INDEX
TRAITÉ
DE LA PROVIDENCE
CXXXV
De la providence de Dieu en général.
CXXXVI
Dieu a donné l'espérance à l'homme.- Plus on espère,
plus on goûte parfaitement sa providence.
CXXXVII
De la providence de Dieu dans l'Ancien et le Nouveau
Testament.
CXXXVIII
Tout ce que Dieu permet est pour notre salut.-
Combien sont aveugles ceux qui pensent le contraire.
CXXXIX
De l'action de la Providence pour sauver une âme.
|
TRAITÉ
DE LA PROVIDENCE
1. Alors l'Éternel, dans son
ineffable clémence, jeta sur cette âme un regard plein de tendresse, et
voulut bien lui expliquer comment sa divine providence ne manque jamais à
personne, pourvu qu'on l'accepte humblement. Il s'exprima ainsi, en se
plaignant doucement de ses créatures raisonnables : O ma fille bien-aimée !
combien de. fois te l'ai-je répété ! oui, je veux faire miséricorde au monde
et assister chacun selon ses besoins ; mais l'homme ignorant trouve la mort
où j'ai placé la vie. Moi je veille toujours, et je veux que tu comprennes
que ce que je donne à chacun est réglé par mon infinie providence.
2. C'est ma providence qui
a créé l'homme ; et, lorsque je l'ai regardé en moi-même, je me suis
passionné pour la beauté de ma créature, parce que ma providence souveraine
l'avait créé à mon image et ressemblance. Je lui ai donné la mémoire pour
qu'il se rappelât mes bienfaits et qu'il participât à la puissance du Père ;
je lui ai donné l'intelligence pour que, dans la sagesse du Fils il connût
et comprît ma volonté, car je suis la source de toutes les grâces, que je
répands avec un ardent et paternel amour. Je lui ai donné la volonté pour
aimer, afin qu'en participant à la bonté du Saint Esprit il put aimer ce
qu'avait vu et connu son intelligence. Ma douce providence a fait cela pour
que l'homme fût capable de me comprendre et de nie goûter dans la joie
suprême d'une éternelle vision.
3. Comme je te l'ai déjà dit, le
ciel était fermé par la désobéissance de votre premier père Adam, qui
méconnut la dignité de son origine et ne vit pas avec quelle ineffable
tendresse je l'avais créé. Il tomba dans la désobéissance, et ensuite dans
la corruption par orgueil et par faiblesse pour sa femme, aimant mieux lui
céder et lui plaire qu'obéir à mon commandement. Il voyait l'injustice de ce
qu'elle lui proposait, mais il y consentit pour ne pas l'affliger. C'est de
cette désobéissance que naquirent les maux de la terre. Tous, vous avez
ressenti les effets de ce poison, dont je t'expliquerai ailleurs les
dangers, pour te faire mieux comprendre les avantages de l'obéissance.
4. Pour éloigner de l'homme
cette mort de la désobéissance et vous sauver de cette extrémité, je vous ai
donné mon Fils unique par un acte de mon infinie providence ; car, en
unissant ma divinité à votre humanité, j'ai vaincu le démon, qui ne voulut
pas connaître ma Vérité. En s'incarnant elle consuma et détruisit le
mensonge par lequel il avait trompé l'homme ; et ce fut un grand acte de ma
providence.
5. Considère, ma fille
bien-aimée, que je ne pouvais faire plus que de vous donner mon Fils
unique ; je l'ai soumis à une grande obéissance afin qu'il délivrât le genre
humain du venin que la désobéissance de votre premier père avait répandu
dans le inonde. Transporté d'amour et d'obéissance, il s'est élancé vers la
mort ignominieuse de la sainte Croix, et par cette mort il vous a donné la
vie, non pas en vertu de l'humanité, mais en vertu de la divinité que
j'avais miséricordieusement unie à votre nature pour satisfaire à la faute
commise contre moi, le Bien infini, qui demandais une réparation infinie.
