JE CROIS LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR
§ I. — PREUVE DE LA RÉSURRECTION.
La preuve manifeste de
la force et de la valeur de cet article pour confirmer la vérité de
notre Foi, c’est que nos Saintes Ecritures ne se contentent pas de
le proposer à la croyance des Fidèles, mais ont soin de l’appuyer
sur plusieurs raisonnements. Ce qu’elles ne font presque jamais par
rapport aux autres articles. D’où nous devons conclure que la
Résurrection de la chair est en quelque sorte le fondement le plus
solide de nos célestes espérances. Si les morts ne ressuscitent
point, dit très bien l’Apôtre Saint Paul, Jésus-Christ non
plus n’est point ressuscité ; par conséquent, notre prédication est
vaine, et notre Foi est vaine aussi. Le Pasteur devra donc
apporter autant de zèle à établir et à expliquer cette Vérité, que
tant d’impies en ont mis à essayer de la détruire. La connaissance
en sera très utile et très avantageuse aux Fidèles ; nous le ferons
voir tout à l’heure.
Remarquons d’abord que
la résurrection des hommes prend ici le nom de résurrection de la
chair. Et ce n’est pas sans raison. Les Apôtres ont voulu par là
confirmer cette vérité — qu’il faut nécessairement admettre —
l’immortalité de l’âme. Et comme ils pouvaient craindre qu’on ne
vînt à s’imaginer que cette âme périssait avec le corps, et
qu’ensuite elle était rappelée à la vie avec lui, — malgré les
nombreux passages de l’Ecriture qui attestent son immortalité — ils
n’ont à dessein parlé dans cet article que de la Résurrection de la
chair. Il est vrai que nous voyons plus d’une fois dans la Sainte
Ecriture le mot chair désigner l’homme tout entier, comme dans ce
texte d’Isaïe: toute chair est comme du foin ; et dans
celui-ci de Saint Jean: Le Verbe s’est fait chair. Mais ici
il ne désigne que le corps afin de bien nous montrer que des deux
parties qui composent l’homme, l’âme et le corps, le corps seule
ment est sujet à la corruption et retourne à la poussière d’où il a
été tiré, tandis que l’âme est absolument incorruptible. Dès lors,
comme personne ne peut ressusciter sans avoir auparavant passé par
la mort, il est impossible, à proprement parler, de dire que l’âme
ressuscite.
Une autre raison encore
a fait employer ici ce mot, chair: on voulait réfuter
l’hérésie d’Hyménée et de Philéte, deux hérétiques du temps de Saint
Paul, qui prétendaient que lorsque la Sainte Ecriture nous parle de
la résurrection, il ne s’agit point de la résurrection des corps,
mais de cette résurrection spirituelle qui nous fait passer de la
mort du péché à la Vie de la Grâce. Or les termes même du pré sent
article ont précisément pour effet de détruire cette hérésie, et
d’établir nettement la vérité de la Résurrection des corps.
Les Pasteurs auront
soin de faire ressortir cette vérité par des exemples tirés de
l’Ancien et du nouveau testament, ainsi que de l’histoire de l’Eglise.
Elie et Elisée dans l’Ancien testament, dans le nouveau, les
Apôtres, et beau coup d’autres personnages rappellent des morts à la
vie, sans compter ceux que Jésus-Christ a ressuscités Lui-même.
toutes ces résurrections confirment la doctrine enseignée dans cet
article. En effet si nous croyons qu’un bon nombre de morts ont été
rappelés à la vie, pourquoi ne pas croire également que tous le
seront un jour ? A vrai dire le premier fruit que nous devons
retirer de ces miracles est de croire plus fermement au dogme de la
Résurrection.
