DE LA SATISFACTION
Il convient d’abord
d’expliquer le mot de Satisfaction, et d’en préciser la portée. Car
les ennemis de la Foi catholique ont pris occasion de ce mot pour
semer la division et la discorde parmi les Chrétiens, et au grand
détriment de la Religion.
§ I. — QU’EST-CE QUE LA SATISFACTION
La Satisfaction est le
paiement intégral d’une dette: Car qui dit satisfaction, dit une
chose à laquelle rien ne manque. Par exemple, en matière de
réconciliation, satisfaire signifie accorder à un cœur irrité tout
ce qu’il faut pour le venger de l’injure qu’on lui a faite. D’où il
suit que la satisfaction n’est pas autre chose que la compensation,
(ou réparation) de l’injure faite à quelqu’un. Et pour en venir à
l’objet qui doit nous occuper ici, les Docteurs de l’Eglise ont
employé ce mot de Satisfaction pour exprimer cette compensation qui
s’établit, lorsque l’homme paie quelque chose à Dieu pour les péchés
qu’il a commis.
Et comme cette
compensation peut avoir plusieurs degrés différents, on a distingué
aussi plusieurs sortes de Satisfaction. La première et la plus
excellente est celle qui a payé suffisamment à Dieu tout ce que nous
devions pour nos péchés, quand même il aurait voulu traiter avec
nous en toute rigueur de justice. Mais nous ne regardons comme telle
que la Satisfaction qui a apaisé Dieu et nous L’a rendu propice. Et
c’est à Jésus-Christ seul que nous en sommes redevables. Car c’est
Lui qui sur la Croix a payé la dette de nos péchés, et a satisfait
surabondamment à la justice de Dieu pour nous. Rien de créé n’aurait
pu être d’un pria assez grand pour nous libérer d’une dette si
considérable. Mais, comme dit Saint Jean : « Jésus-Christ est
Lui-même la Victime de propitiation pour nos péchés, et non
seulement pour tes nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. »
Cette Satisfaction est donc pleine et complète. Elle est
proportionnée d’une manière parfaite et adéquate au poids de tous
les crimes qui ont été commis, et qui se commettent en ce monde.
C’est elle seule qui donne du prix et du mérite à nos actions devant
Dieu. Sans elle, elles seraient vaines et dénuées de toute valeur
réelle. C’est là ce que David semblait avoir en vue quand, se
recueillant en lui-même, il s’écriait : « Que rendrai-je au
Seigneur pour tous tes bienfaits qu’Il m’a accordés ? » et que
ne trouvant, pour reconnaître tant de faveurs, que la Satisfaction
dont nous parlons, et à laquelle il donne le nom de calice, il
ajoutait: « Je prendrai le calice de salut, et j’invoquerai le
nom du Seigneur. »
Une autre espèce de
Satisfaction est celle que l’on appelle canonique, et qui
s’accomplit dans un temps fixe et déterminé. C’est un usage suivi
dés la plus haute antiquité dans l’Eglise, d’infliger quelque peine
aux pénitents, lorsqu’ils reçoivent l’Absolution de leurs péchés, et
l’accomplissement de cette peine s’est toujours appelé Satisfaction.
Enfin on donne encore
le nom de Satisfaction à toutes les peines que nous subissons pour
nos péchés, sans les recevoir des mains du Prêtre, mais en nous les
imposant nous-mêmes, et en nous les infligeant par notre propre
volonté. Mais ces peines ne font point partie du sacrement
de Pénitence. Celles-là
seules lui appartiennent qui nous sont imposées par l’autorité du
Prêtre, pour payer à Dieu ce que nous Lui devons pour nos péchés:
encore faut-il que nous ayons dans l’âme la résolution très sincère
et très ferme de faire tous nos efforts pour éviter de l’offenser à
l’avenir. En effet quelques-uns ont dit que satisfaire, c’est
rendre à Dieu l’honneur qui lui est dû. Mais il est évident que
nul ne peut Lui rendre cet honneur, s’il n’est résolu à fuir
absolument le péché. Par conséquent satisfaire, c’est détruire
les causes du péché, et lui fermer l’entrée de nos cœurs. Dans
le même ordre d’idées, d’autres ont affirmé que la satisfaction
purifie notre âme des restes de souillures que la tache du péché y
avait laissées et qu’elle acquitte les peines temporelles qui nous
restaient à supporter.