6. La nature humaine finie
devait s'unir à un être infini afin de pouvoir me satisfaire d'une manière
infinie pour tous les hommes passés, présents et futurs. Afin que toutes les
fois qu'un homme m'offenserait, il pût me satisfaire et revenir à moi
pendant sa vie, j'ai uni la nature divine à votre nature humaine, et dans
cette union vous ayez le moyen d'une satisfaction parfaite. C'est là un
grand bienfait de ma providence, puisqu'un acte fini et limité par le
supplice de la Croix vous a donné dans mon Fils un fruit infini par la vertu
de sa divinité.
7. Ma paternelle et infinie
providence permet ainsi à l'homme de revêtir un vêtement de grâce, lorsqu'il
a perdu la robe d'innocence, et que, dépouillé de toute vertu, il meurt de
faim et de froid pendant son pèlerinage, où il est soumis à toutes les
misères. La porte du ciel lui était fermée, et il n'avait aucune espérance
qui pût consoler son malheur d'ici-bas ; c'était là pour lui une immense
affliction.
8. Moi, l'Éternel et
l'Amour infini, j'ai miséricordieusement secouru l'homme dans son indigence.
Ce ne sont pas vos mérites et vos vertus, mais seulement mon ineffable bonté
qui m'a porté à vous dominer le vêtement désirable de mon Fils, qui s'est
dépouillé lui-même de la vie par la mort, pour vous revêtir de grâce et
d'innocence. Cette grâce et cette innocence, vous l'avez reçue dans le saint
baptême par l'efficacité de son précieux sang, qui a lavé en vous la tache
originelle que vous avaient transmise vos parents. Ma providence a usé de
toute la tendresse possible, puisqu'elle ne s'est pas servie, comme dans
l'Ancien Testament, de la peine corporelle de la circoncision, mais de la
douce efficacité du saint baptême.
9. Non seulement j'ai revêtu
l'homme, mais je l'ai réchauffé, lorsque j'ai dominé au genre humain mon
Fils, dont les blessures qui déchirèrent son corps laissèrent échapper le
feu de mon infinie charité, caché sous la cendre de votre humanité.
N'était-ce pas assez pour embraser le cœur glacé de l'homme, et ne faut-il
pas qu'il soit bien rebelle et bien aveuglé par l'amour-propre, pour ne pas
voir l'affection tendre et dévouée que je lui porte ?
10. Ma providence lui a encore donné la
nourriture de vie qui doit le soutenir pendant le cours de son pèlerinage ;
elle le rend plus fort que ses ennemis, et nul ne peut lui nuire, s'il n'y
consent dans sa volonté, Une voie droite et facile a été tracée par le sang
de ma Vérité incarnée, pour que l'homme puisse atteindre la tin que ma grâce
lui a destinée. Quelle est cette nourriture ? je te l'ai déjà dit : c'est le
sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ crucifié, qui contient un Dieu
et l'homme tout ensemble ; c'est le Pain de vie, le Pain des anges, qui
donne faim à celui qui le savoure, et laisse insensible celui qui n'en a pas
le désir. Car cette nourriture doit être prise avec un saint désir et goûtée
avec un ardent amour. Tu vois que ma providence a donné, à l'homme tous les
secours qui lui sont nécessaires.
1. J'ai donné encore à l'homme le
secours de l'espérance. Dès qu'à la lumière sainte de la foi il contemple le
prix du Sang précieux qui a été payé pour lui, cette vue doit mettre dans
son cœur une espérance ferme et la certitude de son salut. L'honneur lui est
rendu par Les opprobres de Jésus crucifié ; car, s'il m'a souvent offensé
par tous les membres de son corps, par tous les membres de son corps aussi,
Jésus mon Fils bien-aimé, a souffert d'affreux tourments. Son humble
obéissance a corrigé, purifié la désobéissance d'Adam et sa postérité. Par
cette obéissance vous avez tous acquis la grâce, comme par la désobéissance
de votre premier père vous aviez tous contracté la faute. C'est là le plan
de ma providence, qui n'a jamais manqué à l'homme depuis le commencement du
monde jusqu'à cette heure. Elle pourvoira jusqu'au dernier jour à toutes vos
nécessités.