Cette vérité d’ailleurs
a pour elle dans l’Ecriture de nombreux témoignages, qui se
présenteront naturellement à l’esprit de ceux qui sont quelque peu
versés dans la connaissance des Livres Saints. Les plus remarquables
de l’Ancien testament sont, dans le livre de Job: Je verrai mon
Dieu dans ma chair , et dans les prophéties de Daniel: Ceux
qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la Vie
Eternelle, les autres pour l’Opprobre éternel . A son tour le
nouveau testament nous parle clairement de la Résurrection des corps
en plusieurs en droits, par exemple dans Saint Matthieu lorsqu’il
nous rapporte la dispute de Notre-Seigneur avec les Sadducéens . Et
dans Saint Jean quand il nous raconte le jugement dernier . A cela
il faut joindre ce que l’Apôtre écrivait aux Corinthiens et aux
Thessaloniciens, en traitant spécialement cette question , et bien
que la Résurrection soit absolument certaine par la Foi, cependant
il sera très avantageux de montrer par des exemples, et par le
raisonnement, que ce que l’Eglise nous propose à croire dans cet
article n’a rien de contraire à la nature, ni à la raison.
Saint Paul, répondant à
cette question: comment les morts ressusciteront-ils ? « Insensés
que vous êtes, dit-il, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne
prend pas de vie, s’il ne meurt auparavant ? et quand vous semez,
vous ne semez point le corps de la plante même qui doit naître, mais
la graine seulement, comme celle du blé ou d’autre chose semblable ;
et Dieu lui donne le corps qu’Il veut. Un peu après il ajoute: le
corps est semé dans la corruption, et il ressuscitera incorruptible.
A cette comparaison de
l’Apôtre, Saint Grégoire fait voir qu’on en peut joindre beaucoup
d’autres. Tous les jours, dit-il, la lumière disparaît à nos yeux,
comme si elle mourait, et tous les jours elle se montre de nouveau,
comme si elle ressuscitait. Les plantes perdent leur verdure, et la
reprennent ensuite, comme si elles revenaient d la vie ; les
semences meurent en pourrissant, et elles ressuscitent, en germant.
Les écrivains
ecclésiastiques apportent en outre un certain nombre de raisons très
propres, ce semble, à démontrer la Résurrection des corps.
La première est que nos
âmes, qui ne sont qu’une partie de nous-mêmes, sont immortelles, et
conservent toujours leur propension naturelle à s’unir à nos corps.
Dés lors il paraîtrait contraire à la nature qu’elles en fussent
séparées à jamais. Or ce qui est contraire à la nature, et dans un
état de violence, ne peut pas durer toujours. Par conséquent il est
de toute convenance que l’âme soit réunie à son corps, et par
conséquent aussi il faut que le corps ressuscite. C’est le
raisonnement dont voulut se servir notre Sauveur lui-même, dans sa
dispute contre les Sadducéens, lorsque de l’immortalité des âmes, il
conclut à la Résurrection des corps.
Une seconde raison se
tire de la Justice infinie de Dieu, qui a établi des châtiments pour
les méchants et des récompenses pour les bons. Mais combien quittent
cette vie, les uns avant d’avoir subi les peines dues à leurs
péchés, les autres sans avoir revu en aucune manière les récompenses
méritées par leurs vertus ? Il est donc de toute nécessité que les
âmes soient de nouveau unies à leurs corps, afin que ces corps qui
ont servi d’instruments pour le bien comme pour le mal, partagent
avec les âmes les récompenses et les punitions méritées: C’est la
pensée que Saint Jean Chrysostome a développée avec le plus grand
soin dans une homélie au peuple d’Antioche. De son côté, l’Apôtre
Saint Paul traitant le même sujet, avait dit: Si c’est pour
cette vie seulement que nous espérons en Jésus Christ, nous sommes
les plus misérables des hommes. Paroles qui ne doivent point
s’entendre des misères de l’âme, car l’âme est immortelle, et quand
même les corps ne ressusciteraient pas, elle pourrait cependant
posséder le bonheur dans la Vie future. Il faut donc les rapporter,
ces paroles, à l’homme tout entier. Si en effet le corps ne doit pas
recevoir sa récompense pour les peines qu’il en dure, il est
impossible d’échapper à cette conclusion que ceux qui souffrent dans
cette vie toutes sortes d’afflictions et de maux, comme les Apôtres,
sont, à coup sûr, let plus malheureux de tous les hommes.
