L’un des devoirs les
plus sacrés du ministère pastoral, l’un des plus indispensables au
salut du peuple, c’est, à coup sûr, l’enseignement de la Prière
chrétienne. Si un Pasteur pieux et zélé ne met pas tous ses soins à
en instruire les Fidèles, beaucoup d’entre eux n’en connaîtront
jamais la nature et l’importance. C’est pourquoi le Prêtre, digne de
ce nom, s’appliquera de toutes ses forces à bien faire comprendre à
ses auditeurs religieux ce qu’il faut demander à Dieu, et comment il
convient de le demander.
Toutes les qualités de
la Prière parfaite se trouvent réunies dans cette divine formule que
Notre-Seigneur Jésus-Christ voulut bien enseigner à ses Apôtres, et,
par eux ou par leurs successeurs, à tous ceux qui dans la suite
devaient embrasser la Religion chrétienne ; formule dont les paroles
et les pensées doivent être gravées si profondément dans notre
esprit et dans notre cœur, qu’elles nous soient toujours présentes.
Et pour faciliter aux Pasteurs les moyens d’instruire les Fidèles
sur cette Prière particulière, nous avons réuni, dans cette dernière
partie de notre Catéchisme, tout ce qui nous a paru se rapporter
davantage à notre sujet. Dans ce but, nous avons emprunté largement
aux Auteurs les plus savants et les plus célèbres en cette matière.
Pour le surplus, les Pasteurs (s’ils en ont besoin), pourront aller
le puiser eux-mêmes, et aux mêmes sources.
§ I. — DE LA NÉCESSITÉ DE LA PRIÈRE.
La première chose à
enseigner, dans ce sujet, c’est la nécessité de la Prière, car la
recommandation qui nous en est faite n’est pas un simple conseil,
mais bien un précepte rigoureux et formel. Notre-Seigneur
Jésus-Christ l’a déclaré expressément: « Il faut toujours prier. »
Cette nécessité de la
Prière ressort également de la petite Préface que l’Eglise nous fait
dire à la Messe, avant l’Oraison Dominicale: Notre-Seigneur, nous
ayant commandé de prier, et nous ayant donné Lui-même un modèle de
prière, nous osons dire, etc C’est donc parce que la Prière est
nécessaire d’une part, et parce que d’autre part, ses disciples Lui
avaient dit: « Seigneur, apprenez-nous à prier », que le
Fils de Dieu leur prescrivit une formule de prière, en leur donnant
l’espoir qu’ils obtiendraient tout ce qu’ils demanderaient. Bien
plus, Il voulut confirmer son précepte par son propre exemple, non
seulement en priant avec assiduité, mais même en passant des nuits
entières à prier.
Les Apôtres ne
manquèrent pas de transmettre ce précepte de Jésus-Christ à ceux qui
embrassaient la Foi chrétienne. C’est ainsi que Saint Pierre et
Saint Jean se font un devoir de le rappeler très exactement aux âmes
croyantes ; et l’Apôtre Saint Paul s’empresse de les imiter, en
exhortant fréquemment les Chrétiens à cette salutaire obligation de
la Prière.
Il est, en outre, tant
de biens et de secours dont nous avons besoin et pour l’âme et pour
le corps, qu’il nous faut absolument recourir à la Prière. Elle
seule, en effet, est capable d’exposer fidèlement à Dieu notre
détresse. Elle seule peut en obtenir tout ce qui nous manque. ne
l’oublions pas, Dieu ne doit rien à personne, et par conséquent, si
nous voulons qu’Il nous accorde ce dont nous avons besoin, nous
devons nécessairement le solliciter de Lui par la Prière. La Prière
est comme un instrument qu’Il nous a donné, afin que nous nous en
servions pour obtenir ce que nous désirons. Sans la Prière — cela
n’est que trop certain — il est des choses que nous n’aurions
jamais. Ainsi, l’un de ses effets les plus extraordinaires, c’est
qu’elle possède la vertu de chasser les démons. Car, dit
Notre-Seigneur dans Saint Matthieu: « Il est un genre de démons
qui ne peut se chasser que par le jeûne et par la Prière. »
C’est donc se priver
d’un grand nombre de faveurs particulières, que de négliger ce pieux
exercice de la Prière, de n’en point prendre l’habitude, de ne pas
s’en acquitter avec tout le soin qu’il mérite. Pour obtenir, au
contraire, ce que l’on demande, il ne faut pas seulement une Prière
convenable, il faut une prière persévérante. Comme le dit très bien
Saint Jérôme: il est écrit: « On donne à quiconque
demande. Si donc on ne vous donne pas, c’est que vous ne demandez
pas. Demandez donc, et vous recevrez. »
§ II — UTILITÉ ET FRUITS DE LA PRIÈRE.
Si la Prière est
nécessaire, elle est aussi extrêmement utile. Ses fruits sont très
agréables et très abondants. Les Pasteurs en trouveront le détail
dans les Saint Pères, lorsqu’ils auront à les expliquer aux Fidèles.
Pour nous, nous nous sommes bornés à en choisir quelques-uns qui
nous ont paru convenir aux besoins des temps présents.
Le premier fruit que
nous retirons de la Prière, c’est que notre Prière honore Dieu, car
elle est un Acte de religion que les Saintes Lettres comparent à un
parfum. « Que ma Prière s’élève vers Vous, dit le Prophète ,
comme la fumée de l’encens ! » en priant, nous reconnaissons
que nous dépendons de Dieu, nous confessons et proclamons qu’Il est
l’Auteur de tous les biens, nous n’espérons qu’en Lui, et nous Le
regardons comme le seul refuge et l’unique soutien de notre
existence présente et (1) de notre vie
future. Du reste, ce fruit de la Prière est clairement marqué dans
ces paroles: « Invoquez-moi au jour de la tribulation, Je vous
en tirerai, et vous M’honorerez ! »
Un second fruit de la
Prière, — fruit infiniment avantageux et consolant, et qu’on en
retire lorsque Dieu l’exauce — c’est qu’elle ouvre le ciel dont elle
est la clef, selon Saint Augustin. « La Prière monte, dit-il, et
la miséricorde divine descend. Si basse que soit la terre, si élevé
que soit le ciel, Dieu entend néanmoins la parole de l’homme. »
La Prière est d’une
vertu et d’une utilité si grandes, que par elle nous obtenons la
plénitude des dons célestes. C’est à cause de nos Prières que Dieu
nous donne l’Esprit Saint pour guide et pour appui. Par elle encore
nous conservons la pureté de notre Foi, nous écartons les dangers,
nous évitons les peines, nous sommes protégés de Dieu dans la
tentation et nous triomphons du démon. En un mot, la Prière est la
source des joies les plus pures. C’est pourquoi Notre-Seigneur
disait: « Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit
parfaite. »
D’ailleurs, il n’est
pas possible de douter un seul instant que Dieu dans sa Bonté ne
réponde et ne se rende à l’appel de la Prière. nous en trouvons la
preuve en maints endroits de nos Saints Livres. Et comme ces textes
sont sous la main de tous, nous nous bornerons à citer les paroles
suivantes d’Isaïe: « Alors vous invoquerez, dit-il, et le
Seigneur vous exaucera: vous crierez, et le Seigneur dira: Me
voici ! » Et ailleurs: « avant qu’ils ne crient, Je les
entendrai ; ils parleront encore, que déjà Je les aurai exaucés »
Quant aux exemples de ceux qui ont obtenu de Dieu ce qu’ils
demandaient, ils sont si nombreux et si connus que nous n’avons pas
besoin de les rapporter ici.
