BIENHEUREUSE
ANNE CATHERINE EMMERICH
religieuse et visionnaire
(
1774-1824)

LA DOULOUREUSE PASSION
DE N. S. JÉSUS-CHRIST

XXXI
PREMIÈRE CHUTE DE JÉSUS SOUS LA CROIX

La rue, peu avant sa fin, se dirige à gauche, devient plus large et monte un peu ; il y passe un aqueduc souterrain venant de la montagne de Sion ; je crois qu'il longe le forum où courent aussi sous terre des rigoles revêtues en maçonnerie, et qu'il aboutit à la piscine Probatique, près de la porte des Brebis. J'ai entendu le bruit de l'eau coulant dans les conduits. On trouve avant la montée une espèce d'enfoncement où il y a souvent de l'eau et de la boue quand il a plu, et où l'on a placé une grosse pierre pour faciliter le passage, ce qui se voit souvent dans les rues de Jérusalem, lesquelles sont très inégales en plusieurs endroits. Lorsque Jésus arriva là, il n'avait plus la force de marcher ; comme les archers le tiraient et le poussaient sans miséricorde, il tomba de tout son long contre cette pierre, et la croix tomba prés de lui. Les bourreaux s'arrêtèrent en le chargeant d'imprécations et en le frappant à grands coups de pied ; le cortège s'arrêta un moment en désordre : c'était en vain qu'il tendait la main pour qu'on l'aidât : “Ah ! dit-il, ce sera bientôt fini”, et il pria pour ses bourreaux ; mais les Pharisiens crièrent : “Relèves-le ; sans cela il mourra dans nos mains”. Des deux côtés du chemin on voyait ça et là des femmes qui pleuraient et des enfants, qui s'effrayaient. Soutenu par un secours surnaturel Jésus releva la tête, et ces hommes abominables, au lieu d'alléger ses souffrances, lui remirent ici la couronne d'épines. Lorsqu'ils l'eurent remis sur ses pieds en le maltraitant, ils replacèrent la croix sur son dos, et il lui fallut pencher de côté, avec des souffrances inouïes, sa tête déchirée par les épines, afin de faire place sur son épaule au fardeau dont il était chargé. C'est avec ce nouvel accroissement à ses tortures qu'il gravit en chancelant la montée que présentait ici la rue devenue plus large.

XXXII
DEUXIÈME CHUTE DE JÉSUS SOUS LA CROIX

La mère de Jésus, toute navrée de douleur, avait quitté le Forum prés d'une heure auparavant, après le prononcé du jugement inique qui condamnait son fils, elle était accompagnée de Jean et de quelques femmes. Elle avait visité plusieurs endroits sanctifiés par les souffrances du Seigneur, mais lorsque le son de la trompette, l'empressement du peuple et la mise en mouvement du cortège de Pilate annoncèrent le départ pour le Calvaire, elle ne put résister au désir de voir encore son divin fils, et elle pria Jean de la conduire à un des endroits où Jésus devait passer. Ils venaient du quartier de Sion ; ils longèrent un des cotés de la place que Jésus venait de quitter, et passèrent par des portes et des allées ordinairement fermées, mais qu'on avait laissées ouvertes parce que la foule se précipitait dans toutes les directions. Ils passèrent ensuite par le côté occidental d'un palais dont une porte s'ouvrait sur la rue où entra le cortège après la première chute de Jésus. Je ne sais plus bien si ce bâtiment n'était pas une dépendance du palais de Pilate, avec lequel il semblait communiquer par des cours et des allées ; mais d'après mes souvenirs d'aujourd'hui, je crois plutôt que c'était la demeure du grand-prêtre Caïphe, car son tribunal seul était à Sion. Jean obtint d'un domestique ou d'un portier compatissant la permission d'aller gagner la porte en question avec Marie et ceux qui l'accompagnaient. Un des neveux de Joseph d'Arimathie était avec eux : Suzanne, Jeanne Chusa et Salomé de Jérusalem accompagnaient la sainte Vierge. Quand je vis la mère de Dieu pâle, les yeux rouges de pleurs, tremblante et se soutenant à peine, traverser cette maison, enveloppée de la tête aux pieds dans un manteau d'un gris bleuâtre, je me sentis le cœur tout déchiré. On entendait déjà le bruit du cortège qui s'approchait, le son de la trompette et la voix du héraut criant le jugement au coin des rues. La porte fut ouverte par le domestique ; le bruit devint plus distinct et plus effrayant. Marie pria et dit à Jean : “Dois-je voir ce spectacle ? dois-je m'enfuir ? comment pourrai-je le supporter ?” “Si vous ne restiez pas”, répondit Jean, “vous vous le reprocheriez amèrement plus tard”. Ils passèrent alors la porte ; elle s'arrêta et regarda à droite sur le chemin qui montait un peu et redevenait uni à l'endroit où était Marie. Hélas ! comme le son de la trompette lui perça le cœur ! Le cortège était encore à quatre-vingts pas de là ; il n'y avait pas de peuple en avant, mais des deux côtés et derrière quelques groupes. Beaucoup de gens de la populace qui avaient quitte le forum les derniers couraient çà et là par des rues détournées pour trouver des places d'où ils pussent voir le cortège. Lorsque les gens qui portaient les instruments du supplice s'approchèrent d'un air insolent et triomphant, la mère de Jésus se prit à trembler et à gémir, elle joignit ses mains, et un de ces misérables demanda : “Quelle est cette femme qui se lamente ?” Un autre répond : “C'est la mère du Galiléen”. Quand ces scélérats entendirent ces paroles, ils accablèrent de leurs moqueries cette douloureuse mère ; ils la montrèrent au doigt, et l'un d'eux prit dans sa main les clous qui devaient attacher Jésus à la croix, et les présenta à la sainte Vierge d'un air moqueur. Elle regarda Jésus en joignant les mains, et, brisée par la douleur, s'appuya pour ne pas tomber contre la porte, pâle comme un cadavre et les lèvres bleues. Les Pharisiens passèrent sur leurs chevaux, puis l'enfant qui portait l'inscription, puis enfin, à deux pas derrière lui, le fils de Dieu son fils, le très saint, le rédempteur, son bien-aimé Jésus, chancelant, courbé sous son lourd fardeau, détournant douloureusement sa tête couronnée d'épines de la lourde croix qui pesait sur son épaule. Les archers le tiraient en avant avec des cordes ; son visage était livide, sanglant et meurtris : sa barbe inondée d'un sang à moitié figé qui en collait tous les poils ensemble. Ses yeux éteints et ensanglantés, sous l'horrible tresse de la couronne d'épines, jetèrent sur sa douloureuse mère un regard triste et compatissant, et trébuchant sous son fardeau, il tomba pour la seconde fois sur ses genoux et sur ses mains. Marie, sous la violence de sa douleur, ne vit plus ni soldats ni bourreaux elle ne vit que son fils bien-aimé réduit à ce misérable état ; elle se précipita de la porte de la maison au milieu des archers qui maltraitaient Jésus, tomba à genoux près de lui et le serra dans ses bras. J'entendis les mots : “Mon fils ! Ma mère !” mais je ne sais s'ils furent prononcés réellement ou seulement en esprit.

