La sainteté ne
réside pas dans les apparitions ou les révélations, mais
uniquement dans la charité. Le Père Ragueneau, directeur et
biographe de Catherine de Saint-Augustin affirme que ce fut
véritablement le cas de celle que l'on appelle parfois
"l'Hospitalière mystique de Québec". Jamais, assure le Père
Ragueneau, elle n'avait désiré ces choses extraordinaires,
sachant très bien qu'elles sont souvent cause d'orgueil, voire
de tromperie émanant des démons. Aussi, se méfiant d'elle-même,
sut-elle s'ouvrir entièrement à son directeur.
Mis à part son
directeur et son confesseur, même dans sa communauté, aucune de
ses sœurs ne devina ce qui se passait en elle. Jusqu'à sa mort
personne ne sut rien des "grâces insignes dont Dieu la
favorisait, ni des effets de l'obsession démoniaque." Quand
on lui demandait d'où provenait les bruits que parfois l'on
entendait, ou encore le pourquoi des coups dont les effets
restaient visibles sur elle, elle réussissait à s'en sortir
habilement...
Catherine ne
désirait qu'une seule chose:
"avancer dans
la dilection divine par la voie la plus sûre et la plus
rapide... Elle s'appliquait uniquement aux vertus qui font les
bons religieux: l'humilité, la patience, l'obéissance, la
charité, la douceur et la conformité aux volontés divines.. Elle
avait appris de bonne heure que l'œuvre de la perfection
chrétienne s'accomplit aux dépens de la nature."[1]
Elle savait se mortifier
discrètement, et soigner joyeusement les malades qui lui
répugnaient le plus. Le Père Ragueneau donne des détails
concernant ses mortifications qui peuvent nous paraître
excessives; mais il ne faut pas oublier que Catherine vivait au
17ème siècle, époque pendant laquelle ces choses
étaient courantes.
8-1-La vie d'oraison
En dehors de ses
mortifications extérieures, Catherine savait aussi se mortifier
intérieurement sans rien laisser paraître au dehors. Seules sa
douceur, sa bonté et sa joie étaient visibles. Sa vie était une
prière continuelle, et, Maîtresse des novices, elle ne manquait
pas d'enseigner à ses jeunes religieuses que "l'oraison est
la source de toutes les vertus solides. Il n'est pas possible
d'en posséder longtemps aucune sans le don d'oraison, puisqu'il
les faut demander à Dieu et les considérer en Jésus-Christ qui
est le Dieu des vertus. Il s'est fait homme pour nous les
enseigner. Prions comme Jésus-Christ a prié; apprenons à obéir
comme Il a obéi... Souffrons avec patience comme Il a souffert;
que sa charité soit le modèle de la nôtre... Nous pourrons dire
alors: 'Je vis, non, ce n'est pas moi qui vis, c'est
Jésus-Christ qui vit en moi."
Catherine disait
aussi que "l'oraison n'est pas seulement le temps que l'on
passe devant le Saint-Sacrement. Les oraisons jaculatoires
devraient nous accompagner partout.." Il convient de noter
ici que, chaque année, Catherine faisait les exercices
spirituels de saint Ignace, afin de trouver les forces dont elle
aurait besoin. Le 5 mars 1666 elle eut une vision du Père de
Brébeuf et de saint Ignace. Elle comprit que Dieu voulait
qu'elle s'appliquât sérieusement à l'oraison, mais comme elle
s'inquiétait du peu de loisirs que lui laissaient ses
occupations, on lui fit entendre que lorsque la charité ou
l'obéissance l'exigeaient, elle devait s'en acquitter
préférentiellement. Mais son cœur devait rester en solitude, ne
cherchant que Dieu. Cependant, on lui fit aussi comprendre que
"hors des exigences de la Règle ou de l'obéissance, elle
devait employer à l'oraison le temps qu'elle avait libre."
Ce même jour on lui
montra le chemin "merveilleusement rude" qui va au ciel.
Ce chemin était jonché de croix, et, parmi ces croix, "des
ténèbres et des obscurités terribles".