Il arrive quelquefois
cependant que nous n’obtenons pas de Dieu ce que nous Lui demandons.
C’est vrai. Mais Dieu n’en veut pas moins notre bien. Ou Il nous
accorde des grâces plus grandes et plus précieuses que celles que
nous sollicitons, ou l’objet de notre Prière n’est ni nécessaire ni
utile, ou peut-être même, si Dieu nous l’avait accordé, il nous
serait devenu funeste et nuisible. « Car, dit Saint Augustin
, il y a des choses que Dieu refuse dans sa bonté et qu’Il
accorde dans sa colère. » D’autres fois aussi notre Prière est
si tiède et si nonchalante que nous ne pensons pas même à ce que
nous disons. Cependant la Prière est l’élévation de notre âme vers
Dieu. Mais si, en priant, l’esprit qui devrait ne s’occuper que de
Dieu, s’égare sur toutes sortes d’objets, et si l’on débite sans
attention, sans piété, presque au hasard, les formules qu’on récite,
comment donner le nom de Prière chrétienne à ce vain bruit de
paroles ? est-il étonnant dès lors que Dieu se montre insensible à
nos désirs, puisque par notre négligence et notre indifférence même,
nous semblons prouver que nous ne tenons pas du tout à ce que nous
demandons, ou bien que nous sollicitons des choses qui nous seraient
nuisibles ?
Au contraire, quand on
prie avec attention et ferveur, on obtient de Dieu beaucoup plus
qu’on ne demande. Saint Paul nous l’atteste dans son Epître aux
Ephésiens. nous en avons la preuve également dans la Parabole de
l’enfant prodigue. Ce malheureux jeune homme se serait cru très bien
traité, si seulement son père avait voulu l’admettre au rang de
mercenaire.
Quelquefois même Dieu
met le comble à ses faveurs, en nous accordant ses. dons non
seulement en abondance, mais encore avec promptitude, non seulement
sur notre demande, mais sur un simple désir de notre part.
C’est ce que nous
voyons dans nos Saints Livres, où nous trouvons des formules de ce
genre: « Dieu a exaucé les vœux du pauvre. » Oui vraiment
notre Dieu répond aux désirs intimes et secrets de ceux qui ont
besoin, avant même qu’ils ne Lui aient exposé leur détresse.
Un troisième fruit de
la Prière, c’est qu’elle est un exercice et un accroissement de
toutes les vertus, en particulier de la Foi. Le mayen de prier, en
effet, et de bien prier, si l’on n’a pas foi en Dieu ? C’est la
parole de l’Apôtre Saint Paul: « Comment invoqueront-ils Celui
auquel ils ne croient point ? » Dès lors plus les Fidèles
mettent d’ardeur à prier, plus ils ont une foi grande et ferme dans
la Bonté et la Providence de Dieu, et par suite plus ils sont
disposés à Lui obéir, c’est-à-dire à s’en rapporter à Lui pour tous
leurs besoins, et à Lui demander toutes choses.
Dieu pourrait, à coup
sûr, répandre sur nous tous ses dons, sans prières et même sans
désirs de notre part. C’est ainsi qu’Il en agit envers les animaux
privés de raison, à qui Il donne tout ce qui est nécessaire à leur
existence. Mais ce Père d’une Bonté parfaite veut être prié par ses
enfants. Il veut qu’en L’invoquant chaque jour, notre Prière s’élève
chaque jour jusqu’à Lui avec une confiance plus grande. En un mot Il
veut, en exauçant nos Prières, affirmer de plus en plus et proclamer
en quelque sorte son infinie Bonté envers nous.
La Prière augmente
aussi la Charité. En effet, lorsque nous reconnaissons Dieu comme
l’Auteur de tous les biens et de tous les avantages dont nous
jouissons ici-bas, nous nous attachons à Lui de tout l’amour dont
notre cœur est capable. Les affections humaines grandissent et
s’enflamment par les conversations, les visites, les rapports
fréquents. Il en est de même de l’Amour de Dieu. Plus les hommes
pieux multiplient leurs prières, en implorant la Bonté de Dieu, et
en s’entretenant avec Lui, plus ils sentent croître en eux-mêmes une
joie pénétrante, en même temps qu’ils sont portés à aimer et à
servir Dieu de tout leur cœur.
Si donc Dieu nous
oblige à Le prier, c’est afin que nous soyons plus ardents à Lui
demander ce que nous désirons ; c’est aussi [selon la pensée de
Saint Augustin] « afin que nous ne soyons redevables qu’à la
constance et d la vivacité de nos désirs, de ces faveurs signalées
dont notre cœur, auparavant sec et resserré, n’aurait pas été digne ».
Il veut aussi nous
faire comprendre et toucher du doigt, en quelque sorte, cette vérité
capitale, que si le secours de la Grâce céleste venait à nous
manquer, nous ne pourrions absolument rien par nous-mêmes. Quel
motif, par conséquent, de nous appliquer à prier avec toute la
ferveur possible 1
La Prière est encore
une arme très puissante contre les ennemis les plus dangereux de
notre nature: « contre le démon et ses attaques, dit saint
Hilaire , combattons par le bruit de nos prières. »
Un autre fruit bien
précieux que nous assure la prière, c’est que malgré notre
dégradation originelle, et par suite notre inclination au mal et aux
divers appétits déréglés de la concupiscence, Dieu nous permet
néanmoins d’élever nos pensées jusqu’à Lui. Et s’il nous permet
d’agir de la sorte, c’est qu’il veut par là nous faire mériter ses
bienfaits, sanctifier notre volonté, purifier nos souillures et
détruire en nous les effets malheureux du péché.
