ET NE NOUS INDUISEZ POINT EN tENTATION
Lorsque les enfants de
Dieu ont obtenu la Rémission de leurs péchés, ils se sentent
embrasés du désir de Lui rendre l’adoration et le culte qu’Il
mérite, ils soupirent après le Royaume céleste, ils s’acquittent
fidèlement envers la Majesté divine de tous les devoirs de la piété,
et ils en viennent à être entièrement soumis à sa Volonté paternelle
et à sa sainte Providence. Mais c’est alors aussi, cela est bien
connu, que l’ennemi du genre humain déploie tous ses artifices, met
en œuvre toutes ses ruses et apprête toutes ses machines de
guerre, pour les attaquer. Il y a donc lieu de craindre que leurs
résolutions ne soient ébranlées et changées, qu’eux-mêmes ne
retombent de nouveau dans le mal et ne deviennent pires
qu’auparavant. C’est d’eux que le Prince des Apôtres a pu dire avec
raison: « Il eût mieux valu pour eux qu’ils n’eussent point
connu la voie de la justice, que de retourner en arrière après
l’avoir connue, et d’abandonner la Loi Sainte qui leur avait été
donnée. »
§ I. — POURQUOI JÉSUS-CHRIST NOUS A ORDONNÉ
CETTE SIXIÈME DEMANDE ?
Aussi Notre-Seigneur
Jésus-Christ nous a-t-Il fait de cette Prière un Commandement, afin
de nous obliger à implorer tous les jours le secours de Dieu, et à
nous recommander à sa Bonté paternelle. Car il n’est pas douteux,
s’Il vient à nous abandonner, que nous ne soyons bientôt pris dans
les filets de nos perfides ennemis. Et ce n’est pas seulement dans
l’Oraison Dominicale que Jésus-Christ nous a ordonné de demander à
Dieu de ne pas nous induire en tentation ; Il a porté le même
Commandement dans cet entretien qu’Il eut avec ses Apôtres, quelques
heures avant sa Mort. Après leur avoir dit en effet: « qu’ils
étaient tous purs, » Il ajouta: « priez, pour que vous
n’entriez point en tentation ». Ce double Commandement de notre
Seigneur est pour les Pasteurs un motif très pressant d’exhorter
avec le plus grand soin les Fidèles à réciter fréquemment cette
Prière. Puisque le démon notre ennemi sème à toute heure sous nos
pas les plus terribles dangers, il faut qu’à toute heure aussi nous
puissions nous adresser à Dieu, qui seul peut nous en préserver, et
Lui dire: ne nous induisez point en tentation.
Or les Fidèles
comprendront parfaitement tout le besoin qu’ils ont de l’assistance
divine, s’ils se souviennent de leur faiblesse et de leur ignorance,
s’ils se rappellent cette maxime de Notre-Seigneur Jésus-Christ: « L’esprit
est prompt, et la chair est faible ; » et s’ils considèrent
enfin que nos chutes, avec la malice et la haine du démon, sont
presque toujours graves et mortelles, si la main de Dieu ne nous
soutient. Quel exemple plus sensible de la faiblesse humaine que
celui du collège sacré des Apôtres ! Ils avaient fait preuve de la
plus grande fermeté, et un instant après, au premier péril, ils
abandonnent le Seigneur, et prennent la fuite. Exemple plus frappant
encore ! Saint Pierre, le Prince des Apôtres, avait tiré de son cœur
une magnifique profession de courage et en même temps de l’amour le
plus sincère pour Jésus-Christ, il avait dit, plein de confiance en
ses propres sentiments: « Quand même il me faudrait mourir avec
Vous, je ne Vous renierai point, » et une heure plus tard, à la
voix d’une servante, il se trouble, et va jusqu’à jurer qu’il ne
connaît point le Seigneur. Ses forces, à coup sûr, ne répondaient
pas à la vivacité de ses sentiments.
Mais si les hommes les
plus saints ont été les victimes de la fragilité humaine, dont ils
ne se défiaient pas assez, et sont tombés dans les fautes les plus
humiliantes, que ne doivent pas craindre les autres qui sont si
éloignés de leur sainteté !
§ II. — DES TENTATIONS ; DE LEURS CAUSES.
Il importe donc que les
Pasteurs montrent bien aux Fidèles les combats et les dangers
auxquels nous sommes sans cesse exposés. tant que notre âme habite
dans ce corps mortel, la chair, le monde et le démon nous attaquent
de toutes parts.
