence éclairée, des indications valables pour une plus grande
inculturation de l'Évangile
.
Cela revêt une importance considérable, spécialement parmi les populations
autochtones, pour que « les semences du Verbe » présentes dans leur culture
atteignent leur plénitude dans le Christ
.
La même constatation peut être faite pour les Américains d'origine africaine.
L'Église « reconnaît qu'elle a l'obligation de se rapprocher de ces Américains à
partir de leur culture, considérant sérieusement les richesses spirituelles et
humaines de cette culture qui marque leur façon de célébrer le culte, leur sens
de la joie et de la solidarité, leur langue et leurs traditions »
.
17.
L'immigration en Amérique constitue presque une constante de son histoire, du
début de l'évangélisation jusqu'à aujourd'hui. Au cœur de ce phénomène complexe,
soulignons que, ces derniers temps, diverses régions d'Amérique ont accueilli de
nombreux membres des Églises catholiques orientales qui, pour des motifs variés,
ont abandonné leur terre d'origine. Une première vague migratoire provenait
surtout de l'Ukraine occidentale ; par la suite, elle s'est élargie aux pays du
Moyen-Orient. Il est devenu ainsi pastoralement nécessaire de créer une
hiérarchie catholique orientale pour ces fidèles immigrés et pour leurs
descendants. Les normes émanant du Concile Vatican II, que les Pères synodaux
ont rappelées, reconnaissent que les Églises Orientales « ont le droit et sont
tenues par le devoir de se régir selon leurs propres disciplines
particulières », ayant la mission de rendre témoignage à une très ancienne
tradition doctrinale, liturgique et monastique. D'autre part, ces Églises
doivent conserver leurs propres disciplines, qui « correspondent mieux aux
habitudes de leurs fidèles et semblent plus aptes à assurer le bien des âmes »
.
Si la synergie entre les Églises particulières d'Orient et d'Occident est
nécessaire à la Communauté ecclésiale universelle pour lui permettre de respirer
avec les deux poumons, dans l'espérance de parvenir à le faire pleinement à
travers la parfaite communion entre l'Église catholique et les Églises
orientales séparées
,
on ne peut que se réjouir de la récente implantation en Amérique des Églises
orientales à côté de l'Église latine, présente depuis le commencement, car de
cette façon la catholicité de l'Église du Seigneur peut mieux se manifester
.
18. Parmi les
facteurs qui favorisent l'influence de l'Église sur la formation chrétienne des
Américains, il faut signaler sa très grande présence dans l'éducation,
spécialement dans le monde universitaire. Les nombreuses Universités catholiques
disséminées à travers le continent constituent un trait caractéristique de la
vie ecclésiale en Amérique. De même dans le domaine de l'enseignement primaire
et secondaire, le nombre élevé d'écoles catholiques offre la possibilité d'une
action évangélisatrice d'une portée très ample, pourvu qu'elle soit toujours
accompagnée d'une ferme volonté de donner une éducation vraiment chrétienne.
Un autre domaine
important dans lequel l'Église est présente dans toutes les parties de
l'Amérique est l'assistance caritative et sociale. Les multiples initiatives en
faveur des personnes âgées, des malades et de ceux qui sont dans le besoin,
telles que les hospices, les hôpitaux, les dispensaires, les cantines gratuites
et autres centres sociaux, sont un témoignage tangible de l'amour préférentiel
pour les pauvres que nourrit l'Église en Amérique, animée par l'amour du
Seigneur et consciente que « Jésus s'est identifié à eux (cf. Mt 25,
31-46) »
.
Dans cette tâche qui ne connaît pas de frontières, elle a su développer une
conscience de la solidarité concrète entre les diverses communautés du continent
et du monde entier, manifestant ainsi la fraternité qui doit caractériser les
chrétiens en tout temps et en tout lieu.
Pour qu'il soit
évangélique et évangélisateur, le service des pauvres doit être le reflet fidèle
de l'attitude de Jésus, qui est venu « pour annoncer aux pauvres la Bonne
Nouvelle » (Lc 4, 18). S'il se déroule dans cet esprit, il devient
manifestation de l'amour infini de Dieu pour tous les hommes et moyen éloquent
de transmettre l'espérance du salut que le Christ a apporté au monde, et qui
resplendit de façon particulière quand la Bonne Nouvelle est communiquée à ceux
qui sont abandonnés ou rejetés par la société.
Ce dévouement constant
envers les pauvres et les déshérités se retrouve dans le Magistère social de
l'Église, qui ne se lasse pas d'inviter la communauté chrétienne à s'employer à
ce que soit surmontée toute forme d'exploitation et d'oppression. Il s'agit, en
effet, non seulement de soulager les besoins les plus graves et les plus urgents
par le moyen d'actions individuelles ou sporadiques, mais de faire ressortir les
racines du mal, proposant des interventions qui donnent aux structures sociales,
politiques et économiques une configuration plus juste et plus solidaire.
19. Dans le
domaine civil, mais avec des implications morales immédiates, on doit signaler,
parmi les aspects positifs de l'Amérique d'aujourd'hui, la mise en place
croissante dans tout le continent de systèmes politiques démocratiques et la
réduction progressive des régimes dictatoriaux. L'Église considère avec
sympathie cette évolution, dans la mesure où cela favorise un respect toujours
plus évident des droits de chacun, y compris ceux de l'accusé et du coupable, à
l'égard desquels il n'est pas légitime de recourir à des méthodes de détention
et d'investigation — que l'on pense ici particulièrement à la torture —
préjudiciables à la dignité humaine. « L'État de droit est, en effet, la
condition nécessaire pour établir une vraie démocratie »
.
En outre, l'existence
d'un État de droit implique chez les citoyens, et plus encore dans la classe
dirigeante, la conviction que la liberté ne peut être séparée de la vérité
.
En effet, « les graves problèmes qui menacent la dignité de la personne humaine,
la famille, le mariage, l'éducation, l'économie et les conditions de travail, la
qualité de la vie et la vie elle-même, soulèvent la question du droit »
.
Les Pères synodaux ont souligné avec raison que « les droits fondamentaux de la
personne humaine sont inscrits dans la nature elle-même, qu'ils sont voulus par
Dieu et que par conséquent ils demandent à être universellement acceptés et
observés. Aucune autorité humaine ne peut les transgresser en faisant appel à la
majorité ou au consensus politique, sous prétexte que de cette manière le
pluralisme et la démocratie sont respectés. C'est pourquoi l'Église doit
s'engager à former et à accompagner les laïcs qui ont une fonction dans le
domaine législatif, dans le gouvernement et dans l'administration de la justice,
afin que les lois expriment toujours des principes et des valeurs morales qui
soient conformes à une saine anthropologie et qui tiennent compte du bien
commun »
.
20. La
tendance à la mondialisation, caractéristique du monde contemporain, est un
phénomène qui, tout en n'étant pas exclusivement américain, est plus perceptible
et a de plus grandes répercussions en Amérique. Il s'agit d'un processus qui
s'impose en raison du fait qu'il y a une plus grande communication entre les
diverses parties du monde, ce qui abolit pratiquement les distances, avec des
effets évidents dans des domaines très différents.
Les conséquences sur le
plan éthique peuvent être positives ou négatives. On assiste en réalité à une
mondialisation économique qui s'accompagne de certaines conséquences positives
comme le phénomène de l'efficacité et de l'accroissement de la productivité, et
qui, avec le développement des relations entre les divers pays dans le domaine
économique, peut renforcer le processus d'unité entre les peuples et améliorer
le service rendu à la famille humaine. Si cependant la mondialisation est régie
par les seules lois du marché appliquées selon l'intérêt des puissants, les
conséquences ne peuvent être que négatives. Tels sont, par exemple,
l'attribution d'une valeur absolue à l'économie, le chômage, la diminution et la
détérioration de certains services publics, la destruction de l'environnement et
de la nature, l'augmentation des différences entre les riches et les pauvres, la
concurrence injuste qui place les nations pauvres dans une situation
d'infériorité toujours plus marquée
.
Bien que l'Église estime les valeurs positives que comporte la mondialisation,
elle en considère avec inquiétude les aspects négatifs.
Et que dire de la
mondialisation culturelle produite par la puissance des moyens de communication
sociale? Ces derniers imposent partout de nouvelles échelles de valeur, souvent
arbitraires et au fond matérialistes, face auxquelles il est difficile de
maintenir une solide adhésion aux valeurs de l'Évangile.
21.
L'urbanisation est également un phénomène en croissance en Amérique. Depuis
quelques lustres déjà, le continent est en train de vivre un exode constant des
campagnes vers la ville. Il s'agit d'un phénomène complexe, déjà décrit par mon
prédécesseur Paul VI
.
Les causes en sont diverses, mais parmi elles ressortent principalement la
pauvreté et le sous-développement des zones rurales, où manquent bien souvent
les services, les communications, les structures éducatives et sanitaires. En
outre, la ville, avec la réputation de divertissement et de bien-être que lui
attribue souvent la présentation qu'en font les moyens de communication sociale,
exerce une attraction spéciale sur les gens simples du monde rural.
Le manque fréquent de
planification dans ce processus est source de nombreux maux. Comme l'ont signalé
les Pères synodaux, « dans certains cas, telles ou telles zones urbaines sont
comme des îlots dans lesquels s'accumulent la violence, la délinquance juvénile
et l'atmosphère de désespoir »
.
Il faut ajouter que le phénomène de l'urbanisation représente de grands défis
pour l'action pastorale de l'Église, qui doit faire face au déracinement
culturel, à la perte des coutumes familiales, au détachement des traditions
religieuses particulières, avec fréquemment pour conséquence le naufrage de la
foi, privée de ces manifestations qui contribuaient à la soutenir.
Évangéliser la culture
urbaine constitue un défi formidable pour l'Église, qui, de même qu'elle a su
pendant des siècles évangéliser la culture rurale, de même aujourd'hui est
appelée à accomplir une évangélisation urbaine méthodique et capillaire par la
catéchèse, la liturgie et la manière même d'organiser ses structures pastorales
.
22. Les Pères
synodaux ont manifesté leur préoccupation pour la dette extérieure qui afflige
de nombreuses nations américaines, exprimant leur solidarité avec elles. Ils
attirent avec force l'attention de l'opinion publique sur la complexité de la
question, reconnaissant que « la dette est souvent le fruit de la corruption et
de la mauvaise administration »
.
Dans l'esprit de la réflexion synodale, cette reconnaissance ne prétend pas
concentrer sur un seul pôle les responsabilités d'un phénomène extrêmement
complexe dans son origine et dans ses solutions
.
En effet, parmi les
causes qui ont contribué à la formation d'une dette extérieure écrasante, il
faut signaler non seulement les intérêts élevés, fruit de politiques financières
spéculatives, mais aussi l'irresponsabilité de certains gouvernants qui, en
contractant une dette, n'ont pas réfléchi suffisamment aux possibilités réelles
de l'éteindre, avec comme circonstance aggravante que des sommes considérables
obtenues grâce aux prêts internationaux vont parfois enrichir des individus, au
lieu de servir à soutenir les changements nécessaires au développement du pays.
D'autre part, il serait injuste de faire peser les conséquences de ces décisions
irresponsables sur ceux qui ne les ont pas prises. La gravité de la situation
est encore plus compréhensible si l'on tient compte du fait que « déjà le seul
paiement des intérêts constitue pour l'économie des pays pauvres un poids qui
enlève aux autorités la disponibilité de l'argent nécessaire pour le
développement social, l'éducation, la santé et l'institution d'un fonds pour
créer du travail »
.
23. La
corruption, souvent présente parmi les causes de la dette publique oppressante,
est un problème grave qui doit être considéré avec attention. La corruption,
« sans respecter les frontières, concerne des personnes, des structures
publiques et privées de pouvoir et les classes dirigeantes ». Il s'agit d'une
situation qui « favorise l'impunité et l'accumulation illicite de richesses, le
manque de confiance envers les institutions politiques, surtout dans
l'administration de la justice et dans les investissements publics, qui ne sont
pas toujours transparents, ni égaux pour tous ni efficaces »
.
À ce sujet, je désire
rappeler ce que j'ai écrit dans le Message pour la Journée mondiale de la
Paix de 1998 : la plaie de la corruption doit être dénoncée et combattue
avec force par ceux qui détiennent l'autorité et avec « le soutien généreux de
tous les citoyens, animés par une forte conscience morale »
.
Les organismes appropriés de contrôle et la transparence des transactions
économiques et financières préviennent aussi et évitent dans de nombreux cas
l'extension de la corruption, dont les conséquences néfastes retombent
principalement sur les plus pauvres et les plus délaissés. Ce sont encore les
pauvres qui souffrent les premiers des retards, de l'inefficacité, de l'absence
d'une défense appropriée et des carences structurelles, quand l'administration
de la justice est corrompue.
24. Le
commerce des stupéfiants, avec la consommation qui s'ensuit, constitue une
sérieuse menace pour les structures sociales des pays d'Amérique. Il « contribue
aux crimes et à la violence, à la désagrégation de la vie familiale, à la
destruction physique et affective de nombreux individus et communautés, surtout
parmi les jeunes. Il altère en outre la dimension éthique du travail et
contribue à augmenter le nombre de personnes dans les prisons, en un mot, à la
dégradation de la personne créée à l'image de Dieu »
.
De plus, un commerce aussi néfaste conduit à « détruire les gouvernements, en
minant la sécurité économique et la stabilité des nations »
.
Nous sommes ici en présence de l'un des défis les plus urgents avec lesquels
doivent se mesurer de nombreux pays dans le monde: c'est en effet un défi qui
remet en question une grande partie des avantages obtenus ces derniers temps
pour le progrès de l'humanité. Pour plusieurs pays d'Amérique, la production, le
trafic et la consommation de drogues constituent des facteurs compromettants
pour leur prestige international, car ils réduisent leur crédibilité et rendent
plus difficile la collaboration souhaitable avec d'autres pays, qui est si
nécessaire de nos jours pour le développement harmonieux de chaque peuple.
25. « Et Dieu
vit que cela était bon » (Gn 1, 25). Ces paroles, que nous lisons dans le
premier chapitre du livre de la Genèse, indiquent le sens de l'œuvre que Dieu a
réalisée. Le Créateur confie à l'homme, couronnement de tout le processus de la
création, la garde de la terre (cf. Gn 2, 15). De là découlent pour toute
personne des obligations concrètes en ce qui concerne l'écologie. Pour les
accomplir, il faut s'ouvrir à une perspective spirituelle et éthique qui
triomphe des attitudes et « des styles de vie égoïstes conduisant à l'épuisement
des ressources naturelles »
.
Dans ce domaine,
aujourd'hui si actuel, l'intervention des croyants est plus importante que
jamais. La collaboration de tous les hommes de bonne volonté avec les instances
législatives et gouvernementales est nécessaire pour arriver à une protection
efficace de l'environnement, considéré comme un don de Dieu. Il y a encore tant
d'abus et de dommages écologiques dans de nombreuses régions américaines! Il
suffit de penser à l'émission incontrôlée de gaz nocifs ou au phénomène
dramatique des incendies de forêt, que provoquent parfois intentionnellement des
personnes poussées par des intérêts égoïstes. Ces dévastations peuvent conduire
à une réelle désertification dans beaucoup de zones de l'Amérique avec ses
inévitables conséquences de famine et de misère. Le problème se pose, avec une
intensité spéciale, dans la forêt amazonienne, territoire immense qui concerne
divers pays, du Brésil au Guyana, au Suriname, au Venezuela, à la Colombie, à
l'Équateur, au Pérou et à la Bolivie
.
C'est l'un des espaces naturels les plus appréciés dans le monde pour sa
diversité biologique, ce qui le rend vital pour l'équilibre environnemental de
toute la planète.
26. « Les
temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche: convertissez-vous et
croyez à l'Évangile » (Mc 1, 15). Ces paroles, par lesquelles Jésus
commence son ministère en Galilée, résonnent continuellement aux oreilles des
Évêques, des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des fidèles laïcs
de toute l'Amérique. La récente célébration du cinquième centenaire du début de
l'évangélisation de l'Amérique, la commémoration de la naissance de Jésus il y a
deux mille ans et le grand Jubilé que nous nous préparons précisément à célébrer
constituent autant d'appels à approfondir notre vocation chrétienne.
L'importance de l'événement de l'Incarnation et la gratitude pour le don de la
première annonce de l'Évangile en Amérique invitent à répondre promptement au
Christ par une conversion personnelle plus convaincue et, en même temps, elles
poussent à une fidélité évangélique toujours plus généreuse. L'exhortation du
Christ à se convertir trouve un écho dans celle de l'Apôtre : « L'heure est
venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant
qu'à l'époque où nous sommes devenus croyants » (Rm 13, 11). La rencontre
avec Jésus vivant incite à la conversion.