Enfin la Prière, selon
la pensée de Saint Jérôme, résiste à la colère divine elle-même. « Laisse-Moi »,
disait Dieu à Moise , qui L’arrêtait par sa Prière, au moment où Il
voulait châtier son peuple. C’est qu’en effet pour apaiser la colère
de Dieu irrité, pour l’amener à suspendre ses coups, lorsqu’il se
prépare à frapper le coupable, et même pour Le faire revenir de sa
« fureur », rien n’est plus efficace que la Prière des âmes
pieuses.
§ III. — DES DIVERSES PARTIES DE LA PRIÈRE.
Après avoir parlé aux
Fidèles de la nécessité et de l’utilité de la Prière des Chrétiens,
il faut aussi leur apprendre quelles sont les diverses parties qui
la composent. D’après le témoignage de l’Apôtre, cette science
importe extrêmement au parfait accomplissement du devoir de la
Prière. Dans son épître à Timothée, où il exhorte son disciple à
prier saintement et avec piété, il distingue avec soin les
différentes parties de cet exercice. « Je recommande avant toutes
choses, dit-il, que l’on fasse des supplications, des
prières, des demandes, et des actions de grâces pour tous les hommes. »
Et comme la différence entre ces quatre mots employés par l’Apôtre
est assez difficile à établir, les Pasteurs qui croiront utile de
l’expliquer à leurs auditeurs ne manqueront pas de consulter, entre
autres, Saint Hilaire et Saint Augustin.
A vrai dire les deux
parties principales de la Prière sont la demande et l’action de
grâces. Les autres en dérivent comme de leur source. Voilà pourquoi
nous n’avons pas cru devoir les passer sous silence. nous allons à
Dieu, et nous Lui rendons un culte d’hommage et de respect, soit
pour obtenir de Lui quelque bienfait nouveau, soit afin de Lui
témoigner notre reconnaissance pour tous ceux dont sa Bonté ne cesse
de nous enrichir et de nous combler. toute Prière revêt
nécessairement ce double caractère. Dieu Lui-même nous l’a marqué en
ces termes par la bouche de David: « Invoquez-Moi au jour de la
tribulation, Je vous délivrerai, et vous M’honorerez. »
Et d’abord est-il
possible d’ignorer combien nous avons besoin de la Libéralité et de
la Bonté de Dieu, pour peu que l’on considère l’excès de nos misères
et de notre pauvreté ? D’autre part tous ceux qui voient et qui
pensent se rendent bien compte que le cœur de Dieu est très
favorablement disposé pour le genre humain et qu’Il se plaît à
répandre sur nous ses largesses. De quelque côté en effet que nous
portions nos regards et nos pensées, partout nous voyons éclater les
preuves les plus admirables de la Bonté et de la Générosité divines.
Qu’avons-nous en effet que nous n’ayons reçu de la Libéralité de
Dieu ? et si tous les biens que nous possédons. ne sont que des
présents de sa Munificence, pourquoi tous ensemble, dans la mesure
de nos forces, n’exalterions-nous point par nos louanges un Dieu si
infiniment bon, pourquoi ne ferions-nous pas monter vers Lui de
continuelles actions de grâces ?
Mais, soit que l’on
demande, soit que l’on remercie, il y a dans la Prière différents
degrés, plus élevés et plus parfaits les uns que les autres. Afin
donc que les Fidèles puissent non seulement prier, mais encore prier
très bien et comme il convient, les Pasteurs auront soin de leur
proposer la méthode la meilleure et la plus parfaite, et ils les
exhorteront de toutes leurs forces à la mettre en pratique.
Mais précisément quelle
est la meilleure manière de prier ? quel est le degré le plus élevé
en matière d’Oraison ? évidemment c’est celui des âmes pieuses et
justes qui, appuyées sur le fondement inébranlable de la vraie foi,
arrivent graduellement, par la pureté de leur conscience et par la
ferveur de leurs vœux, à ce point d’élévation où elles peuvent
contempler l’infinie Puissance de Dieu, avec son immense bonté et sa
sagesse suprême. Là elles acquièrent l’espérance certaine d’obtenir
tout ce qu’elles demanderont présentement, et cette abondance
incalculable de biens que Dieu a promis d’accorder à ceux qui
sauront implorer son secours avec une piété sincère et fervente.
C’est ainsi que, portée
en quelque sorte sur deux ailes, l’âme prend son essor vers le ciel
et s’élève jusqu’à Dieu, pour Le louer et Le remercier tout ensemble
des bienfaits si précieux qu’elle a reçus. Ensuite avec une piété
ardente et une profonde vénération, elle Lui parle en pleine
confiance de tous ses besoins, comme le ferait un fils unique au
plus aimé des pères.
Cette manière de prier
prend dans la Sainte Écriture le nom d’effusion ou d’épanchement. « Je
répands ma Prière en sa présence, dit le prophète, et
j’exprime devant Lui ma tribulation. » Ceci revient à dire que
celui qui se présente devant Dieu pour le prier, ne doit rien taire,
rien cacher, mais épancher tout son cœur dans le sien, et se
réfugier avec confiance dans le sein de Celui qui est le plus aimant
des Pères. C’est ainsi en effet que l’Esprit Saint Lui-même règle
notre conduite sur ce point: « Répandez vos cœurs devant Dieu,
dit le Psalmiste, et mettez vos peines dans le sein du
Seigneur. »C’est aussi de ce degré d’Oraison que Saint Augustin
veut nous parler dans son enchiridion, quand il dit: « Ce que la
Foi croit, l’Espérance et la Charité le demandent. »
Un autre degré de la
Prière, c’est celui où se trouvent certaines personnes que le poids
de leurs péchés mortels écrase, mais qui néanmoins font tous leurs
efforts pour se relever avec cette Foi qu’on appelle morte, et
remonter jusqu’à Dieu. Mais comme leurs forces sont presque
anéanties, et leur Foi très affaiblie, elles ne peuvent se soulever
de terre. Cependant elles reconnaissent leurs fautes, le remords les
déchire, la contrition est dans leur cœur, et tout éloignées
qu’elles sont de Dieu, elles s’humilient et s’abaissent devant Lui
en implorant la grâce du pardon et de la paix. Une telle prière
obtient toujours
son effet devant Dieu,
qui non seulement l’exauce, mais qui pousse la miséricorde envers
ces âmes pécheresses jusqu’à les appeler à Lui en ces termes: « Venez
à Moi, dit-Il, vous tous qui êtes fatigués et courbés sous le
fardeau, et Je vous soulagerai. » De ce nombre était ce
Publicain qui n’osait pas même lever les yeux vers le ciel, et qui
cependant sortit du temple, dit l’Evangile, plus justifié que le
Pharisien.