Quel est celui qui ne
connaît point, à ses dépens, les effets de la colère et de la
cupidité ! qui ne s’est senti blessé de leurs traits, déchiré de
leurs aiguillons, et brûlé de leurs flammes ? et en effet, les coups
qu’elles frappent sont si variés, leurs attaques si diverses, qu’il
est bien difficile de ne pas recevoir quelque grave blessure.
Mais outre ces ennemis
qui habitent et vivent avec nous, il en est d’autres plus terribles
encore dont il est écrit: « Nous n’avons pas à combattre contre la
chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances,
contre les maîtres des ténèbres de ce monde, contre les esprits de
malice répandus dans les airs. » Aux combats intérieurs se joignent
les attaques et les coups des démons, qui tantôt se précipitent sur
nous à découvert, et tantôt se glissent si furtivement dans nos âmes
que nous pouvons à peine nous en défendre.
§ III. — DES DÉMONS.
L’Apôtre les appelle
princes à cause de l’excellence de leur nature. Par ce côté, ils
l’emportent en effet sur l’homme, et sur toutes les autres
créatures. Il les nomme aussi puissances, parce qu’ils nous
surpassent non seulement par la supériorité de leur nature mais
encore par leur réel pouvoir ; puis, maîtres des ténèbres de ce
monde, parce qu’ils régissent non pas le monde de la lumière et
de la clarté, c’est-à-dire les bons et les justes, mais le monde
sombre et obscur, c’est-à-dire ceux qui vivent plongés dans les
souillures d’une vie criminelle, aveuglés par leurs passions
ténébreuses et sans autre guide que le démon, ce prince des
ténèbres ; enfin, esprits de malice, parce qu’il y a une
malice de l’esprit, comme il y a une malice de la chair.
La malice de la chair
allume les appétits déréglés des passions, et le désir des voluptés
sensibles.
La malice de l’esprit
se confond avec les passions et les inclinations dépravées de l’âme,
mais qui toutefois appartiennent à sa partie supérieure. Elles sont
d’autant plus dangereuses et plus criminelles que la raison et
l’esprit sont au-dessus de la nature et des sens. Et comme la malice
de Satan a pour but principal de nous priver de l’héritage du ciel,
l’Apôtre a ajouté, à cause de cela, qu’ils sont « répandus dans
l’air ».
Il n’est que trop aisé
de conclure de là que nos ennemis sont forts et redoutables, qu’ils
ont une ardeur invincible et sont animés contre nous d’une haine
furieuse et inimaginable. Aussi bien ils nous font une guerre sans
relâche, sans paix ni trêve possible. Leur audace est incroyable,
nous en pouvons juger par cette parole que le Prophète fait dire à
Satan: « Je monterai au ciel. » Au surplus le démon a
attaqué nos premiers parents dans le paradis, il a livré combat aux
Prophètes, « il a cherché les Apôtres, pour les cribler comme le
froment, » c’est l’expression même de Notre-Seigneur dans l’Evangile ;
Il n’a même pas rougi de tenter Jésus-Christ. L’Apôtre Saint Pierre
a donc bien exprimé ses désirs insatiables et son activité inouïe
quand il a dit: « Le démon votre ennemi tourne autour de vous
comme un lion rugissant cherchant quelqu’un à dévorer. »
Et Satan n’est pas seul
pour attaquer les hommes, c’est en troupe quelquefois que les démons
fondent sur chacun de nous. On le vit bien par l’aveu de celui à qui
Jésus demanda: quel est ton nom ? et qui répondit: mon nom
est légion , c’est-à-dire qu’une multitude de démons
tourmentaient ce malheureux. Et puis, l’Evangile ne dit-il pas d’un
autre démon: « qu’il prend avec lui sept autres esprits plus
méchants que lui, qu’ils entrent dans la maison (c’est-à-dire dans
l’âme) et qu’ils y habitent » ?
Il n’est pas rare de
rencontrer des Chrétiens qui, ne sentant pas en eux-mêmes ces
attaques du démon, s’imaginent que notre Doctrine est fausse. Mais
peut-on s’étonner que les démons n’attaquent point des hommes qui se
sont volontairement donnés à eux, et dans lesquels on ne trouve ni
piété, ni Charité, ni aucune vertu digne d’un Chrétien ? Ils
appartiennent entièrement à Satan. Comment aurait-il besoin de les
tenter pour les vaincre, puisque, de leur plein consentement, il
règne déjà dans leur cœur.