Il y eut un moment de désordre : Jean et les saintes femmes voulaient relever Marie. Les archers l'injurièrent ; l'un d'eux lui dit : “Femme, que viens-tu faire ici ? Si tu l'avais mieux élevé il ne serait pas entre nos mains !” Quelques soldats furent émus. Cependant ils repoussèrent la sainte Vierge en arrière, mais aucun archer ne la toucha. Jean et les femmes l'entourèrent, et elle tomba comme morte sur ses genoux contre la pierre angulaire de la porte, à laquelle le mur s'appuyait. Elle tournait le des au cortège ; sa mains touchèrent à une certaine hauteur la pierre contre laquelle elle s'affaissa C'était une pierre veinés de vert. Ses genoux y laissèrent des cavités ; ses mains, à l'endroit où elle les avait appuyées, des marques moins profondes. C'étaient des empreintes un peu confuses, semblables à celles que la main laisse sur une pâte épaisse en frappant dessus. Je vis cette pierre, qui était fort dure, transportée dans la première église catholique établie prés de la piscine de Bethsaïda, sous l'épiscopat de saint Jacques le mineur. J'ai déjà dit, et je le répète ici, que j'ai vu plusieurs fois de semblables empreintes produites sur la pierre par le contact de saints personnages, à l'occasion de grands événements. C'est aussi vrai que ce mot : “Les pierres en seraient émues” ; que cet autre mot : “Cela fait impression”. L'éternelle vérité, dans son infinie miséricorde, n'a jamais eu besoin de l'imprimerie pour transmettre à la postérité des témoignages touchant les choses saintes. Les deux disciples qui étaient avec la mère de Jésus l'emportèrent dans l'intérieur de la maison dont la porte fut fermée. Pendant ce temps, les archers avaient relevé Jésus et lui avaient remis d'une autre manière la croix sur les épaules. Les bras de la croix s'étaient détachés : l'un des deux avait glissé et s'était pris dans les cordes. Ce fut celui-ci que Jésus embrassa, de sorte que par derrière la pièce principale penchait davantage vers la terre. Je vis, çà et là, parmi la populace qui suivait le cortège en proférant des malédictions et des injures, quelques figures de femmes voilées et versant des larmes.

XXXIII
SIMON DE CYRÈNE
TROISIEME CHUTE DE JESUS

Le cortège arriva à la porte d'un vieux mur intérieur de la ville. Devant cette porte est une place où aboutissent trois rues. Là, Jésus, ayant à passer encore par-dessus une grosse pierre, trébucha et s'affaissa ; la crois roula à terre près de lui ; lui-même, cherchant à s'appuyer sur la pierre, tomba misérablement tout de son long et il ne put plus se relever. Des gens bien vêtus qui se rendaient au Temple passèrent par là et s'écrièrent avec compassion : “Hélas ! le pauvre homme se meurt !” Il y eut quelque tumulte on ne pouvait plus remettre Jésus sur ses pieds, et les Pharisiens, qui conduisaient la marche, dirent aux soldats : “Nous ne pourrons pas l'amener vivant, si vous ne trouvez quelqu'un pour porter sa croix”. Ils virent à peu de distance un païen, nommé Simon de Cyrène, accompagné de ses trois enfants, et portant sous le bras un paquet de menues branches, car il était jardinier et venait de travailler dans les jardins situés près du mur oriental de la ville. Chaque année, il venait à Jérusalem pour la fête, avec sa femme et ses enfants, et s'employait à tailler des haies comme d'autres gens de sa profession. Il se trouvait au milieu de la foule dont il ne pouvait se dégager, et quand les soldats reconnurent à son habit que c'était un païen et un ouvrier de la classe inférieure, ils s'emparèrent de lui et lui dirent d'aider le Galiléen à porter sa croix. Il s'en défendit d'abord et montra une grande répugnance, mais il fallut céder à la force. Ses enfants criaient et pleuraient, et quelques femmes qui le connaissaient les prirent avec elles. Simon ressentait beaucoup de dégoût et de répugnance à cause du triste état où se trouvait Jésus et de ses habits tout souillés de boue ; mais Jésus pleurait et le regardait de l'air le plus touchant Simon l'aida à se relever, et aussitôt les archers attachèrent beaucoup plus en arrière l'un des bras de la croix qu'ils assujettirent sur l'épaule de Simon. Il suivait immédiatement Jésus, dont le fardeau était ainsi allégé. Les archers placèrent aussi autrement la couronne d'épines. Cela fait, le cortège se remit en marche. Simon était un homme robuste, âgé de quarante ans ; il avait la tête nue : son vêtement de dessus était court : il avait autour des reins des morceaux d'étoffe : ses sandales, assujetties autour des jambes par des courroies, se terminaient en pointe : ses fils portaient des robes bariolées. Deux étaient déjà grands ; ils s'appelaient Rufus et Alexandre, et se réunirent plus tard aux disciples. Le troisième était plus petit, et je l'ai vu encore enfant prés de saint Étienne. Simon ne porta pas longtemps la croix derrière Jésus sans se sentir profondément touché.

XXXIV
VÉRONIQUE ET LE SUAIRE

Le cortège entra dans une longue rue qui déviait un peu à gauche et où aboutissaient plusieurs rues transversales. Beaucoup de gens bien vêtus se rendaient au Temple et plusieurs s'éloignaient à la vue de Jésus par une crainte pharisaïque de se souiller, tandis que d'autres marquaient quelque pitié. On avait fait environ deux cents pas depuis que Simon était venu porter la croix avec le Seigneur, lorsqu'une femme de grande taille et d'un aspect imposant, tenant une jeune fille par la main, sortit d'une belle maison située à gauche et précédée d'une avant-cour fermée par une belle grille, à laquelle on arrivait par une terrasse avec des degrés. Elle se jeta au-devant du cortège. C'était Séraphia, femme de Sirach, membre du conseil du Temple, qui fut appelée Véronique, de vera icon (vrai portrait), à cause de ce qu'elle fit en ce jour.

Séraphia avait préparé chez elle d'excellent vin aromatisé, avec le pieux désir de le faire boire au Seigneur sur son chemin de douleur. Elle était déjà allée une fois au-devant du cortège : je l'avais vue, tenant par la main une jeune fille qu'elle avait adoptée, courir à côté des soldats, lorsque Jésus rencontra sa sainte mère. Mais il ne lui avait pas été possible de se faire jour à travers la foule et elle était retournée près de sa maison pour y attendre Jésus. Elle s'avança voilée dans la rue : un linge était suspendu sur ses épaules : la petite fille, âgée d'environ neuf ans, se tenait près d'elle et cacha, à l'approche du cortège, le vase plein de vin. Ceux qui marchaient en avant voulurent la repousser, mais, exaltée par l'amour et la compassion, elle se fraya un passage avec l'enfant qui se tenait à sa robe, travers la populace, les soldats et les archers, parvint à Jésus, tomba à genoux et lui présenta le linge qu'elle déploya devant lui en disant : “Permettez-moi d'essuyer la face de mon Seigneur”. Jésus prit le linge de la main gauche, l'appliqua contre son visage ensanglanté, puis le rapprochant de la main droite qui tenait le bout de la croix, il pressa ce linge entre ses deux mains et le rendit avec un remerciement. Séraphia le mit sous son manteau après l'avoir baisé et se releva. La jeune fille leva timidement le vase de vin vers Jésus, mais les soldats et les archers ne souffrirent pas qu'il s'y désaltérât. La hardiesse et la promptitude de cette action avaient excité un mouvement dans le peuple, ce qui avait arrêté le cortège pendant près de deux minutes et avait permis à Véronique de présenter le suaire. Les Pharisiens et les archers, irrités de cette pause, et surtout de cet hommage publie rendu au Sauveur, se mirent à frapper et à maltraiter Jésus, pendant que Véronique rentrait en hâte dans sa maison.

