3-1-Les activités de Marie-Catherine
Catherine
poursuivait courageusement sa mission malgré les menaces
extérieures et sa santé très fragile. Tout le monde admirait sa
gentillesse et son dévouement, son humeur toujours égale, bien
qu'intérieurement elle eût à subir de durs combats. Elle menait
une vie toujours active auprès des malades et dans la gestion
des biens de sa communauté et de l'hôpital. En 1654 elle fut
préposée comme dépositaire, c'est à dire gestionnaire et
responsable de l'hôpital, emploi qui exigeait beaucoup de
qualités solides et pratiques. Catherine remplira cette charge
pendant neuf ans. C'est elle qui fit rebâtir l'Hôtel-Dieu et son
église. Le 10 août 1658, l'église fut bénie sous le titre du
Précieux Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre Dame de
Pitié. Le 15 août suivant, jour de l'Assomption, la première
messe y était célébrée, et les Sœurs Hospitalières inauguraient
le nouvel hôpital.
3-2-La situation se dégrade partout en Nouvelle France
Catherine de
Saint-Augustin est attentive à tout se qui se passe autour
d'elle, et elle a fort à faire car la situation devient très
grave dans la Nouvelle-France à partir de 1658. Les Iroquois se
font de plus en plus menaçants, car ils ont bien compris les
faiblesses militaires des blancs. Deux autres périls graves
menaçaient les âmes: le commerce avec les autochtones de
boissons alcoolisées, et les atteintes portées à l'autorité
religieuse. La présence d'un évêque devenait urgente. Mais en
attendant, à la fin de l'été 1658, l'existence même de la
Nouvelle-France était en péril ainsi que la présence de l'Église
en Amérique du Nord.
Catherine est bien
consciente de la situation, des divisions au sein du clergé, et
des persécutions sournoises auxquelles font l'objet les Pères
jésuites. Bientôt, le 7ème
jour de sa retraite annuelle[1],
pendant qu'elle priait, Catherine de Saint-Augustin, vit Jésus
qui lui demanda de s'abandonner totalement à sa volonté et de
porter sa croix pour tous les pécheurs. Jésus lui dit, entre
autres choses: "La croix sera ton partage et la paix
possédera ton cœur." Catherine répondit aux désirs du divin
Cœur de Jésus, et "se déclara prête à s'immoler comme lui
dans un perpétuel martyre d'amour."
L'humble
Hospitalière va devenir victime[2]
pour la Nouvelle-France. Elle coopérera ainsi, par ses
souffrances, à la sauver de la ruine, et à établir l'Église du
Canada sur de nouvelles bases. Nous sommes en 1658.
3-3-Les années noires
Pendant ce temps,
le 24 juin 1658, Rome nommait François-Xavier de
Montmorency-Laval, abbé de Montigny, vicaire apostolique pour la
Nouvelle-France. Sacré évêque le 8 décembre 1658, il arrivera à
Québec le 9 juin 1659. Catherine de Saint-Augustin sera sa
précieuse auxiliaire, à la fois sainte, compétente et
particulièrement éclairée sur les affaires importantes de son
diocèse: elle lisait dans les consciences, même des personnes
éloignées; véritablement pour lui la Mère Marie-Catherine de
Saint-Augustin était l'ange de son Église du Canada.
La colonie
française était alors dans un état critique. Outre l'insécurité,
il y avait la traite de l'eau de vie avec les "sauvages", et des
plaies morales profondes, notamment la médisance et un sordide
amour du gain. En réalité, la plupart des français présents
n'avait qu'un but: s'enrichir le plus possible. Et les mesures
prises par la religion: remontrances, excommunications, leur
étaient bien indifférentes. En 1660, les Iroquois qui s'étaient
préparés à mettre la ville de Long Sault, en amont de Montréal,
à feu et à sang, furent heureusement arrêtés grâce à l'héroïsme
de quelques personnes. Mais de nombreuses autres furent
toutefois massacrées. On vivait dans la peur. Par ailleurs,
l'hiver fut d'une rigueur exceptionnelle, ce qui n'arrangea pas
les choses. Le 12 août 1662, Mgr de Laval, ayant besoin de
l'appui du Roi, et le Père Raguenau, quittèrent Québec pour
rencontrer le Roi de France et l'informer de ce qui se passait
au Canada.