Le même Saint Paul
enseigne cette vérité aux Thessaloniciens, et en termes beaucoup
plus clairs encore: nous nous glorifions en vous, dans toutes les
Eglises, à cause de votre patience et de votre Foi, au milieu même
de toutes les persécutions et de toutes les tribulations qui vous
arrivent. Elles sont des marques du juste jugement de Dieu, et elles
servent à vous rendre dignes de son Royaume pour lequel aussi vous
souffrez. Car il est juste devant Dieu qu’il afflige à leur tour
tous ceux qui vous affligent maintenant, et que vous, qui êtes dans
l’affliction, Il vous fasse jouir du repos avec nous, lorsque le
Seigneur Jésus descendra du ciel avec les Anges, ministres de sa
puissance, lorsqu’Il viendra au milieu des flammes pour tirer
vengeance de ceux qui ne connaissent point Dieu, et qui n’obéissent
point à l’Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Ajoutez à cela qu’il
n’est pas possible à l’homme, tant que l’âme est séparée du corps,
de posséder une félicité entière, et au comble de tous les biens. Si
la partie, séparée du tout, est nécessairement imparfaite, l’âme
séparée du corps est dans le même cas. D’où il suit que la
Résurrection du corps est nécessaire, pour que rien ne manque à la
félicité de l’âme. Avec ces raisons et d’autres du même genre, le
Pasteur pourra donner sur ce point aux Fidèles des lumières
suffisantes.
Mais il faudra de plus
qu’il leur explique soigneusement, selon la doctrine de l’Apôtre,
qui sont ceux qui doivent ressusciter . De même que tous meurent
en Adam, dit-il aux Corinthiens, de même tous seront vivifiés en
Jésus Christ. tous ressusciteront donc, sans distinction de bons
et de mauvais, mais ils n’auront pas tous le même sort . Ceux qui
auront fait le bien ressusciteront pour la Vie Eternelle, et ceux
qui auront fait le mal ressusciteront pour leur condamnation.
Et quand nous disons
tous, nous entendons, et ceux qui seront morts avant le Jugement
dernier, et ceux qui mourront alors. L’opinion qui affirme que tous
les hommes mourront, sans en excepter un seul, est celle de l’Eglise,
et la plus conforme à la vérité, au dire de Saint Jérôme. Saint
Augustin est du même avis . Et ce sentiment n’est point en
opposition avec ces paroles de l’Apôtre aux Thessaloniciens:
Ceux qui sont morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers.
Puis nous qui sommes vivants, et qui seront demeurés en vie jusqu’à
ce moment, nous serons enlevés avec eux sur les nuées, pour aller au
devant de Jésus-Christ dans les airs. Saint Ambroise pour
expliquer ce passage, ajoute: La mort nous saisira comme un
sommeil dans cet enlèvement même. A peine l’âme sera-t elle sortie
du corps qu’elle y rentrera. nous mourrons pendant le temps même que
nous serons enlevés, afin qu’en arrivant devant le Seigneur sa
Présence nous rende nos âmes, parce que les morts ne peuvent pas
être avec le Seigneur. Cette opinion a pour elle aussi le
témoignage et l’autorité de Saint Augustin, dans son livre « de la
cité de Dieu. »
§ II. — ÉTAT DES CORPS RESSUSCITÉS.
Une autre chose très
importante à connaître, et que les Pasteurs devront expliquer avec
tout le soin possible, c’est que chacun de nous ressuscitera avec
son propre corps, c’est-à-dire avec le même corps que nous avons sur
la terre, et qui aura été corrompu dans le tombeau et réduit en
poussière. Ainsi l’enseigne l’Apôtre. Il faut, dit-il,
que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité. Car le mot,
ce corps, désigne nettement le corps que nous avons
maintenant. Job a prédit aussi le même miracle, et sans la moindre
obscurité. Je verrai Dieu dans ma chair, dit il, je le verrai
moi-même, je Le contemplerai de mes propres yeux, moi et non un
autre.