A peine était-elle rentrée dans sa chambre, qu'elle étendit le suaire sur la table placée devant elle et tomba sans connaissance : la petite fille s'agenouilla près d'elle en sanglotant. Un ami qui venait la voir, la trouva ainsi près du linge déployé où la face ensanglantée de Jésus s'était empreinte d'une façon merveilleuse, mais effrayante. Il fut très frappé de ce spectacle, la fit revenir à elle et lui montra le suaire devant lequel elle se mit à genoux en pleurant et en s'écriant : “Maintenant, je veux tout quitter car le Seigneur m'a donné un souvenir”. Ce suaire était de laine fine, trois fois plus long que large ; on le portait habituellement autour du cou : quelquefois on en avait un second qui pendait sur l'épaule. C'était l'usage d'aller avec un pareil suaire au-devant des gens affligés, fatigués ou malades, et de leur en essuyer je visage en signe de deuil et de compassion. Véronique garda toujours le suaire pendu au chevet de son lit. Après sa mort, il revint par les saintes femmes à la sainte Vierge, puis à l'Église par les apôtres.

Séraphia était cousine de Jean-Baptiste, car son père et Zacharie étaient fils des deux frères. Elle était née à Jérusalem. Lorsque Marie, à l'âge de quatre ans, fut amenée dans cette ville pour faire partie des vierges du Temple je vis Joachim, Anne et d'autres personnes qui les accompagnaient, aller dans la maison paternelle de Zacharie, qui était pas loin du marché aux poissons. Il s'y trouvait un vieux parent de celui-ci, qui était, je crois, son oncle et le grand-père de Séraphia. Elle avait au moins cinq ans de plus que la sainte Vierge et assista à son mariage avec saint Joseph. Elle était aussi parente du vieux Siméon qui prophétisa lors de la présentation de Jésus au Temple, et liée avec ses fils dés sa jeunesse. Ceux-ci tenaient de leur père un vif désir de la venue du Messie qu'éprouvait aussi Séraphia. Cette attente du salut était alors dans le cœur de bien des personnes pieuses comme une aspiration secrète et ardente : les autres ne pressentaient rien de semblable pour l'époque où ils vivaient. Lorsque Jésus, âgé de douze ans, resta à Jérusalem et enseigna dans le Temple, Séraphia, qui n'était pas encore mariée, lui envoyait sa nourriture dans une petite auberge, située à un quart de lieue de Jérusalem où il restait quand il n'était pas dans le Temple, et où Marie, peu après la nativité, venant de Bethléem pour présenter Jésus au Temple, s'était arrêtée un jour et deux nuits chez deux vieillards. C'étaient des Esséniens qui connaissaient la sainte Famille. La femme était parente de Jeanne Chusa. Cette auberge était une fondation pour les pauvres : Jésus et les disciples venaient souvent y loger. Dans les derniers temps de sa vie, lorsqu'il enseigna dans le Temple, je vis souvent Séraphia y envoyer des aliments. Mais alors elle n'était pas tenue par les mêmes personnes.

Séraphia se maria tard : son mari, Sirach, descendait de la chaste Suzanne ; il était membre du conseil du Temple. Comme dans le commencement il était très opposé à Jésus, sa femme eut beaucoup à souffrir de lui à cause de son attachement pour le Sauveur. Quelquefois même il l'enfermait pendant assez longtemps dans un caveau. Joseph d'Arimathie et Nicodème le ramenèrent à de meilleurs sentiments, et il permit à Séraphia de suivre Jésus. Lors du jugement chez Caïphe. Il se déclara pour Jésus avec Joseph et Nicodème, et se sépara comme eux du Sanhédrin. Séraphia est une grande femme encore belle : elle doit pourtant avoir plus de cinquante ans ; lors de l'entrée triomphale du dimanche des Rameaux, je la vis détacher son voile et l'étendre sur le chemin où passait le Sauveur. Ce fut ce même voile qu'elle apporta à Jésus pendant cette marche plus triste, mais plus triomphale encore, pour effacer les traces de ses souffrances, ce voile qui donna à celle qui le possédait un nouveau nom, le nom glorieux de Véronique [18] et qui reçoit encore aujourd'hui les hommages publics de l'Église.

XXXV
QUATRIÈME ET CINQUIÈME CHUTES DE JESUS
LES FILLES DE JERUSALEM

Le cortège était encore à quelque distance de la porte qui est située dans la direction du sud-ouest. On arrive par un chemin un peu en pente à Cette porte qui est fortifiée. On passe d'abord sous une arcade voûtée, puis sur un pont, puis sous une autre arcade. A la sortie, les murs de la ville vont quelque temps au midi, puis au couchant, puis encore au midi, pour entourer la montagne de Sion. A droite de la porte, la muraille va dans la direction du nord, jusqu'à la porte de l'angle, puis elle tourne vers le levant, en longeant la partie septentrionale de Jérusalem. Lorsque le cortège approcha de la porte, les archers accélérèrent leur marche. Le chemin était très inégal et, immédiatement avant la porte, il y avait un grand bourbier. Les archers tirèrent violemment Jésus en avant et on se pressa les uns contre les autres. Simon de Cyrène voulut passer à côté, ce qui fit dévier la croix, et Jésus tombant pour la quatrième fois sous son fardeau, fut rudement précipité dans le bourbier, en sorte que Simon put à peine retenir la croix. Il dit alors d'une voix affaiblie et pourtant distincte : “Hélas ! hélas ! Jérusalem, combien je t'ai aimée ! j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu me chasses si cruellement hors de tes portes !” Le Seigneur parla ainsi avec une tristesse profonde, mais les Pharisiens ayant entendu ces Paroles, l'insultèrent de nouveau, disant : “Ce perturbateur n'en a pas fini : il tient encore de mauvais propos” ; puis ils le frappèrent et le traînèrent en avant pour le retirer du bourbier, Simon de Cyrène fut si indigné des cruautés exercées envers Jésus, qu'il s'écria : “Si vous ne mettez pas fin à vos infamies je jette là la croix, quand même vous voudriez me tuer aussi”. Au sortir de la porte on voit un chemin étroit et rocailleux, qui se dirige quelque temps au nord et conduit au Calvaire. La grande route d'où ce chemin s'écarte se partage en trois embranchements à quelque distance de là : l'un tourne à gauche vers le sud-ouest, et conduit à Bethléem par la vallée de Bibon : l'autre se dirige au couchant, vers Emmaüs et Joppe ; le troisième tourne au nord-ouest autour du Calvaire, et aboutit à la pointe de l'angle qui conduit à Bethsur. De la porte par laquelle Jésus sortit, on peut voir à gauche, vers le sud-ouest, celle de Bethléem. Ces deux portes sont, parmi les portes de Jérusalem, les plus rapprochées l'une de l'autre. Au milieu de la route, devant la Porte, à l'endroit où commence le chemin du Calvaire, on avait placé sur un poteau un écriteau annonçant la condamnation à mort de Jésus et des deux larrons. Les caractères étaient blancs et en relief, comme si on les y eût collés. Non loin de là, à l'angle de ce chemin, était une troupe de femmes qui pleuraient et gémissaient. C'étaient pour la plupart des vierges et de pauvres femmes de Jérusalem avec leurs enfants, qui étaient allées en avant du cortège ; d'autres étaient venues pour la Pâque de Bethléem, d'Hébron et des lieux circonvoisins. Jésus tomba presque en défaillance mais il n'alla pas tout à fait à terre, parce que Simon fit reposer la croix sur le sol, s'approcha de lui et le soutint. C'est la cinquième chute de Jésus sous la croix. A la vue de son visage si défait et si meurtri, les femmes poussèrent des cris de douleur, et, suivant la coutume juive, présentèrent à Jésus des linges pour essuyer sa face. Le Sauveur se tourna vers elles, et dit : “Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi : pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants, car il viendra bientôt un temps où l'on dira : Heureuses les stériles et les entrailles qui n'ont point engendré et les seins qui n'ont point allaité ! Alors on commencera à dire aux montagnes : Tombez sur nous ! et aux collines : Couvrez-nous ! Car si on traie ainsi le bois vert, que sera ce de celui qui est sec ? Il leur adressa d'autres belles paroles que j'ai oubliées : je me souviens seulement qu'il leur dit que leurs larmes seraient récompensées, qu'elles marcheraient dorénavant sur d'autres chemins, etc. Il y eut une pause en cet endroit : les gens qui portaient les instruments du supplice se rendirent à la montagne du Calvaire suivis de cent soldats romains de l'escorte de Pilate, lequel avait accompagné de loin le cortège ; arrivé à la porte, il rebroussa chemin vers l'intérieur de la ville.