Dans le Nouveau
Testament, pour parler de conversion, on utilise le mot metanoia, qui
signifie changement de mentalité. Il ne s'agit pas seulement d'une autre façon
de penser sur le plan intellectuel, mais de la révision de ses propres
convictions pratiques, à la lumière des critères évangéliques. Saint Paul parle
à ce sujet, de « foi opérant par la charité » (Ga 5, 6). Pour cela,
l'authentique conversion doit être préparée et entretenue par la lecture priante
de l'Écriture Sainte et la pratique des sacrements de la Réconciliation et de
l'Eucharistie. La conversion conduit à la communion fraternelle, car elle fait
comprendre que le Christ est le chef de l'Église, son corps mystique ; elle
incite à la solidarité, car elle fait prendre conscience que ce que nous faisons
aux autres, spécialement aux plus nécessiteux, est adressé au Christ. Elle
favorise donc une vie nouvelle, dans laquelle il n'y a plus de séparation entre
la foi et les œuvres dans la réponse quotidienne à l'appel universel à la
sainteté. Il est indispensable de dépasser la fracture entre la foi et la vie
pour pouvoir effectivement parler de conversion. En effet, en présence d'une
telle séparation, le christianisme reste seulement un mot. Pour être un
authentique disciple du Seigneur, le croyant doit être témoin de sa foi : « Le
témoin rend son témoignage non seulement par la parole, mais aussi par sa propre
vie »
.
Nous devons nous rappeler les paroles de Jésus : « Ce n'est pas en me disant :
“Seigneur, Seigneur”, qu'on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c'est en
faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7, 21).
L'ouverture à la volonté du Père suppose une totale disponibilité, qui n'exclut
même pas le don de la vie : « Le plus grand témoignage est le martyre »
.
27. Cependant,
la conversion n'est pas complète s'il l'on ne prend pas conscience des exigences
de la vie chrétienne et si l'on ne s'efforce pas de les réaliser. À ce propos,
les Pères synodaux ont relevé que, malheureusement, « il existe de grandes
carences d'ordre personnel et communautaire qui concernent aussi bien une
conversion plus profonde que les relations entre les milieux, les institutions
et les groupes dans l'Église »
.
« Celui qui n'aime pas son frère, qu'il voit, est incapable d'aimer Dieu, qu'il
ne voit pas » (1 Jn 4, 20).
La charité fraternelle
exige une attention à toutes les nécessités du prochain. « Celui qui a de quoi
vivre en ce monde, s'il voit son frère dans le besoin sans se laisser attendrir,
comment l'amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ? » (1 Jn 3, 17).
C'est pourquoi, pour le peuple chrétien qui vit en Amérique, se convertir à
l'Évangile signifie reconsidérer « tous les milieux et les aspects de sa vie,
spécialement tout ce qui concerne l'ordre social et la réalisation du bien
commun »
.
De façon spéciale, il faudra « faire prendre à la société une conscience
toujours plus forte de la dignité de toute personne et, par conséquent, rendre
la communauté plus sensible à son devoir de participer à l'action politique
selon l'Évangile »
.
Il est clair, en effet, que l'activité dans le domaine politique fait aussi
partie de la vocation et de l'action des fidèles laïcs
.
À ce sujet, cependant,
il est très important, surtout dans une société pluraliste, d'avoir une juste
vision des rapports entre la communauté politique et l'Église, et de faire une
claire distinction entre les actions que les fidèles, individuellement ou en
groupe, accomplissent en leur nom propre, comme citoyens, guidés par leur
conscience chrétienne, et les actions qu'ils accomplissent au nom de l'Église en
communion avec leurs Pasteurs. L'Église qui, en raison de sa charge et de sa
compétence, ne se confond en aucune manière avec la communauté politique et
n'est liée à aucun système politique, est en même temps le signe et la garantie
du caractère transcendant de la personne humaine
.
28. Ici-bas,
la conversion est un but jamais pleinement atteint : sur le chemin que le
disciple est appelé à parcourir à la suite de Jésus, c'est un engagement qui
concerne toute la vie. D'autre part, durant notre existence terrestre, notre
volonté de conversion est toujours affaiblie par les tentations. Comme « nul ne
peut servir deux maîtres » (Mt 6, 24), le changement de mentalité (metanoia)
consiste dans l'effort pour assimiler les valeurs évangéliques, qui sont en
opposition avec les tendances dominantes du monde. Il est donc nécessaire de
renouveler constamment « la rencontre avec Jésus Christ vivant », démarche qui,
comme l'ont mis en lumière les Pères synodaux, « nous conduit à la conversion
permanente ».
L'appel universel à la
conversion revêt des nuances particulières pour l'Église qui est en Amérique,
engagée elle aussi dans le renouveau de sa foi. Les Pères synodaux ont ainsi
formulé cet engagement concret et exigeant : « Cette conversion exige
spécialement de nous Évêques une identification authentique avec le style
personnel de Jésus Christ, qui nous conduit à la simplicité, à la pauvreté, à la
proximité avec le prochain, au renoncement aux privilèges, afin que, comme Lui,
sans mettre notre confiance dans des moyens humains, nous tirions de la force de
l'Esprit et de la Parole toute l'efficacité de l'Évangile, demeurant ouverts
avant tout à ceux qui sont les plus éloignés et les plus exclus »
.
Pour être des pasteurs selon le cœur de Dieu (cf. Jr 3, 15), il est
indispensable d'adopter un genre de vie qui identifie à Celui qui a dit de
lui-même : « Je suis le bon pasteur » (Jn 10, 11), genre de vie que saint
Paul met en lumière quand il écrit : « Montrez-vous mes imitateurs, comme je le
suis moi-même du Christ » (1 Co 11, 1).
29. La
proposition d'un nouveau style de vie ne concerne pas seulement les Pasteurs,
mais aussi tous les chrétiens qui vivent en Amérique. Il leur est demandé
d'approfondir et de faire leur la spiritualité chrétienne authentique. « En
effet, par le terme spiritualité, on entend un style ou une forme de vie selon
les exigences chrétiennes. La spiritualité est “vie en Christ” et “dans
l'Esprit”, qui est accueillie dans la foi, qui s'exprime dans l'amour et qui,
animée d'espérance, se traduit dans le quotidien de la communauté ecclésiale »
.
En ce sens, par spiritualité, qui est le but auquel conduit la conversion, on
comprend non pas « une part de la vie, mais la vie tout entière guidée par
l'Esprit Saint »
.
Parmi les éléments de spiritualité que tout chrétien doit faire sien, se
distingue la prière. Celle-ci le « conduira peu à peu à acquérir un regard
contemplatif sur la réalité, qui lui permettra de reconnaître Dieu à tout moment
et en toute chose ; de le contempler en toute personne; de chercher sa volonté
dans les événements »
.
La prière, aussi bien
personnelle que liturgique, est un devoir pour tout chrétien. « Jésus Christ,
Évangile du Père, nous avertit que sans lui nous ne pouvons rien faire (cf.
Jn 15, 5). Lui-même, dans les moments décisifs de sa vie, avant d'agir, se
retirait dans un lieu solitaire pour s'adonner à la prière et à la
contemplation, et il demandait aux Apôtres d'en faire autant »
.
À ses disciples, sans exception, il rappelle : « Retire-toi dans ta chambre,
ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret » (Mt
6, 6). Cette intense vie de prière doit être adaptée aux capacités et aux
conditions de tout chrétien, de manière que chacun puisse, dans les diverses
situations de la vie, puiser « à la source de sa rencontre avec le Christ pour
s'abreuver d'un seul Esprit (cf. 1 Co 12, 13) »
.
En ce sens, la dimension contemplative n'est pas un privilège réservé à un petit
nombre ; au contraire dans les paroisses, dans les communautés et à l'intérieur
des mouvements, il faut promouvoir une spiritualité ouverte et orientée vers la
contemplation des vérités fondamentales de la foi : les mystères de la Trinité,
de l'Incarnation du Verbe, de la Rédemption des hommes, et les autres merveilles
de Dieu
.
Les hommes et les femmes
consacrés exclusivement à la contemplation exercent une mission fondamentale
dans l'Église qui est en Amérique. Ils sont, selon l'expression du Concile
Vatican II, « l'honneur de l'Église et une source d'où s'épanchent les grâces
célestes »
.
C'est pourquoi il faut que les monastères disséminés dans toutes les parties du
continent soient « l'objet d'un amour spécial de la part des Pasteurs, qui
doivent être pleinement convaincus que les âmes vouées à la vie contemplative
obtiennent une abondance de grâces, par la prière, la pénitence et la
contemplation auxquelles elles consacrent leur vie. Les contemplatifs doivent
être conscients qu'ils sont intégrés à la mission de l'Église dans le temps
présent et que, par le témoignage de leur vie, ils coopèrent au bien spirituel
des fidèles, les aidant à chercher le visage de Dieu dans l'existence
quotidienne »
.
La spiritualité
chrétienne est nourrie avant tout par une vie sacramentelle assidue, les
sacrements étant des racines et des sources inépuisables de la grâce de Dieu
nécessaire pour soutenir le croyant dans son pèlerinage terrestre. Cette vie
sacramentelle, qu'il est nécessaire de développer toujours plus dans la vie de
l'Église en Amérique, doit être complétée par les valeurs de la piété populaire,
qui, à leur tour seront enrichies par la pratique sacramentelle et affranchies
du danger de dégénérer en routine. De plus il faut noter que cette spiritualité
ne s'oppose pas à la dimension sociale de l'engagement chrétien. Au contraire,
par sa démarche de prière, le croyant prend davantage conscience des exigences
de l'Évangile et de ses propres devoirs à l'égard de ses frères, recevant la
force de la grâce indispensable pour persévérer dans le bien. Pour mûrir
spirituellement, le chrétien aura avantage à recourir aux conseils des ministres
sacrés ou d'autres personnes expertes en ce domaine, par la direction
spirituelle, pratique traditionnelle courante dans l'Église. Les Pères synodaux
ont estimé nécessaire de recommander aux prêtres ce ministère si important
.
30. « Soyez
saints, car moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint » (Lv 19, 2).
L'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques a voulu rappeler avec
vigueur à tous les chrétiens l'importance de la doctrine de la vocation
universelle à la sainteté dans l'Église
.
Il s'agit de l'un des points centraux de la Constitution dogmatique sur l'Église
du Concile Vatican II
.
La sainteté est le but du chemin de conversion, parce qu'elle « n'est pas en
elle-même sa propre fin, mais plutôt un itinéraire vers Dieu, qui est saint.
Être saint, c'est imiter Dieu et glorifier son nom dans les œuvres que nous
réalisons dans notre vie (cf. Mt 5, 16) »
.
Sur le chemin de la sainteté, Jésus Christ est le point de référence et le
modèle à imiter: il est « le Saint de Dieu et il fut reconnu comme tel (cf.
Mc 1, 24). C'est lui-même qui nous enseigne que le cœur de la sainteté est
l'amour, qui conduit aussi à donner sa vie pour les autres (cf. Jn 15,
13). C'est pourquoi imiter la sainteté de Dieu, telle qu'elle s'est manifestée
en Jésus Christ, son Fils, n'est autre que prolonger son amour dans l'histoire,
spécialement à l'égard des pauvres, des malades, des indigents (cf. Lc
10, 25 ss.) »
.
31. « Je suis
le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Par ces paroles, Jésus se
présente comme l'unique chemin qui conduit à la sainteté. Mais la connaissance
concrète de cet itinéraire provient principalement de la Parole de Dieu que
l'Église proclame dans sa prédication. C'est pourquoi l'Église en Amérique
« doit inciter tous les fidèles à donner une réelle priorité à la réflexion
priante sur l'Écriture Sainte »
.
Cette lecture de la Bible, accompagnée de la prière, est connue dans la
tradition de l'Église sous le nom de Lectio divina, pratique à encourager
chez tous les chrétiens. Pour les prêtres, la Lectio divina doit être un
élément fondamental dans la préparation de leurs homélies, spécialement de
celles du dimanche
.
32. La
conversion (metanoia), à laquelle tout être humain est appelé, conduit à
accepter et à faire sien le nouvel état d'esprit proposé par l'Évangile. Cela
demande l'abandon du mode de penser et d'agir du monde qui, si souvent,
conditionne lourdement l'existence. Comme le rappelle l'Écriture Sainte, il est
nécessaire que meure l'homme ancien et que naisse l'homme nouveau, c'est-à-dire
que tout l'être humain, « pour accéder à la connaissance, ne cesse d'être
renouvelé à l'image de son Créateur » (Col 3, 10). Sur ce chemin de
conversion et de recherche de la sainteté « il faut recommander les moyens
ascétiques que la pratique de l'Église a toujours connus et dont le sommet est
le sacrement de la Réconciliation, reçu et célébré avec les dispositions
voulues »
.
Seul celui qui est réconcilié avec Dieu est un acteur d'authentique
réconciliation avec ses frères et de ses frères entre eux.
La crise actuelle du
sacrement de la Réconciliation, dont l'Église qui est en Amérique n'est pas
exempte et au sujet de laquelle j'ai exprimé ma préoccupation dès le début de
mon pontificat
,
pourra être surmontée grâce notamment à une action pastorale soutenue et
patiente. À ce sujet, les Pères synodaux demandent à juste titre « que les
prêtres consacrent le temps voulu à la célébration du sacrement de la
Réconciliation, et qu'ils invitent avec insistance et avec force les fidèles à
le recevoir, sans pour autant que les Pasteurs eux-mêmes omettent de se
confesser fréquemment »
.
Les Évêques et les prêtres font l'expérience personnelle de la mystérieuse
rencontre avec le Christ qui pardonne dans le sacrement de la Réconciliation et
ils sont des témoins privilégiés de son amour miséricordieux.
L'Église catholique, qui
rassemble des hommes et des femmes « de toute nation, race, peuple et langue » (Ap
7, 9), est appelée à être, « dans un monde marqué par des divisions
idéologiques, ethniques, économiques et culturelles », le « signe vivant de
l'unité de la famille humaine »
.
L'Amérique, dans la réalité complexe des pays et la diversité des groupes
ethniques, aussi bien que dans les traits caractéristiques de l'ensemble du
continent, présente beaucoup de différences qui ne doivent pas être ignorées et
auxquelles il faut prêter attention. Grâce à un travail efficace pour unir entre
eux les membres du peuple de Dieu à l'intérieur de chaque pays, et les membres
des Églises particulières des diverses nations, les différences d'aujourd'hui
pourront être source d'enrichissement mutuel. Comme l'affirment fort justement
les Pères synodaux, « il est très important que l'Église dans toute l'Amérique
soit un signe vivant d'une communion réconciliée, un appel permanent à la
solidarité, un témoignage toujours présent dans nos divers systèmes politiques,
économiques et sociaux »
.
C'est là une contribution significative que les croyants peuvent offrir à
l'unité du continent américain.
33. « Face à
un monde divisé et en recherche d'unité, il est nécessaire de proclamer avec
joie et d'une foi ferme que Dieu est communion, Père, Fils et Esprit Saint,
unité dans la distinction, et qu'il appelle tous les hommes à participer à la
même communion trinitaire. Il faut proclamer que cette communion est le dessein
magnifique de Dieu [Père] ; que Jésus Christ, qui s'est fait homme, est le
centre de cette même communion, et que l'Esprit Saint agit constamment pour
créer la communion et la restaurer quand elle est rompue. Il est nécessaire de
proclamer que l'Église est signe et instrument de la communion voulue par Dieu,
commencée dans le temps et destinée à la perfection dans la plénitude du
Royaume »
.
L'Église est signe de communion parce que ses membres, comme des rameaux,
participent de la vie même du Christ, la vraie vigne (cf. Jn 15, 5). En
effet, par la communion avec le Christ, Tête du Corps mystique, nous entrons en
communion vivante avec tous les croyants.
Cette communion, qui
existe dans l'Église et est essentielle à sa nature
,
doit se manifester par des signes concrets, « comme pourraient l'être la prière
en commun les uns pour les autres, l'impulsion donnée aux relations entre les
Conférences épiscopales, les liens d'évêque à évêque, les relations de
fraternité entre les diocèses et les paroisses, et la communication réciproque
entre les agents pastoraux pour des activités missionnaires spécifiques »
.
Elle exige que le dépôt de la foi soit conservé dans toute sa pureté et son
intégrité, ainsi que l'unité de tout le Collège des Évêques sous l'autorité du
Successeur de Pierre. Dans ce contexte, les Pères synodaux ont noté que « le
renforcement du ministère pétrinien est fondamental pour la préservation de
l'unité de l'Église », et que « le plein exercice de la primauté de Pierre est
fondamental pour l'identité et la vitalité de l'Église en Amérique »
.
