Paulette Leblanc
À la
découverte
d'une grande mystique
canadienne
Marie-Catherine de Saint-augustin
1632-1668
Septembre 2010
Introduction
Qui, aujourd'hui,
en France, connaît la Bienheureuse Marie-Catherine de
Saint-Augustin? Peu de personnes. L'auteur des pages qui suivent
ne la connaissait pas du tout lorsqu'on lui demanda de la
présenter aux lecteurs du site consacré à la Nouvelle
Évangélisation. Pourtant cette bienheureuse était française
d'origine, née en Normandie! Alors, pourquoi un tel silence?
Placée au nombre
des fondateurs de l’Église canadienne, Catherine de
Saint-Augustin n'a été béatifiée par le pape Jean-Paul II qu'en
1989. Or, elle était née en 1632 à Saint-Sauveur-le-Vicomte, en
Normandie, sous le nom de Catherine de Longpré, et elle entra,
en 1644, chez les religieuses Hospitalières de Bayeux. Deux ans
plus tard, elle se porta volontaire pour seconder les
religieuses attachées à l’Hôtel-Dieu de Québec. Arrivée en
Nouvelle-France en 1648, Catherine mena une vie exemplaire. Elle
mourut de maladie, probablement de tuberculose, en odeur de
sainteté, en 1668, à l'âge de trente six ans. Sa renommée fut
immédiate au Québec, et son culte fut à l'origine de nombreux
miracles. Puis ce fut le silence... Cependant, à partir de la
fin du 19ème siècle, de nouveau sa renommée se mit à
grandir au Québec, et, peu à peu, son pays natal, la Normandie,
la redécouvrit.
Remarque
importante :
Les documents
concernant la vie et la spiritualité de Marie-Catherine de
Saint-Augustin, lui sont presque tous contemporains. Or, elle a
vécu au 17ème siècle, époque où l'hagiographie
insistait beaucoup sur les événements extraordinaires. La vie de
Marie-Catherine de Saint-Augustin paraît remplie de ces faits
extraordinaires, ainsi que des combats qu'elle dut mener contre
les démons et les persécutions dont elle fut leur victime. Cela
nous met parfois mal à l'aise. Pourtant, personne dans son
entourage ne savait ce qui se passait en elle, et, comme sa
gentillesse et son dévouement, son équilibre était remarquable.
Aussi nous efforcerons-nous, tout en restant dans la vérité des
souffrances subies par notre bienheureuse, de rester
relativement discret sur certains faits, certes réels, mais
s'écartant par trop de nos mentalités du 21ème
siècle. Il convient également de préciser que ses combats
spirituels et ses visions n'étaient connus que de ses seuls
directeurs spirituels,
Avant-propos
L'évêque de Québec,
Mgr de Laval[1],
demanda au directeur et ancien confesseur de Catherine, le Père
jésuite Paul Ragueneau, rentré en France, de rédiger, à partir
des documents qu'il possédait déjà ou qui lui étaient envoyés,
la vie de celle que tout le monde, au Québec, considérait comme
une sainte. Le Père Ragueneau utilisa également le Journal de
Catherine, dans lequel elle racontait, à la demande de ses
directeurs, ses expériences mystiques. Le livre du Père
Ragueneau n'était pas destiné au grand public, mais seulement à
quelques personnes chargées de diriger des âmes conduites par
des voies spirituelles non ordinaires.
Le Père Ragueneau
connaissait très bien Catherine; il savait qu'elle ne se
laissait pas aller à son imagination, mais "qu'elle avait
même aversion des révélations, des visions et des conduites
extraordinaires... craignant terriblement l'illusion et la
vanité..." Le Père Ragueneau savait aussi que Catherine ne
racontait à personne ses expériences, sauf à ceux auxquels elle
était obligée de tout dire. Le Père Ragueneau connaissait aussi
les terribles tentations auxquelles sa dirigée était soumise,
ainsi que les fréquentes et violentes attaques des démons.
Cependant il pouvait affirmer qu'elle n'avait jamais offensé
Dieu mortellement.
Riche de tous ces
documents, le Père Paul Ragueneau rédigea tout simplement, en
utilisant l'ensemble des textes qu'il possédait, la vie de
Catherine de Saint-Augustin, rapportant, sans méfiance, même les
évènements les plus extraordinaires ou les plus horribles,
notamment ses obsessions démoniaques. Nous sommes en octobre
1669, et c'est l'évêque de Petrée lui-même, Mgr François de
Laval, qui, dans une longue lettre adressée à la supérieure des
Hospitalières de Québec, présente le manuscrit de l'ouvrage du
Père Ragueneau. L'évêque, très conscient des difficultés que
pourra soulever la lecture de cette vie si étonnante, n'hésite
pas à rapporter quelques remarques du Père Ragueneau : "...
Je prévois bien que des esprits mal-intentionnés pourront
prendre (ces choses extraordinaires) autrement qu'il ne
faut; mais des personnes plus remplies de l'esprit de Dieu, ont
jugé qu'il y aurait du mieux de ne pas les omettre, la
connaissance en devant être utile pour la conduite de certaines
âmes que Dieu mène par des voies extraordinaires, que trop
aisément l'on condamnerait, ou que l'on prendrait pour
chimériques, n'en ayant pas l'expérience..."