Un troisième degré de
Prière se trouve dans ceux qui n’ont pas encore la Foi. Grâce à la
Bonté divine qui rallume en eux les faibles restes de la lumière
naturelle, ils se sentent entraînés avec une grande ardeur à l’étude
et à l’amour de la vérité, et ils demandent par de ferventes Prières
la faveur d’en être instruits. S’ils persévèrent dans ces bonnes
dispositions, la Clémence divine ne rejettera point leurs instances.
nous en avons une preuve remarquable dans l’exemple du centurion
Corneille. Aussi bien qui donc a jamais fait cette Prière du fond du
cœur, et a trouvé fermées les portes de la Miséricorde divine ?
Enfin le dernier degré
de la Prière est celui de ces pécheurs qui non seulement ne se
repentent point de leurs mauvaises actions et de leurs infamies,
mais encore entassent crimes sur crimes. Et cependant ils n’ont pas
honte de solliciter de Dieu le pardon de ces péchés dans lesquels
ils veulent persévérer ! Certes, ils n’oseraient pas, dans de
pareilles dispositions, demander aux hommes un pardon semblable.
Aussi, qu’arrive-t-il ? Leur Prière n’est point exaucée. « Ce
scélérat, dit la Sainte Ecriture, en parlant d’Antiochus,
priait le Seigneur de qui il ne devait point obtenir miséricorde. »
C’est pourquoi les Pasteurs ne manqueront pas d’exhorter fortement
ceux qui sont dans ce triste état, à renoncer définitivement à la
volonté de pécher, et à se convertir à Dieu dans toute la sincérité
de leur cœur.
§ IV. — CE QU’IL FAUT DEMANDER DANS LA
PRIÈRE.
Lorsque nous
expliquerons en détail l’Oraison Dominicale, nous dirons exactement
ce qu’il faut demander dans la Prière, et ce qu’il ne faut pas
demander. Pour l’instant, il suffit de rappeler aux Fidèles d’une
manière générale qu’ils ne doivent demander à Dieu que des choses
justes et honnêtes. S’ils demandaient ce qui ne convient pas, ils
auraient à craindre d’être repoussés avec cette réponse: « Vous
ne savez ce que vous demandez. » Or, tout ce qu’on peut désirer
légitimement, il est permis également de le demander. La promesse si
étendue de Notre-Seigneur ne nous permet pas d’en douter. « Vous
demanderez fout ce que vous voudrez, et il vous sera donné. » Il
s’engage en effet à tout accorder.
Ainsi donc, en premier
lieu, nous dirigerons nos vœux et nos désirs de telle sorte que
Dieu, qui est notre plus grand Bien, soit aussi l’objet de notre
amour et de nos désirs les plus grands. nous désirerons ensuite tout
ce qui peut nous unir le plus étroitement à Dieu. Mais nous
éloignerons soigneusement de notre cœur et de nos affections tout ce
qui pourrait nous séparer de Lui, ou seulement affaiblir notre union
mutuelle.
En prenant pour règle
suprême ce Bien souverain et parfait, il est facile de déterminer
dans quelle mesure il faut désirer et demander à Dieu notre Père les
autres choses qu’on appelle aussi des biens. Ainsi, les biens du
corps, comme les autres biens extérieurs, c’est-à-dire, la santé, la
force, la beauté, les richesses, les honneurs, la gloire, ne sont
que trop souvent des occasions et des instruments de péché, et par
conséquent il est difficile de les demander d’une manière conforme à
la piété et au salut. C’est pourquoi il faut en réduire la demande
dans des limites telles que nous ne désirions ces avantages de la
vie présente qu’autant qu’ils nous sont nécessaires. Dès lors notre
Prière se rapporte à Dieu. Il nous est bien permis en effet de
demander ce qui faisait l’objet de la prière de Jacob et de Salomon.
Or le premier disait: « Si le Seigneur me donne du pain pour me
nourrir et des vêlements pour me couvrir, Il sera toujours mon Dieu. »
Et le second: « Donnez-moi seulement ce qui est nécessaire à la
vie. » Mais comme Dieu, dans sa Bonté, veut bien pourvoir à
notre nourriture et à notre entretien, n’est-il pas bien juste que
nous ne pendions jamais de vue cette recommandation de l’Apôtre: « Que
ceux qui achètent soient comme s’ils ne possédaient pas ! que ceux
qui usent des choses de ce monde, soient comme s’ils n’en usaient
pas ; car la figure de ce monde passe ; » et cette autre du
Prophète David, (que nous avons déjà citée): « Si les richesses
nous viennent en abondance, n’y attachons point notre cœur. »
Dieu Lui-même a voulu nous l’apprendre nous n’en avons que
l’usufruit, et encore à la condition d’y associer les autres. Si
nous avons la santé, si nous possédons en abondance les autres biens
du corps et de la fortune, souvenons-nous que Dieu ne nous les a
donnés que pour nous aider à Le mieux servir et à soulager davantage
le prochain.
Quant aux biens et aux
ornements de l’esprit, comme les arts et les sciences, nous pouvons
les demander, mais seulement à la condition qu’entre nos mains ils
tourneront à la Gloire de Dieu et au salut de notre âme. La seule
chose que nous puissions souhaiter, rechercher, demander d’une
manière absolue, sans condition et restriction, c’est, nous l’avons
déjà dit, la Gloire de Dieu, et ensuite tout ce qui peut nous
rattacher et nous unir à ce souverain Bien, comme la Foi, la crainte
du Seigneur et son amour ; vertus dont nous parlerons plus
longuement lorsque nous expliquerons toutes les demandes de
l’Oraison Dominicale.
Ce n’est pas tout ;
après avoir appris aux Fidèles ce qu’ils doivent demander, il faut
aussi leur faire connaître pourquoi ils doivent demander. Or, la
Prière se compose précisément de la demande et de l’action de
grâces. Parlons d’abord de la demande.