Sur l'ordre du Seigneur, il appartient à Pierre et à ses successeurs de
confirmer leurs frères dans la foi (cf. Lc 22, 32) et de paître tout le
troupeau du Christ (cf. Jn 21, 15-17). De cette manière aussi, le
Successeur du prince des Apôtres est appelé à être la pierre sur laquelle
l'Église est édifiée, et à exercer le ministère provenant du fait qu'il est le
dépositaire des clefs du Royaume (cf. Mt 16, 18-19). Le Vicaire du Christ
est en effet « le principe durable et le fondement visible de [l']unité » de
l'Église
.
34. La
communion de vie dans l'Église s'obtient par les sacrements de l'initiation
chrétienne: Baptême, Confirmation et Eucharistie. Le Baptême est « la porte de
la vie spirituelle; par lui, nous devenons membres du Christ et de son Corps,
l'Église »
.
En recevant la Confirmation, les baptisés « sont plus parfaitement liés à
l'Église, sont dotés d'une force spéciale de l'Esprit Saint, et sont ainsi plus
strictement tenus, en tant que vrais témoins du Christ, de répandre et de
défendre la foi par la parole et par l'action »
.
L'itinéraire de l'initiation chrétienne atteint sa perfection et son point
culminant par l'Eucharistie, par laquelle le baptisé est inséré pleinement dans
le Corps du Christ
.
« Ces sacrements sont
une excellente occasion de bonne évangélisation et de bonne catéchèse, quand
leur préparation est confiée à des agents ayant foi et compétence »
.
Dans les différents diocèses de l'Amérique, il y a eu, certes, un progrès
indéniable dans la préparation aux sacrements de l'initiation chrétienne;
toutefois, les Pères synodaux ont regretté que soient « nombreux ceux qui les
reçoivent sans formation suffisante »
.
En ce qui concerne le Baptême des enfants, on ne manquera pas de faire un effort
de catéchèse pour les parents et les parrains.
35. La réalité
de l'Eucharistie n'est pas tout entière contenue dans le fait d'être le
sacrement où culmine l'initiation chrétienne. Tandis que le Baptême et la
Confirmation ont pour fonction d'initier et d'introduire à la vie propre de
l'Église, et qu'ils ne peuvent être réitérés
,
l'Eucharistie constitue le centre vivant permanent autour duquel se réunit toute
la communauté ecclésiale
.
Les divers aspects de ce sacrement montrent son inépuisable richesse : il est à
la fois sacrement-sacrifice, sacrement-communion, sacrement-présence
.
L'Eucharistie est le
lieu privilégié de la rencontre avec le Christ vivant. C'est pourquoi les
Pasteurs du peuple de Dieu en Amérique doivent, par la prédication et la
catéchèse, s'efforcer de « donner une force nouvelle à la célébration
eucharistique du dimanche, en tant que source et point culminant de la vie de
l'Église, garant de la communion dans le Corps du Christ et invitation à la
solidarité, expression du commandement du Seigneur : “Comme je vous ai aimés,
aimez-vous les uns les autres” (Jn 13, 34) »
.
Ainsi que le suggèrent les Pères synodaux, cet effort doit tenir compte de
différentes dimensions fondamentales. Tout d'abord, il est nécessaire de
réveiller chez les fidèles la conscience que l'Eucharistie est un don immense:
cela les conduira à faire tout leur possible pour y participer d'une manière
active et digne au moins le dimanche et les jours de fête. En même temps, on
doit encourager « les efforts des prêtres pour faciliter cette participation et
la rendre possible aux communautés les plus éloignées »
.
Il faut rappeler aux fidèles que « la participation pleine, consciente et
active, tout en étant essentiellement distincte de la fonction du prêtre
ordonné, est une mise en œuvre du sacerdoce commun reçu lors du Baptême »
.
La nécessité pour les
fidèles de participer à l'Eucharistie et les difficultés liées à la raréfaction
des prêtres mettent en lumière l'urgence de promouvoir les vocations
sacerdotales
.
Il convient aussi de rappeler à toute l'Église en Amérique « le lien qui existe
entre l'Eucharistie et la charité »
,
lien que l'Église primitive exprimait en joignant l'agapè à la Cène
eucharistique
.
La participation à l'Eucharistie doit conduire à une action caritative plus
intense, comme fruit de la grâce reçue dans ce sacrement.
36. Parce
qu'elle est signe de vie, la communion dans l'Église doit croître
continuellement. En conséquence, les Évêques, se rappelant qu'ils sont, « chacun
pour sa part, le principe et le fondement visibles de l'unité dans leurs Églises
particulières »
,
ne peuvent pas ne pas se sentir engagés à promouvoir la communion dans leurs
propres diocèses, afin que soit plus efficace l'effort de nouvelle
évangélisation en Amérique. L'élan communautaire est favorisé par les organismes
que le Concile Vatican II a prévus pour soutenir l'activité de l'Évêque
diocésain et que la législation post-conciliaire a définis de façon plus
détaillée
.
« Il appartient à l'Évêque, avec la coopération des prêtres, des diacres, des
personnes consacrées et des laïcs [...], de réaliser un plan d'action pastorale
coordonnée, un plan organique auquel tous participent, qui atteigne tous les
membres de l'Église et éveille leur conscience missionnaire »
.
Aucun Ordinaire ne
manquera de promouvoir chez les prêtres et les fidèles la conscience que le
diocèse est l'expression visible de la communion ecclésiale qui se forme à la
table de la Parole et de l'Eucharistie autour de l'Évêque uni au Collège
épiscopal, sous son Chef, le Pontife romain. En tant qu'Église particulière, il
a pour fonction d'engager et d'intensifier la rencontre de tous les membres du
peuple de Dieu avec Jésus Christ
,)
dans le respect et dans la promotion de la pluralité et de la diversité, qui ne
sont pas un obstacle pour l'unité mais lui confèrent son caractère de communion
.
L'esprit de participation et de coresponsabilité dans la vie des organismes
diocésains sera évidemment favorisé par une connaissance plus approfondie de la
nature de l'Église particulière
.
37.
L'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques, la première de
l'histoire à avoir réuni des Évêques de tout le continent, a été perçue par tous
comme une grâce spéciale du Seigneur à l'Église qui poursuit sa marche en
Amérique. Elle a renforcé la communion qui doit exister entre les communautés
ecclésiales du continent, faisant sentir à tous l'urgence de la faire croître
encore. Les expériences de communion épiscopale, fréquentes surtout après le
Concile Vatican II pour affermir et répandre les Conférences épiscopales,
doivent être entendues comme des rencontres avec le Christ vivant, présent dans
les frères réunis en son nom (cf. Mt 18, 20).
L'expérience synodale a
montré aussi les richesses d'une communion qui s'étend au-delà du cadre de la
Conférence épiscopale. Bien qu'il existe déjà des formes de dialogue qui
dépassent ces frontières, les Pères synodaux ont souligné l'opportunité
d'intensifier les réunions inter-américaines, déjà promues par les Conférences
épiscopales des diverses nations américaines, comme expression de solidarité
effective et comme lieu de rencontre et d'étude des défis communs qui se posent
à l'évangélisation en Amérique
.
Il conviendra également de déterminer avec exactitude le caractère de ces
rencontres, de manière qu'elles soient toujours davantage une expression de
communion entre tous les Pasteurs. Outre ces réunions plus larges, il peut être
utile, quand les circonstances le demandent, de créer des commissions
spécifiques pour approfondir les thèmes communs qui concernent toute l'Amérique.
Parmi les secteurs où il semble particulièrement nécessaire « de donner une
impulsion à la coopération, il y a les communications pastorales réciproques, la
coopération missionnaire, l'éducation, les migrations, l'œcuménisme »
.
Les Évêques, qui ont le
devoir de promouvoir la communion entre leurs Églises particulières, ne
manqueront pas d'inciter les fidèles à en vivre de manière croissante la
dimension communautaire, en assumant « la responsabilité de développer les liens
de communion avec les Églises locales dans d'autres parties de l'Amérique par
l'éducation, la communication réciproque, l'union fraternelle entre paroisses et
diocèses, des projets de coopération et de prévention commune sur des sujets de
grande importance, surtout ceux qui concernent les pauvres »
.
38. Le récent
phénomène de l'implantation en Amérique et du développement d'Églises
particulières catholiques orientales, dotées de hiérarchie propre, a fait
l'objet d'une attention spéciale de la part de certains Pères synodaux. Un désir
sincère d'accueillir cordialement et efficacement ces frères dans la foi et dans
la communion hiérarchique sous le Successeur de Pierre a conduit l'Assemblée
synodale à proposer des initiatives concrètes d'aide fraternelle de la part des
Églises latines particulières à l'égard des Églises catholiques orientales
présentes dans le continent. Ainsi, par exemple, on a avancé l'hypothèse que des
prêtres de rite latin, surtout s'ils sont d'origine orientale, puissent apporter
leur coopération en matière de liturgie aux communautés orientales dépourvues
d'un nombre suffisant de prêtres. Il en est de même pour les édifices sacrés :
dans les cas où cela apparaîtra opportun, les fidèles orientaux pourront
utiliser les églises de rite latin.
Dans cet esprit de
communion, diverses propositions des Pères synodaux méritent d'être prises en
considération : que, là où c'est nécessaire, on crée au sein des Conférences
épiscopales nationales et des organismes internationaux de coopération
épiscopale une commission mixte chargée d'étudier les problèmes pastoraux
communs ; que la catéchèse et la formation théologique pour les laïcs et les
séminaristes de l'Église latine incluent la connaissance de la tradition vivante
de l'Orient chrétien ; que les Évêques des Églises catholiques orientales
participent aux Conférences épiscopales latines de leurs pays
.
Il n'y a pas de doute que cette coopération fraternelle, tout en offrant une
aide précieuse aux Églises orientales, qui sont de fondation récente en
Amérique, permettra aux Églises particulières latines de s'enrichir grâce au
patrimoine spirituel de la tradition de l'Orient chrétien.
39. « En tant
que membre d'une Église particulière, tout prêtre doit être un signe de
communion avec l'Évêque, dont il est le collaborateur immédiat, uni à ses frères
dans le presbyterium. Il exerce son ministère en toute charité pastorale,
principalement dans la communauté qui lui est confiée, et il la guide à la
rencontre du Christ Bon Pasteur. Sa vocation demande qu'il soit un signe
d'unité. C'est pourquoi il doit éviter toute participation à une activité
politique de type partisan, qui diviserait la communauté »
.
Les Pères synodaux souhaitent que « se développe une action pastorale en faveur
du clergé diocésain, pour rendre plus fermes sa spiritualité, sa mission et son
identité, dont l'essentiel consiste à suivre le Christ, Prêtre souverain et
éternel, toujours tendu vers l'accomplissement de la volonté du Père. Le Christ
est le modèle du dévouement généreux, de la vie austère et du service accompli
jusqu'à la mort. Que le prêtre ait conscience du fait que, de par le sacrement
de l'Ordre, il est porteur de grâce, qu'il distribue à ses frères dans les
sacrements ! Il se sanctifie lui-même dans l'exercice du ministère »
.
Le champ d'action des
prêtres est immense. Il convient donc « qu'ils mettent au centre de leur
activité ce qui est essentiel pour le ministère : se laisser configurer au
Christ, Tête et Pasteur, source de la charité pastorale, s'offrant eux-mêmes
chaque jour avec le Christ dans l'Eucharistie, afin d'aider les fidèles à vivre
la rencontre personnelle et communautaire avec Jésus Christ vivant »
.
Comme témoins et disciples du Christ miséricordieux, ils sont appelés à se faire
instruments de pardon et de réconciliation, s'engageant généreusement au service
des fidèles selon l'esprit de l'Évangile.
Les prêtres, en tant que
pasteurs du peuple de Dieu en Amérique, doivent en outre être attentifs aux
défis du monde actuel, et sensibles aux problèmes et aux espérances de leur
peuple, partageant leurs difficultés et surtout prenant une attitude de
solidarité avec les pauvres. Ils auront soin de discerner les charismes et les
qualités des fidèles capables de contribuer à l'animation de la communauté, les
écoutant et dialoguant avec eux, afin de stimuler leur participation et leur
coresponsabilité. Cela favorisera une meilleure répartition des tâches et leur
permettra de « se consacrer à ce qui est lié plus étroitement à la rencontre et
à l'annonce de Jésus Christ, de façon à mieux signifier, au sein de la
communauté, la présence de Jésus qui rassemble son peuple »
.
Cette œuvre de
discernement des charismes s'étendra aussi à la mise en valeur des prêtres qui
paraissent aptes à remplir des ministères particuliers. Par ailleurs, il est
demandé à tous les prêtres d'apporter leur aide fraternelle dans le presbyterium
et de recourir à lui avec confiance en cas de besoin.
Devant la splendide
réalité de nombreux prêtres en Amérique qui, avec la grâce de Dieu, s'efforcent
de faire face à une masse vraiment notable de travail, je fais mien le désir des
Pères synodaux de reconnaître et de louer leur « inlassable engagement de
pasteurs, d'évangélisateurs et d'animateurs de la communion ecclésiale, leur
exprimant ma gratitude et les encourageant à continuer à offrir leur vie au
service de l'Évangile »
.
40. Le rôle
indispensable du prêtre au sein de la communauté doit rendre tous les fils de
l'Église en Amérique conscients de l'importance de la pastorale des vocations.
Le continent américain a une jeunesse nombreuse, riche de valeurs humaines et
religieuses. C'est pourquoi il faut cultiver les milieux où naissent les
vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, et inviter les familles
chrétiennes à aider leurs enfants qui se sentiraient appelés à suivre cette voie
.
En effet, les vocations « sont un don de Dieu » et « elles naissent dans les
communautés de foi, avant tout dans les familles, dans les paroisses, dans les
écoles catholiques et dans d'autres organismes de l'Église. Il revient
spécialement aux Évêques et aux prêtres d'encourager ces vocations par des
invitations personnelles, mais surtout par le témoignage d'une vie de fidélité,
de joie, d'enthousiasme et de sainteté. Promouvoir des vocations au sacerdoce
est une responsabilité qui appartient à tout le peuple de Dieu et qui
s'accomplit principalement par la prière constante et humble pour les
vocations »
.
Les séminaires, lieux
d'accueil et de formation de ceux qui sont appelés au sacerdoce, doivent
préparer les futurs ministres de l'Église à vivre « une forte spiritualité de
communion avec le Christ Pasteur et de docilité à l'action de l'Esprit, qui les
rendra particulièrement capables de discerner les attentes du peuple de Dieu et
les divers charismes, et de travailler ensemble »
.
C'est pourquoi, dans les séminaires, « on doit surtout insister sur la formation
spécifiquement spirituelle, de façon que, par la conversion constante, par
l'attitude de prière, par la fréquentation des sacrements de l'Eucharistie et de
la Réconciliation, les candidats soient préparés à la rencontre avec le Seigneur
et se préoccupent de se fortifier pour un généreux engagement pastoral »
.
Les formateurs auront soin d'accompagner et de guider les séminaristes vers une
maturité affective qui les rende aptes à embrasser le célibat sacerdotal et
capables de vivre en communion avec leurs confrères dans la vocation
sacerdotale. En outre, ils promouvront en eux la capacité d'observation critique
de la réalité qui les entoure, afin d'être en mesure de discerner les valeurs et
les non-valeurs, puisque c'est là une exigence indispensable pour établir un
dialogue constructif avec le monde d'aujourd'hui.
On réservera une
attention particulière aux vocations nées chez les autochtones ; il faut veiller
à leur assurer une formation inculturée dans leur milieu. Ces candidats au
sacerdoce, tout en recevant la formation théologique et spirituelle appropriée
en vue de leur futur ministère, ne doivent pas perdre les racines de leur propre
culture
.
Les Pères synodaux ont
tenu à remercier et à louer tous ceux qui consacrent leur vie à la formation des
futurs prêtres dans les séminaires. Ils ont également invité les Évêques à
désigner pour cette tâche les prêtres les plus aptes, après les avoir préparés
par une formation spécifique qui les habilite à une mission aussi délicate
.
41. La
paroisse est un lieu privilégié où les fidèles ont la possibilité de faire
l'expérience concrète de l'Église
.
Aujourd'hui, en Amérique comme ailleurs dans le monde, la paroisse traverse
parfois certaines difficultés dans l'exercice de sa mission. Elle a besoin d'un
renouvellement continuel, en partant du principe fondamental que « la paroisse
doit continuer à être en priorité une communauté eucharistique »
.
