Cérone de Séez
Vierge, Sainte
† 490

Sainte Céronne naqnit, vers le commencement du siècle, au village de Cornillan, près Béziers. Son père se nommait Olympius et sa mère Sarrabia. Ils possédaient ce que le monde èstime le plus la fortune, la noblesse et les honneurs mais il leur manquait les trésors véritables aux yeux de Dieu la foi et la charité, car ils étaient adonnés au culte des idoles. Comme une rose qui croît au milieu des épines, et qui s'ouvre avec grâce aux rayons du soleil, la petite Céronne, quoique issue de parents idolâtres, fut éclairée de bonne heure des lumières du Saint-Esprit. Elle conçut dès lors une grande horreur pour le paganisme, et un amour ardent pour la religion chrétienne. Voyant qu'il lui était impossible de se faire instruire parfaitement de cette sainte religion, à cause des obstacles qu'elle rencontrait de la part de ses parents, elle prit une résolution digne d'une âme aussi noble et aussi généreuse que la sienne celle de quitter parents, fortune, patrie, pour suivre enfin la voix de Dieu qui l'appelait à se faire chrétienne.

Cependant, comme elle était aussi chaste que belle, considérant qu'elle ne pouvait exécuter seule ce grand dessein, elle le découvrit peu à peu à l'un de ses frères nommé Sophronius, dont le caractère ferme et généreux sympathisait avec le sien. Elle commença par lui exposer les principaux articles de la religion chrétienne, comme l'existence d'un seul Dieu infiniment bon, sa douce providence qui pourvoit à tous les besoins de ses serviteurs, et les joies ineffables qu'il promet dès cette vie à ceux qui sacrifient tout pour lui. L'amenant ainsi par degrés au but qu'elle se proposait, elle eut la double joie de gagner son frère à Jésus-Christ, et d'obtenir de lui la promesse qu'il l'accompagnerait dans sa fuite. L'occasion de mettre leur dessein à exécution ne tarda pas à se présenter. Aussitôt se jetant à genoux pour se recommander à Jésus-Christ, ils le conjurèrent d'envoyer son ange pour les guider et les protéger dans leur route. Ils sortirent ensuite de la maison paternelle, traversèrent, au prix de mille fatigues, les provinces du midi de la Gaule, et arrivèrent à Bordeaux où ils avaient résolu de s'arrêter. Ils allèrent aussitôt se présenter à l'évêque, lui exposèrent la cause de leur fuite, et le prièrent de vouloir bien les recevoir au nombre des catéchumènes. Ce pieux évêque les accueillit avec joie, les fit instruire dans la foi catholique, et ne tarda pas à leur conférer le saint baptême.

Quelque temps après, se sentant appelés par l'Esprit de Dieu à un degré de perfection plus élevé, ils allèrent de nouveau trouver l'évêque, et lui firent part du projet qu'ils avaient formé de se consacrer entièrement à Jésus-Christ. Sophronius lui dit humblement qu'il désirait employer sa vie à travailler au salut de ses frères dans le sacerdoce, et sainte Céronne lui demanda instamment le voile de la virginité. L'évêque, heureux de les voir si remplis de l'amour de Dieu, jugea cependant à propos de les éprouver pendant quelque temps. Après s'être assuré que c'était Dieu lui-même qui leur inspirait cette résolution, il admit Sophronius au sacerdoce, et donna le voile de virginité à sainte Céronne. Devenue ainsi la sœur des anges et la chaste épouse de Jésus-Christ, l'humble vierge ne songea plus qu'à mépriser le monde et ses vanités. Elle oublia la grandeur et la. noblesse de son origine, et mit toute sa gloire dans la sainte pauvreté. Sainte Céronne et son frère, ayant établi leur demeure à Bordeaux, y vécurent assez longtemps tranquilles et heureux sous l'aile du Seigneur. Pleins d'humilité, de douceur, de patience, de charité pour les pauvres, ils édifiaient tous les fidèles par leur vie angélique, et goûtaient par expérience combien le Seigneur est doux à ceux qui l'aiment. Mais le bonheur des Saints eux-mêmes sur la terre, ne peut être parfait, et les joies de ce monde sont presque toujours mêlées de larmes. Dieu, voulant éprouver la vertu de ses serviteurs, et la faire briller encore davantage aux yeux des hommes, permit que leur vie si innocente et si pure fût en butte aux traits de la calomnie. Quelques hommes pervers, suscités par l'ennemi de Dieu, publièrent que Sophronius et Céronne n'étaient point frère et sœur, qu'ils ne prenaient ce nom que pour mieux couvrir leur vie déréglée, et que le seul désir de vivre plus librement dans le crime les avait engagés à quitter leur patrie et leurs familles. Ces deux saints personnages furent bien affligés de voir leur vie innocente ternie aux yeux des fidèles par une calomnie aussi abominable. Ils supportèrent cependant cette humiliation avec patience, et offrirent à Dieu ce nouveau sacrifice, plus pénible pour eux que tous ceux qu'ils lui avaient déjà faits jusque-là. Quoi de plus cher en effet pour les Saints, après la grâce de .Dieu, que leur réputation, à laquelle le Saint-Esprit lui-même nous recommande de veiller? Aussi, bien qu'aucune des personnes honorables de la ville n'ajoutât foi à cette calomnie, sainte Céronne et son frère, dans le dessein de l'arrêter plus sûrement, prirent la résolution de se séparer pour toujours.