§ II. — NÉCESSITÉ DE LA SATISFACTION.
Les choses étant ainsi,
il ne sera pas difficile de faire sentir aux Fidèles combien il est
nécessaire aux pénitents de s’exercer à cette pratique de la
Satisfaction. Il faudra leur apprendre que le péché entraîne après
lui deus choses, la tâche et la peine. Et bien que la remise de la
faute renferme toujours en elle celle du supplice de la mort
éternelle, préparé dans les enfers, cependant il arrive souvent,
comme l’a déclaré le Concile de Trente que Dieu ne remet pas en
même temps certains restes du péché, et la peine temporelle qui lui
est due. nous avons des preuves non équivoques de cette vérité dans
plusieurs endroits de nos Saintes Lettres, au 3e chapitre
de la Genèse, aux 12e et 22e chapitres des
nombres, et dans beaucoup d’autres passages, mais dont le plus
célèbre et le plus frappant est celui de David. Le Prophète Nathan
lui avait dit: « Le Seigneur n’a point retenu votre péché, vous
ne mourrez point. » Et cependant il s’imposa volontairement des
peines très grandes, implorant jour et nuit la miséricorde de Dieu
en ces termes: « Lavez-moi de plus en plus de mon iniquité, et
purifiez-moi de mon péché ; parce que je connais mon iniquité, et
mon péché est toujours devant moi. » Par ces paroles il
demandait au Seigneur, non seulement le pardon de son crime, mais
encore la remise de la peine qu’il avait méritée ; et il Le
conjurait de le purifier de tous les restes de ses fautes, et de le
rétablir dans son premier état d’innocence et de gloire. Cependant,
malgré toute la ferveur de ses prières, le Seigneur ne laissa pas de
le punir, et par la perte de l’enfant né après sa faute, et par la
révolte et la mort d’Absalon qu’il aimait tendrement, et par
plusieurs autres peines et châtiments, dont II l’avait...auparavant
menacé. nous voyons encore dans l’Exode que le Seigneur apaisé par
les prières de Moïse, pardonna au peuple son idolâtrie: ce qui ne
L’empêcha pas d’annoncer qu’Il en tirerait une vengeance très sévère
et Moïse lui-même déclara que le Seigneur le punirait de ce crime,
avec la dernière rigueur, jusqu’à la troisième et quatrième
génération. Quant à l’Eglise catholique, sa Doctrine n’a jamais
varié sur ce point, et tous les écrits des Pères prouvent qu’elle
n’a pas cessé de croire cette vérité.
Mais comment se fait-il
que le sacrement de Pénitence ne remette pas avec le péché toutes
les peines qui lui sont dues, aussi bien que le Baptême ? C’est ce
que nous explique fort bien le Concile de Trente, en ces termes: « La
justice divine semble exiger, dit-il, que la réconciliation soit
accordée différemment à ceux qui ont péché par ignorance avant le
Baptême, et d ceux qui, délivrés du péché et de l’esclavage du
démon, après avoir reçu le don du Saint-Esprit, ne craignent pas
cependant de profaner sciemment le temple de Dieu, et de contrister
le Saint-Esprit. »
D’ailleurs, il convient
à la clémence divine de ne pas nous remettre nos péchés, sans exiger
de nous quelque satisfaction. Autrement nous serions exposés à
regarder nos fautes comme moindres qu’elles ne sont, et, à la
première occasion, à tomber dans d’autres plus graves, par un mépris
souverainement injurieux au Saint-Esprit, nous amassant ainsi à
nous-mêmes un trésor de colère pour le jour de la vengeance . II
est hors de doute que les peines satisfactoires sont comme un frein
puissant pour nous retenir, et nous empêcher de retomber dans le
mal. Par la même raison elles rendent les pénitents beaucoup plus
circonspects et plus vigilants pour l’avenir.
