JE CROIS LA SAINTE ÉGLISE CATHOLIQUE, LA COMMUNION DES SAINTS
Pour comprendre
immédiatement avec quel soin, avec quelle attention les pasteurs
devront travailler à bien expliquer aux fidèles ce neuvième article
du Symbole, deux considérations sont nécessaires et suffisantes. La
première, c’est que, suivant la remarque de Saint Augustin, les
prophètes ont parlé plus clairement et plus longuement de l’Église
que de Jésus Christ, car ils prévoyaient qu’il y aurait beaucoup
plus d’erreurs volontaires et involontaires, sur ce point que sur le
mystère de l’Incarnation. En effet, il ne devait point manquer
d’impies pour prétendre, à l’imitation du singe qui veut faire
croire qu’il est homme, pour prétendre avec autant d’orgueil que de
méchanceté qu’eux seuls sont catholiques, que l’Église Catholique
est parmi eux, et seulement parmi eux. -- La seconde considération,
c’est que celui qui aura gravé profondément dans son cœur la foi à
la vérité de l’Église, n’aura pas de peine à éviter le terrible
danger de l’hérésie. On n’est pas hérétique par le fait seul qu’on
pèche contre la Foi, mais parce qu’on méprise l’autorité de
l’Église, et qu’on s’attache avec opiniâtreté à des opinions
mauvaises. Si donc il est impossible qu’un Chrétien soit atteint de
cette horrible peste de l’hérésie, tant qu’il continue à croire ce
que cet article propose à sa Foi, les Pasteurs doivent redoubler
d’efforts pour instruire les Fidèles de ce mystère, les prémunir par
là même contre les artifices de l’ennemi, et les aider à persévérer
dans la Foi. Au reste cet article dépend du précédent. Après avoir
montré que toute sainteté vient de l’Esprit Saint comme de sa source
et de son Auteur, nous reconnaissons maintenant, par voie de
conclusion, que la sainteté qui est dans l’Église ne peut sortir que
de Lui.
§ I — CE QUE C’EST QUE L’Église
Le mot Église vient du
grec. les Latins l’ont emprunté à cette langue, et après la
publication de l’Evangile, ils l’ont consacré exclusivement aux
choses saintes. Voyons quel en est le sens. Il signifie proprement
convocation. Mais avec le temps les auteurs l’ont emprunté souvent
pour désigner une assemblée, une réunion d’hommes, sans examiner si
ces hommes admiraient le vrai Dieu, ou les fausses divinités. nous
lisons au livre des actes que le greffier de la ville d’Ephèse,
après avoir apaisé le peuple, lui dit: Si vous avez quelque
autre affaire à proposer, nous pourrons la traiter dans une
assemblée légitime. Ainsi l’assemblée du peuple d’Ephèse est
appelée légitime, bien que ce peuple fût adonné au culte de Diane.
Et non seulement ce nom d’Église est donné aux nations qui ne
connaissent pas Dieu, mais quelquefois même il est appliqué aux
assemblées des méchants et des impies. Je hais l’Église des
méchants, dit le prophète, et je ne m’assiérai point avec
les impies. Mais dans la suite, l’usage ordinaire de la Sainte
Ecriture fut de consacrer ce mot à désigner uniquement la société
chrétienne et les assemblées des fidèles, c’est à dire de ceux qui
ont été appelés par la foi, à la lumière de la vérité et à la
connaissance de Dieu, qui ont dissipé les ténèbres de l’ignorance et
de l’erreur, qui adorent avec piété et sainteté, le Dieu Vivant et
Véritable, et qui le servent de tout leur cœur. Enfin, pour tout
dire en un mot, l’Église, selon S Augustin , c’est le peuple fidèle
répandu dans tout l’univers. Mais ce mot de l’Église renferme de
véritables mystères, et des mystères très importants. En effet, si
nous l’entendons dans le sens de convocation, nous voyons aussitôt
briller à nos yeux la douceur et la lumière de la Grâce divine, et
nous sentons combien l’Église diffère de toutes les autres sociétés.