XXXVI
JÉSUS SUR LE MONT GOLGOTHA
SIXIÈME ET SEPTIÈME CHUTES DE JÉSUS

On se remit en marche, Jésus pliant sous son fardeau et sous les coups, monta péniblement entre les murs de la ville et le Calvaire. A l'endroit où le sentier tortueux se détourne et monte vers le midi. il tomba pour la sixième fois, et cette chute fat très douloureuse. On le poussa, on le frappa brutalement qua jamais, et il arriva au rocher du Calvaire, où il tomba sous la croix pour la septième fois. Simon de Cyrène, maltraité et fatigué lui-même, était plein d'indignation et de pitié : il aurait voulu soulager encore Jésus, mais les archers le chassèrent en l'injuriant. Il se réunit bientôt après aux disciples. On renvoya aussi tous les enfants et les manœuvres qui avaient fait partie du cortège et dont on n'avait plus besoin. Les Pharisiens à cheval étaient arrivés par des chemins commodes situés du côté occidental du Calvaire. On pouvait voir de là pardessus les murs de la ville. Le plateau supérieur, le lieu du supplice, est de forme circulaire; son étendue est à peu près celle d'un manège de moyenne grandeur : tout autour est un terrassement que coupent cinq chemins. Ces cinq chemins se retrouvent en beaucoup d'endroits du pays ; ainsi, aux lieux où l'on prend les eaux, où l'on baptise, à la piscine de Bethsaïda : plusieurs villes ont aussi cinq portes. C'est une disposition ordinaire dans les établissements des temps antiques ; elle s'est conservée parfois dans ceux des temps plus récents, quand une bonne inspiration y a présidé. Il y a là, comme partout dans la Terre Sainte, un sens profond et comme une prophétie accomplie aujourd'hui par l'ouverture des cinq voies de salut dans les cinq plaies sacrées du Sauveur. Les Pharisiens à cheval s'arrêtèrent devant le plateau, du côté du couchant où la pente de la montagne est douce : le côté par où l'on amène les condamnés est sauvage et escarpé. Une centaine de soldats romains, originaires des frontières de la Suisse, étaient postés de coté et d'autre. Quelques-uns étaient prés des deux larrons, qu'on n'avait pas conduits tout à fait en haut pour laisser la place libre, mais qu'on avait couchés sur le des un peu plus bas, à l'endroit où le chemin se détourne vers le midi, en leur laissant les bras attachés aux pièces transversales de leur croix. Beaucoup de gens, la plupart de la basse classe, des étrangers, des esclaves, beaucoup de femmes, toutes personnes qui n'avaient point à craindre de se souiller, se tenaient autour de la plate-forme. Leur nombre allait toujours croissant sur les hauteurs environnantes, où s'arrêtaient beaucoup de gens qui se rendaient à la ville. Vers le couchant, au penchant de la montagne de Gihon, il y avait tout un camp d'étrangers venus pour la fête. Beaucoup d'entre eux regardaient de loin, d'autres s'approchaient successivement.

Il était à peu prés onze heures trois quarts lors de la dernière chute de Jésus et du renvoi de Simon. Les archers tirèrent Jésus avec les cordes pour le relever, délièrent les morceaux de la Croix et les mirent par terre les uns sur les autres. Hélas ! quel douloureux spectacle se présenta : le Sauveur debout sur le lieu de son supplice, si triste, si pâle, si déchiré, si sanglant ! Les archers le jetèrent à terre en l'insultant : “Roi des juifs, lui dirent-ils, nous allons arranger ton trône”. Mais lui-même se coucha sur la croix de son propre mouvement ; si le triste état où il se trouvait lui eût permis de le faire plus promptement, ils n'auraient pas eu besoin de le jeter par terre. Ils l'étendirent sur la croix pour prendre la mesure de ses membres, pendant que les Pharisiens qui se trouvaient là l'insultaient ; puis ils le relevèrent et le conduisirent à soixante-dix pas au nord, à une espèce de fosse creusés dans le roc, qui ressemblait à une cave ou à une citerne : ils l'y poussèrent si rudement, qu'il se serait brisé les genoux contre la pierre sans un secours miraculeux. Ils en fermèrent l'entrée et laissèrent là des gardes J'entendis distinctement ses gémissements plaintifs. Je crois aussi avoir vu au-dessus de lui des anges qui l'empêchaient de se briser les genoux ; cependant il gémit d'une façon qui déchirait le cœur. La pierre s'amollit sous ses genoux, Ce fut alors que les archers commencèrent leurs préparatifs. Au milieu de la plate-forme circulaire trouvait le point le plus élevé du rocher du Calvaire ; c'était une éminence ronde d'environ deux pieds de hauteur, à laquelle on arrivait par quelques degrés. Ils creusèrent là les trous où les trois croix devaient être plantées, et dressèrent à droite et à gauche les croix des voleurs, qui étaient grossièrement préparées et plus basses que selles de Jésus. Les pièces transversales, contre lesquelles ceux-ci avaient toujours les mains liées, furent fixées plus tard au-dessous du bout supérieur de la pièce principale. Ils placèrent la croix du Christ au lieu où ils devaient la clouer, de manière à pouvoir la lever sans peine et la faire tomber dans le trou qui lui était destiné. Ils assujettirent les deux bras, clouèrent le morceau de bois où devaient reposer les pieds, percèrent des trous pour les clous et pour l'inscription, enfoncèrent des coins au-dessous de chacun des bras, et tirent ça et là quelques entailles, soit pour la couronne d'épines, soit pour les reins du Sauveur, afin que son corps fût soutenu, non suspendu, et que tout le poids ne portât pas sur les mains, qui auraient pu être arrachées des clous. Ils plantèrent des pieux en terre derrière l'6minence où devait s'élever la crois, et y fixèrent une poutre destinée à servir de point d'appui aux cordes avec lesquelles ils soulèveraient la croix ; enfin ils firent d'autres préparatifs du même genre.