On peut ajouter que ces
pénitences sont comme des
témoignages Publics de
la douleur que nous font éprouver nos péchés, et par là même un
moyen de satisfaire à l’Eglise qui a été grièvement offensée par nos
crimes. Car, comme dit Saint Augustin, Dieu ne rejette point un
cœur contrit et humilié. Mais comme la douleur d’un cœur est
ordinairement cachée pour un autre, et qu’elle ne se manifeste au
dehors ni par des paroles ni par d’autres signes, c’est avec raison
que les Pasteurs de l’Eglise ont établi des temps de Pénitence,
pendant lesquels on satisfait à l’Eglise, de qui l’on reçoit la
rémission de ses péchés.
§ III. — EFFETS ET AVANTAGES DE LA
SATISFACTION.
D’un autre côté, nos
exemples de pénitence apprennent aux autres comment ils doivent
régler leur conduite et pratiquer la piété. Lorsque nos semblables
sont témoins des peines qui nous sont infligées pour nos péchés, ils
en concluent qu’ils doivent vivre toujours dans la plus grande
vigilance et réformer leurs mœurs. Voilà pourquoi l’Eglise avait
voulu avec beaucoup de sagesse imposer une pénitence publique à
celui qui avait commis publiquement quelque faute, afin que les
autres, frappés d’une salutaire terreur, fussent désormais plus
attentifs à éviter le péché. Cette loi s’étendait même quelquefois
aux crimes secrets, lorsqu’ils étaient très graves. Mais pour les
fautes publiques, c’était un usage constant et invariable de ne
point absoudre ceux qui en étaient coupables, avant qu’ils n’eussent
subi et achevé leur pénitence publique. Pendant ce temps, les
Pasteurs priaient Dieu pour leur salut, et ils ne cessaient
d’exhorter les pénitents à faire de même. C’est en cela que l’on vit
briller surtout le zèle et la sollicitude de Saint Ambroise. Ses
larmes, dit-on, attendrissaient tellement certains pécheurs qui
venaient lui demander l’Absolution avec un cœur endurci, qu’il leur
inspirait la douleur d’une véritable Contrition. Mais dans la suite,
il y eut tant de relâchement dans la sévérité de l’ancienne
discipline, et la Charité se trouva si refroidie que la plupart des
fidèles ne regardent plus la douleur intérieure de l’âme et les
gémissements du cœur comme nécessaires pour obtenir le pardon de
leurs péchés, et qu’ils croient suffisant de montrer les dehors et
les apparences du repentir.