Ce principe suppose que « les paroisses sont appelées à être accueillantes et
solidaires, le lieu de l'initiation chrétienne, de l'éducation et de la
célébration de la foi, ouvertes à la variété des charismes, des services et des
ministères, organisées de façon communautaire et responsable, capables
d'entraîner les mouvements d'apostolat qui existent déjà, attentives à la
diversité culturelle des habitants, ouvertes aux projets pastoraux et
inter-paroissiaux, ainsi qu'aux réalités environnantes »
.
En raison de leurs
problèmes spécifiques, les paroisses des grandes agglomérations urbaines
méritent une attention spéciale, là où les difficultés sont si grandes que les
structures pastorales habituelles s'avèrent inadéquates et où les possibilités
d'action apostolique sont notablement réduites. Toutefois, l'institution
paroissiale conserve son importance et doit être maintenue. Pour atteindre cet
objectif, il faut « continuer la recherche de moyens par lesquels la paroisse et
ses structures pastorales réussissent à être plus efficaces dans les zones
urbaines »
.
On peut peut-être trouver un moyen de renouvellement paroissial,
particulièrement urgent dans les paroisses des grandes villes, en considérant la
paroisse comme une communauté de communautés et de mouvements
.
Il apparaît donc utile de former des communautés et des groupes ecclésiaux qui
aient des dimensions telles qu'elles permettent de vraies relations humaines;
ainsi pourra-t-on vivre plus intensément la communion, en ayant soin de la
cultiver non seulement « ad intra », mais aussi avec la communauté paroissiale à
laquelle ces groupements appartiennent, de même qu'avec l'ensemble de l'Église
diocésaine et de l'Église universelle. En outre, il sera plus facile, au sein de
ce contexte humain, de se retrouver pour écouter la Parole de Dieu, pour
réfléchir, à sa lumière, sur les divers problèmes humains, et pour mûrir des
choix responsables, inspirés par l'amour universel du Christ
.
L'institution paroissiale ainsi renouvelée « peut susciter une grande espérance.
Elle peut faire des fidèles une communauté, offrir une aide à la vie familiale,
surmonter l'anonymat, accueillir les personnes et les aider à s'insérer dans
leur entourage et dans la société »
.
De cette façon, toute paroisse aujourd'hui, en particulier celles des villes,
pourra promouvoir une évangélisation plus personnelle, et en même temps
accroître les relations positives avec les autres agents sociaux, éducateurs et
communautaires
.
En outre, « ce type de
paroisse renouvelée exige une figure de pasteur qui, tout d'abord, privilégie
une profonde expérience du Christ vivant, un esprit missionnaire, un cœur
paternel, qui soit un animateur de la vie spirituelle et un évangélisateur
capable de promouvoir la participation. La paroisse renouvelée a besoin de la
collaboration des laïcs, d'un animateur de l'activité pastorale, et d'un pasteur
capable de travailler avec les autres. En Amérique, les paroisses doivent se
signaler par leur esprit missionnaire, qui les pousse à étendre leur action à
ceux qui sont loin »
.
42. Pour de
sérieux motifs pastoraux et théologiques, le Concile Vatican II a décidé de
rétablir le diaconat comme degré permanent de la hiérarchie dans l'Église
latine, laissant aux Conférences épiscopales, avec l'approbation du Souverain
Pontife, le soin de juger de l'opportunité d'instituer des diacres permanents et
en quels lieux
.
Il s'agit d'une expérience très variée non seulement dans les diverses parties
de l'Amérique, mais aussi parmi les diocèses d'une même région. « Certains
diocèses ont formé et ordonné beaucoup de diacres, et sont pleinement satisfaits
de leur intégration et de leur ministère »
.
On voit là avec joie que les diacres, « soutenus par la grâce sacramentelle,
dans le ministère (diaconia) de la liturgie, de la parole et de la
charité, sont au service du peuple de Dieu, en communion avec l'Évêque et avec
son presbyterium »
.
D'autres diocèses n'ont pas pris ce chemin, tandis qu'ailleurs il y a des
difficultés qui font obstacle à l'intégration des diacres permanents à
l'intérieur de la structure hiérarchique.
Restant sauve la liberté
des Églises particulières de rétablir, avec le consentement du Souverain
Pontife, le diaconat comme degré permanent, il est clair que l'issue favorable
d'une telle reprise suppose un processus attentif de sélection, une formation
sérieuse et une profonde attention à l'égard des candidats, comme aussi un
accompagnement vigilant non seulement de ces ministres sacrés mais aussi, dans
le cas des diacres mariés, de leur famille, de leur épouse et de leurs enfants
.
43. L'histoire
de l'évangélisation en Amérique constitue un témoignage éloquent de l'effort
missionnaire accompli par d'innombrables personnes consacrées qui, depuis le
début, ont annoncé l'Évangile, ont défendu les droits des autochtones et, avec
un amour héroïque du Christ, se sont consacrées au service du peuple de Dieu
dans le continent
.
L'apport des personnes consacrées à l'annonce de l'Évangile en Amérique continue
à être d'une importance énorme; c'est un apport différencié selon les charismes
propres à chaque groupe : « les Instituts de vie contemplative, qui témoignent
de l'absolu de Dieu, les Instituts apostoliques et missionnaires, qui rendent le
Christ présent dans les domaines les plus variés de l'existence humaine, les
Instituts séculiers, qui aident à résoudre la tension entre ouverture réelle aux
valeurs du monde moderne et offrande profonde du cœur à Dieu. En outre,
apparaissent de nouveaux Instituts et de nouvelles formes de vie consacrée, qui
requièrent un discernement évangélique »
.
Parce que « l'avenir de
la nouvelle évangélisation [...] est impensable sans une contribution renouvelée
des femmes, spécialement des femmes consacrées »
,
il est urgent de favoriser leur participation dans les divers secteurs de la vie
ecclésiale, y compris les processus dans lesquels s'élaborent les décisions,
surtout en ce qui les concerne directement
.
« Aujourd'hui encore, le
témoignage de la vie pleinement consacrée à Dieu est une proclamation éloquente
du fait que Lui seul suffit pour donner la plénitude à l'existence de toute
personne »
.
Cette consécration au Seigneur doit se prolonger dans le service généreux de la
diffusion du Règne de Dieu. Pour cette raison, au seuil du troisième millénaire,
il faut faire en sorte « que la vie consacrée soit davantage estimée et promue
par les Évêques, les prêtres et les communautés chrétiennes, et que les
consacrés, conscients de la joie et de la responsabilité de leur vocation,
s'intègrent pleinement à l'Église particulière à laquelle ils appartiennent et
promeuvent la communion et la collaboration mutuelle »
.
44. « La
doctrine du Concile Vatican II sur l'unité de l'Église comme peuple de Dieu
rassemblé dans l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint souligne que
l'imitation et la vie à la suite du Christ, la communion réciproque et le devoir
missionnaire sont communs à la dignité de tous les baptisés »
.
Il est donc nécessaire que les fidèles laïcs soient conscients de leur dignité
de baptisés. Pour leur part, les Pasteurs auront une profonde estime « pour le
témoignage et l'action évangélisatrice des laïcs qui, vivant au sein du peuple
de Dieu dans une spiritualité de communion, conduisent leurs frères à la
rencontre avec le Christ vivant. Le renouveau de l'Église en Amérique ne sera
pas possible sans la présence active des laïcs. C'est pourquoi la responsabilité
de l'avenir de l'Église retombe en grande partie sur eux »
.
Il y a deux domaines où
se réalise la vocation des fidèles laïcs. Le premier, et le plus propre à leur
état de laïcs, est celui des réalités temporelles, qu'ils sont appelés à
ordonner selon la volonté de Dieu
.
En effet, « leur façon particulière d'agir fait que l'Évangile est porté au cœur
des structures du monde et, “œuvrant partout saintement [...], ils consacrent à
Dieu le monde lui-même” »
.
Grâce aux fidèles laïcs, « la présence et la mission de l'Église dans le monde
se réalisent, d'une manière spéciale, dans la variété des charismes et des
ministères que possède le laïcat. Le caractère séculier est la note distinctive
et propre du laïc et de sa spiritualité, et elle le porte à agir dans les divers
milieux de la vie familiale, sociale, professionnelle, culturelle et politique,
en vue de leur évangélisation. Dans un continent où l'on rencontre la
compétition et l'agressivité, la consommation effrénée et la corruption, les
laïcs sont appelés à incarner des valeurs profondément évangéliques comme la
miséricorde, le pardon, l'honnêteté, la transparence de cœur et la patience dans
les situations difficiles. On attend des laïcs une grande force de création dans
des gestes et des œuvres qui manifestent une vie en harmonie avec l'Évangile »
.
L'Amérique a besoin de
laïcs chrétiens qui soient en mesure d'assumer des rôles de direction dans la
société. Il est urgent de former des hommes et des femmes capables d'agir, selon
leur vocation propre, sur la vie publique et de l'orienter vers le bien commun.
Dans l'exercice de la politique, considérée dans son sens le plus noble et le
plus authentique d'administration du bien commun, les laïcs peuvent trouver la
voie de leur propre sanctification. À cette fin, il est nécessaire qu'ils soient
formés aux principes et aux valeurs de la doctrine sociale de l'Église, aussi
bien qu'aux notions fondamentales de la théologie du laïcat. La connaissance
approfondie des principes éthiques et des valeurs morales chrétiennes leur
permettra de s'en faire les défenseurs dans leur milieu, les faisant valoir même
face à ce qu'on appelle la « neutralité de l'État »
.
Il y a un deuxième
domaine dans lequel beaucoup de fidèles laïcs sont appelés à travailler, celui
que l'on pourrait appeler « intra-ecclésial ». En Amérique, de nombreux laïcs
nourrissent l'aspiration légitime à contribuer avec leurs talents et leurs
charismes « à la construction de la communauté ecclésiale, comme délégués de la
Parole, catéchistes, visiteurs de malades ou de prisonniers, animateurs de
groupes, etc. »
.
Les Pères synodaux ont exprimé le souhait que l'Église reconnaisse certaines de
ces tâches comme des ministères laïcs, fondés sur les sacrements du Baptême et
de la Confirmation, restant sauve la spécificité des ministères propres au
sacrement de l'Ordre. C'est là un sujet vaste et complexe, pour lequel j'ai
constitué, il y a déjà quelque temps, une Commission d'étude
et au sujet duquel les organismes du Saint-Siège ont proposé, ici et là,
quelques lignes directrices
.
Il est nécessaire de promouvoir la collaboration bénéfique de fidèles laïcs bien
préparés, hommes et femmes, dans les diverses activités à l'intérieur de
l'Église, en évitant toutefois qu'il y ait confusion avec les ministères
ordonnés et avec les actions propres au sacrement de l'Ordre, afin de bien
distinguer le sacerdoce commun des fidèles du sacerdoce ministériel.
À ce sujet, les Pères
synodaux ont recommandé que les tâches confiées aux laïcs soient bien
« distinctes de celles qui constituent des étapes vers le ministère ordonné »
et que les candidats au sacerdoce reçoivent avant le presbytérat. On a fait
observer également que ces tâches de laïcs « ne doivent être conférées qu'à des
personnes, hommes et femmes, qui ont acquis la formation nécessaire, selon des
critères précis : une certaine permanence, une réelle disponibilité au sein d'un
groupe déterminé de personnes, l'obligation de rendre compte à son Pasteur »
.
En tout cas, bien que l'apostolat intra-ecclésial des laïcs doive être stimulé,
il faut faire en sorte qu'il coexiste avec l'activité propre des laïcs pour
laquelle ils ne peuvent être substitués par des prêtres, à savoir le domaine des
réalités temporelles.
45. Une
attention spéciale doit être réservée à la vocation de la femme. En d'autres
occasions, j'ai tenu à dire combien j'apprécie l'apport spécifique de la femme
au progrès de l'humanité et à reconnaître la légitimité de ses aspirations à
participer pleinement à la vie ecclésiale, culturelle, sociale et économique
.
Sans cette contribution, il manquerait certaines richesses que seul le « génie
féminin »
peut apporter à la vie de l'Église et de la société elle-même. Ne pas le
reconnaître constituerait une injustice historique spécialement en Amérique, si
l'on tient compte de la contribution fournie par les femmes au développement
matériel et culturel du continent, comme aussi dans la transmission et la
conservation de la foi. En effet, « leur rôle fut décisif surtout dans la vie
consacrée, dans l'éducation, dans l'assistance sanitaire »
.
Malheureusement, dans
beaucoup de régions du continent américain, la femme est encore l'objet de
discriminations. Aussi peut-on dire que le visage des pauvres en Amérique est
aussi le visage de nombreuses femmes. C'est pourquoi les Pères synodaux ont
parlé d'un « aspect féminin de la pauvreté »
.
L'Église ressent le devoir d'insister sur la dignité humaine commune à toute
personne. Elle « dénonce la discrimination, les abus sexuels et la prépondérance
masculine comme étant des actions contraires au dessein de Dieu »
.
Elle déplore en particulier comme abominable la stérilisation, parfois
programmée, des femmes, surtout des plus pauvres et des plus marginales, qui est
pratiquée souvent d'une manière subreptice, à l'insu des intéressées
elles-mêmes ; cela est encore plus grave quand on le fait pour obtenir des aides
financières au niveau international.
L'Église sur le
continent se sent incitée à intensifier son attention à l'égard des femmes et à
les défendre « afin que la société en Amérique aide davantage la vie familiale
fondée sur le mariage, qu'elle protège davantage la maternité et ait plus de
respect pour la dignité de toutes les femmes »
.
Il faut aider les femmes américaines à prendre une part active et responsable à
la vie et à la mission de l'Église
,
de même qu'il faut reconnaître la nécessité de la sagesse et de la collaboration
des femmes dans les tâches de direction de la société américaine.
46. « En
formant le premier homme et la première femme et en leur commandant “soyez
féconds et multipliez-vous” (Gn 1, 28), Dieu Créateur a constitué
définitivement la famille. La vie naît dans ce sanctuaire, et elle est
accueillie comme un don de Dieu. La Parole de Dieu, lue assidûment en famille,
construit celle-ci peu à peu comme Église-foyer et la rend féconde en humanité
et en vertus chrétiennes; là se trouve la source des vocations. La dévotion
mariale, nourrie par la prière, gardera la famille unie et en attitude de prière
avec Marie, comme les disciples de Jésus avant la Pentecôte (cf. Ac 1,
14) »
.
De nombreux écueils menacent la solidité de l'institution familiale dans la
plupart des pays d'Amérique, et ils constituent autant de défis pour les
chrétiens. Il faut mentionner entre autres l'augmentation des divorces, la
diffusion de l'avortement, de l'infanticide et de la mentalité contraceptive.
Face à cette situation, on doit redire « que le fondement de la vie humaine est
la relation conjugale entre mari et femme, relation qui pour les chrétiens est
sacramentelle »
.
C'est pourquoi il est
urgent d'engager une vaste campagne de catéchèse sur l'idéal chrétien de la
communion conjugale et de la vie familiale, qui inclue une spiritualité de la
paternité et de la maternité. On doit consacrer une plus grande attention au
rôle des hommes comme maris et pères, ainsi qu'à la responsabilité qu'ils
partagent avec leurs femmes en ce qui concerne le mariage, la famille et
l'éducation des enfants. Il ne faut pas omettre non plus une sérieuse
préparation des jeunes avant le mariage, pour leur présenter avec clarté la
doctrine catholique concernant ce sacrement, sur le plan théologique,
anthropologique et spirituel. Dans un continent comme l'Amérique, caractérisé
par un développement démographique notable, il faut continuellement multiplier
les initiatives pastorales à l'égard des familles.
Pour être vraiment
« Église-foyer »
,
la famille chrétienne est appelée à être le milieu où les parents transmettent
la foi, devant être « pour leurs enfants, par la parole et par l'exemple, les
premiers messagers de la foi »
.
Que l'on ne manque pas dans la famille de pratiquer la prière, dans laquelle les
époux se retrouvent unis entre eux et avec leurs enfants. À ce sujet, il faut
favoriser des moments de vie spirituelle en commun, comme la participation à
l'Eucharistie les jours de fête, la pratique du sacrement de la Réconciliation,
la prière quotidienne en famille et des gestes concrets de charité. Ainsi
s'affermiront la fidélité dans le mariage et l'unité de la famille. Dans un
cadre familial de ce type, les enfants sauront sans difficulté découvrir leur
vocation au service de la communauté et de l'Église, et ils apprendront,
spécialement en voyant l'exemple de leurs parents, que la vie familiale est une
voie pour la réalisation de la vocation universelle à la sainteté
.
