Qui est Roger Akl?
Secrétaire général de l’Institut Tchobanian ; Rédacteur
en Chef de la Revue Europe & Orient,
Roger Akl
commence sa carrière comme officier de marine, toute sa
formation militaire et stratégique étant effectuée en
France (en 58, École de spécialité, ESGI, CSI). Il
quitte la marine en 1983 et s'installe en France comme
administrateur de sociétés, tout en conservant des
contacts avec le Proche-Orient et les États-Unis. |
 |
Le dialogue
Interreligieux
et l’Avenir du Christianisme
Chers amis
chrétiens ou non,
Je
remercie mademoiselle Paulette Leblanc pour m'avoir proposé
d'écrire à Nouvelle Évangélisation ; ce que j'ai fait. Je vous
remercie tous de vos commentaires et je vous envoie ci-dessous,
l'article en question non coupe. Vous verrez qu'il parle aussi
de l'Église d'aujourd'hui. Si mes écrits qui sont parfois
stratégiques sur le Moyen-Orient (je suis un ancien militaire
libanais) vous dérangent je vous prie de me le faire savoir.
Cordialement
Roger AKL
* * * * *
Je viens du
Liban et ma foi y équivalait à une foi de charbonnier. Par
contre, en arrivant en France, je me suis trouvé au contact de
beaucoup d’amis et camarades agnostiques et j’ai été forcé de
l’approfondir, face à leurs questions et même, parfois, leurs
critiques. Ils ont dit que la religion chrétienne ne différait
des autres religions que par le décalage historique, car toutes
sont basées sur des mythes et des légendes, contredites par la
science et la raison, et toutes, une fois appuyées sur le
pouvoir politique, devenaient hégémoniques avec la volonté de
s’imposer par la force plutôt que par la persuasion et que,
finalement, elles arrivaient à une phase de déclin, dans
laquelle se trouve aujourd’hui le christianisme. C’est à ces
critiques que je chercherai à répondre.
Toutes les religions se
ressemblent-elles ?
Il est vrai
qu’il y a un décalage profond, entre les religions, dû, entre le
christianisme et l'islam, par exemple, à plus de six cents ans
d’histoire, à des différences théologiques, culturelles et
autres. Ce décalage existe aussi entre le christianisme et
toutes les religions du monde, sans exception.
Il est causé
surtout par un renversement total de l’idée que le christianisme
donne de Dieu, par rapport aux autres religions précédentes ou
plus jeunes : A la place d’un Dieu autoritaire, effrayant par sa
puissance, le christianisme parle d’un Dieu « Père, bon et
miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour ». Ce qui, en
tenant compte des origines juives du christianisme, est une
première dans l’idée que se feraient de lui les êtres humains.
D’ailleurs, même les deux autres religions du Livre, le judaïsme
et l’islam, ont reculé devant la pensée que ce Dieu Père, si bon
et si aimant, irait jusqu’à sacrifier son Fils unique pour
sauver l’humanité. Les musulmans appellent les chrétiens « mouchrikine »,
car Dieu ne peut pas avoir d’associés, encore moins un Fils,
tandis que les juifs y voient un blasphème.
Comment donc
quand ce Fils unique, Dieu lui-même, obéit sans broncher à
l'ordre paternel et se laisse humilier, martyriser et tuer sur
une croix, condamnation des plus humiliantes et des plus
abjectes ?
C’est à cause
de cela que la comparaison, entre la religion chrétienne et les
autres religions, devient sans objet, car ce qu’elle proclame
est, non seulement, unique, mais encore plus, scandaleux,
blasphématoire même, pour le judaïsme et l’islam qui ne peuvent
imaginer qu’un Dieu unique puisse être formé de trois Personnes
égales et que ce Dieu, que les adeptes de ces religions adorent,
puisse s’abaisser jusqu’à accepter « de mourir et mourir sur une
croix », même par amour, même pour montrer à l’homme le chemin à
suivre pour atteindre la vie éternelle auprès de son Dieu et
Père : un chemin de sacrifice, de souffrance et même de mort
pour le bien de ses frères humains.
Un mythe ?