§ V. — POUR QUI FAUT-IL PRIER
Il faut prier pour tous
les hommes sans exception ennemis, étrangers, ou d’une religion
différente de la nôtre. Car l’ennemi, l’étranger, l’infidèle, sont
également notre prochain. Or, d’après l’ordre formel de Dieu, nous
devons aimer notre prochain, et par conséquent prier pour lui,
puisque la Prière pour les autres est un des devoirs de la Charité.
Cette recommandation de l’Apôtre: « Qu’il se fasse, je vous en
prie, des Prières pour tous les hommes, » n’a pas d’autre but.
Il n’est pas inutile de
faire remarquer que dans la Prière on doit demander d’abord ce qui
intéresse le salut de l’âme, puis ce qui se rapporte au bien du
corps.
Les premiers pour qui
nous sommes obligés de prier sont les Pasteurs des âmes. L’Apôtre
Saint Paul nous l’apprend par son propre exemple ; il écrit aux
Colossiens « de prier pour lui, afin que Dieu lui ouvre une
entrée pour prêcher sa parole ». Il agit de même avec les
Thessaloniciens. nous lisons dans les Actes des Apôtres: « qu’une
prière continuelle se faisait dans l’Eglise pour Pierre » ; et
Saint Basile, dans ses traités des Mœurs, nous rappelle qu’« il
faut prier pour ceux qui président à la Parole de vérité ».
En second lieu, il faut
prier pour les Princes. C’est encore l’enseignement de Saint Paul.
nul n’ignore en effet combien il importe au bien public d’avoir des
Princes pieux et zélés pour la justice. Il faut donc demander à Dieu
de les rendre tels qu’ils doivent être pour commander aux autres.
Plusieurs saints
personnages nous avertissent par leurs exemples de prier aussi pour
les bons et les justes. Ils ont besoin en effet des Prières des
autres. Dieu l’a voulu ainsi, afin de prévenir dans leur cœur les
mouvements de l’orgueil, en leur faisant sentir qu’ils ont besoin
des suffrages de leurs inférieurs.
Notre-Seigneur nous
ordonne également de prier pour ceux « qui nous persécutent et
nous calomnient ».
Selon le témoignage de
Saint Augustin, — et ce témoignage a une grande valeur — l’Eglise a
reçu des Apôtres la coutume de faire des Prières et des vœux pour
ceux qui sont hors de la vraie Religion, afin que les infidèles
obtiennent la Foi, que les adorateurs des idoles soient arrachés à
leurs erreurs impies ; que les Juifs déchirent le voile épais qui
leur cache la vérité, et la reconnaissent enfin ; que les
hérétiques, revenant à la saine raison, s’instruisent, comme ils le
doivent, de la Doctrine catholique ; que les schismatiques, qui se
sont séparés de la Communion de la très sainte Eglise leur mère, se
rattachent à elle de nouveau par les liens d’une véritable Charité.
Les Prières qui sont ainsi faites avec une Foi ardente, pour toutes
ces sortes de personnes, sont d’une grande efficacité. On peut le
constater par cette multitude d’hommes de toutes conditions que Dieu
arrache chaque jour à la puissance des ténèbres, pour les
faire entrer dans le Royaume de son Fils bien aimé, et dont Il fait
des vases de miséricorde, de vases de colère qu’ils étaient
auparavant. tout Chrétien intelligent et pieux sera toujours
convaincu que les Prières des âmes justes ont une très large part à
ces conversions.
Les Prières que l’on
adresse à Dieu pour les âmes des trépassés, afin de les faire sortir
du Purgatoire, sont une tradition et une conséquence de la doctrine
des Apôtres. nous avons dit tout ce qu’il fallait rappeler sur ce
point, en traitant du saint Sacrifice de la Messe.
Quant à ceux qui ont le
malheur d’être en état de péché mortel, c’est à peine s’ils peuvent
retirer quelque utilité des Prières et des vœux. Cependant la
Charité chrétienne demande qu’on prie pour eux, et qu’on en vienne
aux larmes et aux gémissements devant Dieu pour leur obtenir pardon
et miséricorde.
Si donc les Saints ont
fait quelquefois des imprécations contre les impies, les Pères de l’Eglise
veulent que nous les regardions comme des prédictions du sort qui
les attend, ou des souhaits de mort qui ne s’adressent qu’au péché,
pour le détruire, et par là sauver les pécheurs.
Dans la 2° partie de la
Prière, nous rendons à Dieu les actions de grâces les plus vives
pour les divins et immortels bienfaits dont Il a comblé sans cesse,
et dont II comble encore tous les jours le genre humain.
Mais surtout nous Le
remercions, et d’une manière spéciale, pour tous les Saints ; nous
Le louons et Le bénissons, autant qu’il est en nous, de la victoire
et du triomphe que sa paternelle Bonté leur a fait remporter sur
tous leurs ennemis, intérieurs et extérieurs.
C’est là ce que nous
faisons en particulier dans la Salutation Angélique, lorsque nous
disons à la Ste Vierge, en forme de prière: Je vous salue, Marie,
pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre
toutes les femmes. Par ces paroles en effet nous rendons à Dieu
un splendide hommage de louanges et d’actions de grâces, pour tous
les dons célestes dont Il a bien voulu combler la très sainte
Vierge, et en même temps nous la félicitons elle-même de son
incomparable bonheur.
Et ce n’est pas sans
raison que la sainte Eglise a ajouté, à cette action de grâces, des
Prières et des invocations à la très sainte Mère de Dieu. Elle veut
que nous ayons recours à elle avec une pieuse confiance et une
profonde humilité, afin d’obtenir par son intercession que Dieu
veuille bien se réconcilier avec nous malgré toutes nos fautes, et
nous accorder les biens qui nous sont nécessaires pour cette vie et
pour l’autre. Oui, nous devons, enfants d’Eve exilés dans cette
vallée de larmes, invoquer, sans jamais nous lasser, celle qui est
la Mère de la miséricorde, l’avocate du peuple fidèle, afin qu’elle
prie pour nous, pauvres pécheurs ; nous devons en un mot réclamer
sans cesse par nos Prières le secours et l’assistance de celle dont
les mérites sont si éminents devant Dieu, et dont on ne peut sans
impiété et sans crime révoquer en doute la volonté parfaite et
formelle de nous venir en aide.
§ VI. — A QUI DOIT-ON ADRESSER DES PRIÈRES
Que ce soit pour nous
un devoir de prier Dieu et d’invoquer son saint nom, c’est non
seulement ce que nos Saints Livres nous enseignent, mais encore ce
que proclame l’instinct naturel de notre cœur, qui ne cesse de nous
rappeler cet ordre de Dieu : « Invoquez-Moi au jour de la
tribulation » Au reste, en disant qu’il faut prier Dieu, nous
entendons par là les trois Personnes divines.