47. Les jeunes
sont une grande force sociale et une force d'évangélisation. Ils « constituent
une partie très nombreuse de la population dans beaucoup de pays d'Amérique. Les
espoirs et les attentes d'un avenir de plus grande communion et de plus grande
solidarité pour l'Église et pour la société en Amérique sont fondés sur leur
rencontre avec le Christ vivant »
.
On voit bien les efforts réalisés dans le continent par les Églises
particulières pour accompagner les adolescents durant leur parcours catéchétique
avant la Confirmation et les autres moyens qu'elles leur offrent afin qu'ils
grandissent dans leur rencontre avec le Christ et dans la connaissance de
l'Évangile. Le parcours de formation des jeunes doit être soutenu et dynamique,
capable de les aider à trouver leur place dans l'Église et dans le monde. La
pastorale des jeunes doit donc être l'une des premières préoccupations des
pasteurs et des communautés.
Beaucoup de jeunes
Américains sont en réalité en recherche d'un sens véritable à donner à leur vie,
et ils sont assoiffés de Dieu, mais bien souvent il manque les conditions
adaptées pour faire fructifier leurs capacités et réaliser leurs aspirations.
Malheureusement, l'absence de travail et de perspectives d'avenir les conduit
parfois vers la marginalisation et la violence. La sensation de frustration
qu'ils ressentent à cause de tout cela les amène souvent à abandonner la
recherche de Dieu. Face à une situation aussi complexe, « l'Église s'engage à
maintenir son option pastorale et missionnaire pour les jeunes, afin qu'ils
puissent rencontrer aujourd'hui le Christ vivant »
.
L'action pastorale de
l'Église touche beaucoup de ces adolescents et de ces jeunes par l'animation
chrétienne de la famille, la catéchèse, les institutions catholiques d'éducation
et la vie communautaire dans les paroisses. Mais beaucoup d'autres, spécialement
parmi ceux qui souffrent de diverses formes de pauvreté, restent hors du cercle
des activités ecclésiales. Il appartient aux jeunes chrétiens, formés à une
conscience missionnaire réfléchie, d'être les apôtres de leurs camarades. Il
faut une action pastorale qui atteigne les jeunes dans leurs divers milieux:
dans les collèges, les universités, le monde du travail, les milieux ruraux, en
s'adaptant à leur sensibilité. Dans le cadre de la paroisse et du diocèse, il
sera utile de développer aussi une activité pastorale de la jeunesse qui tienne
compte de l'évolution du monde des jeunes, qui cherche le dialogue avec eux, qui
ne laisse pas passer les occasions de rencontres plus larges, qui anime les
initiatives locales et développe ce qui se réalise déjà au niveau interdiocésain
et international.
Et que faire avec les
jeunes qui se laissent aller à des attitudes adolescentes faites d'une certaine
inconstance et de difficultés à assumer des engagements sérieux et définitifs ?
Face à ce manque de maturité, il est nécessaire d'inviter les jeunes à avoir du
courage, de leur apprendre à apprécier la valeur de l'engagement pour toute la
vie, comme c'est le cas pour le sacerdoce, la vie consacrée et le mariage
chrétien
.
48. Les
enfants sont don et signe de la présence de Dieu. « Il faut accompagner l'enfant
dans sa rencontre avec le Christ, du Baptême à la première Communion, puisqu'il
fait partie de la communauté vivante de foi, d'espérance et de charité »
.
L'Église est reconnaissante pour le travail des parents, des enseignants, de
ceux qui œuvrent dans le domaine pastoral, social et sanitaire, et de tous ceux
qui sont au service de la famille et des enfants avec le même esprit que celui
du Christ qui a dit : « Laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi,
car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent » (Mt 19, 14).
Les Pères synodaux
regrettent à juste titre et condamnent la situation douloureuse de beaucoup
d'enfants dans toute l'Amérique, qui sont privés de leur dignité, de leur
innocence et même de la vie. « Cette situation comprend la violence, la
pauvreté, l'absence de maison, le manque d'une assistance sanitaire et éducative
appropriée, les ravages causés par la drogue et l'alcool, et d'autres formes
d'abandon et d'abus »
.
On a mentionné particulièrement à ce sujet, au Synode, le problème des abus
sexuels sur des enfants et de la prostitution infantile, et les Pères ont lancé
un appel pressant « à tous ceux qui sont revêtus d'autorité dans la société afin
qu'ils fassent, de manière prioritaire, tout ce qui est en leur pouvoir pour
soulager la souffrance des enfants en Amérique »
.
49. Entre
l'Église catholique et les autres Églises et Communautés ecclésiales, il existe
un effort de communion qui a sa racine dans le Baptême administré en chacune
d'elles
.
C'est un effort qui se nourrit par la prière, le dialogue et l'action commune.
Les Pères synodaux ont voulu exprimer une volonté particulière de
« collaboration au dialogue déjà commencé avec l'Église orthodoxe, avec laquelle
nous avons en commun de nombreux éléments de foi, de vie sacramentelle et de
piété »
.
Les propositions concrètes de l'Assemblée synodale à propos de l'ensemble des
Églises et Communautés ecclésiales chrétiennes non catholiques sont nombreuses.
On suggère en premier lieu « que les chrétiens catholiques, pasteurs et fidèles,
promeuvent la rencontre des chrétiens des diverses confessions, dans la
collaboration, au nom de l'Évangile, pour répondre au cri des pauvres, par la
promotion de la justice, la prière commune pour l'unité et la participation à la
Parole de Dieu et à l'expérience de la foi dans le Christ vivant »
.
Il faut aussi favoriser, dans la mesure où c'est utile et convenable, les
réunions de personnes expertes des diverses Églises et Communautés ecclésiales
pour faciliter le dialogue œcuménique. L'œcuménisme doit faire l'objet de
réflexions et de communications d'expériences entre les diverses Conférences
épiscopales catholiques du continent.
Bien que le Concile
Vatican II parle de tous les baptisés et de tous ceux qui croient au Christ
comme de « frères dans le Seigneur »
,
il faut savoir distinguer clairement les communautés chrétiennes avec lesquelles
il est possible d'établir des relations inspirées par la dynamique œcuménique,
et les sectes, les cultes et autres mouvements religieux trompeurs.
50. Dans la
société américaine, il existe aussi des communautés de juifs, avec lesquelles
l'Église a instauré ces dernières années une collaboration croissante
.
Dans l'histoire du salut, il est évident que nous avons une relation spéciale
avec le peuple juif. Jésus fait partie du peuple juif, lui qui fit naître son
Église à l'intérieur de la nation juive. Une grande partie de l'Écriture Sainte,
que nous, chrétiens, lisons comme Parole de Dieu, constitue un patrimoine
spirituel commun avec les juifs
.
Il faut donc éviter tout comportement négatif à leur égard, parce que « pour
bénir le monde, il est nécessaire que juifs et chrétiens soient d'abord une
bénédiction les uns pour les autres »
.
51. Quant aux
religions non chrétiennes, l'Église catholique ne rejette rien de ce qui est
vrai et saint en elles
.
C'est pourquoi, face aux autres religions, les catholiques entendent souligner
les éléments de vérité où qu'ils puissent se trouver, mais en même temps ils
témoignent fortement de la nouveauté de la révélation du Christ, conservée dans
son intégrité par l'Église
.
Conformément à cette attitude, ils refusent comme étrangère à l'esprit du Christ
toute discrimination ou persécution contre des personnes pour des motifs de
race, de couleur ou de condition de vie ou de religion. La différence de
religion ne doit jamais être cause de violence ou de guerre. Au contraire, des
personnes de croyances diverses doivent se sentir portées, précisément en raison
de leur croyance, à travailler ensemble pour la paix et pour la justice.
« Les musulmans, comme
les chrétiens et les juifs, appellent Abraham leur père. Cela doit faire en
sorte que, dans toute l'Amérique, ces trois communautés vivent en harmonie et
œuvrent ensemble pour le bien commun. De même, l'Église en Amérique doit
s'efforcer d'augmenter le respect mutuel et les bonnes relations avec les
religions autochtones américaines »
.
Un comportement analogue doit être promu à l'égard des groupes hindous et
bouddhistes ou d'autres religions que les récents flux migratoires, en
provenance de pays orientaux, ont amenés en terre américaine.
52. « En
vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus
petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40 ; cf.
25, 45). La conscience de la communion avec le Christ et avec les frères, qui
est aussi fruit de la conversion, conduit à servir le prochain dans tous ses
besoins, aussi bien matériels que spirituels, car en tout homme resplendit le
visage du Christ. C'est pourquoi « la solidarité est un fruit de la communion
qui est fondée sur le mystère de Dieu un et trine, et sur le Fils de Dieu
incarné et mort pour tous. Elle s'exprime dans l'amour du chrétien qui cherche
le bien des autres, spécialement des plus nécessiteux »
.
De là naît pour les
Églises particulières du continent américain l'engagement à la solidarité
réciproque et au partage des dons spirituels et des biens matériels dont Dieu
les a comblées, rendant les personnes disposées à s'y investir là où c'est
nécessaire. En s'appuyant sur l'Évangile, il faut promouvoir une culture de la
solidarité qui encourage les initiatives opportunes en vue de soutenir les
pauvres et les marginaux, et particulièrement les réfugiés, qui se voient
contraints d'abandonner leurs villages et leurs terres pour échapper à la
violence. L'Église en Amérique doit stimuler les organismes internationaux du
continent, pour que s'établisse un ordre économique dans lequel ne domine pas
seulement le critère du profit, mais encore ceux de la recherche du bien commun
national et international, de la distribution équitable des biens et de la
promotion intégrale des peuples
.
53. Alors que
le relativisme et le subjectivisme connaissent une diffusion préoccupante dans
le domaine de la doctrine morale, l'Église en Amérique est appelée à annoncer
avec une vigueur renouvelée que la conversion consiste en l'adhésion à la
personne de Jésus Christ, avec toutes les implications théologiques et morales
mises en lumière par le Magistère ecclésial. Il faut reconnaître « le rôle que
jouent, dans cette perspective, les théologiens, les catéchistes et les
enseignants de religion qui, en exposant la doctrine de l'Église dans la
fidélité au Magistère, coopèrent directement à la juste formation de la
conscience des fidèles »
.
Si nous croyons que Jésus est la Vérité (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons
pas ne pas désirer ardemment être ses témoins pour faire avancer nos frères vers
la pleine vérité qui demeure dans le Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscité
pour le salut du genre humain. « De cette façon nous pourrons être, en ce monde,
des flammes vivantes de foi, d'espérance et de charité »
.
54. Face aux
graves problèmes d'ordre social qui, avec des caractéristiques diverses, sont
présents dans toute l'Amérique, le catholique sait qu'il peut trouver dans la
doctrine sociale de l'Église la réponse d'où il faut partir pour découvrir les
solutions concrètes. Répandre cette doctrine constitue donc une authentique
priorité pastorale. En conséquence, il est important « qu'en Amérique les agents
de l'évangélisation (Évêques, prêtres, enseignants, animateurs pastoraux, etc.
...) assimilent ce trésor qu'est la doctrine sociale de l'Église et que,
éclairés par elle, ils deviennent capables de lire la réalité actuelle et de
chercher des chemins pour l'action »
.
À ce propos, la formation des fidèles laïcs capables de travailler, au nom de
leur foi au Christ, à la transformation des réalités terrestres, doit être
privilégiée. De plus, il sera opportun de promouvoir et de soutenir l'étude de
cette doctrine dans toutes les sphères des Églises particulières en Amérique,
surtout dans le domaine universitaire, pour qu'elle soit connue avec une plus
grande profondeur et appliquée à la société américaine. La réalité sociale
complexe de ce continent est un terrain fécond pour l'analyse et pour
l'application des principes universels de cette doctrine.
Pour atteindre cet
objectif, un résumé ou une synthèse autorisée de la doctrine sociale catholique,
éventuellement sous forme de « catéchisme », qui montre la relation existant
entre cette doctrine et la nouvelle évangélisation, serait très utile. La partie
que le Catéchisme de l'Église catholique consacre à cette matière, à
propos du septième commandement du décalogue, pourrait constituer le point de
départ de ce « catéchisme de la doctrine sociale catholique ». Naturellement,
comme l'a fait le Catéchisme de l'Église catholique, cette synthèse se
limiterait à formuler les principes généraux, laissant à des développements
ultérieurs en vue de la mise en pratique le soin d'étudier les problèmes liés
aux diverses situations locales
.
Dans la doctrine sociale
de l'Église, le droit à un travail digne occupe une place importante. C'est
pourquoi, face au taux élevé de chômage qui affecte de nombreux pays américains
et aux dures conditions dans lesquelles se trouvent beaucoup de travailleurs
dans l'industrie et dans les campagnes, « il est nécessaire de considérer le
travail comme un élément de la réalisation et de la dignité de la personne
humaine. C'est une responsabilité éthique pour une société organisée de
promouvoir et de soutenir une culture du travail »
.
55. Le
phénomène complexe de la mondialisation, comme je l'ai rappelé précédemment, est
l'une des caractéristiques du monde actuel que l'on trouve particulièrement en
Amérique. Dans cette réalité multiforme, l'aspect économique revêt une grande
importance. Par sa doctrine sociale, l'Église offre une contribution valable à
la problématique de l'économie actuelle mondialisée. Sa position morale en cette
matière « s'appuie sur les trois pierres angulaires fondamentales de la dignité
humaine, de la solidarité et de la subsidiarité »
.
L'économie mondialisée doit être analysée à la lumière des principes de la
justice sociale, en respectant l'option préférentielle pour les pauvres, qui
doivent être mis en mesure de se défendre dans une économie mondialisée, et les
exigences du bien commun international. En réalité, « la doctrine sociale de
l'Église est la position morale qui vise à stimuler les gouvernements, les
institutions et les organisations privées, afin qu'ils préparent un avenir
conforme à la dignité de toute personne. Dans cette perspective, on peut
envisager les questions qui se rapportent à la dette extérieure, à la corruption
politique intérieure et à la discrimination aussi bien à l'intérieur des nations
qu'entre elles »
.
L'Église en Amérique est
appelée non seulement à promouvoir une plus grande union entre les nations,
contribuant ainsi à créer une authentique culture mondialisée de la solidarité
,
mais encore à collaborer par tous les moyens légitimes à la réduction des effets
négatifs de la mondialisation, tels que la domination des plus forts sur les
plus faibles, spécialement dans le domaine économique, et la perte des valeurs
des cultures locales en faveur d'une uniformisation mal comprise.
56. À la
lumière de la doctrine sociale de l'Église, on évalue aussi plus clairement la
gravité des « péchés sociaux qui crient vers le ciel, parce qu'ils engendrent la
violence, brisent la paix et l'harmonie entre les communautés d'un même pays,
entre les pays et entre les diverses régions du continent »
.
Parmi eux on doit rappeler « le commerce de la drogue, le recyclage des
bénéfices illicites, la corruption dans quelque domaine que ce soit, la violence
terroriste, la course aux armements, la discrimination raciale, les inégalités
entre les groupes sociaux, la destruction irraisonnée de la nature »
.
Ces péchés manifestent une crise profonde due à la perte du sens de Dieu et à
l'absence des principes moraux qui doivent guider la vie de tout homme. Sans
références morales, on tombe dans la soif illimitée de la richesse et du
pouvoir, qui obscurcit toute vision évangélique de la réalité sociale.
Assez souvent, cela
conduit certaines instances publiques à négliger la situation sociale. Dans de
nombreux pays américains domine toujours plus un système connu comme
« néolibéralisme » ; ce système, faisant référence à une conception économique
de l'homme, considère le profit et les lois du marché comme des paramètres
absolus au détriment de la dignité et du respect de la personne et du peuple. Il
a parfois évolué vers une justification idéologique de certaines attitudes et de
certaines façons de faire dans le domaine social et politique qui provoquent
l'exclusion des plus faibles. En réalité, les pauvres sont toujours plus
nombreux, victimes de politiques déterminées et de structures souvent injustes
.
La meilleure réponse à
cette situation dramatique, en partant de l'Évangile, est la promotion de la
solidarité et de la paix, en vue de la réalisation effective de la justice. À
cette fin, il faut encourager et aider ceux qui sont des exemples d'honnêteté
dans l'administration des finances publiques et de la justice. De même, il faut
aussi appuyer le processus de démocratisation en cours en Amérique
,
car dans un système démocratique les possibilités de contrôle sont plus grandes
pour permettre d'éviter les abus.
« L'État de droit est la
condition nécessaire pour établir une authentique démocratie »
.