Mais ceux qui se sont
consacrés à Dieu, et qui mènent sur la terre une vie toute céleste,
sont plus que tous les autres en butte aux assauts du démon. C’est
pour eux qu’il réserve toute sa haine, c’est contre eux qu’à chaque
instant il dresse des pièges et des embûches.
L’Histoire Sainte est
pleine d’exemples de grands et vertueux personnages qui même en se
tenant sur leurs gardes ont été victimes de sa rage ou de sa
duplicité. Adam, David, Salomon et tant d’autres qu’il serait trop
long de citer ont éprouvé la violence de ses attaques et la perfidie
de ses ruses, auxquelles ni la prudence ni les forces humaines ne
sauraient résister. Qui oserait après cela se croire en sûreté avec
ses seules forces ? Demandons donc à Dieu avec Foi et pureté de
cœur: « qu’Il ne permette pas que nous soyons tentés au-dessus
de nos forces, et qu’Il nous donne, dans la tentation, le secours de
son assistance, afin que nous puissions résister. »
Mais s’il se rencontre
des Fidèles qui par faiblesse d’esprit ou par ignorance sont
épouvantés de la puissance des démons, il faut leur persuader de se
réfugier dans le port de la Prière, quand ils sont agités par les
flots de la tentation.
Car Satan, quelles que
soient sa puissance, son obstination, et sa haine contre nous ne
peut cependant nous tenter et nous tourmenter ni autant ni aussi
longtemps qu’il le voudrait. tout son pouvoir est subordonné à la
Volonté et au bon plaisir de Dieu. Qui ne connaît l’histoire de Job,
que Satan n’eût jamais touché, si le Seigneur ne lui eût dit: « Voilà
que Je te livre tout ce qu’il possède. » Mais si au contraire,
Dieu n’avait point ajouté: « seulement n’étends pas la main sur
lui », Satan l’eût fait périr d’un seul coup avec ses enfants et
tous ses biens. Et même Dieu a enchaîné tellement la puissance des
démons que, sans sa permission, ils n’auraient pas pu passer dans
ces pourceaux, dont il est question dans l’Evangile.
Mais pour mieux faire
comprendre le sens et la portée de cette demande, nous avons à
expliquer ce que l’on doit entendre par tentation, et par
être induit en tentation.
§ IV. — QU’EST-CE QU’ÊTRE TENTÉ ET INDUIT EN
TENTATION.
Tenter, c’est mettre
quelqu’un à l’épreuve, pour tirer de lui ce que nous désirons
savoir, et par là connaître la vérité. On ne peut pas dire que Dieu
puisse tenter en ce sens, car, y-a-t-il quelque chose qu’Il
ignore ? « Tout, dit l’Apôtre, est à nu et à découvert
devant ses yeux. »
Il y a une autre
manière de tenter qui va beaucoup plus avant, c’est de mettre
quelqu’un à l’épreuve, soit en vue du bien, soit en vue du mal.
On tente un homme en
vue du bien, lorsqu’on l’éprouve dans le but de constater et de
manifester sa vertu, afin de la récompenser ensuite par des
avantages et des honneurs, de proposer son exemple à imiter aux
autres et par suite d’engager tout le monde à louer et à bénir le
Seigneur.
Cette manière de tenter
est la seule qui convienne à Dieu. Et nous en trouvons un exemple
dans le Deutéronome ; « Le Seigneur votre Dieu vous tente, dit
Moise aux Hébreux, pour qu’il apparaisse visiblement si vous
L’aimez. » On dit encore que Dieu tente les siens, lorsqu’Il les
accable par la pauvreté, la maladie et autres calamités de ce genre.
Mais Il n’agit ainsi envers eux que pour éprouver leur patience, et
afin qu’ils deviennent pour les autres des modèles de vertu
chrétienne. C’est ainsi que nous voyons Abraham tenté par Dieu,
lorsqu’il reçoit de Lui l’ordre d’immoler son propre fils.
Mais cet acte d’obéissance fait de lui un exemple immortel de
soumission et de patience.
C’est dans le même sens
qu’il est dit de Tobie dans nos Saints Livres: « Parce que vous
étiez agréable à Dieu, il était nécessaire que la tentation vînt
vous éprouver. »
On tente les hommes en
vue du mal, lorsqu’on les éprouve pour les pousser au péché ou à
leur perte. Il appartient au démon de nous tenter de la sorte ; car
il ne s’adresse à nous que pour nous perdre et nous jeter dans le
précipice. Aussi l’Ecriture Sainte l’appelle-t-elle d’un seul mot:
le tentateur.