Cela, aucun
homme n’aurait pu l’inventer, encore moins des pêcheurs frustes,
inculqués dans la religion juive, comme l’étaient les apôtres,
ou un fils de menuisier, comme apparaissait le Christ à ses
contemporains. Seul Paul avait l’éducation pour cela. Mais Paul
était l’ennemi des chrétiens, jusqu’à ce qu’il soit transformé
par sa « vision » du Christ, au moment où il allait à Damas en
ramener les chrétiens enchaînés.
Serait-il
devenu fou, pour échanger sa situation de puissance et de
richesse, contre un avenir de dangers et d'épreuves jusqu'au
martyre ? Ses lettres postérieures à cet événement montrent tout
le contraire.
C’est pour
cela que la religion chrétienne est unique et que l’on se
trompe, en parlant de « mythes et de récits légendaires », car,
dans notre religion, la seule légende qui est racontée est celle
du sacrifice de Dieu qui « prie », oui, qui prie l’homme de
L’écouter et de revenir à Lui pour accepter la Vie qu’il lui
prépare en Sa compagnie. Qui, en ce temps-là ou même
aujourd’hui, aurait pu inventer une pareille légende ?
Une autre
différence entre la religion chrétienne et les autres religions,
c’est le fait qu’elle a conquis l’Empire romain par le martyre
et non par l’épée. Son fondateur, le Christ, n’a jamais cherché
à menacer ou à faire peur, encore moins à utiliser l’épée ou les
armes et, quand Pierre a dégainé son épée pour le défendre
contre les soldats envoyés contre lui, il lui a donné l’ordre de
la remettre au fourreau. Un mythe pareil ne peut pas être une
création humaine, encore moins la création de pêcheurs juifs peu
éduqués et formés dans l’opinion que leur Yahvé est le Dieu des
armées qui a fait mourir les armées d’Égypte dans la mer Rouge ;
leur Messie, celui promis au peuple juif, est un messie
conquérant qui installerait le Royaume d’Israël sur la terre
entière. Ils n’auraient jamais pu imaginer un Dieu souffrant qui
combat le Mal par l’Amour.
La conquête
de l’Empire romain, par des troupes de martyrs, est d’ailleurs
la preuve vivante que cette religion n’est pas fondée sur des
légendes et des mythes. Cette preuve est renforcée par le fait
que ces martyrs accompagnent encore aujourd'hui l'Église.
Les évangélistes étaient-ils
masochistes ?
D’ailleurs,
les légendes et les mythes ne peuvent pas durer longtemps.
Pourtant, la religion chrétienne a duré plus de quatre mille ans
(en comptant ses origines juives) et, bien qu’elle soit
scandaleuse pour les juifs de l’époque et ceux d’aujourd’hui,
elle est une conséquence logique, oui, logique des écrits de
l’Ancien Testament. L’étonnant est que les chefs et les scribes
juifs de ce temps-là ne l’aient pas réalisé.
Mais on peut
dire, avec raison, que, lorsqu’une religion devient dominante et
est appuyée par le pouvoir politique, ses chefs tendent à
utiliser tous les moyens pour défendre leurs intérêts propres.
Comment pouvaient-ils accepter une évolution qui enlèverait
leurs pouvoirs humains, pour leur demander de devenir les
serviteurs de leur peuple ?
Car le
Christ, Dieu, lui-même, est venu dire : « je suis venu pour
servir et non être servi ». Il a dit à ses disciples que s’il a
été opprimé et tué, ils subiront les mêmes souffrances et les
mêmes morts, « car le serviteur n’est pas meilleur que son
maître ».
Comment des
êtres humains ont-ils pu créer un mythe pareil et pourquoi ?
Peut-on mentir pour se faire martyriser et tuer ? C’est
d’ailleurs la récompense terrestre que les apôtres et leurs
successeurs ont reçue durant trois siècles et continuent encore
à recevoir. Tous les Évangiles ont été écrits avant la fin du
premier siècle ; l'auraient-ils été par des masochistes, qui les
auraient inventés pour le plaisir de souffrir jusqu'à mourir ?
L’Église et le pouvoir.