Pour que celle-ci puisse se développer, l'éducation civique et la promotion de
l'ordre public et de la paix sont indispensables. En effet, « il n'y a pas de
démocratie authentique et stable sans justice sociale. C'est pourquoi il faut
que l'Église porte une plus grande attention à la formation des consciences,
qu'elle prépare des dirigeants sociaux pour la vie publique à tous les niveaux,
qu'elle encourage l'éducation civique, l'observance de la loi et des droits
humains, et qu'elle fasse un plus grand effort pour la formation éthique de la
classe politique »
.
57. Il
convient de rappeler que le fondement sur lequel s'appuient tous les droits
humains est la dignité de la personne. « Le chef-d'œuvre divin, l'homme, est
image et ressemblance de Dieu. Jésus a assumé notre nature à l'exception du
péché ; il a promu et défendu la dignité de toute personne humaine sans
exception ; il est mort pour la liberté de tous. L'Évangile nous montre que le
Christ a exalté la place centrale de la personne humaine dans l'ordre naturel
(cf. Lc 12, 22-29), dans l'ordre social et dans l'ordre religieux, ainsi
que par rapport à la Loi (cf. Mc 2, 27), défendant l'homme et aussi la
femme (cf. Jn 8, 11) et les enfants (cf. Mt 19, 13-15), qui, de
son temps et dans sa culture, occupaient une place secondaire à l'intérieur de
la société. Les droits humains et les devoirs inhérents proviennent de la
dignité de l'homme en tant que fils de Dieu »
.
Pour cette raison, « toute offense à la dignité de l'homme est une offense à
Dieu lui-même, dont il est l'image »
.
Cette dignité est commune à tous les hommes sans exception, car tous ont été
créés à l'image de Dieu (cf. Gn 1, 26). La réponse de Jésus à la question
« qui est mon prochain ? » (Lc 10, 29) exige de chacun une attitude de
respect pour la dignité de l'autre et de sollicitude attentive à son égard, même
s'il s'agit d'un étranger ou d'un ennemi (cf. Lc 10, 30-37). Dans
l'ensemble de l'Amérique, depuis quelque temps on a de plus en plus conscience
que les droits humains doivent être respectés, mais il reste encore beaucoup à
faire si l'on considère les violations des droits des personnes et des groupes
sociaux encore en cours sur le continent.
58. « L'Église
en Amérique doit incarner dans ses initiatives pastorales la solidarité de
l'Église universelle envers les pauvres et les exclus de toute sorte. Son
attitude doit inclure l'assistance, la promotion, la libération et l'accueil
fraternel. L'objectif de l'Église est qu'il n'y ait aucun exclus »
.
Le souvenir des sombres chapitres de l'histoire de l'Amérique, concernant la
pratique de l'esclavage et d'autres situations de discrimination sociale, ne
peut pas ne pas susciter un désir sincère de conversion qui conduise à la
réconciliation et à la communion.
L'attention aux plus
nécessiteux découle du choix d'aimer les pauvres de manière préférentielle. Il
s'agit d'un amour qui n'est pas exclusif et qui ne peut donc pas être interprété
comme un signe de partialité ou de sectarisme
;
en aimant les pauvres, le chrétien se conforme à l'attitude du Seigneur, qui,
durant sa vie terrestre, s'est consacré aux besoins des personnes pauvres
spirituellement et matériellement, avec des sentiments de compassion
particulière.
L'œuvre de l'Église en
faveur des pauvres dans toutes les régions du continent est importante ; on doit
cependant continuer à travailler pour que cette ligne d'action pastorale soit
toujours plus orientée vers la rencontre avec le Christ, qui, de riche qu'il
était, s'est fait pauvre pour nous afin de nous enrichir par sa pauvreté (cf.
2 Co 8, 9). Il faut intensifier et étendre ce qui se fait déjà dans ce
domaine, afin d'atteindre le plus grand nombre possible de pauvres. La Sainte
Écriture rappelle que Dieu écoute le cri des pauvres (cf. Ps 34 [33], 7),
et l'Église doit être attentive au cri des plus nécessiteux. Écoutant leur voix,
« elle doit vivre avec les pauvres et participer à leurs souffrances. [...] Par
son style de vie, ses priorités, ses paroles et ses actes, elle doit témoigner
qu'elle est en communion et en solidarité avec eux »
.
59.
L'existence d'une dette extérieure qui étouffe beaucoup de peuples du continent
américain constitue un problème complexe. Sans pour autant entrer dans ses
nombreux aspects, l'Église, dans sa sollicitude pastorale, ne peut pas ignorer
ce problème, car il concerne la vie d'un grand nombre de personnes. C'est
pourquoi diverses Conférences épiscopales en Amérique, conscientes de la gravité
de cette question, ont organisé à ce sujet des rencontres d'étude et ont publié
des documents visant à proposer des solutions concrètes
.
Moi-même, j'ai exprimé plusieurs fois ma préoccupation face à cette situation,
devenue en certains cas insoutenable. Dans la perspective du grand Jubilé de
l'An 2000, maintenant tout proche, et me souvenant de la signification sociale
que les jubilés revêtaient dans l'Ancien Testament, j'ai écrit : « Dans l'esprit
du Livre du Lévitique (25, 8-12), les chrétiens devront se faire la voix de tous
les pauvres du monde, proposant que le Jubilé soit un moment favorable pour
penser, entre autres, à une réduction importante, sinon à un effacement total,
de la dette internationale qui pèse sur le destin de nombreuses nations »
.
J'exprime à nouveau le
souhait, repris par le Synode, que le Conseil pontifical « Justice et Paix »,
avec d'autres organismes compétents comme la Section pour les Relations avec les
États de la Secrétairerie d'État, « cherche, par l'étude et le dialogue avec des
représentants du Premier Monde et avec des responsables de la Banque mondiale et
du Fonds monétaire international, des voies de solution au problème de la dette
extérieure ainsi que des normes qui empêchent que de telles situations se
reproduisent à l'occasion de futurs emprunts »
.
Au niveau le plus large possible, il serait opportun que « des experts en
économie et en questions monétaires, de renommée internationale, procèdent à une
analyse critique de l'ordre économique mondial, dans ses aspects positifs et
négatifs, pour corriger l'ordre actuel et proposer un système et des mécanismes
en mesure d'assurer le développement intégral et solidaire des personnes et des
peuples ».
60. En
Amérique aussi, le phénomène de la corruption est notablement répandu. L'Église
peut contribuer efficacement à éradiquer ce mal de la société civile par « une
plus grande présence de laïcs chrétiens qualifiés qui, par leur éducation
familiale, scolaire et paroissiale, encouragent la pratique de valeurs comme la
vérité, l'honnêteté, le travail et le service du bien commun »
.
Pour atteindre cet objectif, comme pour éclairer tous les hommes de bonne
volonté désireux de mettre fin aux maux qui découlent de la corruption, il faut
enseigner et répandre le plus possible la partie qui correspond à cette question
dans le Catéchisme de l'Église catholique, en encourageant en même temps,
chez les catholiques de chaque pays, la connaissance des documents publiés à ce
sujet par les Conférences épiscopales des autres pays
.
Les chrétiens ainsi formés contribueront de façon significative à résoudre ce
problème, en s'engageant à mettre en pratique la doctrine sociale de l'Église
sous tous les aspects qui touchent leur vie et dans les situations où ils
peuvent apporter leur contribution.
61. En ce qui
concerne le grave problème du commerce de la drogue, l'Église en Amérique peut
collaborer efficacement avec les responsables des pays, les dirigeants
d'entreprises privées, les organisations non gouvernementales et les instances
internationales, pour développer des projets visant à abolir ce commerce qui
menace l'intégrité des peuples en Amérique
.
Cette collaboration doit s'étendre aux institutions législatives, en appuyant
les initiatives qui empêchent le « recyclage d'argent », favorisent le contrôle
des biens de ceux qui sont impliqués dans ce trafic, et font en sorte que la
production et le commerce des substances chimiques dont on obtient la drogue se
réalisent conformément aux normes législatives. L'urgence et la gravité du
problème rendent impérieux un appel aux divers milieux et groupes de la société
civile, afin de lutter ensemble contre le commerce de la drogue
.
Pour ce qui regarde spécifiquement les Évêques, il est nécessaire — selon une
suggestion des Pères synodaux — qu'eux-mêmes, comme Pasteurs du peuple de Dieu,
dénoncent avec force et courage l'hédonisme, le matérialisme et les styles de
vie qui conduisent facilement à la drogue
.
Il faut aussi se
souvenir qu'il est nécessaire d'aider les agriculteurs pauvres, afin qu'ils ne
succombent pas à la tentation de l'argent facile, que l'on peut obtenir par la
culture des plantes dont on tire les drogues. À ce sujet, les Organismes
internationaux peuvent apporter une précieuse collaboration aux Gouvernements en
favorisant par diverses primes les productions agricoles de substitution. Il
faut aussi encourager l'action de ceux qui s'efforcent de récupérer les
consommateurs de drogue, en ayant une attention pastorale particulière pour les
victimes de la toxicomanie. Il est d'une importance fondamentale que l'on donne
le vrai « sens de la vie » aux nouvelles générations, qui, à défaut d'en avoir
un, finissent bien souvent par être entraînées dans la spirale perverse des
stupéfiants. Ce travail de récupération et de réhabilitation sociale peut
constituer, comme l'expérience le montre, un véritable engagement
d'évangélisation
.
62. La course
aux armements est un élément qui paralyse gravement le progrès de nombreux pays
en Amérique. Une voix prophétique doit s'élever des Églises particulières
d'Amérique pour dénoncer le réarmement et aussi le scandaleux commerce des armes
de guerre qui absorbe des sommes d'argent considérables que l'on devrait au
contraire destiner à combattre la misère et à promouvoir le développement
.
D'autre part, l'accumulation des armements constitue une cause d'instabilité et
une menace pour la paix
.
C'est pourquoi l'Église demeure vigilante face au risque de conflits armés même
entre nations sœurs. Comme signe et instrument de réconciliation et de paix,
elle doit chercher « par tous les moyens possibles, y compris la voie de la
médiation et de l'arbitrage, à agir en faveur de la paix et de la fraternité
entre les peuples »
.
63. En
Amérique, comme en d'autres parties du monde, un modèle de société où dominent
les puissants, excluant et même éliminant les faibles, semble aujourd'hui se
profiler : je pense ici aux enfants non nés, victimes sans défense de
l'avortement ; aux personnes âgées et aux malades incurables, parfois objet
d'euthanasie ; et à tant d'autres êtres humains mis en marge par la société de
consommation et par le matérialisme. Et je ne puis oublier le recours non
nécessaire à la peine de mort, lorsque d'autres « moyens non sanglants suffisent
à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l'agresseur. [...]
Aujourd'hui, en effet, étant donné les possibilités dont l'État dispose pour
réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l'a
commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas
d'absolue nécessité de supprimer le coupable “sont désormais assez rares, sinon
même pratiquement inexistants” »
.
Un tel modèle de société porte l'empreinte de la culture de mort et est donc
opposé au message évangélique. Face à cette désolante réalité, la communauté
ecclésiale entend s'engager toujours plus à défendre la culture de la vie.
À ce sujet, les Pères
synodaux, se faisant l'écho des récents documents du Magistère de l'Église, ont
réaffirmé avec vigueur leur respect inconditionnel et leur total attachement
envers la vie humaine depuis le moment de la conception jusqu'à celui de la mort
naturelle, et ils ont prononcé la condamnation de maux comme l'avortement et
l'euthanasie. Pour maintenir ces enseignements de la loi divine et naturelle, il
est essentiel de promouvoir la connaissance de la doctrine sociale de l'Église
et de s'employer à ce que les valeurs de la vie et de la famille soient
reconnues et défendues dans les mœurs et dans les normes juridiques des États
.
En plus de la sauvegarde de la vie, on doit intensifier, grâce à de multiples
institutions pastorales, une promotion active de l'adoption et une assistance
constante aux femmes ayant une grossesse problématique, aussi bien avant
qu'après la naissance de leur enfant. Une attention pastorale spéciale doit
aussi être portée aux femmes qui ont subi ou procuré activement l'avortement
.
Comment ne pas rendre
grâce à Dieu et ne pas exprimer des sentiments de vive appréciation à nos frères
et sœurs dans la foi qui, en Amérique, avec d'autres chrétiens et d'innombrables
personnes de bonne volonté, sont engagés, par tous les moyens légaux, dans la
défense de la vie et dans la sauvegarde de l'enfant à naître, du malade
incurable et des personnes handicapées ? Leur action est encore plus méritoire
si l'on considère l'indifférence de beaucoup, les menaces d'eugénisme et les
attentats contre la vie et la dignité humaine, qui sont quotidiennement
perpétrés partout
.
Ces mêmes égards sont
dus aux personnes âgées, parfois oubliées et livrées à elles-mêmes. Elles
doivent être respectées comme des personnes; il est important de prendre pour
elles des initiatives d'accueil et d'assistance, qui promeuvent leurs droits et
leur assurent, autant que possible, le bien-être physique et spirituel. Les
personnes âgées doivent être protégées des situations et des pressions qui
pourraient les pousser au suicide; en particulier, elles doivent être soutenues
contre la tentation du suicide assisté et de l'euthanasie.
Avec les Pasteurs du
peuple de Dieu en Amérique, je fais appel aux « catholiques qui travaillent dans
le domaine médical et sanitaire et à ceux qui occupent des charges publiques,
comme à ceux qui sont engagés dans l'enseignement, afin qu'ils fassent tout leur
possible pour défendre la vie de ceux qui courent un plus grand danger, en
agissant avec une conscience formée d'une manière droite selon la doctrine
catholique. Les Évêques et les prêtres ont, dans ce domaine, la responsabilité
spéciale de donner un témoignage inlassable en faveur de l'Évangile de la vie et
d'exhorter les fidèles à agir en conséquence »
.
En même temps, il est indispensable que l'Église en Amérique éclaire, par des
interventions opportunes, l'élaboration des décisions des assemblées
législatives, en stimulant les citoyens, aussi bien les catholiques que les
autres personnes de bonne volonté, à constituer des organisations pour
promouvoir des projets de loi valables et s'opposer à ceux qui menacent la
famille et la vie, deux réalités inséparables. De nos jours, il faut tenir
compte de façon spéciale de ce qui se rapporte au diagnostic prénatal, pour
qu'il ne lèse en aucune manière la dignité humaine.
64. Si l'Église
en Amérique, fidèle à l'Évangile du Christ, entend parcourir le chemin de la
solidarité, elle doit porter une attention spéciale aux ethnies qui, aujourd'hui
encore, sont l'objet de discriminations injustes. En effet, il faut supprimer
toute tentative d'exclusion à l'égard des populations autochtones. Cela
implique, en premier lieu, que l'on doit respecter leurs territoires et les
accords passés avec eux; il faut également répondre à leurs légitimes besoins
sociaux, sanitaires, culturels. Et comment oublier l'exigence de réconciliation
entre les peuples autochtones et les sociétés dans lesquelles ils vivent ?
Je voudrais rappeler ici
que les Américains d'origine africaine, eux aussi, continuent à être, dans
certaines régions, l'objet de préjugés ethniques qui constituent pour eux un
sérieux obstacle à la rencontre avec le Christ. Puisque toute personne, de
quelque race ou condition qu'elle soit, a été créée par Dieu à son image, il
faut promouvoir des actions concrètes, sans oublier la prière en commun, qui
favorisent la compréhension et la réconciliation entre peuples différents, et
qui soient des ponts pour faire régner l'amour chrétien, la paix et la justice
entre tous les hommes
.
Pour atteindre ces
objectifs, il est indispensable de former des agents pastoraux compétents,
capables d'utiliser des méthodes déjà légitimement « inculturées » dans la
catéchèse et la liturgie. Et l'on obtiendra plus facilement un nombre convenable
de pasteurs qui exerceront leur activité parmi les autochtones si l'on se
préoccupe de promouvoir les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée parmi
ces peuples
.
65. Le
continent américain a connu dans son histoire de nombreux mouvements
d'immigration, avec des multitudes d'hommes et de femmes arrivés de diverses
régions dans l'espoir d'un avenir meilleur. Le phénomène se poursuit encore
aujourd'hui ; il concerne en particulier de nombreuses personnes et familles
provenant de pays latino-américains, qui se sont fixées dans les régions du nord
du continent, au point de constituer, en certains cas, une partie considérable
de la population. Elles apportent souvent un patrimoine culturel et religieux
riche d'éléments chrétiens caractéristiques. L'Église a conscience des problèmes
créés par cette situation et elle s'efforce d'exercer le plus possible son
action pastorale parmi ces immigrés, pour faciliter leur établissement dans le
territoire et pour susciter en même temps un comportement d'accueil de la part
des populations locales, dans la conviction que l'ouverture réciproque
entraînera un enrichissement pour tous.