En second lieu, nous
recourons aux Saints qui sont dans le ciel. C’est un article de Foi
dans l’Eglise de Dieu qu’on doit les prier. Et un vrai Chrétien ne
peut avoir le moindre doute à ce sujet. Mais comme nous avons déjà
traité cette question en son lieu, nous y renvoyons les Pasteurs et
les Fidèles. toutefois pour prévenir les erreurs dans lesquelles
pourraient tomber les ignorants, il sera nécessaire de montrer aux
Chrétiens la différence qui existe entre la Prière que l’on fait à
Dieu, et celle que l’on adresse aux Saints. C’est qu’en effet, nous
ne prions pas Dieu et les Saints de la même manière. nous demandons
à Dieu qu’Il nous donne lui-même les biens, ou qu’Il nous délivre
des maux ; et nous demandons aux Saints, comme jouissant de la
faveur et de l’amitié de Dieu, de nous prendre sous leur protection,
et de nous obtenir les choses dont nous avons besoin. De là deux
formules de Prières très différentes. A Dieu nous disons proprement:
ayez pitié de nous, exaucez-nous ; aux Saints: priez pour
nous. Cependant nous pourrions aussi, dans un autre sens,
demander aux Saints d’avoir pitié de nous, parce qu’ils sont très
miséricordieux. Ainsi il nous est permis de les prier de prendre
compassion de nos misères, et de nous aider de leur crédit et de
leur intercession auprès de Dieu.
Mais ici prenons bien
garde, tous tant que nous sommes, de ne pas attribuer à qui que ce
soit ce qui n’appartient qu’à Dieu. Par exemple, si quelqu’un récite
l’Oraison Dominicale devant l’image d’un saint, qu’il n’oublie pas
qu’il demande uniquement à ce saint de prier avec lui, et de
solliciter pour lui les choses qui sont contenues dans cette
formule, en un mot de vouloir bien se faire son interprète et son
intercesseur auprès de Dieu. Saint Jean, dans l’Apocalypse, nous
apprend en effet que les saints dans le ciel remplissent ce
ministère auprès de Dieu.
§ VII. — DE LA PRÉPARATION A LA PRIÈRE.
Nos Saints Livres nous
disent : « Avant la Prière, préparez votre âme, et ne soyez pas
comme un homme qui tente Dieu ! » en effet, c’est tenter Dieu
que de prier bien et d’agir mal, ou bien de laisser égarer son
esprit, quand on s’entretient avec Lui. Puis donc que les
dispositions avec lesquelles on doit prier Dieu sont si importantes,
les Pasteurs ne manqueront pas d’enseigner à leurs pieux auditeurs
les règles de la Prière.
La première de ces
règles, ou dispositions, c’est une véritable humilité, avec
l’abaissement du cœur et la reconnaissance des fautes qu’on a
commises. Ces fautes doivent faire comprendre à celui qui vient à
Dieu pour Le prier, que non seulement il ne mérite pas d’obtenir
quelque chose, mais qu’il n’est pas même digne de paraître devant
Lui. La sainte Ecriture nous parle très souvent de cette
disposition. « Le Seigneur a regardé la Prière des humbles,
dit le Psalmiste , et Il n’a point méprisé leurs supplications. »
L’Ecclésiastique nous dit de son côté : « Que la Prière de celui
qui s’humilie pénétrera les nues. » Au reste les Pasteurs
instruits dans la sainte Ecriture, trouveront d’eux-mêmes une foule
de passages qui se rapportent à cette Vérité, et que nous n’avons
pas besoin de citer ici. Cependant nous ne voulons pas passer sous
silence deux exemples que nous avens rapportés ailleurs, mais qui
sont parfaitement appropriés à notre sujet. Le premier, que tout le
monde connaît, est celui du Publicain qui se tenait si loin du
sanctuaire, et qui n’osait même pas lever les yeux. Le second est
celui de la femme pécheresse qui, pénétrée de douleur, vint arroser
de ses larmes les pieds du Seigneur. tous les deux nous montrent
clairement quel poids immense l’humilité chrétienne ajoute à la
Prière.
Une seconde
disposition, c’est la douleur de nos fautes, ou du moins un certain
sentiment de peine en voyant que nous ne sommes pas assez
repentants. Sans cette double disposition intérieure, ou du moins
sans l’une d’elles, il est impassible d’obtenir le pardon de nos
péchés. Et comme il y a des crimes qui par eux-mêmes empêchent Dieu,
en quelque sorte, d’exaucer nos Prières, par exemple, le meurtre et
la violence, nos mains doivent s’abstenir entièrement de toute
espèce de cruauté et de mauvais traitements, en un mot de ces crimes
dont Dieu nous parle en ces termes par la bouche d’Isaïe : « Lorsque
vous étendrez vos mains vers Moi, Je détournerai mes yeux de vous,
et lorsque vous multiplierez votre Prière, Je ne vous écouterai
point, parce que vos mains sont pleines de sang. »
II faut fuir également
la colère et la discorde, qui sont de grands obstacles au succès de
nos Prières. Voici ce que l’Apôtre en dit : « Je veux que les
hommes prient en tout lieu, élevant vers Dieu des mains pures, sans
colère et sans dissension. »
Prenons garde aussi de
rester implacables envers ceux qui ont eu des torts envers nous.
Dans cet état d’âme, nos Prières ne pourraient déterminer Dieu à
nous pardonner. « Lorsque vous vous présenterez pour prier,
dit-Il Lui-même , pardonnez si vous avez quelque chose contre
quelqu’un. » Et encore : « Si vous ne remettez pas aux hommes
leurs fautes, votre Père ne vous remettra point non plus les vôtres. »
II est indispensable
aussi que nous n’ayons ni dureté, ni inhumanité envers les pauvres.
C’est contre ces hommes au cœur dur qu’il a été dit dans nos Saints
Livres : « Celui qui ferme l’oreille au cri du malheureux,
criera d son tour, et il ne sera point écouté. »
Que dirons-nous de
l’orgueil ? II déplait tant à Dieu ! C’est pourquoi il est écrit:
« Dieu résiste aux superbes, et il donne sa grâce aux humbles. »
Que dirons-nous enfin de celui qui méprise les oracles divins ?
