Dagobert
II
était fils de Sigebert, Roi d'Austrasie, et de la Reine Himnehilde.
Il était encore enfant, lorsqu'il perdit son père, le 1er
Février 656. Il lui succéda sans opposition ; mais au bout de
quelques mois, Grimoald, maire
du palais, fit valoir une disposition
qu'il prétendait avoir été faite en faveur de Childebert, son fils,
par Sigebert, dans le temps que ce prince n'avait pas encore de
postérité. Il dépouilla Dagobert de la puissance souveraine, et
l'envoya en Irlande, où il vécut longtemps ignoré. Didon, évêque de
Poitiers, prêta la main à l'exécution de ce crime, et conduisit le
jeune prince au lieu de son exil. On publia ensuite qu'il était
mort, et Childebert fut proclamé Roi, sous prétexte que Sigebert
l'avait choisi lui-même pour son successeur, dans le cas où il ne
laisserait point d'enfants.
Himnehilde se
plaignit hautement de la violence et de l'injustice qu'on avait
faites à son fils, elle se réfugia à Paris, auprès du Roi Clovis II,
son beau-frère. Les seigneurs austrasiens ne purent souffrir
l'attentat du maire du palais et l'usurpateur fut détrôné après un
règne de quelques mois. On offrit la couronne d'Austrasie à Clovis
II, déjà Roi de Bourgogne et de Neustrie. Ce prince étant mort peu
de temps après, laissa la monarchie à Clotaire III, son fils aîné,
qui avait à peine cinq ans. Celui-ci, sous la régence de Bathilde,
sa mère, posséda l'Austrasie, jusqu'en 660, qu'elle fut démembrée en
faveur de Childéric, le second des fils de Clovis.
Himnehilde parut
en cette occasion sacrifier les intérêts de son fils Dagobert à ceux
de sa fille Bilichilde ou Bilhilt, qu'elle fit épouser à Childéric.
Mais elle fit bien voir dans la suite, qu'elle n'avait fait que
céder à la nécessité.
Cependant on
apprit que Dagobert vivait encore et qu'il était en Irlande. Dès
qu'on en fut informé, les seigneurs d'Austrasie, attachés à
Himnehilde et pleins de vénération pour la mémoire de saint
Sigebert, s'occupèrent sérieusement du projet de procurer le retour
de leur Roi. Ils écrivirent à cet effet à saint Wilfrid, évêque
d'York, qui savait le lieu de la retraite du jeune prince, et qui
l'avait généreusement assisté dans sa disgrâce. Le prélat ne pouvait
recevoir une plus agréable nouvelle. Il fournit sur-le-champ à
Dagobert ce dont il avait besoin pour retourner en Austrasie, et fit
en même temps un appel à la générosité des princes anglais, qui se
montrèrent à cette occasion pleins de bonne volonté et de grandeur
d'âme. Dagobert cependant ne put réussir d'abord à s'y faire
reconnaître pour Roi, quoique Himnehilde employât en sa faveur tout
ce qu'elle avait de crédit. N'ayant pu atteindre le but auquel elle
aspirait, et redoutant les horreurs d'une guerre civile,
qu'entraînerait la tentative de faire valoir les droits de son fils
par la force, elle se contenta d'obtenir de Childéric, qu'il cédât à
Dagobert l'Alsace et quelques cantons au-delà du Rhin.
Mais Childéric,
par ses cruautés et ses violences, se rendit odieux aux Austrasiens.