Les communautés
ecclésiales ne manqueront pas de voir dans ce phénomène un appel spécifique à
vivre la valeur évangélique de la fraternité, et en même temps l'invitation à
donner un nouvel élan à leur propre religiosité en vue d'une action
évangélisatrice plus incisive. Dans ce sens, les Pères synodaux ont rappelé que
« l'Église en Amérique doit être une avocate vigilante qui défend, contre toute
restriction injuste, le droit naturel de toute personne à se déplacer librement
à l'intérieur de son pays et d'un pays à l'autre. Il faut être attentif aux
droits des migrants et de leurs familles et au respect de leur dignité humaine,
y compris dans les cas d'immigration irrégulière »
.
À l'égard des migrants,
il faut un comportement hospitalier et accueillant, qui les encourage à
s'insérer dans la vie ecclésiale, étant toujours sauves leur liberté et leur
identité culturelle particulière. Dans ce but, il est extrêmement utile que
collaborent ensemble les diocèses d'où ils proviennent et ceux dans lesquels ils
sont accueillis, notamment grâce à des structures pastorales appropriées prévues
par la législation ou la pratique de l'Église
est des plus profitables. On peut ainsi garantir le soutien pastoral le plus
approprié et le plus complet possible. L'Église en Amérique doit être animée par
le souci constant de veiller à ce que ne fasse pas défaut une évangélisation
efficace de ceux qui sont arrivés récemment et qui ne connaissent pas encore le
Christ
.
66. Avant son
ascension au ciel, le Christ ressuscité a envoyé les Apôtres annoncer l'Évangile
au monde entier (cf. Mc 16, 15), leur conférant les pouvoirs nécessaires
pour réaliser cette mission. Il est significatif que, avant de procéder à
l'ultime envoi missionnaire, Jésus se réfère au pouvoir universel qu'il a reçu
de son Père (cf. Mt 28, 18). En effet, le Christ a transmis aux Apôtres
la mission reçue de son Père (cf. Jn 20, 21), et ainsi il les a fait
participer à ses pouvoirs.
Mais même « les fidèles
laïcs, précisément parce qu'ils sont membres de l'Église, ont la vocation et la
mission d'annoncer l'Évangile: à cette tâche ils sont habilités et engagés par
les sacrements de l'initiation chrétienne et par les dons du Saint-Esprit »
.
Car ils sont « devenus participants à leur manière des fonctions sacerdotale,
prophétique et royale du Christ »
.
En conséquence, « les fidèles laïcs sont, en vertu de leur participation à la
fonction prophétique du Christ, pleinement engagés dans cette tâche de
l'Église »
et ils doivent donc se sentir appelés et invités à proclamer la Bonne Nouvelle
du Royaume. Les paroles de Jésus : « Allez, vous aussi, à ma vigne » (Mt
20, 4)
doivent être entendues comme adressées non seulement aux Apôtres mais à tous
ceux qui désirent être d'authentiques disciples du Seigneur.
La tâche fondamentale
pour laquelle Jésus envoie ses disciples est l'annonce de la Bonne Nouvelle,
c'est-à-dire l'évangélisation (cf. Mc 16, 15-18). Il s'ensuit que
« évangéliser est la grâce et la vocation propre de l'Église, son identité la
plus profonde »
.
Comme je l'ai dit en d'autres occasions, le caractère singulier et nouveau de la
situation où le monde et l'Église se trouvent, à la veille du troisième
millénaire, et les exigences qui en découlent, font que la mission
évangélisatrice exige aujourd'hui un nouveau programme, que l'on peut définir
dans son ensemble comme « nouvelle évangélisation »
.
En tant que Pasteur suprême de l'Église, je désire ardemment inviter tous les
membres du peuple de Dieu, particulièrement ceux qui vivent dans le continent
américain — c'est sur son sol que pour la première fois j'ai fait appel à un
engagement nouveau « dans sa ferveur, dans ses méthodes, dans son expression »
—, à faire leur ce projet et à y collaborer. En acceptant cette mission, que
chacun se souvienne que le nœud vital de la nouvelle évangélisation doit être
l'annonce claire et sans équivoque de la personne de Jésus Christ, c'est-à-dire
l'annonce de son nom, de sa doctrine, de sa vie, de ses promesses et du Royaume
qu'il s'est acquis par son mystère pascal
.
67. Jésus
Christ est la « bonne nouvelle » du salut communiqué aux hommes d'hier,
d'aujourd'hui et de toujours; mais en même temps il est aussi le premier et
suprême évangélisateur
.
L'Église doit centrer son attention pastorale et son action évangélisatrice sur
le Christ crucifié et ressuscité. « Tout ce qui se projette dans le domaine
ecclésial doit partir du Christ et de son Évangile »
.
C'est pourquoi « l'Église en Amérique doit parler toujours plus de Jésus Christ,
visage humain de Dieu et visage divin de l'homme. C'est cette annonce qui secoue
vraiment les hommes, qui réveille et transforme les esprits, c'est-à-dire qui
convertit. Il faut annoncer le Christ avec joie et avec force, mais surtout par
le témoignage de sa propre vie »
.
Tout chrétien pourra
accomplir efficacement sa mission dans la mesure où il assume la vie du Fils de
Dieu fait homme comme le modèle parfait de son action évangélisatrice. La
simplicité de son style et ses choix devront être comme des normes pour tous
dans l'œuvre d'évangélisation. Dans cette perspective, les pauvres figureront
évidemment parmi les premiers destinataires de l'évangélisation, à l'exemple du
Christ, qui disait de lui-même : « L'Esprit du Seigneur [...] m'a consacré par
l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,
18)
.
Comme je l'ai déjà noté,
l'amour pour les pauvres doit être préférentiel, mais non exclusif. Le fait
d'avoir préconisé la sollicitude pastorale envers les pauvres avec un certain
exclusivisme — comme l'ont signalé les Pères synodaux — a parfois conduit à
négliger les milieux dirigeants de la société, ce qui a eu pour conséquence que
beaucoup de personnes de ces milieux se sont éloignées de l'Église
.
Les dommages dus à la diffusion du sécularisme dans ces milieux, qu'ils soient
politiques ou économiques, syndicaux, militaires, sociaux ou culturels, montrent
l'urgence d'une évangélisation de ces milieux, animée et guidée par des pasteurs
qui se sentent appelés par Dieu à prendre soin de tous. Ces pasteurs pourront
compter sur l'appui de tous ceux — et heureusement ils sont encore nombreux —
qui sont restés fidèles aux valeurs chrétiennes. Les Pères synodaux ont rappelé
à ce sujet « l'engagement de nombreux [...] dirigeants pour édifier une société
juste et solidaire »
.
Avec leur aide, les Pasteurs feront face à la tâche ardue de l'évangélisation de
ces secteurs de la société: avec une ardeur renouvelée et des méthodes mises à
jour, ils se tourneront vers les dirigeants, hommes et femmes, pour leur
annoncer le Christ, en insistant principalement sur la formation des consciences
par la doctrine sociale de l'Église. Cette formation constituera le meilleur
antidote contre les nombreux cas d'incohérence, et même de corruption, qui
marquent les structures socio-politiques. Au contraire, si l'on néglige cette
évangélisation des dirigeants, il ne sera pas surprenant que beaucoup d'entre
eux suivent des critères étrangers à l'Évangile, et parfois ouvertement opposés
à lui.
68. La
rencontre avec le Seigneur produit une profonde transformation de ceux qui ne se
ferment pas à Lui. Le premier mouvement qui naît de cette transformation est
celui de communiquer aux autres la richesse découverte au cours de cette
rencontre. Il ne s'agit pas seulement d'enseigner ce que nous avons connu, mais
aussi de faire en sorte que, comme dans le cas de la Samaritaine, les autres
rencontrent personnellement Jésus : « Venez voir » (Jn 4, 29). Le
résultat sera le même que celui qui s'est vérifié dans le cœur des Samaritains,
qui disaient à la femme : « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que
nous croyons maintenant; nous l'avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que
c'est vraiment lui le Sauveur du monde » (Jn 4, 42). L'Église, qui vit de
la présence permanente et mystérieuse de son Seigneur ressuscité, a pour centre
de sa mission l'engagement de « mener tous les hommes à la rencontre avec le
Christ »
.
Elle est appelée à
annoncer que le Christ est vraiment le Vivant, le Fils de Dieu, qui s'est fait
homme, est mort et est ressuscité. Il est l'unique Sauveur de tous les hommes et
de tout l'homme, et, comme Seigneur de l'histoire, il agit continuellement dans
l'Église et dans le monde par son Esprit jusqu'à la fin des siècles. Cette
présence du Ressuscité dans l'Église rend possible notre rencontre avec lui,
grâce à l'action invisible de son Esprit qui donne la vie. Cette rencontre se
réalise dans la foi reçue et vécue dans l'Église, corps mystique du Christ. Elle
a donc essentiellement une dimension ecclésiale et elle conduit à un engagement
de vie. En effet, « rencontrer le Christ vivant signifie accueillir son amour
prévenant, Le choisir, adhérer librement à sa personne et à son dessein, qui
consiste à annoncer et à réaliser le Règne de Dieu »
.
L'appel incite à
chercher Jésus : « “Rabbi (c'est-à-dire Maître), où demeures-tu ?” Il leur dit :
“Venez, et vous verrez”. Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et
ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jn 1, 38-39). « Le fait de
“rester” ne se limite pas au jour de la vocation, mais il s'étend à toute la
vie. Le suivre signifie vivre comme il a vécu, accepter son message, faire siens
ses critères, embrasser son destin, partager son projet qui est le dessein du
Père: inviter tout le monde à la communion trinitaire et à la communion avec les
frères en une société juste et solidaire »
.
Le désir ardent d'inviter les autres à rencontrer Celui que nous avons rencontré
est à la racine de la mission évangélisatrice à laquelle est appelée toute
l'Église, mais qui se fait particulièrement urgente aujourd'hui en Amérique,
après la célébration du cinquième centenaire de la première évangélisation et
alors que nous nous préparons à commémorer dans la reconnaissance la venue du
Fils unique de Dieu dans le monde il y a deux mille ans.
69. La
nouvelle évangélisation, dans laquelle tout le continent est engagé, montre que
la foi ne peut pas être présupposée mais qu'elle doit être proposée
explicitement dans toute son ampleur et dans toute sa richesse. Tel est
l'objectif principal de la catéchèse, qui, par sa nature même, est une dimension
essentielle de la nouvelle évangélisation. « La catéchèse est un itinéraire de
formation dans la foi, dans l'espérance et dans la charité, qui éclaire l'esprit
et touche le cœur, portant la personne à embrasser le Christ d'une manière
pleine et complète. Elle fait entrer plus profondément le croyant dans
l'expérience de la vie chrétienne, qui comprend la célébration liturgique du
mystère de la Rédemption et le service chrétien des autres »
.
Sachant bien qu'une
catéchèse complète est nécessaire, j'ai fait mienne la proposition présentée par
les Pères de l'Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques de 1985 d'élaborer
« un catéchisme ou précis de toute la doctrine catholique pour tout ce qui
concerne la foi et la morale », catéchisme qui puisse être « un point de
référence pour les catéchismes ou précis qui sont préparés dans les diverses
régions »
.
Cette proposition a été concrétisée par la publication de l'édition type du
Catechismus Catholicæ Ecclesiæ
.
En plus du texte officiel du Catéchisme, et pour une meilleure utilisation de
son contenu, j'ai voulu que soit élaboré et publié également un Directoire
général pour la catéchèse
.
Je recommande vivement l'utilisation de ces deux instruments, de valeur
universelle, à tous ceux qui se consacrent en Amérique à la catéchèse. Il est
souhaitable que les deux documents soient utilisés « dans la préparation et dans
la vérification de tous les programmes paroissiaux et diocésains de catéchèse,
compte tenu de ce que la situation religieuse des jeunes et des adultes requiert
une catéchèse plus kérygmatique et plus organique dans la présentation du
contenu de la foi »
.
Il faut reconnaître et
encourager la mission méritante que remplissent de nombreux catéchistes dans
tout le continent américain, comme messagers authentiques du Royaume : « Leur
foi et leur témoignage de vie font partie intégrante de la catéchèse »
.
Je désire encourager toujours davantage les fidèles à assumer avec détermination
et amour pour le Seigneur ce service de l'Église, donnant généreusement leur
temps et leurs talents. Pour leur part, les Évêques doivent se préoccuper de
fournir aux catéchistes une formation appropriée pour qu'ils puissent remplir
cette tâche si indispensable dans la vie de l'Église.
Dans la catéchèse, il
sera bon de tenir compte, surtout dans un continent comme l'Amérique où la
question sociale revêt un caractère important, du fait que « la croissance dans
la compréhension de la foi et son expression pratique dans la vie sociale sont
en liens étroits. Les forces employées pour faciliter la rencontre avec le
Christ ne peuvent pas ne pas avoir une répercussion favorable dans la promotion
du bien commun dans une société juste »
.
70. Mon
prédécesseur Paul VI notait avec une sage inspiration : « La rupture entre
Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque »
.
C'est donc à juste titre que les Pères synodaux ont estimé que « la nouvelle
évangélisation requiert un effort lucide, sérieux et ordonné pour évangéliser la
culture »
.
Le Fils de Dieu, en assumant la nature humaine, s'est incarné au sein d'un
peuple déterminé, mais sa mort rédemptrice a apporté le salut à tous les hommes,
de quelque culture, race ou condition que ce soit. Le don de son Esprit et son
amour s'adressent à tous et chacun des peuples et des cultures pour les unir
entre eux à l'exemple de l'unité parfaite qui existe en Dieu un et trine. Pour
que ce soit possible, il est nécessaire d'inculturer la prédication, de manière
que l'Évangile soit annoncé dans le langage et la culture de ceux qui
l'entendent
.
En même temps, toutefois, il ne faut pas oublier que seul le mystère pascal du
Christ, manifestation suprême du Dieu infini dans la finitude de l'histoire,
peut être un point de référence valable pour toute l'humanité en pèlerinage qui
recherche l'unité authentique et la paix véritable.
Dans le continent, le
visage métissé de la Vierge de Guadalupe a été dès le début un symbole de
l'inculturation de l'évangélisation, dont elle a été l'étoile et le guide. Par
sa puissante intercession, l'évangélisation pourra pénétrer le cœur des hommes
et des femmes d'Amérique, et imprégner leurs cultures, les transformant de
l'intérieur
.
71. Le monde
de l'éducation est un domaine privilégié pour promouvoir l'inculturation de
l'Évangile. Toutefois, les centres catholiques d'éducation, et ceux qui, sans
être confessionnels, sont en fait d'inspiration clairement catholique, ne
pourront accomplir une action d'évangélisation authentique que si à tous les
niveaux, y compris le niveau universitaire, ils savent conserver avec clarté
leur orientation catholique. Le contenu du projet éducatif devra se référer
constamment à Jésus Christ et à son message, comme l'Église le présente dans son
enseignement tant dogmatique que moral. C'est seulement ainsi que l'on pourra
former des dirigeants authentiquement chrétiens dans les divers domaines de
l'activité humaine et de la société, spécialement dans la politique, dans
l'économie, dans les sciences, dans l'art et dans la réflexion philosophique
.
En ce sens, « il est essentiel que l'université catholique soit vraiment et
réellement à la fois université et catholique. [...] Le caractère catholique est
un élément constitutif de l'université en tant qu'institution, et il ne dépend
donc pas de la simple décision des personnes qui dirigent l'université à un
moment déterminé »
.
Le travail pastoral dans les universités catholiques fera donc l'objet d'une
sollicitude particulière : il faut susciter l'engagement apostolique des
étudiants, afin qu'ils deviennent eux-mêmes évangélisateurs du monde
universitaire
.
En outre, « il faut stimuler la coopération entre les universités catholiques de
toute l'Amérique afin qu'elles s'enrichissent mutuellement »
,
contribuant ainsi à réaliser, même au niveau universitaire, le principe de la
solidarité et de l'échange entre les peuples de tout le continent.
On doit dire à peu près
la même chose à propos des écoles catholiques, en particulier pour ce qui
concerne l'enseignement secondaire : « Il faut faire un effort spécial pour
renforcer l'identité catholique des écoles, qui fondent leur nature spécifique
sur un projet éducatif dont l'origine se trouve dans la personne du Christ et
dont la racine est dans la doctrine de l'Évangile. Les écoles catholiques
doivent chercher non seulement à donner une éducation qualifiée du point de vue
technique et professionnel, mais aussi et surtout à veiller à la formation
intégrale de la personne humaine »
.