Salomon lance contre lui cet anathème: « La prière de celui qui
détourne l’oreille pour ne pas écouter la Loi sera exécrable. »
Ce n’est pas à dire pour cela que Dieu condamne et repousse la
Prière d’un homme coupable d’injures envers le prochain, de meurtre,
de haine, de dureté à l’égard des pauvres, d’orgueil, de mépris pour
la Parole sainte, et enfin de tous les péchés, quels qu’ils soient,
pourvu que cet homme prie pour obtenir le pardon de ses fautes.
La Foi est aussi un
élément essentiel de cette préparation. Sans elle en effet, nous ne
pouvons connaître ni la toute Puissance de notre Père suprême, ni sa
Miséricorde, qui sont précisément les deux sources de la confiance.
Aussi Notre-Seigneur Jésus-Christ a-t-Il pris soin de nous dire
Lui-même: « Tout ce que vous demanderez dans la prière avec Foi
vous l’obtiendrez. » Et Saint Augustin, à propos de ces paroles
du Sauveur, ne craint pas de nous dire: « Si la Foi manque, il
n’y a plus de Prière. » La condition essentielle pour bien
prier, c’est donc d’être ferme et inébranlable dans la Foi. Saint
Paul le prouve indirectement en disant: « Comment
invoqueront-ils Celui en qui ils ne croient point ? » Ainsi
donc, il faut croire, et pour que nous puissions prier, et pour que
la Foi qui nous fait prier avec succès ne nous manque jamais. Car
c’est la Foi qui engendre la Prière, mais c’est la prière qui lève à
son tour tous les doutes, et qui rend la Foi stable et invincible.
C’est dans cette conviction que Saint Ignace exhortait ceux qui vont
à Dieu pour le prier: « Gardez-nous bien, leur disait-il,
de porter l’esprit de doute dans la Prière. Heureux celui qui n’aura
jamais douté ! » Par conséquent, pour obtenir de Dieu ce que
nous Lui demandons, la Foi et l’Espérance certaine d’être exaucés
passent avant tout le reste. C’est que l’Apôtre saint Jacques nous
rappelle par ces paroles: « Que le Fidèle demande avec Foi et
sans hésiter. » Et en effet il est bien des motifs capables
d’exciter en nous la confiance dans la Prière.
D’abord, c’est la
Bienveillance et la Bonté parfaite que Dieu nous témoigne, puisqu’Il
nous ordonne de L’appeler notre Père, pour nous montrer que nous
sommes ses enfants.
C’est le nombre presque
infini de ceux qui ont obtenu l’effet de leurs Prières.
C’est ce Médiateur
souverain qui se tient sans cesse à notre disposition,
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont Saint Jean a dit: « Si
quelqu’un a péché, nous avons auprès du Père un Avocat, Jésus-Christ
qui est juste ; et il est Lui-même propitiation pour nos péchés. »
Saint Paul, de son côté, dit aux Romains: « Jésus-Christ qui est
mort, qui est ressuscité, qui est à la droite de son Père et qui y
intercède pour nous ; » et puis à Timothée: « Il n’y a qu’un
Dieu et un seul Médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ, qui
est homme ; » et enfin aux Hébreux: « Il a dû se rendre
semblable en toutes choses il ses frères, afin qu’Il fût un Pontife
miséricordieux et fidèle auprès de Dieu. » Dès lors, quoique
indignes par nous-mêmes d’obtenir quelque chose, cependant à cause
des mérites infinis de notre divin Médiateur et Intercesseur, de
Jésus-Christ, nous devons espérer, avec une confiance entière, que
Dieu voudra bien nous accorder tout ce que nous Lui demanderons de
légitime par son entremise.
Enfin, c’est l’âme même
de nos Prières, c’est-à-dire le Saint Esprit qui nous les inspire,
et qui fait qu’elles sont toujours recevables. « Car, dit
l’Apôtre Saint Paul, Dieu nous a envoyé l’Esprit d’adoption de
ses enfants, dans lequel nous crions: Père, Père ! » C’est cet
esprit qui vient en aide à notre faiblesse et à notre ignorance dans
le devoir de la Prière, ou plutôt, dit encore Saint Paul: « Il
est l’Esprit qui prie pour nous par des gémissements ineffables. »
Que si quelques-uns
chancellent encore, et ne se sentent pas assez fermes dans la Foi,
qu’ils disent avec les Apôtres « Seigneur, augmentez notre Foi ; »
ou avec l’aveugle « aidez mon incrédulité ».
Animés d’une Foi vive
et d’une espérance ferme, nous obtiendrons infailliblement de Dieu
tout ce que nous désirons, si nous avons soin de conformer à sa Loi
et à sa volonté toutes nos pensées, toutes nos actions et toutes nos
Prières. « Si vous demeurez en Moi, dit notre Seigneur, et que
mes paroles demeurent en vous, vous demanderez tout ce que vous
voudrez, et il vous sera accordé. » n’oublions pas toutefois que
pour obtenir de Dieu toutes les grâces que nous demandons, il faut
avant tout, comme nous l’avons déjà dit, l’oubli des injures, la
bienveillance, et la volonté de faire du bien au prochain.
§ VIII. — MANIÈRE DE PRIER: QUALITÉS DE LA
PRIÈRE.
Il importe extrêmement
de savoir bien prier. Car, quoique la Prière en elle-même soit une
chose très salutaire, cependant si on ne la fait pas comme il
convient, elle ne produit aucun fruit. Souvent, comme le dit
l’Apôtre Saint Jacques, nous n’obtenons pas ce que nous demandons,
parce que nous demandons mal. Les Pasteurs auront donc à cœur
d’enseigner aux Fidèles quelle est la meilleure manière de demander
et de prier, soit en particulier, soit en public, en un mot ils leur
apprendront les règles de la Prière chrétienne, d’après
Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même.
Il faut donc prier
en esprit et en vérité ; car le Père céleste demande des
adorateurs en esprit et en vérité. Or c’est prier ainsi que de
parler à Dieu avec toute l’ardeur de son esprit, et toute
l’affection de son cœur. Certes, nous sommes loin de dire que la
Prière vocale ne puisse revêtir aussi cette qualité. Cependant nous
croyons devoir accorder la première place à la Prière qui part d’un
cœur enflammé d’amour, et que Dieu — qui connaît les plus secrètes
pensées des hommes — sait toujours entendre, sans même que la bouche
la prononce. C’est ainsi qu’Il entendit, qu’Il exauça, la Prière
intérieure d’Anne, la mère de Samuel, dont nos Saints Livres nous
disent qu’elle pleura pour prier, et que ses lèvres remuaient à
peine . C’est ainsi encore que priait David: « Mon cœur Vous
a parlé, dit-il à Dieu, mes yeux Vous ont cherché. » La
sainte Ecriture est remplie d’exemples semblables.