Les peines
satisfactoires qui nous sont imposées ont encore cet avantage de
nous faire retracer l’image et la ressemblance de Jésus-Christ notre
Chef, qui Lui-même a été éprouvé, et a subi toutes sortes de
souffrances. « On ne peut rien voir de plus difforme, dit Saint
Bernard, qu’un membre délicat sous un chef couronné d’épines. »
D’ailleurs au témoignage de l’Apôtre, « nous ne sommes les
cohéritiers du Sauveur, qu’autant que nous souffrons avec Lui ;
et comme il est écrit dans un autre endroit: Si nous mourons avec
Lui, nous vivrons aussi avec Lui ; si nous souffrons avec Lui, nous
régnerons aussi avec Lui. »
Saint Bernard établit
encore que l’on trouve deux choses dans le péché: une tache pour
l’âme, et une plaie ; qu’à la vérité la miséricorde de Dieu enlève
la tache, mais que pour guérir la plaie du péché, il faut
nécessairement ce traitement que l’on emploie comme remède dans la
Pénitence. Lorsqu’une blessure est guérie, il demeure encore des
cicatrices, qui elles-mêmes ont besoin de guérison
ainsi l’âme, après la
remise de sa faute, conserve encore quelques restes de ses péchés,
dont elle a besoin de se purifier. C’est ce que dit très bien Saint
Jean Chrysostome en ces termes: « Ce n’est pas assez d’arracher
la flèche du corps ; il faut de plus guérir la blessure qui a été
faite par la flèche. » De même, après avoir reçu le pardon de
ses péchés, il faut encore traiter par la Pénitence la plaie qui
reste dans l’âme. Saint Augustin ne cesse de nous représenter qu’il
y a deux choses à considérer dans le sacrement de Pénitence: la
miséricorde de Dieu et sa justice ; la miséricorde qui remet les
péchés et les peines éternelles qui leur sont dues, la justice qui
inflige à l’homme des peines limitées par le temps.
Enfin lés Satisfactions
du Sacrement de Pénitence nous font éviter les châtiments de Dieu et
les supplices qui nous étaient réservés. Ainsi l’enseigne l’Apôtre:
: « Si nous nous jugions nous-mêmes, dit-il, nous ne serions
certainement point jugés ; mais lorsque nous sommes jugés, c’est le
Seigneur qui nous châtie, afin que nous ne soyons pas condamnés avec
le monde. »
Si les Pasteurs
expliquent avec soin ces vérités, il est presque impossible que les
Fidèles n’embrassent pas avec ardeur les œuvres de la
Pénitence. Mais ce qui démontre parfaitement l’efficacité de cette
Pénitence, c’est qu’elle tire toute sa vertu des mérites de la
Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ces mérites communiquent à
nos bonnes œuvres en général deux immenses avantages: l’un
est de nous faire mériter les récompenses et la gloire éternelle, au
point qu’un verre d’eau froide, donné au nom du Sauveur, ne sera pas
perdu ; et l’autre de satisfaire à Dieu pour nos péchés.
Et n’allons pas croire
que nos satisfactions diminuent celle de Notre-Seigneur, si
abondante et si parfaite. Au contraire elles ne servent qu’à la
rendre plus éclatante et plus glorieuse encore, s’il est possible.
En effet la grâce de Jésus-Christ paraît d’autant plus abondante
qu’elle nous fait participer non seulement à ce qu’Il a mérité et
payé Lui-même, mais encore aux mérites et au prix qu’Il a
communiqués aux Justes et au Saints, comme un Chef à ses membres. Et
voilà évidemment ce qui donne tant de valeur et d’importance aux
bonnes œuvres des vrais Chrétiens ! Comme la tête communique
la vie aux membres, comme la vigne fait passer la sève dans toutes
ses branches, ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ ne cesse de répandre
sa Grâce sur ceux qui Lui sont unis par la Charité. Et cette grâce
précède, accompagne et suit toujours nos œuvres. Sans elle nous ne
pouvons ni mériter, ni satisfaire en aucune façon à la justice de
Dieu. Ainsi rien ne manque aux justes: par les œuvres qu’ils
opèrent avec le secours divin, ils peuvent d’un côté satisfaire à
Dieu et à sa Loi, autant que le comporte la fragilité humaine, et de
l’autre mériter la Vie Eternelle dont ils entreront en possession,
s’ils meurent en état de grâce. La parole de Notre-Seigneur
Jésus-Christ est formelle: « Celui qui boira l’eau que je lui
donnerai n’aura jamais soif ; et cette eau que je lui donnerai
deviendra en lui une fontaine qui jaillira pour la Vie Eternelle. »
Mais il y a deux choses
nécessaires dans la Satisfaction la première, que celui qui
satisfait soit juste et ami de Dieu. Les œuvres qui ne sont
pas faites dans la Foi et dans la Charité ne sauraient être
agréables à Dieu ; la seconde, que les œuvres que l’on
accomplit soient de nature à causer de la douleur et de la peine.