Vu l'importance de la tâche des éducateurs catholiques, je m'unis aux Pères
synodaux pour encourager et remercier tous ceux qui se consacrent à
l'enseignement dans les écoles catholiques: prêtres, hommes et femmes consacrés,
et laïcs engagés, « afin qu'ils persévèrent dans leur mission si importante »
.
Il faut faire en sorte que l'influence de ces centres atteigne tous les secteurs
de la société, sans distinction ni exclusivisme. Il est indispensable que l'on
fasse tous les efforts possibles pour que les écoles catholiques, malgré les
difficultés économiques, continuent à dispenser « une éducation catholique aux
pauvres et aux marginaux de la société »
.
Il ne sera jamais possible de libérer les indigents de leur pauvreté si on ne
les libère pas d'abord de la misère due au fait qu'une éducation digne leur a
fait défaut.
Dans le projet global de
la nouvelle évangélisation, le domaine de l'éducation occupe une place
privilégiée. Aussi faut-il encourager l'activité de tous les enseignants
catholiques, y compris de ceux qui sont engagés dans des écoles non
confessionnelles. J'adresse également un appel urgent aux personnes consacrées
afin qu'elles n'abandonnent pas ce champ si important pour la nouvelle
évangélisation
.
Comme fruit et
expression de la communion entre toutes les Églises particulières d'Amérique,
certainement renforcée par l'expérience spirituelle de l'Assemblée synodale, on
ne manquera pas de promouvoir des rencontres d'éducateurs catholiques, aux
niveaux national et continental, en veillant à ordonner et à accroître l'action
pastorale éducative dans tous les milieux
.
Pour faire face à toutes
ces tâches, l'Église en Amérique a besoin, dans le domaine de l'enseignement,
d'un espace de liberté, qui ne doit pas être entendu comme un privilège mais
comme un droit, en vertu de la mission évangélisatrice confiée par le Seigneur.
En outre, les parents ont le droit fondamental et premier de décider de
l'éducation de leurs enfants et, pour ce motif, les parents catholiques doivent
avoir la possibilité de choisir l'éducation correspondant à leurs convictions
religieuses. La fonction de l'État dans ce domaine est subsidiaire. Celui-ci a
l'obligation « de garantir à tous l'éducation et de respecter et défendre la
liberté d'enseignement. Le monopole d'État dans ce domaine doit être dénoncé
comme une forme de totalitarisme préjudiciable aux droits fondamentaux qu'il
doit défendre, spécialement au droit des parents à l'éducation religieuse de
leurs enfants. La famille est le premier espace éducatif de la personne »
.
72. Pour que
la nouvelle évangélisation soit efficace, il est fondamental d'avoir une
profonde connaissance de la culture actuelle, dans laquelle les moyens de
communication sociale ont une grande influence. Il est donc indispensable de
connaître et d'utiliser ces moyens, dans leurs formes traditionnelles comme dans
les formes plus récentes introduites par le progrès technologique. La réalité
d'aujourd'hui exige que l'on sache maîtriser le langage, la nature et les
caractéristiques des médias. En les utilisant d'une manière correcte et avec
compétence, on peut réaliser une authentique inculturation de l'Évangile.
D'autre part, ces mêmes médias contribuent à modeler la culture et la mentalité
des hommes et des femmes de notre temps ; c'est pourquoi ceux qui opèrent dans
le domaine des instruments de communication sociale doivent bénéficier d'une
action pastorale spéciale
.
À ce sujet, les Pères
synodaux ont indiqué de nombreuses initiatives concrètes pour assurer une
présence efficace de l'Évangile dans le monde des moyens de communication
sociale: la formation d'agents pastoraux pour ce milieu; la promotion de centres
de production qualifiée; l'usage prudent et avisé des satellites et des
nouvelles technologies; la formation des fidèles afin qu'ils soient des usagers
« critiques » ; l'union des efforts pour acquérir puis gérer ensemble de
nouveaux émetteurs et chaînes de télévision, comme aussi la coordination de ceux
qui existent déjà. Quant aux publications catholiques, elles méritent d'être
soutenues et il est souhaitable qu'elles connaissent un développement
qualitatif.
Il faut encourager les
entrepreneurs afin qu'ils soutiennent économiquement des produits de qualité qui
promeuvent les valeurs humaines et chrétiennes
.
Toutefois, un programme aussi vaste dépasse de beaucoup les possibilités des
Églises particulières du continent américain. C'est pourquoi les Pères synodaux
ont proposé une coordination interaméricaine des activités existant dans le
domaine des moyens de communication sociale, afin de favoriser la connaissance
et la coopération réciproques des réalisations qui existent déjà dans ce domaine
.
73. Le
prosélytisme que les sectes et les nouveaux groupes religieux exercent en
beaucoup de régions d'Amérique constitue un grave obstacle à l'effort
d'évangélisation. Le mot « prosélytisme » a un sens négatif quand il se réfère à
une façon de conquérir des adeptes sans aucun respect pour la liberté de ceux
auxquels s'adresse une propagande religieuse déterminée
.
L'Église catholique en Amérique critique le prosélytisme des sectes et, pour
cette raison même, dans son action évangélisatrice elle exclut le recours à des
méthodes semblables. Proposant l'Évangile du Christ dans toute son intégrité,
l'activité évangélisatrice doit respecter le sanctuaire de la conscience de
chaque individu, en qui se développe le dialogue décisif, absolument personnel,
entre la grâce et la liberté de l'homme.
Il faut tenir compte de
cela particulièrement à l'égard des frères chrétiens des Églises et Communautés
ecclésiales séparées de l'Église catholique, déjà établies depuis longtemps dans
certaines régions. Les liens de vraie communion, même si elle est imparfaite,
que ces Communautés ont déjà avec l'Église catholique, selon la doctrine du
Concile Vatican II
,
doivent éclairer les attitudes de cette dernière et de tous ses membres
vis-à-vis d'elles
.
Toutefois, ces attitudes ne pourront pas aller jusqu'à entamer la ferme
conviction que la plénitude des moyens de salut établis par Jésus Christ se
trouve seulement dans l'Église catholique
.
Les succès du
prosélytisme des sectes et des nouveaux groupes religieux en Amérique ne
sauraient être regardés avec indifférence. Ils exigent de l'Église dans ce
continent une étude approfondie, à réaliser dans chaque pays et aussi au niveau
international, pour découvrir les motifs pour lesquels nombre de catholiques
abandonnent l'Église. À la lumière des conclusions que l'on en tirera, il sera
utile de faire une révision des méthodes pastorales adoptées, de façon que
chaque Église particulière ait pour les fidèles une attention plus personnalisée
dans le domaine religieux, qu'elle fortifie les structures de communion et de
mission, et qu'elle utilise les occasions d'évangélisation que présente une
religiosité populaire purifiée; ainsi sera rendue plus vive la foi en Jésus
Christ de tous les catholiques, à travers la prière et la méditation de la
Parole de Dieu utilement commentée
.
Il n'échappe à personne qu'il est urgent de procéder à l'évangélisation des
secteurs du peuple de Dieu qui paraissent les plus exposés au prosélytisme des
sectes: les groupes d'immigrés, les quartiers périphériques des villes ou les
villages de campagne privés de la présence habituelle du prêtre et donc marqués
par une ignorance religieuse diffuse, les familles des personnes simples
éprouvées par des difficultés matérielles de tout genre. De ce point de vue, on
constate la grande utilité des communautés de base, des mouvements, des groupes
de familles et d'autres formes d'association dans lesquelles il est plus facile
d'entretenir des relations interpersonnelles de soutien réciproque sur le plan
spirituel et aussi économique.
Il est toutefois
nécessaire d'avoir toujours présent à l'esprit le risque signalé par quelques
Pères synodaux: une pastorale visant de manière quasi exclusive les besoins
matériels des destinataires finit par décevoir la soif de Dieu qu'ont ces
peuples, les laissant ainsi dans une situation vulnérable face à n'importe
quelle prétendue offre spirituelle. C'est pourquoi « il est indispensable que
tous se tiennent unis au Christ par l'annonce kérygmatique joyeuse et
transformante, spécialement celle de la prédication dans la liturgie »
.
Une Église qui vit intensément la dimension spirituelle et contemplative et qui
se dépense généreusement au service de la charité sera, d'une manière toujours
plus éloquente, un témoin crédible de Dieu pour les hommes et les femmes en
recherche d'un sens pour leur vie
.
À cette fin, il est plus que jamais nécessaire que les fidèles passent d'une foi
routinière, peut-être soutenue par le seul milieu, à une foi consciente, vécue
personnellement. Se renouveler dans la foi sera toujours la voie la meilleure
pour que tous soient conduits à la Vérité qu'est le Christ.
Pour que la réponse au
défi des sectes soit efficace, il faut une coordination appropriée des
initiatives au niveau supra-diocésain, afin de réaliser une coopération par des
projets communs qui pourront donner davantage de fruits
.
74. Jésus
Christ a confié à son Église la mission d'évangéliser toutes les nations :
« Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom
du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que
je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20). La conscience de l'universalité de
la mission évangélisatrice que l'Église a reçue doit demeurer vive, comme en a
toujours témoigné l'histoire du peuple de Dieu qui poursuit sa marche en
Amérique. L'évangélisation se fait plus urgente quand on voit toutes les
personnes vivant dans ce continent qui ne connaissent pas encore le nom de
Jésus, seul nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés (cf. Ac
4, 12). Ce nom est malheureusement inconnu d'une grande partie de l'humanité et
dans beaucoup de milieux de la société américaine. Que l'on pense aux ethnies
autochtones qui ne sont pas encore christianisées ou à la présence de religions
non chrétiennes comme l'Islam, le Bouddhisme ou l'Hindouisme, surtout parmi les
immigrés venant de l'Asie.
Cela oblige l'Église en
Amérique à rester ouverte à la mission ad gentes
.
Le programme d'une nouvelle évangélisation dans le continent, objectif de
nombreux projets pastoraux, ne peut se limiter à revitaliser la foi des croyants
routiniers, mais il doit chercher aussi à annoncer le Christ dans les milieux où
il est inconnu.
En outre, les Églises
particulières d'Amérique sont appelées à déployer leur élan évangélisateur
au-delà des frontières du continent. Elles ne peuvent garder pour elles les
immenses richesses de leur patrimoine chrétien. Elles doivent le porter au monde
entier et le communiquer à ceux qui ne le connaissent pas encore. Il s'agit là
de millions d'hommes et de femmes qui, sans la foi, souffrent de la plus grave
des pauvretés. Face à cette pauvreté, ce serait une erreur de ne pas favoriser
une activité d'évangélisation hors du continent sous prétexte qu'il y a encore
beaucoup à faire en Amérique ou qu'il faut attendre d'avoir atteint une
situation, au fond utopique, de plein épanouissement de l'Église en Amérique.
En souhaitant que le
continent américain, en accord avec sa vitalité chrétienne, participe à la
grande tâche de la mission « ad gentes », je fais miennes les propositions
concrètes que les Pères synodaux ont présentées, à savoir « soutenir une plus
grande coopération entre les Églises sœurs; envoyer des missionnaires (prêtres,
personnes consacrées et fidèles laïcs) à l'intérieur et en dehors du continent;
renforcer ou créer des Instituts missionnaires; favoriser la dimension
missionnaire de la vie consacrée et contemplative; donner une plus grande
impulsion à l'animation, à la formation et à l'organisation missionnaires »
.
Je suis sûr que, grâce à leur zèle pastoral, les Évêques et les autres fils de
l'Église dans toute l'Amérique sauront trouver des initiatives concrètes, même
au niveau international, qui permettront la réalisation, avec beaucoup de
dynamisme et de créativité, de ces desseins missionnaires.
75. « Voici
que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,
20). Mettant sa confiance dans cette promesse du Seigneur, l'Église qui poursuit
sa marche dans le continent américain se dispose avec enthousiasme à affronter
les défis du monde actuel et ceux que l'avenir pourra réserver. Dans l'Évangile,
la bonne nouvelle de la résurrection du Seigneur est accompagnée de l'invitation
à ne pas avoir peur (cf. Mt 28, 5.10). L'Église en Amérique désire
marcher dans l'espérance, comme l'ont affirmé les Pères synodaux : « Avec une
confiance sereine dans le Seigneur de l'histoire, l'Église se dispose à franchir
le seuil du troisième millénaire sans préjugés ni pusillanimité, sans égoïsme,
sans craintes ni doutes, convaincue du service fondamental et premier qu'elle
doit prêter comme témoignage de fidélité à Dieu ainsi qu'aux hommes et aux
femmes du continent »
.
En outre, l'Église en
Amérique se sent particulièrement poussée à marcher dans la foi, répondant avec
gratitude à l'amour de Jésus, « manifestation incarnée de l'amour miséricordieux
de Dieu (cf. Jn 3, 16) »
.
La célébration du début du troisième millénaire chrétien peut être une bonne
occasion pour que le peuple de Dieu en Amérique renouvelle « sa gratitude pour
le grand don de la foi »
qu'il a commencé à recevoir il y a cinq siècles. Au-delà des aspects historiques
et politiques, l'an 1492 fut la grande année de grâce pour la foi accueillie en
Amérique, une foi qui parle du bienfait suprême de l'Incarnation du Fils de
Dieu, advenue il y a deux mille ans, comme nous le rappellerons solennellement
lors du grand Jubilé tout proche.
Ce double sentiment
d'espérance et de gratitude doit accompagner toute l'action pastorale de
l'Église dans le continent, imprégnant d'esprit jubilaire les diverses
initiatives des diocèses, des paroisses, des communautés de vie consacrée, des
mouvements ecclésiaux, comme aussi les activités qui pourront être organisées au
niveau régional et continental
.
76. J'invite
donc tous les catholiques d'Amérique à prendre une part active aux initiatives
d'évangélisation que l'Esprit Saint suscite dans toutes les parties de cet
immense continent, si rempli de potentialités et d'espérances pour l'avenir.
J'invite spécialement les familles catholiques à être des « Églises-foyers »
,
où la foi chrétienne est vécue et transmise aux nouvelles générations comme un
trésor, et où l'on prie ensemble. Si les familles catholiques savent réaliser en
elles-mêmes l'idéal que Dieu leur confie, elles se convertiront en foyers
authentiques d'évangélisation.
En conclusion de cette
Exhortation apostolique, par laquelle j'ai repris les propositions des Pères
synodaux, j'accueille volontiers leur suggestion de composer une prière pour les
familles en Amérique
.
J'invite les personnes, les communautés et les groupes ecclésiaux, là où deux
fidèles ou plus se réunissent au nom du Seigneur, à renforcer par la prière le
lien spirituel d'union entre tous les catholiques américains. Que tous
s'unissent à la prière du Successeur de Pierre en invoquant le Christ vivant,
qui est « chemin de conversion, de communion et de solidarité en Amérique » :
Seigneur Jésus, nous te rendons grâce parce que l'Évangile de l'Amour du Père, par lequel tu es venu sauver le monde, a été largement proclamé en Amérique comme don de l'Esprit Saint qui épanouit notre joie.
Nous te rendons grâce pour le don de ta Vie, que tu nous as donnée en nous aimant jusqu'à la fin : elle nous fait fils de Dieu et frères entre nous.
Seigneur, augmente notre foi et notre amour pour Toi, qui es présent dans les multiples tabernacles du continent.
Fais de nous des témoins fidèles de ta Résurrection face aux nouvelles générations d'Amérique, afin qu'ils Te connaissent et te suivent, et qu'ils trouvent en Toi leur paix et leur joie.
Ainsi seulement ils pourront se sentir frères de tous les fils de Dieu répandus dans le monde.
Toi qui t'es fait homme et qui as voulu être membre d'une famille humaine, enseigne aux familles les vertus qui brillèrent dans la maison de Nazareth.
Fais qu'elles restent unies, comme Toi et le Père n'êtes qu'Un, et qu'elles soient un témoignage vivant d'amour, de justice et de solidarité ; fais qu'elles soient une école de respect, de pardon et d'aide mutuelle, afin que le monde croie ; fais qu'elles soient une source de vocations au sacerdoce, à la vie consacrée, et à toutes les autres formes d'intense engagement chrétien.
Protège ton Église et le Successeur de Pierre, auquel Toi, Bon Pasteur, Tu as confié la charge de paître tout ton troupeau.
Fais que ton Église fleurisse en Amérique et multiplie ses fruits de sainteté.
Apprends-nous à aimer ta Mère, Marie, comme tu l'as aimée toi-même.
Donne-nous le courage d'annoncer ta Parole en nous consacrant à la nouvelle évangélisation pour fortifier l'espérance dans le monde.
Notre-Dame de Guadalupe, Mère de l'Amérique, prie pour nous !
Donné à Mexico, le 22
janvier 1999, en la vingt et unième année de mon Pontificat.



|