8-2-Ses qualités naturelles
Nous venons de voir
les qualités spirituelles de Catherine de Saint-Augustin. Il
convient d'ajouter que ses qualités naturelles étaient
exceptionnelles. Intelligente, elle bénéficiait d'un esprit net
et clairvoyant qui lui faisait pénétrer et résoudre les affaires
les plus importantes. Son éducation soignée lui avait permis de
développer ses dons naturels et d'acquérir un bon jugement et
une prudence très éclairée. Par ailleurs, elle savait joindre
l'esprit intérieur qui l'animait, dans l'administration des
biens de sa communauté et de l'hôpital: en elle, l'esprit de
Dieu dominait largement l'esprit du monde. Elle savait assister
tous les colons qui venaient la trouver, et pour eux, elle
écrivait les lettres qu'ils destinaient à leurs familles restées
en France.
8-3-Les vertus de Marie-Catherine de Saint-Augustin
Le Père Ragueneau
fut un des témoins privilégiés des vertus de Catherine de
Saint-Augustin. Hospitalière, elle se faisait remarquer par son
dévouement, sa disponibilité et sa gentillesse. Outre les soins,
parfois répugnants qu'elle apportait aux malades, elle savait
aussi les consoler, les apaiser, et, souvent, les ramener à
Dieu. Toujours, elle se faisait tout à tous, ne renvoyant jamais
personne sans avoir fait tout ce qu'elle pouvait pour contenter
ceux qui venaient vers elle.
Très douée
intellectuellement, elle fut une remarquable gestionnaire[2].
Maîtresse des novices, elle se montra très prudente dans son
enseignement, conduisant ses jeunes sœurs vers l'amour de la
régularité, indispensable aux religieuses hospitalières, et
surtout vers l'amour de Dieu et de la Vierge Marie.
Le Père Ragueneau a
rapporté que "la grande maxime de Catherine était que, pour
marcher en sûreté dans les voies de Dieu, il fallait s'appliquer
uniquement sur la pratique des vertus solides, l'humilité, la
patience, l'obéissance, la charité, la douceur et la conformité
aux volontés de Dieu, puisque c'est ce que Jésus-Christ nous a
recommandé uniquement...."
Toute la vie de
Marie-Catherine a été marquée, toujours selon le Père Ragueneau,
par la pratique continue de ces vertus solides. Pourtant les
voies de Dieu étaient bien humiliantes, mais elle se conformait
en tout aux volontés de Dieu. En conséquence, son obéissance
était remarquable, puisqu'elle voyait dans les ordres de ses
supérieurs, la volonté de Dieu.
8-3-1-La
charité
La charité lui
était comme naturelle; elle savait servir tant les âmes que les
corps, car elle voyait Jésus dans tous ses frères. L'amour
qu'elle avait pour Dieu était un amour souffrant, obéissant,
patient, et cet amour rejaillissait sur tous ceux qui
l'approchaient. Sa charité, c'est à l'oraison qu'elle la devait.
Elle disait, en effet, "que l'oraison était la source de
toutes les vertus solides, et qu'il n'est pas possible d'en
posséder longtemps aucune sans le don d'oraison..." Ainsi,
ce n'était plus elle qui vivait, mais Jésus-Christ qui vivait en
elle. Marie-Catherine disait aussi "que les oraisons
jaculatoires devaient nous accompagner partout, offrant tout à
Dieu et l'aimant en toutes choses."
8-3-2-L'humilité
et la discrétion de Mère Marie-Catherine de Saint-Augustin
Tout ce que nous
découvrons aujourd'hui de la vie de la Bienheureuse
Marie-Catherine de Saint-Augustin, et qui ne manque pas de nous
étonner, demeura, nous l'avons signalé plusieurs fois,
totalement inconnu de tous ceux qui vivaient avec elle, ou qui
devaient la rencontrer fréquemment en raison de ses
responsabilités d'Hospitalières. Seuls ses directeurs et
supérieurs furent au courant des grâces insignes que le Seigneur
lui accordait, par l'intermédiaire du Père de Brébeuf, de
quelques autres saints, de la Vierge Marie, et même de Jésus
Lui-même. Personne ne fut au courant des attaques démoniaques
dont elle était continuellement la victime. Pourtant les démons
faisaient parfois un tel tintamarre que le bruit en était
entendu; ou bien, il demeurait parfois des traces, sur son
visage, des coups reçus des démons. Mais, écrit le Père
Ragueneau, "elle savait se gouverner si sagement en ses
paroles et en ses réponses, lorsqu'elle en était interrogée,
qu'elle satisfaisait également à tout le monde, sans contrevenir
au secret que son supérieur lui avait très prudemment, conseillé
de garder sur ce sujet."