Puisqu’elles sont une véritable compensation des péchés passés et,
comme parle le martyr Saint Cyprien « la rançon des péchés »,
il est de toute nécessité qu’elles présentent quelque chose de
difficile et de pénible — bien qu’il n’arrive pas toujours à ceux
qui s’exercent à ces œuvres de mortification d’éprouver le
sentiment de la douleur. Souvent l’habitude de souffrir, ou une
Charité ardente empêchent de sentir les choses les plus dures à
supporter par elles-mêmes. Cependant ces sortes d’actions ne
laissent pas de posséder la vertu de satisfaire. C’est même le
propre des enfants de Dieu d’être tellement enflammés des sentiments
de l’amour et de la piété, qu’au milieu des plus cruelles
souffrances, ils ne ressentent aucune douleur ou du moins qu’ils
supportent tout avec un cœur plein de joie.
§ IV.
— DIVERSES eSPÈCES D’œuvres SATISFACTOIRES.
Les Pasteurs
enseigneront que tous les genres de Satisfactions peuvent se ramener
à trois sortes d’œuvres: la Prière, le Jeûne et l’Aumône, lesquels
répondent parfaitement aux trois sortes de biens que nous avons
reçus de Dieu, les biens de l’âme, les biens du corps et ceux que
l’on appelle les avantages extérieurs. Rien n’est plus propre ni
plus efficace que ces trois sortes d’œuvres pour extirper les
racines de tous les péchés. Puisque, selon l’Apôtre Saint Jean, « Tout
ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, ou
concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie », il n’est
personne qui ne voie qu’à ces trois sources de maladies, on a eu
bien raison d’opposer trois excellents remèdes, à la première le
Jeûne, à la seconde l’Aumône, et à la troisième la Prière. D’autre
part, si nous considérons ceux que nos péchés offensent, il nous
sera facile de comprendre pourquoi toute satisfaction se rapporte à
ces trois choses. En effet le péché offense Dieu, le prochain et
nous-mêmes ; or par la Prière nous apaisons Dieu, par l’Aumône nous
donnons satisfaction au prochain, et par le Jeûne nous nous
mortifions nous-mêmes.
Mais comme une foule de
peines et de calamités diverses nous accablent tant que nous sommes
dans cette vie, il faut bien apprendre aux Fidèles que ceux qui
supportent avec patience tout ce que Dieu leur envoie de pénible et
d’affligeant trouvent précisément là une source abondante de
satisfaction et de mérites ; tandis que ceux qui n’endurent ces
sortes d’épreuves qu’avec répugnance et malgré eux se privent de
tous les avantages des œuvres satisfactoires, et ne font que
subir la punition et le juste châtiment de Dieu qui se venge de
leurs péchés.
Mais ce qui doit nous
faire exalter, par les louanges et les actions de grâces les plus
vives, l’infinie bonté et la miséricorde de Dieu, c’est qu’Il a bien
voulu nous accorder à nous si faibles et si misérables de pouvoir
satisfaire les uns pour les autres. C’est là en effet une propriété
spéciale qui n’appartient qu’à la Satisfaction. S’il s’agit de la
Contrition et de la Confession, personne ne peut ni se repentir, ni
se confesser pour un autre ; mais ceux qui possèdent la Grâce divine
peuvent au nom d’un autre payer à Dieu ce qui Lui est dû: C’est
ainsi que nous portons en quelque sorte le fardeau les uns des
autres. Et personne parmi nous ne saurait douter de cette
vérité, puisque nous confessons dans le Symbole des Apôtres la
communion des Saints. Dès lors que nous renaissons tous à
Jésus-Christ, purifiés par le même Baptême, que nous participons
tous aux mêmes Sacrements, et surtout que nous avons pour aliment et
pour breuvage réparateurs le même Corps et le même Sang de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, il est aussi certain qu’évident que
nous sommes tous les membres d’un seul et même corps. Et si le pied,
par exemple, ne remplit pas ses fonctions uniquement pour lui, mais
encore au profit des yeux, et si les yeux ne voient pas pour eux
seuls, mais aussi pour l’avantage commun de tous les membres, les
œuvres satisfactoires peuvent être également communes entre nous
tous.