2. Je suis le bon et
parfait Médecin, qui connaît ce qui est nécessaire à votre faiblesse et ce
qui est utile à votre salut ; je vous rendrai une santé parfaite et je vous
la conserverai. Ma providence ne fera jamais défaut à celui qui voudra la
recevoir et qui placera toute son espérance en moi. Celui qui espère en moi,
qui frappe et qui appelle véritablement, non seulement avec la parole mais
avec l'élan et la lumière d'une sainte foi, celui-là me goûte dans ma
providence, mais non celui qui frappe et m'appelle en disant seulement :
Seigneur, Seigneur.
3. Celui qui me cherche ainsi et
me demande sans autre mérite, je ne le connaîtrai pas dans ma miséricorde,
mais dans ma justice. Tu sais que l'homme ne peut espérer en deux choses
opposées ; la Vérité incarnée a dit dans l'Évangile : "Nul ne peut servir
deux maîtres, car, s'il en sert un, il méprisera l'autre" (S. Luc. XVI,13).
On ne peut servir sans espérance : le serviteur qui sert son maître le fait
dans l'espoir de lui plaire ou dans l'attente de quelque récompense, de
quelque avantage. Il ne servira jamais l'ennemi de son maître, parce qu'il
ne peut en retirer quelque profit, et parce qu'il perdrait même ce qu'il a
droit d'attendre de celui dont il est le serviteur. Apprends, ma fille
bien-aimée, qu'il en arrive ainsi pour l'âme.
4. Il faut qu'elle espère
en moi et qu'elle me serve, ou qu'elle espère en elle-même et dans le monde,
et qu'elle le serve. Elle sert le monde hors de moi autant qu'elle aime la
sensualité et qu'elle lui obéit ; si elle le sert, c'est qu'elle trouve dans
ce service et cet amour un avantage, une jouissance qui lui plait. Son
espérance, placée dans une chose finie, est vaine et passagère. L'âme se
trompe et n'atteint pas le but qu'elle désirait ; tant qu'elle espère en
elle et dans le monde, elle n'espère pas en moi-puisque je hais le monde,
c'est-à-dire les vains désirs de l'homme. Je les ai tellement en horreur,
que c'est à cause d'eux que j'ai fait subir à mon Fils unique la mort
ignominieuse de la Croix. Le monde n'a aucune ressemblance avec moi, ni moi,
avec lui.
5. L'âme au contraire qui espère
en moi, et qui me sert de tout son cœur, refuse nécessairement sa confiance
au monde ,et ne saurait la placer dans sa propre faiblesse. Son espérance
est plus ou moins parfaite selon le degré de son amour pour moi, et c'est
dans la même mesure qu'elle goûte ma providence. Ceux qui espèrent en moi et
me servent dans le seul but de me plaire, la goûtent mieux que ceux qui le
font à cause du profit qu'ils en retirent, ou du bonheur qu'ils trouvent en
moi. Les premiers sont ceux dont je t'ai fait connaître la perfection en
t'expliquant les états de l'âme ; les autres, dont je te parle maintenant,
sont ceux dont je t'ai montré l'imperfection, parce qu'ils marchent et
servent avec l'espoir d'une récompense ou du bonheur qu'ils trouvent en moi.
6. Ces parfaits et ces
imparfaits sont l'objet de ma plus tendre sollicitude, pourvu qu'ils
n'espèrent pas en eux-mêmes ; car la présomption, cette espérance de
l'amour-propre, obscurcit l'intelligence et la prive de la sainte lumière de
la foi. L'homme ne marche plus à la lumière de la raison et ne connaît pas
ma providence. Il l'éprouve cependant ; nul n'en est exclu, les justes et
les pécheurs ; car tout est créé par ma bonté. Je suis Celui qui suis, et
sans moi rien ne se fait, excepté le péché, qui n'est pas.
7. Tous me reçoivent de ma
providence ; mais il en est qui ne la comprennent pas, parce qu'ils ne la
reconnaissent pas ; et, ne la reconnaissant pas, ils sont pour elle sans
amour. Ils voient tout en désordre, comme des aveugles, quoique tout soit
dans l'ordre. Ils prennent la lumière pour les ténèbres, et les ténèbres
pour la lumière, et, parce qu'ils ont mis leur espérance et leur soin dans
les ténèbres, ils murmurent et tombent dans l'impatience.