La même conclusion se
déduit de la définition même de la Résurrection. Qu’est-ce en effet,
selon Saint Jean Damas cène, que la Résurrection, sinon le retour à
l’état d’où l’on était déchu ? — enfin si nous voulons considérer
les raisons que nous avons établies plus haut de la nécessité de la
Résurrection, aucun doute sur ce point ne sera plus possible. nous
devons tous ressusciter, avons-nous dit, afin que nos corps
reçoivent, suivant ce qu’ils auront fait, le bien ou le mal. Donc
il faut que l’homme ressuscite avec ce même corps qu’il aura employé
au service de Dieu, ou au service du démon, afin que dans ce même
corps égale ment, il obtienne la couronne et la récompense de son
triomphe, ou bien qu’il ait le malheur de supporter les peines et
les châtiments qu’il aura mérités.
Et non seulement notre
propre corps ressuscitera, mais tout ce qui appartient à l’intégrité
de sa nature, à l’orne ment et à la beauté de l’homme lui sera
restitué. nous avons dans Saint Augustin un excellent témoignage en
faveur de cette Vérité. Alors, dit-il, il ne restera rien
de défectueux dans le corps. Ceux qui auront trop d’embonpoint et
d’obésité, ne reprendront point toute celte masse de chair: tout ce
qui dépassera une juste proportion sera réputé superflu. Au
contraire, tout ce que la maladie ou la vieillesse aura détruit dans
le corps, sera réparé par la Vertu divine de Jésus-Christ. Il en
sera de même des corps naturellement maigres et décharnés ; non
seulement le Seigneur les ressuscitera, mais il leur rendra tout ce
que les maux de la vie leur avaient ôté. Dans un autre endroit
le même Saint Augustin dit encore: L’homme ne renaîtra pas alors
avec tous ses cheveux, mais avec tous ceux que la convenance
demandera, selon ce que nous lisons dans l’Evangile, que tous
les cheveux de notre tête sont comptés, c’est-à-dire tous les
cheveux que la Sagesse Divine jugera à propos de nous rendre.
Nos membres surtout
seront rétablis et remis tous en place, parce qu’ils sont tous
nécessaires à l’intégrité du corps humain. Ainsi les aveugles de
naissance, ou ceux qui le seront devenus par accident, les boiteux,
les manchots, les infirmes de toute sorte, tous ressusciteront avec
un corps parfait et complet. Autrement, l’âme qui a un si grand
désir de s’unir au corps, n’aurait pas la satisfaction qu’elle
réclame. Et cependant nous croyons fermement qu’à la Résurrection
tous ses désirs seront satisfaits et remplis.
De plus n’est-il pas
certain que la Résurrection est, avec la Création, l’un des
principaux ouvrages de Dieu ? Si donc au commencement tout fut créé
dans un état parfait, il faut bien reconnaître qu’il en sera de même
dans la Résurrection.
Et cela n’est pas
seulement vrai des Martyrs, dont Saint Augustin a dit expressément:
Ils ne resteront pas sans leurs membres. Cette mutilation ne
pourrait être dans leurs corps qu’un défaut choquant. Et ceux qui
auraient eu la tête tranchée devraient ressusciter sans tête. Ils
porteront encore, il est vrai, dans leurs membres, les traces du
glaive ; mais ces cicatrices glorieuses, comme celles de
Jésus-Christ, brilleront avec plus d’éclat que l’or et les pierres
précieuses. — Les méchants aussi ressusciteront avec tous leurs
membres, même avec ceux qu’ils auraient perdus volontairement. Plus
en effet ils auront de membres, plus leurs souffrances seront
multipliées. Ce ne sera pas pour leur avantage qu’ils seront
rétablis dans leur premier état, mais pour leur malheur et leur
châtiment. Le mérite de nos actes n’appartient pas à nos membres,
mais à la personne qui possède ces membres. Par conséquent, ceux qui
auront fait pénitence recouvreront tous leurs membres pour que leur
récompense en soit augmentée, et ceux qui auront méprisé la
pénitence, pour l’augmentation de leur supplice. — Si les Pasteurs
savent méditer cette doctrine avec attention, ils ne manqueront ni
de motifs, ni de paroles pour exciter les Fidèles à la piété, et les
enflammer d’amour envers Dieu. Ainsi, en présence des peines et des
misères de la vie, ils tourneront leurs regards et leurs espérances
vers cette Résurrection si heureuse et si glorieuse qui est promise
aux Justes et aux Saints.
