Troisième partie

Contemplons l’Amour qui aime

Chapitre 3

La parabole du nénuphar

Un nénuphar... Une grande feuille verte qui, calmement, largement et voluptueusement s’étale sur l’eau dormante d’un étang... Une grande feuille verte flottante et prête à absorber les rayons bienfaisants du soleil. Prête aussi à travailler, grâce à la lumière vivifiante, et, grâce aussi à la fonction chlorophyllienne, pour produire l’oxygène nécessaire à la vie de tous ceux qui l’entourent. Une grande feuille largement étalée, qui semble se reposer, se prélasser dans la lumière, mais qui, pourtant travaille discrètement, sans relâche. On croit qu’elle se repose, mais non, immobile, portée par la surface de l’eau et plongée dans la lumière de Dieu, elle produit l’oxygène de la vie...

Un nénuphar!... Une grande feuille étalée sur l’eau et plongée dans la lumière, une grande feuille qui semble ne rien faire... Et puis, un jour, un bouton apparaît sur la feuille, un tout petit bouton, une promesse de vie... Et dans le chaud soleil, le bouton, un jour s’ouvre lui aussi à la vie. Il ne sait pas comment. Il ne sait pas non plus comment il est arrivé là, à la vie. Non, mais il se laisse faire, il se laisse plonger dans la vie, dans la chaleur caressante du Soleil. Peu à peu il prend forme, il se teinte de couleur rosée, il devient beau, si beau qu’alentour les passants s’arrêtent pour le contempler et rendre grâce à Dieu qui a fait de telles merveilles. Car le petit bouton s’est peu à peu transformé en une fleur étonnante de beauté.

Quelle belle fleur que celle du nénuphar! A force d’être admirée, la jolie fleur a oublié, sans trop s’en rendre compte, qu’elle avait tout reçu de Dieu, et qu’elle n’était pour rien dans sa splendeur. Elle s’est mise à s’admirer, à se contempler, à se prendre pour une fleur de lotus et à se trouver si belle qu’elle en mépriserait un peu les autres fleurs d’alentour; elle serait même un peu tentée de jalouser ses compagnes aussi belles qu’elle, ou encore plus belles...

Bien sûr, elle rendait toujours gloire à Dieu, mais la routine s’installait. Elle s’ouvrait toujours pour recevoir les rayons du Soleil, elle était très heureuse, mais un peu égoïstement...

Les choses auraient pu durer longtemps ainsi. La jolie fleur aurait continué à être belle, mais cependant de moins en moins, car, sans qu’elle s’en aperçoive, les teintes ternes de la tiédeur auraient peu à peu affadi ses couleurs... Et cela, son créateur ne le voulait pas... Alors, il fit se lever une tempête, une effroyable tempête sur la surface de l’étang calme, et la fleur de nénuphar arrachée des attaches qui la retenaient dans son milieu autrefois nutritif mais qui s’était progressivement appauvri, fut entraînée dans un tourbillon sans pitié qui la déposa, chiffonnée et meurtrie dans un marécage nauséabond. Pauvre petite fleur abandonnée, sans force, sans appui!... Et maintenant sans beauté, car sa robe spendide avait été froissée, déchirée, puis maculée de taches de boue inesthétiques.

Pauvre petite fleur sans beauté qui voudrait bien se redresser, se nettoyer, mais qui n’y arrive pas, et qui sent la mort approcher...

Pauvre petite fleur blessée qui pleure sa beauté perdue, qui pleure son étang natal, qui pleure seule, sans espoir de consolation. Pauvre petite fleur qui pleure, qui pleure... en attendant la mort...

Tout serait maintenant terminé, et plus personne ne penserait à la petite fleur de nénuphar si Quelqu’un, venu d’ailleurs, n’était passé par là. Voyant la pauvre fleur abîmée par la tempête, mais pourtant encore belle malgré ses déchirures et ses taches, ce Quelqu’un venu d’ailleurs tendit une douce main au-dessus du marécage et retira la pauvre fleur. Comme elle était pleine de boue, il la plongea dans l’eau claire et pure d’une source voisine et la secoua vigoureusement pour en faire partir toute la terre. Puis il la replanta, à l’ombre d’un grand arbre, sur la rive d’un petit ruisseau alimenté en permanence par l’eau fraîche de la source.