8. Vois, ma fille
bien-aimée, quelle est la folie de leur pensée. Comment peuvent-ils croire
que moi, qui suis l'éternelle et souveraine Bonté, je puisse vouloir autre
chose que leur bien dans les petites choses que je permets tous les jours
pour leur salut, lorsqu'ils savent par expérience que dans les grandes je
n'ai d'autre but que leur sanctification ? Malgré tout leur aveuglement ils
devraient, avec la simple lumière naturelle, reconnaître ma bonté et les
bienfaits de ma providence, qui ne peut leur échapper dans la création, et
dans la régénération de l'homme par le Sang qui fait renaître à la grâce.
9. Il y a là une évidence que
rien ne peut contredire, et cependant ils s'effrayent de leur nombre même,
parce qu'ils n'omit pas développé la lumière naturelle dans la vertu.
L'homme insensé n'aperçoit pas, ne remarque pas que toujours, j'ai pourvu au
monde en général, et à chacun en particulier, selon son état ; et comme dans
cette vie présente rien n'est stable, que tout change sans cesse, jusqu'à ce
que son but soit atteint, je règle ce qui convient à chaque chose et à
chaque instant.
1. Dans l'ancien Testament, ma
providence a donné les tables de la loi à Moïse ; et à mon peuple, pour le
conduire, des prophètes éclairés par l'Esprit Saint. Avant l'incarnation de
mon Fils, la nation juive a presque toujours eu des prophètes, afin que leur
parole inspirée lui donnât l'espérance de voir ma Vérité revêtir un corps,
et le Prophète des prophètes venir la délivrer de la servitude, et lui
ouvrir, par son sang précieux, le ciel, qui avait été si longtemps fermé.
2. Dès que mon Verbe
bien-aimé se fut incarné, aucun prophète ne parut, afin que les Juifs
fussent certains que celui qu'ils attendaient était venu. Les prophètes
n'avaient plus besoin de l'annoncer ; leur aveuglement seul les empêchait de
le reconnaître. Ma providence envoya donc mon Verbe, qui l'ut votre
médiateur auprès de moi, l'Éternel. Après lui vinrent les apôtres, les
martyrs, les docteurs et les confesseurs.
3. Ma providence pourvoit à toute
chose, et elle agira ainsi jusqu'à la fin. Cette providence générale regarde
toute créature raisonnable, dès qu'elle veut en accepter les dons. .Ma
providence règle aussi tout en particulier, la vie, la mort, de quelque
manière qu'elles viennent ; la faim, la soif, les pertes de fortune, la
nudité, le froid, la chaleur, les injures, les abaissements et les affronts.
Je permets que toutes ces choses arrivent aux hommes, sans que je sois pour
cela la cause de la volonté perverse qui fait le mal ou l'injure. Je donne à
l'homme l'être et le temps, non pas pour qu'il m'offense et qu'il offense
son semblable, mais pour qu'il me serve fidèlement, et qu'il serve le
prochain par la charité. Je permets le mal pour exercer la patience de l'âme
qui en souffre, ou pour qu'elle se connaisse humblement.
4. Quelquefois je
permettrai que le juste soit combattu par le monde entier. Sa mort même
causera un grand étonnement ; il semblera, injuste que cet homme périsse
violemment par l'eau, par le feu, par la dent d'une bête féroce ou par la
ruine de quelque édifice. Et en effet, cela doit être inexplicable pour
l’œil qui n'a pas la lumière sainte de la foi. Mais il n'en est pas de même
pour celui qui m'est fidèle.
5. Celui-là trouve et goûte par
l'amour ma providence dans les grandes choses ; il voit et reconnaît que ma
providence dispose tout avec tendresse pour le salut de l'homme ; il reçoit
tout avec un humble respect ; rien ne le scandalise, en lui, dans mes
oeuvres et dans le prochain ; il supporte tout avec une patience si sincère,
parce qu'il sait que ma providence ne manque jamais à aucune créature, car
c'est elle qui préside à tout. Lorsque je brise quelqu'un par la foudre et
la tempête, on m'accuse de cruauté, on pense que j'ai négligé le salut de
cette personne ; et j'ai permis ce malheur, Je l'ai frappée pour la sauver
de la mort éternelle. Ainsi les hommes du monde insultent toutes mes
oeuvres, en les jugeant mal et en les expliquant avec leur faible raison.
