|
Pour la Fête des
cinq Plaies de Notre-Seigneur,
le vendredi qui suit le jour des Cendres.
L’Eglise nous propose cette dévotion,
presqu’à l’entrée du temps qu’elle prescrit plus
particulièrement à la pénitence de ses enfants ;
et elle le fait pour nous disposer au grand ouvrage de notre
réconciliation, par les mérites de Jésus souffrant.
Deux objets d’instruction s’offrent à moi
dans la vénération que je dois rendre aux plaies sacrées de
mon Dieu et mon divin Rédempteur. J’y apprends d’abord la
nécessité d’une vie pénitente à son exemple. J’y découvre
ensuite les plus légitimes motifs de ma confiance dans les
situations diverses qui pourraient l’ébranler. Leçons de
pénitence que me fournissent les cinq plaies de Jésus. IL me
les présente comme un maître qui exige toute ma docilité aux
lois rigoureuses qu’il a bien voulu s’imposer à lui-même, et
comme un modèle qui demande ma plus exacte imitation.
1° La qualité de chrétienne, dont j’ai
l’honneur d’être revêtue, me retrace l’obligation la plus
pressante de suivre Jésus dans cette voie étroite où il a
marché lui-même ;
qu’il me l’ouvre par les épreuves qu’il m’enverra, ou par la
violence que je ferai à mes inclinations naturelles, ce sera
toujours pour moi un devoir indispensable, et auquel me
rappellera le spectacle adorable de ces plaies.
2° J’ai péché, et en manquant de fidélité à
la grâce, et en négligeant les moyens qu’elle m’offrait pour
remplir mes résolutions : une vie sans trouble, sans combats
et sans efforts, quand il s’agissait de vaincre mes
lâchetés, les a fait souvent succéder à mes plus ferventes
promesses. Par ce seul motif, quelle réparation ne suis-je
pas obligée d’accepter, et combien la loi en est-elle intime
pour moi, quand je contemple les plaies, dont le Saint des
Saints est couvert pour mes péchés ?
3° Menacée, comme je le suis, des plus
extrêmes dangers, moins peut-être au-dehors qu’au-dedans de
moi-même, où pourrais-je trouver un plus sûr préservatif à
opposer aux ennemis de mon salut, que dans cet esprit de
pénitence qui en a soutenu tant d’autres dans des conditions
aussi critiques que la mienne ?
Avec ce bouclier, je me tiendrai en garde contre l’orgueil,
le poison de toute élévation ;
contre l’indolence et la mollesse que suggère une situation
sans contrainte ;
contre la vivacité des désirs, qui naît du pouvoir attaché à
mon rang ;
contre une dissipation à laquelle me porterait une
imagination difficile à se fixer ;
contre une multitude d’autres penchants, dont Dieu a daigné
me préserver jusqu’ici, mais que je n’ai pas moins à
craindre dans un séjour où tout les flatte, et où tout peut
me les rendre funestes. Un regard fréquent sur les plaies de
Jésus innocent et inaccessible à tout désordre des passions,
m’animera à prévenir et à dompter les miennes, par la
conformité à sa pénitence.
4° Les grandeurs de ce monde ne sont pas à
l’abri des souffrances. Enfant d’Adam, j’y suis condamnée
comme ceux qui naissent dans les plus abjectes conditions ;
l’esprit, le cœur, le corps, rien dans moi qui ne soit
exposé à ce sort douloureux. Les plaies de l’Homme-Dieu
souffrant me feront connaître tout le prix d’une situation
si peu au goût de la nature, mais si estimable dans l’ordre
de la religion. Je ne me plaindrai point de tout ce qui m’en
coûtera dans un état que mon Sauveur s’est choisi par
préférence ;
j’y mettrai ma gloire par ma soumission, et j’en ferai mes
délices par mon amour : que de trésors ne m’attirera point
une pénitence volontaire ?
5° Enfin, si les plaies de Jésus ont dû
précéder son retour dans sa gloire, je dois être convaincue
que, sans les œuvres d’une vie pénitente et mortifiée, je ne
puis entrer dans le ciel ;
c’est donc par cette vue que je vais, en ce saint temps,
accomplir tout ce que l’Eglise me prescrira d’austères
devoirs, au moins y suppléer par la générosité de mes
sacrifices intérieurs, par une plus exacte pureté de
conscience, par un plus constant recueillement, et par un
usage plus fréquent de la prière.