§ III. — QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITÉS.
S’il est vrai que les
corps qui ressusciteront doivent être, quant à la substance, les
mêmes que la mort aura détruits, cependant il faut que les Fidèles
sachent bien que leur condition sera notablement changée. En effet,
sans parler ici de tout le reste, la différence capitale entre leur
premier et leur deuxième état, c’est que nos corps qui étaient
auparavant sujets à la mort, deviendront immortels, dés qu’ils
auront été rappelés à la vie, sans distinction de bons et de
méchants. Admirable restauration de notre nature dont nous sommes
redevables à la victoire que notre Seigneur Jésus-Christ a remportée
sur la mort. La Sainte Ecriture est formelle sur ce point: Il
anéantira la mort à jamais, dit Isaïe en parlant de Jésus-Christ
. Osée Lui fait dire: Ô mort, Je serai ta mort. Saint Paul,
expliquant cette parole, ne craint pas d’affirmer qu’après tous
les autres ennemis, la mort même sera détruite.
Nous lisons dans Saint
Jean: Il n’y aura plus de mort. Il était en effet de suprême
convenance que les mérites de Jésus-Christ, qui ont détruit l’empire
de la mort, fussent infiniment plus efficaces et plus puissants que
le péché d’Adam . — enfin la Justice Divine demandait que les bons
fussent pour toujours en possession de la Vie. bienheureuse, tandis
que les méchants, souffriraient leurs éternels tourments,
chercheraient la mort sans la trouver, et la désireraient sans
pouvoir l’obtenir .
L’immortalité sera donc
commune aux bons et aux méchants.
De plus les corps des
Saints, après la Résurrection, posséderont certaines prérogatives,
certaines qualités très brillantes qui les rendront bien plus
excellents qu’ils n’étaient auparavant. nos Pères en comptent quatre
principales conformément à la doctrine de l’Apôtre .
La première est l’impassibilité,
c’est-à-dire ce don précieux qui les préservera de toute espèce de
mal, de douleur, en un mot de toute chose fâcheuse. La rigueur du
froid, l’ardeur de la flamme, la violence des eaux, rien ne pourra
leur nuire. Le corps est semé corruptible, dit l’Apôtre,
il se relèvera incorruptible. Si les théologiens ont employé ce
mot d’impassibilité plutôt que celui d’incorruptibilité,
c’est qu’ils voulaient n’exprimer par là que ce qui convient aux
corps glorieux. Les damnés en effet ne partageront point avec les
Saints l’impassibilité. Au contraire leurs corps, malgré leur
incorruptibilité pourront souffrir du chaud, du froid, et de mille
autres tourments.
La seconde est la
clarté qui rendra les corps des Saints aussi brillants que le
soleil. Notre-Seigneur l’affirme nettement dans Saint Matthieu:
Les justes brilleront comme le soleil dans le Royaume de mon Père.
Et pour enlever tout doute sur ce point, il opère devant ses Apôtres
le miracle de la transfiguration . Saint Paul, pour exprimer cette
qualité, se sert tantôt du mot de clarté, tantôt du mot de gloire. Jésus-Christ,
dit-il, reformera notre corps vil et abject, en te rendant
semblable à son Corps glorieux. Et dans un autre endroit: le
corps est semé dans l’ignominie, il ressuscitera glorieux. Les
Israélites, dans le désert , virent une image de cette gloire sur le
front de Moise, lorsque sortant de l’entretien qu’il avait eu face à
face avec Dieu, il parut devant eux avec un visage si lumineux, que
leurs yeux ne pouvaient en soutenir l’éclat.