La Prière vocale, elle
aussi, a son utilité propre, et même sa nécessité. Elle excite la
ferveur de l’âme, et elle enflamme la piété de celui qui prie. C’est
ce que Saint Augustin écrivait en ces termes à Proba: « Quelquefois
les paroles ou d’autres signes excitent plus vivement et augmentent
nos saints désirs. Quelquefois nous sommes forcés, par l’ardeur qui
nous anime et la piété qui nous enflamme, d’exprimer par des paroles
ce qui se passe dans notre cœur. Quand le cœur en effet est plein de
joie et qu’il le manifeste, il est juste aussi que la bouche
elle-même se réjouisse. Par ce moyen nous faisons tout ensemble à
Dieu le sacrifice de notre corps et de notre âme, et nous imitons
les Apôtres qui priaient de cette manière, comme on le voit dans les
Actes, et dans Saint Paul, en plusieurs endroits. »
Comme il y a deux
sortes de Prières, l’une privée, l’autre publique, nous pouvons dans
la Prière privée prononcer telles paroles qui nous plaisent, pour
seconder nos sentiments intérieurs et notre piété. Quant à la Prière
publique instituée par l’Eglise pour augmenter la dévotion des
Fidèles, on ne peut en aucune façon s’abstenir d’employer des
paroles, et dans les temps qu’elle a fixés.
C’est le propre des
Chrétiens seuls de prier en esprit, et les infidèles ne connaissent
point cette coutume. C’est d’eux que Notre-Seigneur Jésus-Christ
nous dit: « Quand vous priez, ne multipliez point les paroles
comme les païens, qui croient qu’en parlant beaucoup ils seront
exaucés. ne les imitez point ; car votre Père connaît vos besoins,
avant que vous Lui ayez rien demandé. » Cependant en condamnant
les paroles trop multipliées, notre Seigneur ne réprouve point les
longues Prières, lorsqu’elles sont le fruit d’un sentiment profond
et durable ; au contraire Il nous y exhorte pas ses propres
exemples. Car non seulement Il passait des nuits à prier, mais
Il répéta jusqu’à trois fois de suite la même demande. Il faut
donc retenir de cette parole de Notre-Seigneur, que ce n’est point
le vain bruit des mots qui touche le Cœur de Dieu.
Les hypocrites ne
prient point non plus du fond de leur cœur, et Jésus-Christ. nous
met en garde contre leurs détestables habitudes. « Lorsque vous
priez, nous dit-il, ne soyez point comme les hypocrites, qui aiment
à prier debout dans les synagogues et aux coins des places
publiques, enfin d’être vus des hommes. En vérité, Je vous le dis ;
ils ont reçu leur récompense. Pour vous, quand vous priez, entrez
dans votre chambre, et, la porte étant fermée, priez votre Père en
secret, et votre Père qui voit dans le secret vous accordera votre
demande. » Le mot chambre. que Notre-Seigneur emploie
dans ce passage, peut très bien s’entendre du cœur de l’homme. Et il
ne suffit pas d’entrer dans son cœur, pour prier, mais de plus il
faut le fermer, de peur qu’il ne s’y glisse et qu’il n’y pénètre
quelque chose du dehors, qui pourrait altérer la pureté de la
Prière. Si nous sommes fidèles à cette recommandation de son divin
Fils, le Père céleste qui connaît parfaitement notre cœur et ses
plus secrètes pensées se plaît à exaucer nos supplications.
La Prière exige
également la persévérance. C’est par là surtout qu’elle est
efficace. Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même a voulu nous le
montrer par l’exemple de ce juge qui, ne craignant ni Dieu, ni
les hommes, se laissa vaincre pourtant par la persévérance et
les instances de la veuve, et lui accorda sa requête. Prions donc
avec assiduité. n’imitons pas ceux qui après avoir prié une ou deux
fois, sans être exaucés, se fatiguent de la Prière. Un devoir que
l’autorité de Notre-Seigneur et des Apôtres nous recommande si
expressément ne doit point connaître la fatigue et la lassitude. Si
parfois nous sentons quelque faiblesse dans notre volonté,
adressons-nous à Dieu, prions-Le de nous donner la force de
persévérer.
Le Fils de Dieu veut
aussi que ce soit en son nom que notre Prière arrive à Dieu son
Père. C’est uniquement par le mérite et le crédit d’un tel Médiateur
que nous pouvons être exaucés. Ecoutons ce qu’Il dit Lui-même dans
Saint Jean : « En vérité, en vérité, Je vous le dis ; si vous
demandez quelque chose à mon Père en mon nom, Il vous le donnera.
Jusqu’ici vous n’avez rien demandé en mon nom, demandez et vous
recevrez, afin que votre joie soit parfaite. » Et encore: « Tout
ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, Je le ferai. »
Imitons le zèle et la
ferveur des Saints dans la Prière Joignons l’action de grâces à la
demande, à l’exemple des Apôtres, qui conservèrent fidèlement cette
pratique, comme nous le voyons dans Saint Paul .
Ajoutons à la Prière le
Jeûne et l’Aumône. Le Jeûne va très bien avec la prière. Lorsque le
corps est appesanti par la nourriture, l’esprit n’est plus libre ;
il ne peut ni contempler Dieu, ni se plonger dans l’oraison.
L’Aumône aussi s’allie admirablement avec la Prière. Car comment
oser se dire animé d’une vraie Charité, quand on a les moyens de
faire du bien aux nécessiteux, et que l’on néglige de secourir son
prochain et son frère ? Ou comment celui qui manque de Charité
osera-t-il réclamer l’assistance divine ? à moins qu’en demandant
pardon de sa faute, il ne demande aussi très humblement à Dieu de
lui accorder la Charité.
Voilà donc le triple
remède, que Dieu dans sa Clémence a préparé pour sauver les hommes.
nos péchés sont toujours, ou des offenses envers Lui, ou des torts
envers le prochain, ou des attentats contre nous-mêmes. Et bien ! Il
nous a donné la Prière pour L’apaiser, l’Aumône pour réparer nos
torts envers les autres, et le Jeûne pour effacer les souillures de
nos fautes personnelles. On peut dire, il est vrai, que ces trois
remèdes peuvent servir à tous les péchés, quels qu’ils soient. Mais
il faut reconnaître que chacun d’eux s’applique plus spécialement à
l’une des trois espèces de fautes que nous venons d’indiquer.