XXXVII
 MARIE ET SES AMIES VONT AU CALVAIRE

Lorsque la sainte Vierge, après sa rencontre douloureuse avec Jésus portant sa croix, fut tombée sans connaissance, Jeanne Chusa, Suzanne et Salomé de Jérusalem, avec l'aide de Jean et du neveu de Joseph d'Arimathie, la ramenèrent, chassés par les soldats, dans la maison d'où elle était sortie et la porte se ferma entre elle et son fils bien-aimé, chargé de son pesant fardeau et accablé de mauvais traitements, l'amour, le désir ardent d'être prés de son fils, de tout souffrir avec lui et de ne pas l'abandonner, lui rendirent bientôt une force surnaturelle. Elle se rendit avec ses compagnes dans la maison de Lazare, près de la porte de l'angle, où se trouvaient les autres saintes femmes, pleurant et gémissant avec Marthe et Madeleine : il y avait quelques enfants auprès d'elles. Elles partirent de là au nombre de dix-sept pour suivre le chemin de la Passion. Je les vis, pleines de gravité et de résolution, indifférentes aux injures de la populace et commandant le respect par leur douleur traverser le forum, couvertes de leurs voiles, baiser la terre au lieu où Jésus s'était chargé de la croix, puis suivre le chemin qu'il avait suivi. Marie et celles qui étaient le plus éclairées d'en haut cherchaient les traces de ses pieds ; la sainte Vierge, sentant et voyant tout à l'aide d'une lumière intérieure, les guidait sur cette voie douloureuse et tous les endroits s'imprimaient vivement dans son âme ; elle comptait tous les pas et indiquait à ses compagnes les places consacrées par quelque douloureuse circonstance C'est de cette manière que la plus touchante dévotion de l'Église fut pour la première fois écrite dans le cœur maternel de Marie avec le glaive prédit par le vieux Siméon : elle passa de sa très sainte bouche à ses compagnes, et de celles-ci jusqu'à nous comme un don sacré, transmis de Dieu au cœur de la mère et de celui-ci au cœur des enfants. Ainsi se perpétue la tradition de l'Église. Quand on voit les choses comme je les vois, une transmission de ce genre apparaît plus vivante et plus sainte qu'aucune autre. De tout temps les Juifs ont vénéré les lieux consacrés par quelque action sainte ou quelque événement dont la mémoire leur est chère : ils y dressent des pierres, y vont en pèlerinage et y prient. C'est ainsi que le culte du chemin sacré de la Croix prit naissance du fond même de la nature humaine et par suite des vues de Dieu sur son peuple, non en vertu d'un dessein formé après coup. Il fut inauguré pour ainsi dire, sous les pieds mêmes de Jésus qui y a marché le premier, par l'amour de la plue tendre des mères.

Cette sainte troupe vint à la maison de Véronique et y entra parce que Pilate revenait par cette rue avec ses cavaliers. Les saintes femmes regardèrent en pleurant je visage de Jésus empreint sur le suaire et admirèrent la grâce qu'il avait faite à sa fidèle amie. Elles prirent le vase de vin aromatisé qu'on n'avait pas permis à Véronique de taire boire à Jésus, et se dirigèrent toutes ensemble vers la porte de Golgotha. Leur troupe s'était grossie de beaucoup de gens bien intentionnés, parmi lesquels un certain nombre d'hommes et je fus singulièrement touchée de les voir passer en bon ordre le long des rues. C'était presque un cortège plus nombreux que le cortège de Jésus, si l'on ne tient pas compte de la foule de peuple qui suivait celui-ci. On ne peut exprimer les souffrances et la douleur déchirante de Marie à la vue du lieu du supplice et à l'arrivée sur la hauteur : c'étaient les souffrances de Jésus ressenties intérieurement avec le douloureux sentiment d'être obligée de lui survivre. Madeleine, navrée jusqu'au fond de l'âme et comme ivre de douleur ne marchait qu'en chancelant ; elle passait, pour ainsi dire, d'une émotion à l'autre, du silence aux gémissements, de la stupeur au désespoir, des lamentations aux menaces : ses compagnes étaient obligées sans cesse de la soutenir, de la protéger, de l'exhorter, de la cacher aux regards. Elles montèrent au Calvaire par le côté du couchant, où la pente est plus douce ; elles se tinrent en trois groupes, à des distances inégales de la plate-forme circulaire. La mère de Jésus, sa nièce Marie, fille de Cléophas, Salomé et Jean s'avancèrent jusqu'à cette plate-forme. Marthe, Marie Héli, Véronique, Jeanne Chusa, Suzanne et Marie, mère de Mô tinrent à quelque distance autour de Madeleine qui était C0mmé hors d'elle-même. Plus loin étaient sept autres d'entre elles et quelques gens compatissants qui établissaient des communications d'un groupe à l'autre. Les Pharisiens à cheval se tenaient ça et là autour de la plate-forme, et des soldats romains étaient placés aux cinq entrées. Quel spectacle pour Marie que ce lieu de supplice, cette terrible croix, ces marteaux, cas cordes, ces clous effrayants, ces hideux bourreaux demi nus, à peu prés ivres, faisant leur affreux travail avec des imprécations ! L'absence de Jésus prolongeait le martyre de sa mère : elle savait qu'il était encore vivant, elle désirait le voir et elle tremblait à la pensée des tourments sans nom auxquels elle le verrait livré.

Depuis le matin jusqu'à dix heures, moment où la sentence fut prononcée, il y eut de la grêle par intervalles : puis, pendant qu'on conduisait Jésus au supplice, le ciel s'éclaircit ; mais vers midi, un brouillard rougeâtre voila le soleil.

XXXVIII
JÉSUS DEPOUILLÉ ET ATTACHÉ A LA CROIX

Quatre archers se rendirent au cachot souterrain, situé au nord, à soixante-dix pas : ils y descendirent et en arrachèrent Jésus qui, tout le temps, avait prié Dieu de le fortifier et s'était encore offert en sacrifice pour les péchés de ses ennemis. Ils lui prodiguèrent encore les coups et les outrages pendant ces derniers pas qui lui restaient à faire. Le peuple regardait et insultait ; les soldats, froidement hautains, maintenaient l'ordre en se donnant des airs d'importance ; les archers, pleins de rage, traînaient violemment Jésus sur la plate-forme. Quand les saintes femmes le virent, elles donnèrent de l'argent à un homme pour qu'il achetât des archers la permission de faire boire à Jésus le vin aromatisé de Véronique. Nais ces misérables ne le lui donnèrent pas et le burent eux-mêmes. Ils avaient avec eux deux rases de couleur brune, dont l'un contenait du vinaigre et du fiel, l'autre une boisson qui semblait du vin mêlé de myrrhe et d'absinthe : ils présentèrent au Sauveur un verre de ce dernier breuvage : Jésus y ayant posé ses lèvres, n'en but pas.