Tantôt il excite en
nous les désirs et les mouvements déréglés de nos passions et de nos
affections mauvaises ; tantôt, il nous attaque par le dehors, et se
sert des choses extérieures pour nous enorgueillir, si elles sont
heureuses, ou nous abattre, si elles sont malheureuses. D’autres
fois il a pour agents et émissaires des hommes pervertis, et surtout
des hérétiques, qui sont assis dans la chaire de pestilence,
et répandent le poison mortel de leurs doctrines malsaines pour
perdre entièrement les hommes qui ne font aucun choix et aucune
différence entre le vice et la vertu, et qui de leur naturel ne sont
déjà que trop enclins au mal et toujours prêts à succomber.
Etre induit en
tentation, c’est succomber à la tentation. Or nous y sommes induits
en deux manières, premièrement lorsque, renversés par le choc, nous
tombons dans le mal où veut nous jeter notre tentateur. En ce sens
Dieu ne tente et n’a jamais tenté personne, car Il n’est l’Auteur du
péché pour personne: au contraire, « Il déteste tous ceux qui
commettent l’iniquité. » Aussi bien, dit l’Apôtre Saint
Jacques, « que personne ne dise, quand il est tenté, que c’est
Dieu qui le tente ; car Dieu n’est point tentateur pour le mal. »
On dit en second lieu
que nous sommes induits en tentation par quelqu’un qui, sans nous
tenter lui-même, sans même contribuer à nous tenter, passe cependant
pour nous éprouver réellement parce qu’il n’empêche ni la tentation
ni la victoire de la tentation sur nous, bien qu’il le puisse. C’est
de cette manière que Dieu permet que les bons et les justes soient
tentés ; mais alors Il les soutient de sa Grâce et ne les abandonne
point. Quelquefois aussi, par un secret et juste jugement, si nos
crimes le demandent, Il nous abandonne à nous-mêmes, et nous
succombons.
On dit encore que Dieu
nous induit en tentation, lorsque nous abusons pour notre malheur
des bienfaits qu’Il nous avait accordés en vue de notre Salut, et
qu’à l’exemple de l’enfant prodigue nous dissipons l’héritage de
notre Père en vivant dans la luxure, et en esclaves de toutes nos
passions. C’est alors que nous pouvons nous appliquer ce que
l’Apôtre disait de la Loi de Dieu: « Il est arrivé que le
Commandement qui devait servir à nous donner la vie, a servi à nous
donner la mort. »
Jérusalem en est pour
nous un exemple bien frappant. Au témoignage d’Ezéchiel, Dieu
l’avait enrichie et parée de tous les genres d’ornements, et Il lui
disait par la bouche de son Prophète: « Vous étiez parfaitement
belle, de cette beauté que Moi-même Je vous avais donnée. » Et
cependant cette ville comblée de tous les bienfaits divins, bien
loin de rendre grâces à Dieu des faveurs qu’elle en avait reçues,
bien loin d’employer tous ces dons pour acquérir le bonheur du ciel,
cette ville par une horrible ingratitude envers son Père et son
Dieu, repousse l’espérance et même la pensée du bonheur éternel, et
ne songe, dans l’abondance des biens terrestres, qu’à s’abandonner
au plaisir et à la débauche ! Mais il faut lire tout le passage dans
Ezéchiel.
Ceux-là ressemblent à
cette ville ingrate qui, pour offenser Dieu, se servent précisément
des moyens si nombreux qu’Il leur avait donnés de faire le bien.
Mais il est un usage de
la Sainte Ecriture qu’il faut signaler avec soin. Pour exprimer ce
qui n’est qu’une permission de la part de Dieu, elle emploie
quelquefois des termes qui, pris à la lettre, désigneraient une
action. Ainsi il est dit dans l’Exode : « J’endurcirai le cœur de
Pharaon ; » dans Isaïe . « Aveuglez l’esprit de ce peuple ; »
dans l’Epître aux Romains : « Dieu les a livrés aux passions
ignominieuses et à leur sens réprouvé. » Dans ces passages, et
dans les autres semblables, il ne s’agit point d’une action positive
de Dieu, mais d’une simple permission.
Ceci bien compris, il
ne sera point difficile de savoir ce que nous devons demander à Dieu
dans cette sixième partie de l’Oraison Dominicale.
§ V. — QU’EST-CE QU’ON DEMANDE A DIEU PAR CES
PAROLES NE NOUS INDUISEZ POINT EN TENTATION.