Ayant donc dit adieu à sa sceur avec beaucoup de larmes, Sophronius se rendit à Rome afin d'y visiter les tombeaux des Apôtres, et mourut quelque temps après en odeur de sainteté. Pour sainte Céronne, elle se dirigea vers le nora de la Gaule, traversa plusieurs provinces, et, après bien des fatigues et des dangers, auxquels elle échappa par la protection de son bon ange, elle arriva dans le diocèse de Séez vers l'an 440. Ayant rencontré, à peu de distance de Mortagne, entre l'ancienne ville de Mont-Cacune et le Mont-Romigny, un lieu solitaire et couvert de bois, elle se sentit comme inspirée de s'y arrêter et d'y passer le reste de ses jours. Dans ce dessein elle y fit élever une petite cellule pour y faire sa demeure. L'innocence et la sainteté de sa vie attirèrent bientôt auprès d'elle plusieurs personnes pieuses, qui, encouragées par ses exemples et ses instructions, entrèrent courageusement à sa suite dans la voie de la perfection évangélique. Avec la permission du vénérable évêque Hile, qui gouvernait alors le diocèse de Séez, elle les réunit en communauté et fonda ainsi dans ce diocèse la première maison religieuse dont l'histoire ait conservé le souvenir.

Sainte Céronne fit bâtir ensuite auprès de son monastère une chapelle que le saint évêque dédia à Notre-Seigneur sous le patronage de saint Marcel, pape et martyr, pour lequel sainte Céronne avait une grande dévotion. Cette chapelle ne fut pas le seul monument qu'elle éleva à la gloire de Dieu. Les auteurs qui ont écrit sa vie nous rapportent qu'elle fit construire un autre oratoire, vis-à-vis de la chapelle de Saint-Marcel, sur le versant du Mont-Romigny, et à l'endroit même ou s'élève aujourd'hui l'église de Sainte-Céronne. Ce lieu était presque tous les jours témoin des rites superstitieux des habitants de Mont-Cacune, qui venaient y déposer les cendres de leurs morts. Notre chère Sainte voulut le sanctifier, en y faisant élever une chapelle, où elle venait chaque jour prier le Seigneur pour la conversion de ces pauvres idolâtres.

Sainte Céronne unissait la vie apostolique à la vie contemplative, et faisait tous ses efforts pour attirer au christianisme les païens de cette contrée. Elle passait une partie de son temps à les instruire des vérités de la foi, et l'autre à demander à Dieu leur conversion. Elle y travailla avec tant de zèle que ses instructions, ses miracles et surtout ses admirables exemples de piété, de patience et de détachement des biens terrestres, amenèrent la conversion de presque tous les idolâtres de cette contrée, qui commencèrent à la vénérer comme leur bienfaitrice et leur mère. Comme le bruit de ses vertus et de ses miracles était répandu dans toutes les contrées environnantes, plusieurs personnes venaient la visiter, les unes pour se recommander à ses prières, les autres pour être consolées par ses douces paroles, ou s'exciter à un plus grand amour de Dieu par la vue de sa charité. Sainte Céronne les recevait avec bonté, prodiguant les encouragements aux pécheurs et les consolations aux malheureux. Ces occupations extérieures ne diminuaient point son recueillement, parce qu'elle ne perdait jamais de vue Jésus-Christ. Toujours attentive à lui plaire, elle persévérait dans le jeûne, dans la prière et dans la méditation des saintes Ecritures. Elle vécut ainsi jusqu'à un âge très-avancé, et s'efforça continuellement de donner à ses sœurs l'exemple de toutes les vertus.

Sur la fin de sa vie, elle fut incommodée de la vue, et finit par la perdre complètement. M:us, comme elle était parfaitement résignée à la volonté de Dieu, et qu'elle n'avait d'autre désir que de voir bientôt son Sauveur dans la céleste Jérusalem, elle ne regretta point cet accident qui eût été pour tant d'autres un sujet d'affliction. Elle continua même d'aller tous les jours à ses doux oratoires de Saint-Marcel et du Mont-Romigny, du premier d'environ deux cents pas. Afin de rendre le trajet plus facile, elle fit tendre de l'un à l'autre un fil de fer qui servait à guider ses pas chancelants. On rapporte que des enfants ou des bergers rompirent plusieurs fois par malice ce fil conducteur, qui toujours se trouva miraculeusement renoué. Enfin arriva le moment heureux, Jésus-Christ daigna appeler à lui cette vierge bénie. Son âme, pleine de joie, prenant alors son essor sur les ailes de la charité, s'envola dans le séjour des bienheureux pour y recevoir la récompense réservée à ceux qui ont sur la terre suivi l'Agneau sans tache dans la voie de la virginité. Sa mort précieuse arriva le 15 novembre 490.

Les Petits boullandistes : Vies des Saints ; Tome 11. Paris 1866.

NOTA : l'image ci-dessus provient du site: http://www.cdc-mortagne-au-perche.com/

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