Il y avait dix-huit archers sur la plate-forme : les six qui avaient flagellé Jésus, les quatre qui l'avaient conduit, deux qui avaient tenu les cordes attachées à la croix, et six qui devaient le crucifier. Ils étaient occupés, soit près du Sauveur soit près des deux larrons, travaillant et buvant tour à tour : c'étaient des hommes petits et robustes, avec des figures étrangères et des cheveux hérissés, ressemblant à des bêtes farouches : ils servaient les Romains et les Juifs pour de l'argent.

L'aspect de tout cela était d'autant plus effrayant pour moi que je voyais sous diverses formes les puissances du mal invisibles aux autres. C'étaient les figures hideuses de démons qui semblaient aider ces hommes cruels, et une infinité d'horribles visions sous formes de crapauds, de serpents, de dragons, d'insectes venimeux de toute espèce qui obscurcissaient l'air. Ils entraient dans la bouche et dans le cœur des assistants ou se posaient sur leurs épaules, et ceux-ci se sentaient l'âme pleine de pensées abominables ou proféraient d'affreuses imprécations. Je voyais souvent au-dessus du Sauveur de grandes figures d'anges pleurant et des gloires où je ne distinguais que de petites têtes. Je voyais aussi de ces anges compatissants et consolateurs au-dessus de la sainte Vierge et de tous les amis de Jésus.

Les archers ôtèrent à notre Seigneur son manteau qui enveloppait la partie supérieure du corps, la ceinture à l'aide de laquelle ils l'avaient traîné et sa propre ceinture. Ils lui enlevèrent ensuite, en la faisant passer par-dessus sa tête, sa robe de dessus en laine blanche qui était ouverte sur la poitrine, puis la longue bandelette jetée autour du cou sur les épaules ; enfin comme ils ne pouvaient pas lui tirer la tunique sans couture que sa mère lui avait faite, à cause de la couronne d'épines, ils arrachèrent violemment cette couronne de sa tête, rouvrant par là toutes ses blessures ; puis, retroussant la tunique, ils la lui ôtèrent, avec force injures et imprécations, en la faisant passer pardessus sa tête ensanglantée et couverte de plaies.

Le fils de l'homme était là tremblant, couvert de sang, de contusions, de plaies fermées ou encore saignantes, de taches livides et de meurtrissures. Il n'avait plus que son court scapulaire de laine sur le haut du corps et un linge autour des reins. La laine du scapulaire en se desséchant s'était attachée à ses plaies et s'était surtout collée à la nouvelle et profonde blessure que le fardeau de la croix lui avait faite à l'épaule et qui lui causait une souffrance indicible. Ses bourreaux impitoyables lui arrachèrent violemment le scapulaire de la poitrine. Son corps mis à nu était horriblement enflé et sillonné de blessures : ses épaules et son dos étaient déchirés jusqu'aux os : dans quelques endroits la laine blanche du scapulaire était restée collée aux plaies de sa poitrine dont le sang s'était desséché. Ils lui arrachèrent alors des reins sa dernière ceinture ; resté nu, il se courbait, et se détournait tout plein de confusion ; comme il était près de s'affaisser sur lui-même, ils le firent asseoir sur une pierre, lui remirent sur la tête la couronne d'épines et lui présentèrent le second vase plein de fiel et de vinaigre, mais il détourna la tête en silence.

Au moment où les archers lui saisirent les bras dont il se servait pour recouvrir sa nudité et le redressèrent pour le coucher sur la croix, des murmures d'indignation et des cris de douleur s'élevèrent parmi ses amis, à la pensée de cette dernière ignominie. Sa mère priait avec ardeur, elle pensait à arracher son voile, à se précipiter dans l'enceinte, et à le lui donner pour s'en couvrir, mais Dieu l'avait exaucée : car au même instant un homme qui, depuis la porte, s'était frayé un chemin à travers le peuple, arriva, tout hors d'haleine, se jeta au milieu des archers, et présenta un linge à Jésus qui le prit en remerciant et l'attacha autour de ses reins.

Ce bienfaiteur de son Rédempteur que Dieu envoyait à la prière de la sainte Vierge avait dans son impétuosité quelque chose d'impérieux : il montra le poing aux archers en leur disant seulement : “Gardez-vous d'empêcher ce pauvre homme de se couvrir”, puis, sans adresser la parole à personne, il se retira aussi précipitamment qu'il était venu. C'était Jonadab, neveu de saint Joseph, fils de ce frère qui habitait le territoire de Bethléem et auquel Joseph, après la naissance du Sauveur, avait laissé en gage l'un de ses deux ânes. Ce n'était point un partisan déclaré de Jésus ; aujourd'hui même, il s'était tenu à l'écart, et s'était borne à observer de loin ce qui se passait. Déjà en entendant raconter comment Jésus avait été dépouillé de ses vêtement, avant la flagellation, il avait été très indigné ; plus tard quand le moment du crucifiement approcha, il ressenti, dans le Temple une anxiété extraordinaire. Pendant que la mère de Jésus criait vers Dieu sur le Golgotha, Jonadab fut poussé tout à coup par un mouvement irrésistible qui le fit sortir du Temple et courir en toute hâte au Calvaire pour couvrir la nudité du Seigneur. Il lui vint dans l'âme un vif sentiment d'indignation contre l'action honteuse de Cham qui avait tourné en dérision la nudité de Noé enivré par le vin et il se hâta d'aller, comme un autre Sem, couvrir la nudité de celui qui foulait le pressoir. Les bourreaux étaient de la race de Cham, et Jésus foulait le pressoir sanglant du vin nouveau de la rédemption lorsque Jonadab vint à son aide Cette action fut l'accomplissement d'une figure prophétique de l'Ancien Testament, et elle fut récompensée plus tard, comme je l'ai vu et comme je le raconterai.

Jésus, image vivante de la douleur, fut étendu par les a ;chers sur la croix où il était allé se placer de lui-même. Ils le renversèrent sur le des, et, ayant tiré son bras droit sur le bras droit de la croix, ils le lièrent fortement, puis un d'eux mit le genou sur sa poitrine sacrée ; un autre tint ouverte sa main qui se contractait ; un troisième appuya sur cette main pleine de bénédiction un gros et long clou et frappa dessus à coups redoublés avec un marteau de fer. Un gémissement doux et clair sortit de la bouche du Sauveur : son sang jaillit sur les bras des archers. Les liens qui retenaient la main furent déchirés et s'enfoncèrent avec le clou triangulaire dans l'étroite ouverture. J'ai compté les coups de marteau, mais j'en ai oublié le nombre. La sainte Vierge gémissait faiblement et semblait avoir perdu connaissance : Madeleine était hors d'elle-même.