Or cette clarté n’est
qu’un rayon de la souveraine félicité de l’âme rejaillissant sur le
corps tout entier, et le corps sera heureux du bonheur de l’âme,
comme l’âme n’est heureuse que parce qu’elle participe à la félicité
même de Dieu. Mais il ne faut pas croire que ce don de clarté sera
également distribué à tous, comme le don de l’impassibilité. Les
corps des Saints seront tous impassibles de la même manière, mais
ils n’auront pas tous le même degré de clarté. Car, dit Saint
Paul , autre est l’éclat du Soleil, autre celui de la lune, autre
celui des étoiles. Et de même qu’une étoile diffère d’une autre en
clarté, ainsi en sera-t-il de la Résurrection des morts.
La troisième qualité
des corps des Saints sera l’agilité. Elle délivrera le corps du
poids qui l’accable dans la vie présente. Ainsi ce corps pourra se
porter partout où il plaira à l’âme avec une facilité et une vitesse
incomparables. C’est l’enseignement formel de Saint Augustin dans
son ouvrage de la Cité de Dieu, et de Saint Jérôme dans son
commentaire sur Isaïe -. C’est pourquoi l’Apôtre a dit: Le corps
est semé dans l’infirmité, mais il ressuscitera dans la puissance.
La quatrième est la
subtilité. Elle rendra le corps entièrement soumis à l’empire de
l’âme ; il sera son serviteur, toujours prêt à lui obéir au moindre
signe. C’est l’affirmation très nette de l’Apôtre Saint Paul: ce
qui est semé en terre, dit-il, est un corps animal, et ce qui
ressuscitera sera un corps spirituel. tels sont à peu près les
points principaux qu’il faudra mettre en lumière, en expliquant cet
article.
§ IV. — FRUITS A TIRER DE CET ARTICLE.
Afin que les Fidèles
soient en état de bien apprécier tous les fruits qu’ils peuvent
retirer de la connaissance de tant et de si grands Mystères, il y
aura lieu d’abord de leur déclarer qu’ils doivent toute leur
reconnaissance à Dieu qui a daigné révéler ces choses aux petits,
pendant qu’Il les a cachées aux sages . Combien en effet
d’hommes éminents par leur sagesse, et distingués par leur science,
qui n’ont été que de pauvres aveugles vis-à -vis d’une Vérité si
incontestable ? Si donc le Seigneur nous a découvert ces secrets,
auxquels nous n’avons pas même le droit d’aspirer, quel motif pour
nous d’exalter, par des louanges continuelles, sa Bonté et sa
Clémence infinies !
En second lieu, voici
un autre avantage très appréciable que nous retirerons de la
méditation de cet article, c’est que, à la mort de ceux qui nous
sont unis par les liens du sang ou de l’amitié, il nous sera plus
facile de consoler les autres, et de nous consoler nous-mêmes.
L’Apôtre Saint Paul ne manqua pas de se servir de ce moyen,
lorsqu’il écrivit aux Thessaloniciens sur les morts qu’ils
pleuraient .
Troisièmement, la
pensée de la Résurrection nous apportera également la meilleure
consolation dans toutes les peines et les misères de la vie. C’est
l’exemple que nous a laissé le saint homme Job, qui ne se consolait
de ses afflictions et de ses malheurs, que par l’espérance de voir
le Seigneur son Dieu, au jour de la Résurrection .
Enfin il n’y a
peut-être pas de vérité plus capable de porter les fidèles à faire
tous les efforts possibles pour mener une vie sainte, et pure de
tout péché. En effet, s’ils pensent sérieusement à ces richesses
incalculables qui doivent suivre la Résurrection, et qui les
attendent, ils n’auront pas de peine à s’adonner avec ardeur à la
pratique de la vertu et de la piété. — et au contraire, rien ne peut
être plus efficace pour réprimer les mauvaises passions, et pour
détourner l’homme du mal, que de lui rap peler fréquemment les
châtiments et les supplices qui frapperont les méchants, lorsque, au
dernier jour, ils ressusciteront pour être condamnés. |