1. Je veux, ma fille bien-aimée,
que tu voies et que tu comprennes quelle patience il me faut pour supporter
l'homme, que j'ai créé avec tant d'amour à mon image et ressemblance. Ouvre
l’œil de ton intelligence, et regarde en moi. Considère l'effet particulier
d'une prière que tu as faite à ma providence, et tu verras avec quel bonheur
cette grâce a été obtenue sans danger de mort. Ce qui est arrivé dans ce cas
particulier arrive aussi en toutes choses.
2. Alors cette âme, ouvrant
l’œil de son intelligence à la sainte lumière de la foi, avec l'ardent désir
que la parole de Dieu lui avait inspiré, connut davantage la vérité ; et
contemplant, selon l'ordre qu'elle avait reçu, les bienfaits de la
Providence, elle considérait la bonté de la Majesté divine et de son
ineffable charité ; elle y voyait clairement cette Bonté éternelle et
souveraine qui, non seulement nous a créés avec tendresse, mais nous a
encore rachetés avec le sang précieux de son Fils. C'était du même amour que
sortaient toutes choses et que s'épanchaient sur chacun les épreuves et les
consolations. Sa paternelle sollicitude apparaissait dans toutes les
créatures, et son unique but était le salut éternel des hommes ; la preuve
évidente était dans ce Sang versé avec une si ardente charité.
3. Alors Dieu le Père lui dit :
Combien sont aveuglés par l'amour-propre ceux qui se scandalisent et
s'impatientent ! Je te parle de ma providence générale et particulière, dont
je vais continuer à t'entretenir. Ces hommes jugent injustement et
condamnent, pour leur malheur et leur ruine, ce que je fais par amour pour
eux et pour leur bien, afin de les sauver des flammes de l'enfer et de les
conduire heureusement à des joies éternelles. Et pourquoi se plaignent-ils
de moi ? C'est qu'au lieu d'espérer en moi, ils espèrent en eux-mêmes, et
ils tombent ainsi dans les ténèbres.
4. Ils méconnaissent et
détestent ce qu'ils devraient recevoir avec le plus grand respect. Dans leur
orgueil ils veulent scruter mes jugements secrets, qui sont tous droits et
justes. Ils font comme un aveugle gui, avec l'imperfection des sens qui lui
restent, voudrait distinguer la beauté et les défauts des choses
extérieures. Ils ne veulent pas se confier en moi, qui suis la vraie
Lumière, la souveraine Sagesse et la source de leur vie spirituelle et
corporelle, puisque sans moi ils ne peuvent rien avoir et rien faire. S'ils
reçoivent quelques services d'une créature, c'est moi qui ai dirigé cette
créature, et tout disposé pour qu'elle voulût et qu'elle pût leur être
utile.
5. Ces insensés ne veulent voir
les choses qu'en les touchant ; mais la main se trompe souvent, parce
qu'elle manque de lumière et qu'elle ne peut discerner les couleurs. Le goût
s'égare aussi, parce qu'il ne distingue pas l'animal immonde qui sert
d'aliment. L'oreille est séduite par la douceur des sons ; mais elle ne voit
pas celui qui chante et qui cache, si l'on n'y prend garde, des coups
mortels sous cette mélodie. Ainsi font les aveugles qui ont perdu la lumière
de la raison. Ils touchent avec la main des sens extérieurs de la vie
charnelle du monde, des plaisirs qu'ils croient bons ; ils ne s'aperçoivent
pas que ces plaisirs sont des choses mêlées et entourées de beaucoup
d'épines, de misères, d'angoisses, et que le cœur qui veut les posséder sans
moi y trouve un poids insupportable.
6. Ces plaisirs semblent
doux et agréables à la bouche qui les désire. Lorsqu'on les aime
désordonnément, on ne s'aperçoit pas qu'en eux est la chair immonde du péché
mortel, qui souille l'âme, l'éloigne de ma ressemblance et détruit la vie de
la grâce. Ceux qui ne s'appliquent pas, avec la lumière de la foi, à
purifier leur âme dans le Sang, contractent dans, ces plaisirs une mort
éternelle.