Toutes les
précautions ayant été prises, et la permission d'imprimer ayant
été accordée par Étienne Deschamps, le Provincial de la
Compagnie de Jésus, pour la Province de France, l’ancien
confesseur et directeur de Catherine de Saint-Augustin, le
jésuite Paul Ragueneau, put faire imprimer la Vie de la Mère
Marie-Catherine de Saint-Augustin. Ce livre sortit des presses
le 3 avril 1671.
Ce livre révélait
les combats que la religieuse avait dû livrer contre des démons,
les apparitions du Christ, de la Vierge et de plusieurs saints
dont elle avait été témoin, ainsi que le rôle de victime qu’elle
avait assumé pour le salut de la colonie; il connut un grand
succès, au Canada et en Normandie, ainsi que dans le reste de la
France. Il raffermissait la ferveur des communautés religieuses,
suscitait la dévotion des prélats, et servait même à
l’édification des laïcs. Malheureusement ce livre parut alors
que l'Église venait de condamner le quiétisme[2],
cette fausse mystique, en raison de ses abus et de ses erreurs.
En conséquence tout ce qui ressemblait à ce que l'on appelait la
mystique, suscitait beaucoup de méfiance. On alla même, dès
1691, jusqu'à se moquer du Père Ragueneau. En 1744, le Père de
Charlevoix[3]
eut beau tenter de défendre son confrère de la compagnie de
Jésus, les "choses extraordinaires" ne furent plus communément
admises dans la littérature hagiographique. Il fallait donc
attendre. Le discrédit, dans lequel se trouvait le livre du Père
Ragueneau se prolongea jusqu'au 19ème
siècle.
Pendant des années,
la biographie de Catherine de Saint-Augustin fut comme occultée,
et malgré les miracles dus à son intercession, les dossiers de
béatification furent oubliés. Cependant, à la fin du 20ème
siècle, Catherine de Saint-Augustin fut reconnue "Vénérable"
par le Saint Père Jean Paul II, à Rome le 9 mars 1984. Elle fut
proclamée "Bienheureuse" le 23 avril 1989. Pour avoir offert sa
vie pour l'Église et le salut de la Nouvelle-France, son pays
d'adoption, la Mère Marie-Catherine de Saint-Augustin est
considérée comme une co-fondatrice de l'Église du Canada.
Remarques sur
les “relations” avec Satan
On nous permettra
de revenir encore une fois sur le problème des attaques
sataniques. À notre époque, nous avons peine à croire à ces
choses; pourtant la vie du saint Curé d'Ars nous est bien
connue, et nous savons tous combien Satan fut féroce avec lui,
allant jusqu'à mettre le feu à son lit. Plus près de nous, il y
eut saint Padre Pio et nous savons le tintamarre que Satan
faisait parfois autour de lui. Ses confrères, dans son couvent
en étaient bien gênés. Marthe Robin eut des combats terribles à
mener contre les démons, et souvent, le matin, alors qu'elle
était paralysée, on la retrouvait jetée à terre par Satan et
criblée de coups.
En ce qui concerne
Mère Catherine de Saint-Augustin, nous avons peine à croire ce
qu'elle écrit dans son journal, et en particulier le fait que
les démons étaient retenus comme prisonniers en elle.... Quant
aux tentations si terribles contre la pureté, l'obéissance et
même ses vœux, on est en droit de se demander de quoi il s'agit.
Essayons de comprendre.
Extérieurement
pratiquement rien ne transparaissait des épreuves de
Marie-Catherine[4],
en dehors de ses maladies. Elle était toujours d'humeur égale,
disponible à tous, gentille, souriante, joyeuse et d'une charité
à toute épreuve. Compte tenu de ses responsabilités dans
l'hôpital tenu par les Hospitalières, elle était fréquemment en
contact avec les gens de l'extérieur, et seuls sa compétence et
son dévouement étaient visibles. Marie-Catherine était une
personne tout à fait normale. Ce qui se passait en elle,
personne ne le savait, sinon ses directeurs spirituels. Ses
combats intérieurs et ses tentations, ses visions, ses
rencontres avec Jésus, la Vierge Marie, son directeur céleste:
le Père de Brébeuf ou d'autres saints, n'avaient lieu que la
nuit, ou pendant qu'elle priait à la chapelle, et surtout
pendant la messe. De tout cela personne n'aurait rien su, si le
Père Ragueneau à qui elle devait tout raconter, par obéissance,
ne lui avait demandé d'écrire ce qui se passait en elle.
Extérieurement on
ne remarquait que sa charité, son union à Dieu, et son désir
d'accomplir en tout la volonté de Dieu. Intérieurement elle
vivait avec Dieu, et elle était toujours prête à se sacrifier et
à accepter toutes les souffrances, pour le salut des âmes.
Il convient
d'ajouter certaines difficultés de compréhension liées aux
différences énormes de mentalités entre le 17ème
siècle et le
nôtre, ainsi que quelques problèmes de vocabulaire, le sens des
mots[5],
surtout dans le domaine religieux, ayant considérablement
évolué.
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