Dix martyrs de Crète
Théodule, Saturnin, Eupore, Gélase,
Eunicien, Zotique, Cléomène, Agatope,
Basilide et Evareste
Martyrs, Saints
† 250

 

Après la publication de l'édit de Dèce contre les chrétiens , on versa leur sang de toutes parts ; mais ce fut surtout dans l'île de Crète ou de Candie que les païens les traitèrent avec la dernière cruauté. On distingue parmi ceux qui y souffrirent alors, Théodule, Saturnin, Eupore, Gélase, Eunicien, Zotique, Cléomène, Agatope, Basilide et Evareste, vulgairement appelés les dix Martyrs de Crète. Les trois premiers étaient de Gortyne, métropole de l'île. On croit qu'ils avaient été instruits dans la foi par saint Cyrile, évêque de cette ville, lequel fut décapité dans la même persécution, et est nommé dans le martyrologe romain le 9 Juillet. Les autres saints martyrs étaient également Crétois. Zotique ou Zétique était de Gnosse, Agatope de Panorme, Basilide de Cydonie, et Evareste d'Héraclée. Leur zèle les réunit dans la confession de Jésus-Christ.

Lorsqu'ils eurent été arrêtés, on leur fit souffrir mille outrages et diverses tortures ; après quoi ils furent conduits devant le gouverneur, qui faisait sa résidence à Gortyne. Ils subirent l'interrogatoire le 23 de Décembre. Ils eurent ordre de sacrifier à Jupiter, la principale divinité du pays ; ce jour d'ailleurs lui était spécialement consacré, et l'on célébrait une fête en son honneur. Les martyrs répondirent qu'ils ne pouvaient offrir de sacrifice à des idoles. « Vous connaîtrez, dit le juge, la puissance des dieux ; ce ne sera pas impunément que vous manquerez de respect à cette illustre assemblée qui adore le grand Jupiter, Junon, Rhée, et les autres dieux. Cessez, répliquèrent les martyrs, de nous parler de Jupiter et de Rhée sa mère ; nous savons leur généalogie et l'histoire de leurs actions. Nous pouvons vous montrer le tombeau de Jupiter ; il est né dans cette île ; il a été roi, ou plutôt tyran de son pays ; il s'est abandonné à toutes sortes de désordres, et même à des abominations contre nature ; il a eu recours aux enchantements pour corrompre les autres. Ceux qui l'honorent comme un dieu, ne doivent point se faire scrupule de l'imiter. » Le juge, ne pouvant nier ni réfuter les faits allégués, ne suivit plus que les mouvements de sa fureur. Le peuple, également transporté de rage, aurait mis les confesseurs en pièces, s'il n'eut été retenu. Ils furent condamnés à des tortures horribles. Les uns, ayant été étendus sur le chevalet, furent déchirés avec des ongles de fer ; les autres eurent le corps percé avec des pierres ou des bâtons aiguisés ; on battit ceux-ci avec des fouets armés de plomb, de manière qu'on leur brisa ou du moins qu'on leur disloqua les os ; ceux-là souffrirent d'autres espèces de tourments qui étaient aussi cruels. Les martyrs, au lieu de se plaindre, ne faisaient que répéter : « Nous sommes chrétiens ; nous préparât-on mille morts, nous les souffrirons avec joie. » Le peuple criait avec fureur pour animer contre eux le juge, qui, de son côté, exhortait les bourreaux à ne se point lasser. Les saints confesseurs continuaient de louer Dieu, et de protester qu'ils lui resteraient inviolablement attachés.

Le juge, qui désespérait de vaincre leur constance, ordonna de les décapiter. Tandis qu'on les conduisait au supplice, ils priaient pour leurs persécuteurs, et demandaient à Dieu avec ferveur la conversion de leurs compatriotes. Les chrétiens emportèrent secrètera eut leurs corps pour les enterrer. On transféra depuis leurs reliques à Rome. Les Pères du concile de Crète, tenu en 458, disent dans une lettre à l'empereur Léon, que leur île avait été jusqu'alors préservée de l'hérésie par l'intercession de nos saints martyrs. Les Grecs et les Latins font leur fête en ce jour.

Un chrétien qui vit de la foi et qui aime, soupire après le bonheur du ciel, où il verra Dieu et le possèdera. Nous sommes sur la terre environnés de faiblesses et de misères ; nous sommes continuellement exposés au danger de nous perdre. David, cet homme selon le cœur de Dieu, tomba dans le péché ; Salomon devint idolâtre ; Judas, appelé par Jésus-Christ lui-même à l'apostolat, se rendit coupable du crime le plus énorme et mourut dans l'apostasie et le désespoir ; combien de confesseurs qui, prêts à remporter la palme du martyre, ont cédé à la violence des tourments, et se sont perdus pour toujours ! Nous mettons notre confiance en la bonté divine, et nous avons raison : le Seigneur ne nous abandonnera point que nous ne l'abandonnions les premiers ; mais portons-nous une sainte envie à ceux qui déjà sont en possession de la bienheureuse éternité ? Regardons-nous comme un malheur de vivre au milieu de tant de prévarications, de tant de péchés, qui font blasphémer tous les jours le nom de notre Dieu ? Disons-nous avec David: Que ma demeure ici-bas est prolongée ? Mon âme ressent une vive douleur de se voir retenue parmi les habitants de Cedar, Dans ce monde corrompu, qui n'aime pas, qui ne connaît pas même le Seigneur ? Notre éloignement de lui devrait être pour nous une source intarissable de larmes. Donnez-moi, dit saint Augustin, un homme qui aime, et il entendra ce que je dis. Sur la terre, nous ne voyons Dieu qu'à travers les ombres de la foi, nous ne pouvons le contempler que dans ses œuvres, que dans ses mystères et ses miséricordes ; mais l'amour est insatiable, il sera inquiet jusqu'à ce qu'il le voie en lui-même et qu'il jouisse de lui : ce qu'il ne peut obtenir en ce monde. Moïse ayant demandé à Dieu de voir sa face, il lui fut répondu que cela était impossible dans cette vie mortelle. Pourquoi donc est-elle si prolongée ? Pourquoi sommes-nous si longtemps privés du souverain bien ? Pourquoi notre union à l'objet de tous nos désirs et de toutes nos affections est-elle si différée ? Tout ce que nous voyons ne semble-t-il pas nous dire : Où est votre Dieu ? Les Juifs captifs à Babylone ne pensaient qu'à leur patrie, ne soupiraient qu'après Jérusalem. Leurs harpes muettes étaient suspendues aux saules. Leurs ennemis mêmes, touchés de leur douleur, tâchaient de les consoler. Ils les priaient de leur chanter ces cantiques divins dont ils avaient fait retentir autrefois le temple et les montagnes de la Judée. Comment, répondaient les Juifs, chanterions-nous les louanges du Seigneur et des cantiques de joie dans une terre étrangère ? Ou ne devrait entendre que des soupirs et des hymnes de componction dans cet état d'exil où nous sommes, dans cette terre couverte de crimes et d'abominations. Tels sont les sentiments dont sont pénétrées les âmes ferventes, senti mens qui portaient les martyrs à compter pour rien les tourments et la mort la plus cruelle.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card.

 

 

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