I
Comment peut-on être athée ?
Hier matin dans un
ciel superbement bleu, ce qui est rarissime, j'ai vu un avion.
Il devait être à plusieurs milliers de mètres au-dessus de la
terre, et le trait que je voyais n'avait pas plus de quatre ou
cinq
centimètres. L'avion filait et brillait dans le ciel.
Soudain je me dis : "Dans cet avion, il doit bien y avoir au
moins 100 ou 150 personnes. Je ne peux pas les voir car elles
sont bien trop petites par rapport à moi. Si elles souffrent,
cela m'est bien égal. Si elles disparaissaient, je ne m'en
apercevrais même pas... Seigneur, sommes-nous si petits par
rapport à nous-mêmes, les uns vis à vis des autres? Et par
rapport à toi ? Notre petitesse par rapport à Toi est
incroyable. Comment peux-Tu nous voir, nous connaître
individuellement, et nous aimer ? Comment es-Tu Quelqu'UN pour
chacun de nous, ce Dieu merveilleux, unique mais trine car
Amour, et qui se soucie de chacun de nous, individuellement,
malgré sa si petite petitesse ?
Quand je voyageais
en avion, il m'est souvent arrivé, de regarder la terre à
travers le hublot. Tout était si petit sur la terre! Les hommes,
je ne les voyais pas. C'est tout juste si parfois, lorsque
l'avion n'était pas encore trop haut, je pouvais distinguer un
petit train... probablement plein de voyageurs... invisibles, et
pourtant de ma race humaine, et de ma taille. Et voici une chose
étrange, étonnante et très dérangeante: lorsque nous sommes sur
la terre avec les autres hommes, à notre échelle, nous nous
voyons, nous nous parlons, nous nous jugeons... et parfois nous
nous croyons très grands, bien supérieurs à nos voisins.
Pourtant, pour celui qui nous voit de très loin, nous sommes si
petits! Effets d'optique disent certains... Mais si pour Dieu
il y a aussi des effets d'optique, alors Lui qui est si infini,
comment peut-Il nous voir, nous connaître, nous parler, s'être
fait l'un de nous? Pourtant nous sommes véritablement très très
petits. Et Dieu nous connaît et nous aime??? Je ne comprends
pas.
Seigneur, je
reviens sur la terre. Je vois les hommes: beaucoup T'aiment,
mais beaucoup aussi ne croient même pas en l'existence d'un
créateur. Cela me paraît tellement insensé que je ne peux pas
comprendre un tel refus de Dieu. Et je comprends encore moins
notre orgueil, l'orgueil des hommes insensés qui se prennent
pour des dieux... Oh! évidemment, ce n'est pas facile d'imaginer
un Dieu infini qui s'occuperait encore de ses infimes créatures.
Comment Dieu peut-Il faire pour s'occuper de chacun de nous,
individuellement, et même nous parler! D'ailleurs les hommes
savent s'organiser, faire des progrès, développer des sciences
merveilleuses, et bientôt nous comprendrons tout, nous
expliquerons tout... Et nous ne mourrons plus... sauf si l'on
nous euthanasie...
Qu'est-ce que
l'homme dans l'univers? Pratiquement rien. Qu'est-ce que l'homme
par rapport à lui-même? Rien. Il est arrivé sur la terre comme
sans lui, car il n'y est pour rien. Il a grandi, sans rien faire
pour cela, sauf manger, et s'il a mal grandi il n'y est pour
rien. S'il est intelligent, tant mieux; s'il est sot, tant pis.
C'est comme ça, et l'homme n'y peut rien. Chacun peut se dire:
"Je suis né dans un pays et dans une famille et un milieu social
que je n'ai pas choisis. C'est comme ça. J'ai eu la chance
d'être né français et d'avoir des parents merveilleux. J'aurais
pu naître ailleurs, en Chine et être abandonné dès ma naissance,
surtout si je suis une fille. Tout ce qui me concerne se fait
sans moi. Au fond, je suis dans un monde et surtout dans un
univers que je subis et sur lesquels je ne peux pas agir."
Je ne peux rien
contre les tremblements de terre, ni contre aucune des calamités
naturelles. Je ne peux rien sur la croissance des plantes, ni
sur le climat, ni sur ce qui m'entoure. Et quand les hommes
croient agir sur le climat ou la croissance des plantes, etc.,
rapidement la nature montre que la maîtresse, c'est elle, et pas
les hommes. Les hommes arrivent sur la terre, et ils n'y sont
pour rien. Ils devront lutter pour vivre, se développer, faire
des choses, puis ils mourront, et d'eux, il ne restera rien.
Alors, vivre, à qui est-ce que cela sert? Et quel sens a la vie.