Un seigneur, nommé Bodillon, qu'il avait fait battre de verges, se
vengea de cet affront, en l'assassinant en 673, avec la Reine et son
fils. L'habile Himnehilde profita de cette circonstance pour gagner
les Austrasiens, chose d'autant plus facile, que les royaumes
étaient en proie à la confusion et aux troubles. Elle proposa aux
grands son fils Dagobert : il avait des qualités qui faisaient
espérer qu'il régnerait sagement, et on savait par expérience qu'il
avait bien gouverné l'Alsace et les autres provinces que Childéric
lui avait cédées. Les seigneurs d'Austrasie écoutèrent cette
proposition et résolurent d'empêcher, que Thierri III, qui fut
déclaré alors Roi de Bourgogne et de Neustrie, ne s'emparât aussi de
l'Austrasie. Wulfoade, maire du palais, se déclara en outre en
faveur de Dagobert, qui fut conduit à Metz et reconnu Roi par les
différents ordres du royaume.
Les commencements
de son règne furent heureux. Il choisit les palais d'Isenbourg et de
Kirchheim, en Alsace, pour le lieu de sa résidence.
Il profita de la paix dont jouissait
l'Austrasie, pour fonder des abbayes et rétablir les églises et les
monastères. On lui attribue entre autres la fondation de l'abbaye de
Wissembourg, devenue si célèbre dans la suite, et située
anciennement dans le diocèse de Spire, aujourd'hui dans celui de
Strasbourg, ainsi que celle du couvent de Blidenvelt ou
Klingenmùnster. Il fonda également les abbayes de Surbourg, de
Haslach et de Saint-Sigismond, en Alsace. C'est à lui que l'église
de Strasbourg doit la plus grande partie des richesses qu'elle
possédait, mais particulièrement deux évêques pieux et éclairés, S.
Arbogast et S. Florent.
Dagobert, pendant
son exil en Irlande, avait épousé une princesse saxonne, nommée
Bachtilde ou Mathilde. Il en eut cinq enfants ; un fils, auquel il
donna le nom de Sigebert, et quatre filles, Irmine, Adèle, Rathilde
et Ragnétrude. Sigebert ayant été dangereusement blessé à la chasse,
par un sanglier dans la forêt de Novientum, où se trouvait déjà le
couvent d'Ebersmùnster, fut guéri par les prières de saint Arbogast.
Pour marquer à Dieu sa reconnaissance, Dagobert donna à l'église de
Strasbourg le palais d'Isenbourg, ainsi que le territoire voisin.
Saint Wilfrid,
qu'on avait chassé indignement de son siège, prit le parti de porter
ses plaintes à Rome. Il vint en Alsace au commencement de l'année
679. Dagobert, qui lui devait tout, le reçut avec autant de joie que
de vénération. Le Roi fit l'éloge du Saint en présence de toute sa
cour, et déclara que c'était à sa prudence et à son zèle qu'il était
redevable de sa couronne. Il voulut le retenir auprès de sa
personne, et lui offrit l'évêché de Strasbourg, qui venait de vaquer
par la mort de saint Arbogast, arrivée le 21 Juillet 678.
La paix dont
jouissait le royaume d'Austrasie ne dura pas longtemps. La guerre
s'alluma entre Dagobert et Thierri III, qui démembrait tous les
jours quelques dépendances des étals du premier, pour les incorporer
à son royaume. Les deux Rois, à la tète de leurs armées,
s'avancèrent sur les frontières de la Lorraine et de la Champagne.
Le sanguinaire Ebroïn, maire du palais, sous lequel Thierri était à
peine une ombre de Roi, forma contre Dagobert une conspiration, où
entrèrent plusieurs seigneurs. Il fut surpris dans la forêt de
Voivre, à cinq quarts de lieue de Stenay, le 23 Décembre 679, et
assassiné de la main de Grimoald.
Il est à présumer que le prince Sigebert, son fils, éprouva le même
sort : du moins n'en est-il plus fait mention dans l'histoire.
La piété et la
vertu de Dagobert le firent mettre au nombre des Saints. On l'a
qualifié de martyr, parce qu'anciennement on donnait ce titre à ceux
qui, après avoir vécu saintement, périssaient d'une mort injuste et
violente. Le corps de Dagobert fut porté à Rouen ; mais on le
transféra depuis à Stenay, sur la Meuse, où il est honoré en ce jour
et le 2 Septembre.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.
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