Les vilebrequins étaient de grands morceaux de fer de la forme d'un T : il n'y entrait pas de bois. Les grands marteaux aussi étaient en fer et tout d'une pièce avec leurs manches : ils avaient à peu près la forme qu'ont les maillets avec lesquels nos menuisiers frappent sur leurs ciseaux. Les clous, dont l'aspect avait fait frissonner Jésus, étaient d'une telle longueur que, si on les tenait en fermant le poignet, ils le dépassaient d'un pouce de chaque côté, ils avaient une tête plate de la largeur d'un écu. Ces clous étaient à trois tranchants et gros comme le pouce à leur partie supérieure ; plus bas ils n'avaient que la grosseur du petit doigt ; leur pointe était limée, et je vis que quand on les eût enfoncés, ils ressortaient un peu derrière la croix.

Lorsque les bourreaux eurent cloué la main droite du Sauveur, ils s'aperçurent que sa main gauche, qui avait été aussi attachés au bras de la croix, n'arrivait pas jusqu'au trou qu'ils avaient fait et qu'il y avait encore un intervalle de deux pouces entre ce trou et l'extrémité de ses doigts : alors ils attachèrent une corde à son bras gauche et le tirèrent de toutes leurs forces, en appuyant les pieds contre la croix, jusqu'à ce que la main atteignit la place du clou. Jésus poussa des gémissements touchants : car ils lui disloquaient entièrement les bras. Ses épaules violemment tendues se creusaient, on voyait aux coudes les jointures des os. Son sein se soulevait et ses genoux se retiraient vers son corps. Ils s'agenouillèrent sur ses bras et sur sa poitrine, lui garrottèrent les bras, et enfoncèrent le second clou dans sa main gauche d'où le sang jaillit, pendant que les gémissements du Sauveur se faisaient entendre à travers le bruit des coups de marteau. Les bras de Jésus se trouvaient maintenant étendus horizontalement, en sorte qu'ils ne couvraient plus les bras de la croix qui montaient en ligne oblique : il y avait un espace vide entre ceux-ci et ses aisselles. La sainte Vierge ressentait toutes les douleurs de Jésus ; elle était pâle comme un cadavre et des sanglots entrecoupés s'échappaient de sa bouche. Les Pharisiens adressaient des insultes et des moqueries du côté où elle se trouvait, et on la conduisit à quelque distance près des autres saintes femmes. Madeleine était comme folle : elle se déchirait je visage, ses yeux et ses joues étaient en sang.

On avait cloué, au tiers à peu prés de la hauteur de la croix, un morceau de bois destiné à soutenir les pieds de Jésus, afin qu'il fût plutôt debout que suspendu ; autrement les mains se seraient déchirées et on n'aurait pas pu clouer les pieds sans briser les os. Dans ce morceau de bois, on avait pratiqué d'avance un trou pour le clou qui devait percer les pieds. On y avait aussi creusé une cavité pour les talons, de même qu'il y avait d'autres cavités en divers endroits de la croix afin que le corps pût y rester plus longtemps suspendu et ne se détachât pas, entraîné par son propre poids. Tout le corps du Sauveur avait été attiré vers le haut de la croix par la violente tension de ses bras et ses genoux s'étaient redressés. Les bourreaux les étendirent et les attachèrent en les tirant avec des cordes : mais il se trouva que les pieds n'atteignaient pas jusqu'au morceau de bois placé pour les soutenir. Alors les archers se mirent en fureur ; quelques-uns d'entre eux voulaient qu'on fit des trous plus rapprochés pour les clous qui perçaient ses mains, car il était difficile de placer le morceau de bois plus haut ; d'autres vomissaient des imprécations contre Jésus : “Il ne veut pas s'allonger, disaient-ils, nous allons l'aider”. Alors ils attachèrent des cordes à sa jambe droite et la tendirent violemment jusqu'à ce que le pied atteignit le morceau de bois. Il y eut une dislocation si horrible, qu'on entendit craquer la poitrine de Jésus, et qu'il s'écria à haute voix : “O mon Dieu ! O mon Dieu !” Ce fut une épouvantable souffrance. Ils avaient lié sa poitrine et ses bras pour ne pas arracher les mains de leurs clous. Ils attachèrent ensuite fortement le pied gauche sur le pied droit, et le percèrent d'abord au cou-de-pied avec une espèce de pointe à tête plate, parce qu'il n'était pas assez solidement posé sur l'arbre pour qu'on pût les clouer ensemble. Cela fait, ils prirent un clou beaucoup plus long que ceux des mains, le plus horrible qu'ils eussent, l'enfoncèrent à travers la blessure faite au pied gauche, puis à travers le pied droit jusque dans le morceau de bois et jusque dans l'arbre de la croix. Placée de côté, j'ai vu ce clou percer les deux pieds. Cette opération fut plus douloureuse que tout le reste à cause de la distension du corps. Je comptai jusqu'à trente-six coups de marteau au milieu desquels j'entendais distinctement les gémissements doux et pénétrants du Sauveur : les voix qui proféraient autour de lui l'injure et l'imprécation me paraissaient sourdes et sinistres.

La Sainte Vierge était revenue au lieu du supplice : la dislocation des membres de son fils, le bruit des coups de marteau et les gémissements de Jésus pendant qu'on lui clouaient les pieds excitèrent en elle une douleur si violente qu'elle tomba de nouveau sans connaissance entre les bras de ses compagnes. Il y eut alors de l'agitation. Les Pharisiens à cheval s'approchèrent et lui adressèrent des injures : mais ses amis l'emportèrent à quelque distance. Pendant le crucifiement et l'érection de la croix qui suivit, il s'éleva, surtout parmi les saintes femmes, des cris d'horreur : “Pourquoi, disaient-elles, la terre n'engloutit-elle pas ces misérables ? Pourquoi le feu du ciel ne les consume-t-il pas ?” Et à ces accents de l'amour, les bourreaux répondaient par des invectives et des insultes.

Les gémissements que la douleur arrachait à Jésus se mêlaient à une prière continuelle, remplie de passages des psaumes et des prophètes dont il accomplissait les prédictions : il n'avait cessé de prier ainsi sur le chemin de la croix. et il le fit jusqu'à sa mort. J'ai entendu et répété avec lui tous ces passages, et ils me sont revenus quelquefois en récitant les psaumes ; mais je suis si accablée de douleur que je ne saurais pas les mettre ensemble. Pendant cet horrible supplice, je vis apparaître au-dessus de Jésus des figures d'anges en pleurs.

Le chef des troupes romaines avait déjà fait attacher au haut de la croix l'inscription de Pilate. Comme les Romains riaient de ce titre de roi des Juifs, quelques-uns des Pharisiens revinrent à la ville pour demander à Pilate une autre inscription dont ils prirent d'avance la mesure. Pendant qu'on crucifiait Jésus, on élargissait le trou où la croix devait être plantée, car il était trop étroit et le rocher était extrêmement dur. Quelques archers, au lieu de donner à Jésus le vin aromatisé apporté par les saintes femmes l'avaient bu eux-mêmes et il les avait enivrés : il leur brûlait et leur déchirait les entrailles à tel point qu'ils étaient comme hors d'eux-mêmes. De injurièrent Jésus qu'ils traitèrent de magicien, entrèrent en fureur à la vue de sa patience et coururent à plusieurs reprises au bas du Calvaire pour boire du lait d'ânesse. Il y avait prés de là des femmes appartenant à un campement voisin d'étrangers venus pour la Pâque, lesquelles avaient avec elles des ânesses dont elles vendaient le lait. Il était environ midi un quart lorsque Jésus fut crucifié, et au moment où l'on élevait la croix, le Temple retentissait du bruit des trompettes. C'était le moment de l'immolation de l'agneau pascal.