Il est vrai
qu’à partir de la conversion des empereurs romains, certains
chefs chrétiens ont eu tendance, eux aussi, à vouloir profiter
du pouvoir. Je dis bien certains, car il y eut plein d’empereurs
romains ou byzantins, qui opprimèrent les chrétiens à cause
d’hérésies, comme l’aryanisme, auxquelles ils croyaient. On peut
aussi parler des empereurs iconoclastes Il est vrai aussi que
certains Papes et certaines directions de l’Église ont opprimé
les populations et leur ont enlevé leurs libertés. Ce qui a été
à l’origine de la Réforme, de ce qu’on appelle les Lumières ou
de la Révolution française. Mais tout cela est dû aux
caractéristiques des hommes, dont la plupart ont tendance à
profiter de leurs situations pour asservir leurs frères humains.
Cela n’a rien à voir avec les enseignements du Christ et retarde
la Paix qu’il nous a promise.
La religion et la science.
La religion
chrétienne et la science ne sont pas contradictoires, au
contraire. La religion apporte à l’homme ce que la science ne
pourra jamais lui fournir, car chacune d’elles répond à une
question différente ; la science répond au comment, alors que la
religion répond au pourquoi. Oui, il y a eu des Papes et des
dirigeants religieux qui ont critiqué ou excommunié des
scientifiques, car ils se sont mêlés de ce qui, en fait, ne les
regardait pas ; mais il n’y a rien dans les Évangiles qui est
contraire aux théories évolutionnistes, tandis que l’Ancien
Testament n’est pas à prendre à la lettre, car, tout en étant
inspiré par Dieu, il est écrit par des humains, avec les limites
de compréhension et de langage de leur époque.
De même, le
Christ a promis à ses disciples la venue de l’Esprit Saint qui
accompagnera l’Église durant son chemin sur la terre et « lui
expliquera toutes choses ». C’est pour cela que la connaissance
de Dieu et du monde est toujours en plein approfondissement,
avec l’évolution de la pensée humaine. L’Église est comme un
enfant dont les parents, la sainte Trinité, font l’éducation au
fur et à mesure qu’il grandit en âge.
Déclin du christianisme ?
C’est pour
cela que je ne suis pas d’accord avec l’idée que la religion
chrétienne est en plein déclin, au contraire. Elle poursuit son
évolution et les épreuves qu’elle a subies en Europe, après la
révolution française et les Lumières, n’ont fait que la pousser
à se tourner vers l’extérieur, pour évangéliser de nouveaux
peuples, au lieu de se recroqueviller et dormir sur ses lauriers
en Europe. Ces peuples ont repris le flambeau que l’Occident
leur a passé.
Aujourd’hui,
l’Église catholique, depuis le Concile Vatican II, s’est ouverte
au dialogue œcuménique avec les autres chrétiens et au dialogue
interreligieux avec les autres religions, surtout la musulmane
et la juive, tandis qu’elle poursuit en Europe ses recherches
pour une synthèse entre foi et raison, entre science et foi.
Dialogues, discussions et critiques ne peuvent que renforcer le
christianisme, car elles le poussent à poursuivre sa recherche
pour une connaissance encore plus profonde de Dieu, comme les
discussions, avec mes amis français agnostiques, m’ont poussé à
approfondir mes connaissances religieuses.
Ce qui fait
que la religion chrétienne est en train d’évoluer beaucoup plus
qu’on ne le pense, tandis que les derniers scandales pédophiles
de certains de ses religieux l’ont poussée à une purification,
peut-être forcée, mais nécessaire et qui ne fera que la
renforcer et renforcer l’unité de tous les chrétiens, qui se
rapprochent de plus en plus, surtout entre catholiques et
orthodoxes, ouvrant ainsi la porte à un rapprochement politique,
entre Russes et autres peuples orthodoxes avec les Européens de
l’Ouest.
Ce que
certains voient comme un affaiblissement du christianisme n’est
que le fait de reculer pour mieux sauter et constitue une preuve
de plus que la religion chrétienne continue sa marche vers le
point Omega où l’attend Dieu le Père, avec son Fils et son
Esprit.
Roger AKL |