Claude de Besançon
Archevêque, Saint
+ 635

Le très-digne et très-vénérable prélat saint Claude naquit à Salins, alors ville capitale du comté de Bourgogne. Ses parents étaient Palatins ou princes du pays; dès l'âge de sept ans, après l'avoir soigneusement élevé en la crainte de Notre-Seigneur, ils le donnèrent à des maîtres, qui l'instruisirent autant aux sciences divines que profanes, lui expliquant dès lors la sainte Écriture, où il prenait un singulier plaisir, comme aussi à lire la vie des glorieux martyrs et des saints anachorètes, tâchant de former la sienne à la leur et d'embellir son âme de leurs vertus héroïques.

Tl avait un esprit vif, un naturel affable, une conversation douce, et ne respirait qu'à se donner entièrement à Dieu, s'exerçant en toute sorte de bannes œuvres, et tenant le jour perdu auquel il croyait n'en avoir point fait. Il détestait les danses, haïssait les comédies, fuyait les compagnies déshonnêtes, et ne parlait aux femmes que dans la nécessité, s'accostant volontiers des gens pieux avec lesquels il discourait de la vertu, de l'horreur du péché, et des jugements de Dieu : si bien que dès lors quelques-uns le tenaient pour un saint ou un homme élevé par-dessus l'ordi-naire. Il conserva le précieux trésor de sa virginité contre les furieux assauts de son corps et du diable, mortifiant l'un de rudes exercices et chassant l'autre à force de prières. On n'entendit jamais de sa bouche une parole dissolue ou légère; il s'abstenait même du ris, qu'il jugeait indécent à la gravité et à la modestie chrétiennes.

A l'âge de vingt ans, il se dégoûta entièrement du monde : tellement qu'après avoir quitté les armes, il se contenta d'une vie pauvre et simple, y trouvant plus de plaisirs qu'aux vanités et aux grandeurs de la terre. Le bruit de cette généreuse résolution se répandit incontinent par toute la province ; les uns blâmant son dessein, les autres, mieux avisés, louant l'archevêque de Besançon, qui le fit aussitôt chanoine de son église cathédrale. Il s'y comporta si dignement, qu'on l'estimait plutôt mi moine habitant au désert, qu'un chanoine demeurant en la ville ; car il vivait si retiré, que l'on ne le voyait qu'à l'église ; il priait et méditait assidûment, et le reste du temps il l'employait à lire l'Écriture ou à composer des livres, qui se gardent encore à présent en l'abbaye d'Ivrée. II ne mangeait qu'une fois le jour, excepté les fêtes et les dimanches, où il faisait deux repas : il couchait sur la dure, y prenant bien peu de repos : il avait un regard simple, un parler modeste, un marcher composé, une gravité honnête : il était doux à autrui et sévère à soi-même.

Douze ans après qu'il fut fait chanoine, l'archevêque tomba malade. Le saint, craignant d'être élu à sa place, se retira de Besançon et s'en alla à Salins, sous prétexte d'aller voir ses parents, que depuis longtemps il n'avait vus. Les chanoines délibérèrent longtemps de l'élection d'un prélat ; et ne pouvant s'accorder, ils eurent recours à l'oraison : alors une voix fut entendue distinctement du ciel, que Dieu voulait le chanoine Claude. Eux, bien aises, l'élurent et députèrent vers lui des plus honorables de leur corps pour l'avertir de son élection. Et comme il ne la voulait point accepter pour toutes les prières et les remontrances qu'on lui fît, ils recoururent au Pape, qui le contraignit de la prendre; si bien qu'il fut sacré archevêque, et par même moyen constitué prince du saint empire, l'an 626.

Il ne diminua pourtant rien de ses premières austérités, car il retint toujours sa manière de vivre. Il n'oublia rien de ce qui appartient à un sage et vigilant pasteur, se mettant à prêcher, à visiter ses églises, à déraciner les mauvaises coutumes de tout son diocèse, et à y répandre les semences de piété. Il composait les différends de ses diocésains, et terminait si heureusement leurs procès, que jamais on n'appela de sa sentence. Il assista et souscrivit au concile de Pamiers, célébré du temps de Gélase Ier, où beaucoup d'abus qui s'étaient insensiblement glissés en France, furent généralement retranchés.

Enfin, après avoir gouverné son diocèse l'espace de sept ans, il se sentit intérieurement tiré à une parfaite solitude, le monde lui étant une fâcheuse prison, et le désert un séjour agréable ; si bien qu'après avoir pourvu et donné ordre à tout, il se retira en l'abbaye d'Ivrée, qu'un ange lui avait enseignée, où il vécut en telle austérité et sainteté, qu'il semblait n'avoir jamais été évêque, tant il était fervent en oraison, exact en l'abstinence, adonné aux veilles, assidu à lire, profond en humilité, sortant le dernier de l'église et y entrant le premier, servant de modèle à tous ses compagnons, qui ne s'en pouvaient assez étonner. Saint Injurieux, abbé du monastère, s'en voulut démettre sur lui; mais il ne le lui put jamais persuader, aimant mieux obéir que commander. Toutefois, les religieux, après son trépas, ne laissèrent pas de l'élire. Plusieurs chanoines et gentilshommes accoururent de toutes parts pour combattre sous un si brave chef, et s'avancer à la perfection par ses exemples et ses enseignements, où la plupart vécurent et moururent saintement.

Cependant le lieu étant stérile de sa nature, beaucoup de princes et de seigneurs de Bourgogne, excités par l'insigne piété du vénérable saint Claude, y léguèrent de belles terres. Mais la largesse du roi Clovis les surpassa de beaucoup ; car outre les rentes annuelles qu'il légua, il leur donna cinquante muids de blé de rente ou plusieurs autres commodités, que le saint prélat employa à secourir les pauvres, à recevoir les pénitents, à refaire les monastères, à embellir son église, voulant que l'on fit service à Dieu du plus précieux que l'on eût, comme de l'or et de l'argent.

Après avoir gouverné ce monastère avec une prudence et une vigilance merveilleuses l'espace de cinquante ans, et y avoir assemblé un grand nombre de parfaits religieux, en l'âge de quatre-vingt-neuf ans, cassé de vieillesse et exténué de pénitences, il tomba en une légère maladie, durant laquelle sa dernière heure lui ayant été révélée, il fit une exhortation à ses religieux touchant l'amour de Dieu et le mépris des vanités. Il se mit ensuite en oraison, qu'il continua quatre jours sans cesser, puis descendant à l'église, il s'y confessa, reçut l'Eucharistie avec une humilité et une dévotion incroyables, tirant les larmes de toute l'assistance. De là il monta en sa chambre, et s'assit sur un banc où d'ordinaire il priait, et levant les yeux et les mains vers le ciel, sou âme s'y envola, laissant le corps en terre. Il fut solennellement inhumé au monastère, et se trouve encore à présent frais et entier, Dieu voulant par cette incorruption merveilleuse faire paraître l'incorruptiou de ses mœurs et l'immortalité de sa gloire.

Sa vie est rapportée par Surius, et plus amplement par Molan, et aux Additions de Pierre de Natalibus. Les Martyrologes de Rome, de Bède et d'Adon en parlent honorablement le sixième jour de juin.

 

 

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