Avec ces dispositions de pénitence, que
m’enseignent les plaies de Jésus, et qui m’apprennent dans
quel esprit je dois les révérer, je suis autorisée à y
placer ma plus tendre confiance.
1° dans mes craintes, dans mes inquiétudes
et dans mes perplexités, au milieu des troubles que l’esprit
des ténèbres pourrait quelquefois jeter dans mon âme, je
réclamerai les mérites du Sang adorable de mon Sauveur, je
le conjurerai de me les appliquer pour relever mon courage
abattu, pour écarter mes ténèbres, et pour me redonner cette
paix, cette force, et cette sévérité, qui sont les fruits de
tout ce qu’il a souffert pour moi.
2° Si j’ai à combattre les répugnances de la
nature, à porter le joug de l’Evangile, et à remplir les
devoirs gênants pour mon amour-propre, je présenterai mes
vœux de mon Dieu souffrant ;
j’attacherai mes regards à ses plaies et, animée par cette
douce contemplation, je prendrai les armes contre moi-même ;
j’embrasserai avec ardeur ce qui me sera le plus mortifiant,
et j’y éprouverai une onction secrète, qui tempérera toute
l’amertume du calice que j’avais tout d’abord tant de peine
à goûter.
3° Mes chutes ne doivent jamais être pour
moi une occasion de découragement ;
je retrouverai toujours, quand je voudrai recourir aux
plaies de mon Sauveur, tout ce qui pourra m’aider à fermer
les miennes, je m’humilierai en sa présence, je lui avouerai
avec douleur mon péché, et je me hâterai de puiser dans son
Sang précieux tous les biens de la grâce, de la pureté, de
la sainteté, et des autres vertus qui peuvent réparer mes
pertes.
4° Trop faible, par moi-même, pour soutenir
la durée et les travaux d’une conduite fidèle et
persévérante, je ne cesserai aucun jour d’en demander la
grâce, par la voix de ces plaies sacrées, qui parlent si
constamment et si éloquemment pour moi. Quelle médiation
plus propice pourrais-je désirer auprès du cœur dont j’ai à
solliciter les miséricordes, et à conserver les faveurs ?
5° L’humiliation, les traverses, et toute
autre semblable mortification qui pourrait heurter ou barrer
ma propre volonté, ne doivent plus me paraître un fardeau
trop pesant à l’amour de moi-même ;
qu’il me sera aisé de l’adoucir, quand je rapprocherai ces
légères atteintes des plaies qui ont défiguré le corps de
l’Homme-Dieu !
Quelle ressource ne trouverai-je pas dans ces divines
plaies, pour sanctifier celles qui n’affecteraient que mon
orgueil ?
6° L’état éblouissant des plus flatteuses
grandeurs de la terre n’aura rien qui puisse repaître ma
vanité, dès que je serai attentive à y opposer les dehors
ensanglantés sous lesquels la foi me représente mon Roi, mon
Dieu. Dans ses plaies, je retrouve tout ce que peut faire la
solide grandeur d’une âme chrétienne, son espérance et sa
dignité. Non, il n’y aura rien de grand dans moi, que ce qui
m’apetissera avec mon Jésus, ce qui me rendra l’imitatrice
de l’état humiliant et douloureux, qu’il expose à ma
vénération dans ces cinq principales plaies.
7° Ainsi dois-je le penser pendant ma vie.
Ainsi me disposerai-je à le penser à la mort. Honneurs,
distinctions, rang supérieur, auguste naissance,
prééminences, prérogatives glorieuses, tout m’échappera à ce
dernier moment. Jésus crucifié seul me restera, et dans ces
plaies sacrées, je retrouverai mon unique richesse. Je les
reverrai avec confiance, mille fois j’y appliquerai mes
lèvres et mon cœur ;
je m’y retirerai, m’y cacherai, je m’y défendrai contre tous
les traits de sa justice, et j’y lirai tout ce que j’aurai à
espérer de sa miséricorde ;
il les conserve au ciel pour la consolation et la gloire des
Saints. Puissent-elles un jour y devenir pour moi les mêmes
sources de bonheur, et dès ce moment, préparer, par leurs
puissants mérites, mon âme à cette béatitude éternelle et
ineffable !
SOURCE :
http://www.carmel.asso.fr/Exercice-interieur-pour-la-Fete-des-cinq-plaies-de-Notre.html |