Nous ne demandons point
de n’être jamais tentés. Car la vie de l’homme sur la terre n’est
qu’une tentation. Et il nous est utile et avantageux qu’il en
soit ainsi. C’est dans la tentation en effet que nous nous
connaissons nous-mêmes, c’est-à-dire nos propres forces. C’est dans
la tentation par conséquent que nous nous humilions sous la main
puissante de Dieu, et que, combattant généreusement, nous
méritons la couronne de gloire qui ne se flétrira jamais. Car,
dit Saint Paul , « celui qui combat dans la carrière ne sera
couronné qu’après avoir légitimement combattu. » Saint Jacques
dit à son tour: « Bienheureux l’homme qui souffre la tentation,
parce qu’après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie que
Dieu a promise à ceux qui L’aiment. » Que si parfois la
tentation de l’ennemi est trop pressante, nous penserons, pour
soutenir notre courage, que « nous avons pour nous aider un
Pontife qui peut compatir à nos infirmités, ayant été Lui-même tenté
et éprouvé en toutes choses. »
Que demandons-nous donc
ici ? nous demandons d’être toujours assistés par le Secours divin,
afin de ne pas consentir à la tentation en nous laissant séduire par
elle, et de n’y point céder non plus par faiblesse. Et si nos forces
venaient à nous manquer, nous demandons que la Grâce de Dieu soit
toujours avec nous pour les réparer et les ranimer immédiatement.
C’est pourquoi nous
devons implorer le Secours de Dieu d’une manière générale dans
toutes les tentations, et quand l’une d’elles nous tourmente
davantage, recourir contre elle à la Prière, et d’une manière très
expresse. C’est ce que pratiquait David dans presque toutes ses
tentations. Ainsi contre le mensonge, il disait: « N’ôtez point
de ma bouche la parole de vérité ; » contre l’avarice: « Inclinez
mon cœur vers vos préceptes et non vers l’avarice. » Contre les
futilités de la vie et l’attrait des passions : « Détournez mes
yeux pour qu’ils ne voient point la vanité. » En somme nous
demandons de ne pas obéir à nos passions, de ne pas nous lasser de
résister aux tentations., de ne pas nous écarter de la voie du
Seigneur, de conserver l’égalité d’âme et la constance dans les
succès et dans les malheurs, de n’être jamais, en aucune manière,
privés de la protection de Dieu.
Nous Le prions enfin
d’abattre Satan sous nos pieds.
§ VI. — MOTIFS ET MOYENS DE RÉSISTER AU DÉMON
Le Pasteur n’a plus
maintenant qu’à exhorter les Fidèles aux pensées et aux
considérations qui doivent principalement accompagner cette demande.
Dans cette ordre
d’idées, rien de plus avantageux d’abord que de bien se pénétrer de
la grande faiblesse de l’humanité, de nous défier de nos forces et
de mettre en Dieu seul et en sa Bonté l’espérance de notre Salut. Si
nous avons la sagesse de nous appuyer sur Lui, nous ferons preuve,
même au milieu des plus grands périls, d’un courage d’autant plus
invincible que nous pourrons nous rappeler alors combien avant nous,
avec le même courage et la même confiance que nous, ont été retirés
par Dieu Lui-même — il faut dire le mot — de la gueule béante de
Satan. n’avons-nous pas vu Joseph en butte à la passion insensée
d’une femme, arraché par Dieu à ce pressant péril, et élevé par Lui
au faîte de la gloire ? n’avons-nous pas vu Suzanne, victime
innocente de véritables suppôts de l’enfer, sur le point de périr
d’une mort infâme, ne l’avons-nous pas vue, rendue par Lui à la vie
et à l’honneur ? Sans doute, il devait en être ainsi, car son cœur
était plein de confiance dans le Seigneur. C’est aussi la gloire
immortelle du saint homme Job d’avoir triomphé du monde, de la chair
et du démon. Il est encore une foule d’autres exemples de ce genre
dont le Pasteur saura se servir pour inspirer aux Fidèles cet espoir
et cette confiance.
Il importe également de
ne jamais perdre de vue le Chef que nous devons suivre dans ce
combat acharné contre les tentations, c’est-à-dire Notre-Seigneur
Jésus-Christ qui nous a montré comment on remporte la victoire.
C’est qu’en effet Il a
vaincu le démon. Il est « cet homme plus fort qui survient, qui
ferrasse le fort armé et qui lui arrache ses armes et ses dépouilles »
. Voici ce que dit Saint Jean de la victoire qu’Il a remportée sur
le monde: « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde. » Et dans
l’Apocalypse, il est appelé le lion vainqueur qui est sorti
victorieux pour vaincre encore , parce que dans sa victoire il a
acquis à ses partisans le pouvoir de vaincre à leur tour.