Personne, au
Canada, Catherine excepté, ne semblait alors se préoccuper des
intérêts sacrés de la patrie canadienne. Les connaissances
surnaturelles que Catherine avait alors du Canada excitaient son
zèle et ses désirs d'immolation. L'état de délabrement de la
Nouvelle-France exigeait, au ciel un protecteur et sur la terre,
une victime: elle eut l'un et l'autre, le Père de Brébeuf, et
Mère Catherine de Saint-Augustin.
Pendant que
duraient toutes ces années noires, Catherine de Saint-Augustin
offrait à Dieu ses prières et ses immolations silencieuses. Son
état de santé s'aggravait, et ses tentations de retour en France
duraient toujours. Le 18 octobre 1659, elle écrivait à la
supérieure de Bayeux: "Tout ce que je puis vous assurer,
c'est que le diable est méchant, et il bouleverse tout chez
moi...Quoiqu'il en soit, mon esprit est en paix... " Et en
1660, à la même personne: "... j'ai si peu de temps et de
santé que cela me fait peine et m'empêche d'écrire autant que je
souhaiterais. Ma fièvre-quarte m'a tourmentée puissamment. Je
pense que mon poumon est bien attaqué. Depuis quelque temps il
m'est arrivé une fluxion sur les gencives: on craint que cela ne
dégénère en cancer. On m'y fait force remèdes... je suis
contente et en paix..."
Le 25 septembre
1662, le Père de Brébeuf apparut à Catherine, dans un état de
gloire, et cependant très triste. Il dit à Catherine que "sa
peine était de voir qu'un pays pour lequel il avait tant
travaillé, et où il avait donné son sang, fût maintenant une
terre d'abomination et d'impiété." Et il ajouta: "Sœur de
Saint-Augustin, nous porterez-vous compassion? Aidez-nous, je
vous en prie!"
3-4-Le tremblement de terre de 1662
Souvent Dieu
permettait à Catherine de Saint-Augustin de lire dans le fond
des consciences et de voir comment elles réagissaient aux grâces
du Seigneur. Dieu lui montrait aussi les péchés secrets qui se
commettaient. Et Dieu l'invitait à s'offrir pour porter sur elle
de nombreux péchés qui offensaient la justice divine. Et
Catherine acceptait. Un soir Catherine fut tourmentée par les
démons, mais plus les vexations de l'enfer augmentaient, plus
devenaient fréquentes ses relations avec son directeur céleste,
le Père de Brébeuf.
L'année 1663
commença sous d'effroyables auspices, aux yeux de Mère Catherine
qui écrit: "Le premier jour de l'année 1663, pendant mon
oraison, je sentis la présence de Notre Seigneur, mais comme un
juge sévère et fort irrité... Je vis, ce me semble, tomber de
ses mains une goutte de liqueur si pénétrante, que lorsqu'elle
tomba sur terre, assez proche de moi, il me sembla voir un
bouleversement dans la terre... Mais le tintamarre fut si grand,
dans mon imagination, que je me sentais toute renversée. J'en
conçus crainte et horreur... La présence de ce juge si irrité
m'accablait..." Le 6 janvier 1663, Catherine revit la même
chose: Jésus était encore sévère et semblait prêt à lancer sur
la Nouvelle France les traits de sa fureur.
Des évènements
étranges se produisirent dans le ciel, à l'automne de 1662; ils
se renouvelèrent au début de janvier 1663, impressionnant
beaucoup les esprits. Le 5 février 1663, vers 17h30, un
terrifiant tremblement de terre ravagea tout le pays. La
première secousse dura une demi-heure. D'autres secousses eurent
lieu, plus ou moins rapprochées, pendant cinq ou six mois.
Curieusement, il n'y eu aucun mort... Dieu voulait seulement que
le peuple du Canada se convertît, ce qui eut lieu. On jeûna au
pain et à l'eau, et tout le monde se confessa.
Le Père de Brébeuf
veillait du haut du ciel sur sa terre canadienne. Il apparut à
Catherine de Saint-Augustin le 27 février 1663 et lui indiqua
que le Seigneur faisait de lui le protecteur du Canada.
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