8-3-3-Sa
patience et sa soumission à la volonté de Dieu
Dans plusieurs de
ses lettres adressées à sa tante, Hospitalière de Bayeux,
probablement à une époque où la Nouvelle France traversait une
période très difficile, Catherine écrit: "Dieu est ma force,
mon appui et mon espérance; pourvu qu'il soit content, je le
suis, et ne veux vivre et souffrir que pour lui, dans
l'accomplissement de sa très sainte volonté..." Et un peu
plus tard: "Je loue Dieu de tout mon cœur de la grâce qu'il
m'a faite de m'avoir conduite dans ce pays où je trouve mon
contentement dans les petites croix qui sont inséparables de ce
pays[3]."
Puis, en 1666:
"Les croix sont abondantes. Béni soit mille et mille fois celui
qui les envoie." Et un peu plus tard, alors que les menaces
des Iroquois se font de plus en plus dramatiques: "Nous
sommes en danger... Heureux danger puisque la mort nous sera
vraiment d'un fruit inestimable...Demandez à Dieu que sa très
sainte volonté soit faite en moi, malgré mes résistances, car du
moins je m'y soumets."
Catherine fut très
souvent malade, mais elle fut aussi, parfois, guérie
miraculeusement. Elle raconte: L'année 1663, ayant un grand
mal de gorge, la nuit du 6 janvier je songeai que la Sainte
Vierge m'était venue guérir de la maladie... il me sembla
qu'elle toucha le mal avec sa main, puis me dit: 'Éveille-toi et
sors promptement d'ici.' À mon réveil, je me trouvai
parfaitement guérie." Et encore: l'année 1666, le 2 août,
elle était encore grièvement malade et en danger de mort. Le
soir, elle reçut le Saint-Sacrement, et vit, l'espace d'un
instant, saint François de Sales et le Père de Brébeuf. François
de Sales versa sur elle le contenu d'une fiole contenant du miel
liquide. Un violent feu la pénétra: elle était guérie.
À partir du
28 août 1667, les démons revinrent la torturer. Son accablement
et sa fatigue devinrent extrêmes, et la tentation de désespoir
devint si forte qu'il "lui
fallut beaucoup de violence pour ne pas la[4]
mettre à exécution."
8-3-4-L'Hospitalière
Mère Catherine de
Saint-Augustin exerça au sein de la Communauté les fonctions
d'économe, de maîtresse des novices et de directrice générale de
l'hôpital. Nous avons vu qu'elle avait manifesté une charité
exemplaire envers les malades et les plus démunis.
Cependant Mère Marie-Catherine de Saint-Augustin, qui, le 2
février 1663 avait fait le vœu du plus parfait, ne se contentait
pas de donner des soins aux corps; elle était aussi préoccupée
par le salut des âmes. Nommée Hospitalière d'office en 1663,
c'est à dire première religieuse en charge dans les salles des
malades, elle implora l'aide du Père de Brébeuf, afin que
personne ne mourût sans la grâce de Dieu, pendant son mandat. Le
Père Ragueneau rapporte qu'à plusieurs reprises, elle avertit le
confesseur de l'hôpital, que certaines confessions n'étaient pas
complètes: le Père de Brébeuf l'en avait avertie.
Mgr de Laval
raconte aussi que durant l'été de 1663, de nombreux soldats
protestants, malades et soignés à l'hôpital, se convertirent à
la foi catholique, émerveillés par le zèle de Mère Catherine de
Saint-Augustin.
Une jeune fille
venait d'entrer chez les Hospitalières de Québec.
Marie-Catherine était alors Maîtresse des novices. Au bout de
quelques mois de noviciat la jeune fille fut extrêmement tentée.
Catherine la confia au Père de Brébeuf et lui fit faire, avec
elle, une neuvaine à ce "bon Père". Bientôt les tentations
cessèrent et la jeune fille fit normalement sa profession.
Autre chose
remarquable chez Catherine: malgré ses maux, elle ne s'exempta
presque jamais des devoirs de sa charge, ni de l'observance
régulière de sa vie religieuse. Dans les offices qu'elle devait
accomplir elle était toujours aimable, modeste et charitable.
Rien ne la distinguait des autres religieuses.
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