Il me semble avoir une certaine conscience de moi-même, mais
est-ce certain? Je dépends entièrement de la nature, des autres
hommes qui sont tout aussi contingents que moi; dès ma naissance
je suis condamné à mort. Alors, la vie, à quoi ça sert? Et
est-ce que je vis vraiment, est-ce que j'existe? Quand je pense
à tout cela je perds pied, et pourtant, dès qu'un autre homme:
un confrère, un collègue ou un ami, arrivera près de moi, je me
comparerai à lui, je pourrai l'aimer ou le détester, lui faire
du bien ou du mal. Tout ceci n'ayant d'ailleurs aucune
importance puisque nous sommes tous les deux condamnés à mort...
Ma petitesse s'étale partout dès que je contemple l'univers, et
encore plus quand je mets des chiffres pour "mesurer". Là je
panique!...
Mon Dieu! Je dis:
"Mon Dieu!" Mais n'est-ce qu'un mot, ou est-ce que je dois ma
vie à quelque chose, ou à Quelqu'Un? Je me perds, j'ai peur. Et
si je m'arrête là dans mon raisonnement, je n'ai plus qu'à me
suicider, ce que font de plus en plus de gens dans notre société
désespérée car condamnée inexorablement. Condamnée sans espoir
car la vie n'a pas de sens; d'ailleurs, je n'existe pas
vraiment: alors à quoi bon se donner du mal et souffrir? Ma vie
n'est qu'une illusion... Mais si ma vie est une illusion, c'est
que quelque chose au moins existe: l'illusion... Et je sers à
quoi dans cette illusion? Et si cette illusion était, en vérité,
le reflet de ma réalité? Si illusion il y a, c'est que
l'illusion existe, et moi aussi qui me voit dans cette
illusion... Notre monde sans Dieu se perd et il appelle au
secours: "Mon Dieu! au secours!"
Tiens! "Mon Dieu!
au secours!" Mon Dieu??? Mais qu'est-ce que c'est? Y aurait-il
quelque chose à quoi je puisse me raccrocher? Quelque chose, ou
Quelqu'UN qui pourrait venir à mon secours? Qui pourrait me
comprendre? Quel vertige! Quelle détresse! Quelle horreur que la
vie sans Quelqu'Un que je puisse trouver! Notre monde est au
fond de l'abîme qu'il a lui-même creusé, ou plutôt qu'on lui a
fait creuser pour le perdre. Mais "on", qui est-ce? L'homme ne
peut pas s'accrocher au néant qui n'existe pas et qui pourtant
l'aurait créé!!! Dilemme impossible! Désespérance infinie!...
"Mon Dieu, au secours!"
Désespérance
infinie qui pourtant n'existe pas si le néant de l'homme n'a que
le néant infini, c'est-à-dire "RIEN" pour lui répondre. Car si
l'on suit le raisonnement des athées de plus en plus nombreux,
on sombre dans le raisonnement-néant, d'un être-néant, venu au
monde-néant, pour vivre une vie-néant qui n'existe donc pas, et
pour, cependant, y souffrir une souffrance que je ne peux
qualifier de néant puisque je la sens...
Mon Seigneur! Je me
perds. Je n'arrive plus à raisonner comme les athées. De ce que
je viens d'écrire je n'invente rien. Mais ce que je comprends
encore moins, c'est que les athées qui sont devant cette impasse
ne poursuivent pas leurs raisonnements, mais s'arrêtent
brusquement, comme si leur intelligence était bloquée, pour
dire: "Je verrai bien quand je serai mort!"
"Je verrai bien
quand je serai mort!!!" Je n'invente rien: c'est ce que
j'entends parfois dans les maisons de retraite. Nos pauvres
vieux sont perdus eux aussi. Ils ont perdu la foi (ou plutôt on
la leur a fait perdre) ils ont perdu Dieu. Ils ne croient plus
en Dieu, et pourtant, inconsciemment, comme pour se rassurer,
ils ne Le rejettent pas complètement. On verra bien quand on
sera mort! Mais si Dieu n'existe pas, s'il n'y a que le néant,
ils ne pourront rien voir puisqu'il n'y aura rien à voir et
qu'eux-mêmes, perdus dans le néant et néant eux-mêmes ne
pourront plus rien voir.
Seigneur, vraiment
c'est atroce d'essayer de parler comme les athées. Alors, de
nouveau j'affirme ma foi. Oui, Dieu existe: de cela je suis sûr.
Et la contemplation de l'espace sidéral qui nous entoure, malgré
les peurs viscérales qu'elle peut susciter en nous, nous ramène
dans le Cœur de Dieu, je vais m'expliquer.
Paulette Leblanc
A suivre |