Cependant ceci, pour
être vrai, ne doit pas s’entendre sans restriction, si nous
envisageons en général tous les avantages que la satisfaction nous
procure. Car les œuvres satisfactoires sont aussi comme un
traitement et un remède prescrits au pénitent pour guérir les
affections déréglées de son âme. Mais il est évident que cet effet
particulier ne peut s’appliquer à ceux qui ne satisfont point par
eux-mêmes.
Voilà donc ce que les
Pasteurs auront à exposer d’une manière claire et détaillée sur les
trois parties du sacrement de Pénitence: La Contrition, la
Confession et la Satisfaction. toutefois il est une chose que les
Confesseurs doivent observer avec le plus grand soin, c’est après
avoir entendu l’aveu des fautes du pénitent, et avant de l’absoudre,
de l’obliger à la réparation suffisante des torts qu’il a pu faire
au prochain, dans ses biens ou dans sa réputation, si ces torts
semblent assez grands pour l’exposer à la damnation éternelle. nul
ne doit être absous, s’il ne promet de restituer à chacun ce qui lui
appartient. Et comme il s’en trouve plusieurs qui s’engagent par
beaucoup de paroles à s’acquitter de ce devoir, mais n’en sont pas
moins décidés et résolus à ne point tenir leurs promesses, il faut
absolument les obliger à restituer, et leur rappeler souvent ces
mots de l’Apôtre: « que celui qui dérobait, ne dérobe plus, mais
qu’il s’occupe plutôt à travailler de ses mains à quelque ouvrage
bon et utile, afin qu’il ait de quoi donner à ceux qui sont dans le
besoin. »
Quant aux pénitences à
imposer aux pécheurs, les confesseurs ne les prescriront point d’une
manière arbitraire ; ils suivront en cela les règles de la justice,
de la prudence et de la piété. Et pour montrer aux pénitents qu’ils
mesurent leurs fautes d’après ces règles, comme aussi pour leur en
faire sentir davantage la gravité, il sera bon qu’ils leur
rappellent de temps en temps les peines que les anciens Canons
Pénitentiaux avaient fixées pour certains péchés. En un mot la
nature de la faute doit être la mesure générale de la Satisfaction.
Mais de toutes les
œuvres satisfactoires que l’on peut imposer aux pénitents, la
plus convenable, c’est qu’ils s’appliquent à la Prière à certains
jours et pendant un certain temps, et qu’ils prient pour tout le
monde, et surtout pour ceux qui sont morts dans le Seigneur.
Il faut aussi les
exhorter à reprendre quelquefois et à recommencer d’eux-mêmes les
œuvres de satisfaction prescrites par le Confesseur, et à acquérir
des dispositions telles qu’après avoir accompli tout ce qui se
rapporte au Sacrement de Pénitence, ils n’abandonnent jamais les
pratiques de la vertu de Pénitence.
Si quelquefois pour un
crime public on se voit dans l’obligation d’infliger une pénitence
publique, et que le pénitent la repousse et supplie d’en être
exempté, on ne devra point l’écouter trop facilement ; au contraire,
il faudra lui persuader de se soumettre volontiers et avec
empressement à une peine qui doit être salutaire et à lui et aux
autres.
En enseignant ces
choses sur le sacrement de Pénitence, et sur chacune de ses parties,
le Pasteur aura pour but non seulement de les faire connaître
exactement, mais encore d’amener les Fidèles à les mettre e pratique
avec un véritable esprit de religion et de piété.
|