7. L'amour-propre rend des sons
harmonieux ; l'âme en est séduite parce qu'elle obéit à la sensualité. Elle
se laisse aller sur une pente mauvaise, et tombe dans le précipice chargée
des chaînes du péché, et livrée aux mains de ses ennemis. L'amour-propre et
l'espérance qu'elle a placés en elle-même l'ont aveuglée ; elle ne se confie
plus à moi, qui suis la voie et le guide fidèle. Cette voie a été tracée au
genre humain par le Verbe incarné, mon Fils unique, qui vous a dit
formellement : Je suis la Voie, la Vérité, la Vie. Il est aussi la Lumière ;
celui qui va par lui ne peut être trompé et ne marche pas dans les ténèbres.
Personne ne peut venir à moi sans lui, parce qu'il est un avec moi. Je te
l'ai déjà dit, j'en ai fait un pont pour que vous puissiez venir sûrement
jusqu'à moi, qui suis votre dernière fin.
8. Les hommes ignorants et
ingrats ne se confient point à moi, qui ne désire et ne cherche autre chose
que leur sanctification. C'est pour cette fin que mon amour permet et
dispose toutes choses. Les hommes se scandalisent sans cesse de moi, et je
les supporte toujours avec patience malgré leurs vices. Je les ai aimés même
avant leur naissance, et je n'en suis pas aimé. Ils me persécutent tous les
jours par leur impatience, leur haine, leurs murmures. Ils veulent, dans
leur ignorance, pénétrer mes jugements secrets, qui sont toujours justes et
pleins d'amour. Ils s'ignorent eux-mêmes et ne peuvent rien juger ; car
celui qui ne se connaît pas ne peut pas me connaître, et comprendre par
conséquent ma justice.
1. Si tu veux savoir maintenant,
ma chère fille, combien le monde se trompe sur les mystères de ma
Providence, ouvre les yeux de ton intelligence ; regarde en moi, et tu
verras le cas particulier que je t'ai promis de te montrer (C'était à ce
cas particulier que se rapportait sans doute la quatrième demande de sainte
Catherine, ch. I, 1.). Je pourrais te faire connaître bien d'autres
exemples semblables. Alors cette âme fidèle, obéissant à l'ordre de Dieu le
Père, regarda en lui avec un ardent désir, et Dieu lui montra clairement la
perte de celui auquel l'évènement était arrivé. Je veux que tu voies, lui
dit-il, que pour éviter l'éternelle damnation que méritait cet homme, j'ai
permis cette catastrophe inattendue. Il fallait que, par ce moyen terrible,
son sang, par la médiation du sang de mon Fils bien-aimé, lui achetât la vie
éternelle.
2. Je n'avais pas oublié
son amour et son respect pour Marie, la glorieuse Mère de mon Fils, et j'ai
décrété dans ma bonté, pour honorer le Verbe incarné, que quiconque, juste
ou pécheur, recourrait à Marie avec amour et respect, ne pourrait jamais
être la victime et la proie du monstre infernal. Marie est comme une douce
amorce offerte par ma bonté pour attirer les hommes et surtout les pécheurs.
3. C'est donc par un acte de mon
infinie miséricorde que j'ai permis cet accident. Ce n'est pas moi qui ai
fait la volonté coupable des méchants ; j'en ai voulu seulement le résultat,
que les hommes ont trouvé si cruel, parce que leur amour-propre les prive de
la lumière et leur cache ma Vérité. S'ils dissipent le nuage, ils la
verraient et l'aimeraient ; ils accepteraient tout avec respect, et, quand
viendrait le temps favorable, ils recueilleraient avec joie le fruit de
leurs travaux.
4. Ma fille bien-aimée, sois
certaine que pour ce que tu me demandes, je remplirai ton désir et celui de
mes autres amis. Je suis votre Dieu ; je récompense avec justice la peine,
et je satisfais les saints désirs, pourvu qu'on frappe véritablement à la
porte de ma Vérité, afin de ne pas errer et d'espérer toujours en ma
Providence.
|