XXXIX
EXALTATION DE LA CROIX

Lorsque les bourreaux eurent crucifié Notre Seigneur, ils attachèrent des cordes à la partie supérieure de la croix, et faisant passer ces cordes autour d'une poutre transversale, fixée du côté opposé, ils s'en servirent pour élever la croix, tandis que quelques-uns d'entre eux la soutenaient et que d'autres en poussaient le pied jusqu'au trou, qu'on avait creusé pour elle, et où elle s'enfonça de tout son poids avec une terrible secousse. Jésus poussa un cri de douleur, tout le poids de son corps pesa verticalement, ses blessures s'élargirent, son sang coula abondamment et ses os disloqués s'entrechoquèrent. Les archers, pour affermir la croix, la secouèrent encore et enfoncèrent cinq coins tout autour.

Rien ne fut plus terrible et plus touchant à la fois que de voir, au milieu des cris insultants des archers, des Pharisiens et de la populace qui regardait de loin, la croix chanceler un instant sur sa base et s'enfoncer en tremblant dans la terre ; mais il s'éleva aussi vers elle des voix pieuses et gémissantes. Les plus saintes voix du monde, celle de Marie, celle de Jean, celles des saintes femmes et de tous ceux qui avaient le cœur pur, saluèrent avec un accent douloureux le Verbe fait chair élevé sur la croix : leurs mains tremblantes se levèrent comme pour le secourir, lorsque le saint des saints, le fiancé de toutes les âmes, cloué vivant sur la croix, s'éleva, balancé en l'air par les mains des pécheurs en furie, mais quand la croix s'enfonça avec bruit dans le creux du rocher, il y eut un moment de silence solennel, tout le monde semblait affecté d'une sensation toute nouvelle et non encore éprouvée jusqu'alors. L'enfer même ressentit avec terreur le choc de la croix qui s'enfonçait, et redoubla la fureur de ses suppôts contre elle : les âmes renfermées dans les limbes l'entendirent avec une joie pleine d'espérance : c'était pour elles comme le bruit du triomphateur qui s'approchait des portes de la rédemption. La sainte croix était dressée pour la première fois au milieu de la terre comme un autre arbre de vie dans le paradis, et des blessures de Jésus coulaient sur la terre quatre fleuves sacrés pour effacer la malédiction qui pesais sur elle, pour la fertiliser et en faire le paradis du nouvel Adam. Lorsque notre Sauveur fut élevé en croix, les cris et les injures furent interrompus quelques moments par le silence de la stupeur. Alors on entendit du côté du Temple le bruit des clairons et des trompettes qui annonçait l'immolation de l'agneau pascal, de la figure prophétique, et interrompait d'une manière solennelle et significative les cris de colère et de douleur autour du véritable agneau de Dieu. Bien des cœurs endurcis furent ébranlés et pensèrent à cette parole de Jean-Baptiste : “Voici l'Agneau de Dieu qui a pris sur lui les péchés du monde”.

Le lien où la croix était plantée était élevée d'un peu plus de deux pieds au-dessus du terrain environnant. Lorsque la croix fut enfoncée en terre, les pieds de Jésus se trouvaient assez bas pour que ses amis pussent les embrasser et les baiser. L'éminence était en talus. Le visage du Sauveur était tourné vers le nord-ouest.

* * * * *

[18] Nous ajoutons ici quelques détails donnes par la soeur Emmerich sur sainte Véronique, un jour qu'on lui avait fait toucher des reliques de cette sainte ; c'était le 9 août 1821 : “J'eus, dit-elle, une vision que Je ne me rappelle pas avoir jamais eue précédemment. Dans la troisième année qui suivit l'ascension du Christ, je vis l'empereur romain envoyer quelqu'un à Jérusalem pour recueillir les bruits relatifs a la mort et à la résurrection de Jésus. Cet homme emmena avec lui à Rome Nicodème, Séraphia et le disciple Epaphras, parent de Jeanne Chusa. C'était un serviteur des disciples, homme plein de simplicité, qui avait été attaché au service du Temple et qui avait vu Jésus ressuscité dans le Cénacle et ailleurs. Je vis Véronique chez l'empereur, Il était malade : son lit était élevé sur deux gradins : un grand rideau pendait jusqu'à terre la chambre était carrée, pas très grande : il n'y avait pas de fenêtres mais le jour venait d'en haut : il y avait de longs cordons avec lesquels on pouvait ouvrir et fermer des volets. L'empereur était seul : ces gens étaient dans l'antichambre. Véronique avait avec elle, outre le suaire, un des linceuls de Jésus et elle déploya le suaire devant l'empereur qui était tout seul, c'était une bande d'étoffe longue et étroite qu'elle avait auparavant portée en guise de voile sur la tête et autour du cou. L'empreinte de la face de Jésus se trouvait à une des extrémités et lorsqu'elle la présenta à l'empereur, elle ramassa dans si main gauche l'autre extrémité du suaire. La face de Jésus s'y était imprimée avec son sang. Cette empreinte n'était pas comme un portrait, elle était même plus grande qu'un portrait, parce que le linge avait été appliqué tout autour du visage. Sur l'autre drap était l'empreinte du corps flagelle de Jésus. Je crois que c'était un des draps sur lesquels on l'avait couché pour le laver avant de l'ensevelir. Je ne vis pas l'empereur toucher ces linges mais il fut guéri par leur vue. Il voulait retenir Véronique à Rome et lui donner une maison et des esclaves, mais elle demanda la permission de retourner à Jérusalem pour mourir au lieu où Jésus était mort Élie y revint en effet, et lors de la persécution contre les chrétiens qui réduisit à la misère et à l'exil Lazare et ses soeurs, elle s'enfuit avec quelques autres femmes. Mais on la prit et on l'enferma dans une prison où elle mourut de faim pour le nom de Jésus. à qui elle avait si souvent donné la nourriture terrestre et qui l'avait nourri de sa chair et de son sang pour la vie éternelle. Je me rappelle vaguement d'avoir vu dans une autre occasion, comment, après la mort de Véronique, le voile resta entre les mains des saintes femmes, comment il alla ensuite à Édesse, où le porta le disciple Thaddée et où il opéra beaucoup de miracles, puis à Constantinople, et enfin comment il fut transmis à l'Église par les apôtres. J'ai cru une fois qu'il était à Turin où est le linceul du Sauveur, mais je vis à cette occasion l'histoire de tous ces linges sacrés et ils se sont confondus dans mes souvenirs ; aujourd'hui encore j'ai vu beaucoup de choses touchant Séraphia ou Véronique, mais je ne les raconte pas parce que Je ne m'en souviens que confusément”.

   

 

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