La petite fleur reprit vie rapidement. Elle était bien contente d’être redevenue propre et elle remerciait sans cesse son bienfaiteur anonyme qui avait eu pitié d’elle. Elle était redevenue belle, et même plus belle qu’avant. Mais cela, elle ne le savait pas, car elle regardait autour d’elle pour connaître son nouveau milieu de vie. Elle regardait ce qui se passait autour d’elle, elle regardait tellement ses nouvelles compagnes, qu’elle oubliait de se regarder. Elle contemplait ce monde nouveau si pur, si paisible, et elle se sentait vraiment heureuse. L’épreuve, qui l’avait secouée si rudement, lui avait fait rencontrer Quelqu’un qu’elle voulait revoir, à tout prix.

Notre fleur se fortifiait, se purifiait. Ses plaies se cicatrisaient. Surtout, elle devenait plus humble, car son malheur lui avait appris que toute seule, elle ne pouvait rien faire. Elle appréciait de plus en plus la douceur de l’ombre qui s’étendait au-dessus d’elle, qui la protégeait des morsures brutales d’un soleil trop ardent, mais qui, surtout, semblait l’envelopper de tendresse. Notre petite fleur paraissait comblée. Et puis elle n’était plus seule. D’autres fleurs avaient été plantées auprès d’elle, et leur compagnie reposante lui rendait confiance.

Puis voilà qu’un jour la petite fleur de nénuphar, qui s’épanouissait, heureuse au bord de son ruisseau, aperçut, non loin d’elle, un spectacle qu’elle ne connaissait pas encore. L’eau de la source qui s’écoulait paisible dans le ruisseau béni, semblait se rassembler en un petit torrent se précipitant vers une sorte de tunnel obscur, pour être conduit, plus loin, vers un jardin merveilleux qu’il devrait irriguer, plus tard.

Bien sûr, ce jardin merveilleux, la petite fleur de nénuphar ne pouvait le voir; mais on lui avait fait comprendre qu’il était pourtant là, tout près d’elle. Notre fleur de nénuphar aurait bien voulu aller voir ce jardin, mais elle ne le pouvait pas. Elle était plantée là, trop solidement sur le bord du ruisseau, juste avant que le courant de l’eau ne s’accélère. Tout au plus, en se hissant sur la pointe de sa tige pouvait-elle apercevoir quelques branches fleuries des arbres de ce merveilleux jardin.

Notre fleur de nénuphar commençait à s’inquiéter, à se faire de la peine, car elle avait compris aussi qu’elle était destinée à vivre dans ce jardin d’Éden, mais elle n’arrivait pas à s’arracher de son site... C’est alors que Quelqu’un venu d’ailleurs, Quelqu’un qui passait par là, lui fit comprendre que, pour l’instant, il lui fallait demeurer là, près de la source, sur le bord du ruisseau, pour continuer à se fortifier, à se purifier, à laisser l’eau vive qui la pénétrait chasser ses dernières souillures... Et puis on avait encore besoin d’elle, là où elle était, pour réjouir, avec ses soeurs, les coeurs attristés des passants fatigués.

Et la petite fleur de nénuphar comprit qu’il lui fallait encore attendre, là, dans cette demeure pacifiante, avant de pénétrer dans le jardin. Il lui fallait  être patiente, mais on ne l’empêchait pas de chanter et de répéter une partition nouvelle, sa partition, la partition de l’Amour, pour la plus grande joie de tous ceux qui passeraient près d’elle. D’ailleurs elle entendait déjà quelques accords harmonieux. Plus tard, elle pourrait, elle aussi, aller se joindre au choeur des habitants du Jardin pour chanter l’Amour, éternellement. Elle savait aussi, que là-bas, dans ce jardin d’Eden, l’Amour qu’elle chanterait, c’était ce QUELQU’UN venu d’ailleurs qui l’avait sauvée de la mort.

La fleur de nénuphar n’est qu’une parabole, mais c’est une parabole qui ouvre des horizons nouveaux vers QUELQU’UN venu d’ailleurs, de QUELQU’UN qui nous sauve, qui nous attend et qui nous aime.

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