L’Epître de Saint Paul
aux Hébreux est toute pleine des victoires des Saints qui par la
Foi ont vaincu les royaumes, qui ont fermé la gueule des lions,
etc. .
Ces victoires que nous
raconte l’histoire, doivent nous faire penser à celles que les
hommes remplis de Foi, d’Espérance et de Charité, remportent tous
les jours dans ces combats intérieurs et extérieurs que leur livre
le démon. Victoires si nombreuses et si belles que si nous pouvions
les contempler de nos yeux, nous ne pourrions rien voir en même
temps de plus fréquent et de plus glorieux. C’est en parlant de ces
sortes d’ennemis et de leur honteuse défaite que l’Apôtre Saint Jean
a dit: « Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes très
forts, parce que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez
vaincu l’esprit malin. »
Or ce n’est ni par
l’oisiveté, le sommeil, le vin, la bonne chère, les plaisirs que
l’on triomphe de Satan, mais par la Prière, le travail, les veilles,
la tempérance et la vertu de pureté. « Veillez et priez,
est-il dit, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, afin de ne
point entrer en tentation. »
Employons ces armes
pour combattre, et nous mettrons nos ennemis en fuite. Car « ceux
qui résistent au démon, le verront fuir devant eux »
Cependant, à la vue de
ces magnifiques triomphes des Saints, prenons garde de nous
complaire en nous-mêmes. Que nul d’entre nous ne soit assez
présomptueux pour s’imaginer qu’avec ses seules forces il sera en
mesure de résister aux tentations et aux attaques de l’ennemi. non,
ces succès-là ne sont point le fait de notre nature ni de l’humaine
faiblesse ; les forces avec lesquelles nous terrassons les
satellites de Satan, c’est Dieu qui nous les donne, Dieu qui fait
de nos bras comme autant d’arcs d’airain ; qui, dans sa Bonté,
brise l’arc des forts, et revêt de force les faibles ; qui
prend notre Salut sous sa protection ; dont la droite nous
soutient ; qui forme nos bras aux combats et nos mains à la guerre.
C’est donc à Dieu seul
que nous devons rendre grâces pour nos victoires, car c’est par Lui
seul. Et avec son secours, que nous pouvons vaincre. Saint Paul n’y
manque pas: « Grâces soient rendues à Dieu, dit-il, qui nous a
donné la victoire par Jésus-Christ Notre-Seigneur ! » Après lui,
la voix céleste de l’Apocalypse célèbre à son tour le triomphe de
notre Dieu: « Voici le temps du Salut, de la Puissance et du
Règne de notre Dieu, et de la Puissance de son Christ, parce que
l’accusateur de nos frères a été précipité, et qu’ils l’ont vaincu
par le Sang de l’Agneau. » Remarquons encore un passage du même
Livre qui atteste la victoire que Jésus-Christ a remportée sur la
chair et sur le monde: « Ceux-ci combattront contre l’Agneau,
mais l’Agneau les vaincra. »
Mais c’est assez sur
les motifs et les moyens de vaincre le tentateur.
Après ces explications,
les Pasteurs ne manqueront pas de montrer aux Fidèles les couronnes
que Dieu prépare aux vainqueurs et les récompenses infinies qu’Il
leur réserve dans l’éternité. Ce même livre de l’Apocalypse leur en
fournira les preuves. « Celui qui sera victorieux, y est-il
dit, ne sera point frappé de la seconde mort ; et ailleurs:
Celui qui sera victorieux, sera ainsi vêtu de blanc, et Je
n’effacerai point son nom du Livre de vie, et Je confesserai son nom
devant mon Père et devant ses Anges. » Puis un peu après,
Jésus-Christ notre Dieu, Notre-Seigneur Lui-même, s’adresse en ces
termes à Saint Jean: « Celui qui sera victorieux, J’en ferai une
colonne dans le temple de mon Dieu, et il n’en sortira plus ; »
puis encore: « Celui qui sera victorieux, Je lui donnerai de
s’asseoir avec Moi sur mon trône, comme J’ai vaincu Moi-même et Me
suis assis avec mon Père sur son trône. » Enfin, après avoir
fait le tableau de la gloire des Saints et de l’immensité de ces
biens éternels dont ils jouiront dans le ciel, il ajoute : « Celui
qui vaincra possédera ces choses. »
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