Celles-ci ne se soutiennent que par la raison et la prudence
humaines ; celle là repose sur la Sagesse et le Conseil de Dieu
même. Car Dieu nous a appelés intérieurement par l’inspiration de
son Saint Esprit, qui ouvre les cœurs, et extérieurement par les
soins et le ministère des Pasteurs et des prédicateurs. Et nous
voyons bientôt que la fin de cette vocation, c’est la connaissance
et la possession des choses éternelles, si seulement nous remarquons
qu’autrefois le peuple fidèle, sous la loi de Moïse, se nommait
synagogue, c’est-à-dire troupeau. Car, dit Saint Augustin, ce nom
lui avait été donné parce que, comme les animaux qui cherchent à se
grouper pour vivre, il n’avait en vue que des biens terrestres et
périssables. Au contraire, le peuple chrétien s’appelle non pas
synagogue, mais assemblée, ou convocation, parce qu’il méprise les
choses terrestres et périssables, pour ne s’attacher qu’aux biens
célestes, et qui ne passent pas.
Il est encore d’autres
noms mystérieux qui servent à désigner la Société des Chrétiens.
Ainsi l’Apôtre Saint Paul l’appelle la Maison et l’Edifice de Dieu.
Je vous écris, dit-il à Timothée, afin que, si je viens à
tarder trop longtemps, vous sachiez comment vous devez vous conduire
dans la maison du Dieu Vivant, la colonne et le fondement de la
Vérité. L’Église est appelée ici maison parce qu’elle est comme
une famille, qui n’est gouvernée que par un seul, le Père de
famille, et dans laquelle tous les biens spirituels sont communs. On
lui donne encore le nom de troupeau des brebis de Jésus-Christ
qui en est le Pasteur et en même temps la porte de la
bergerie ; celui d’épouse de Jésus-Christ: Je vous ai
fiancés, dit l’Apôtre aux Corinthiens, à un Epoux unique,
Jésus-Christ, pour vous présenter à Lui comme une vierge pure.
Ecoutons-le dire aux Ephésiens: Maris, aimez vos épouses, comme
Jésus-Christ aime l’Église. Puis, en parlant du Mariage: Ce
Sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l’Église. Et
enfin celui de Corps de Jésus-Christ, comme on peut le voir
dans les Epîtres aux Ephésiens et aux Colossiens . Ces différents
noms sont très propres à exciter les Fidèles à se rendre dignes de
la Clémence et de la Bonté infinie de Dieu, qui les a choisis pour
en faire son peuple.
§ II. — DEUX PARTIES DE L’ÉGLISE, L’UNE
TRIOMPHANTE, L’AUTRE MILITANTE.
Après ces explications,
il sera nécessaire d’énumérer les diverses parties qui composent l’Église,
et de marquer les différences qui existent entre chacune d’elles.
Ainsi les Fidèles connaîtront mieux la nature, les propriétés, les
dons et les grâces de cette Église, si chère à Dieu, et ils ne
cesseront de louer son nom trois fois Saint.
Il y a dans l’Église
deux parties principales: l’une que l’on appelle triomphante, et
l’autre militante.
L’Église triomphante
est cette Société si brillante et si heureuse des esprits célestes,
et de tous ceux qui ont remporté la victoire sur le monde, la chair,
et le démon notre ennemi acharné, et qui maintenant délivrés sans re
tour des misères de la vie, jouissent de la Béatitude éternelle.
L’Église militante est
la Société de tous les Fidèles qui vivent encore sur la terre. On
l’appelle militante parce qu’elle est obligée de soutenir une guerre
incessante contre les ennemis les plus cruels, le inonde, la chair
et Satan.
Toutefois, il ne faut
pas pour cela croire qu’il y a deux Églises. non, l’Église est une,
mais elle est composée de deux parties. De ces deux parties, l’une a
précédé l’autre, et elle est déjà en possession de la céleste
Patrie. La deuxième marche chaque jour à la suite de la première,
jusqu’à ce que, enfin, elle se réunisse à notre Sauveur, et se
repose au sein de l’Eternelle Félicité.
L’Église militante
renferme deux sortes de personnes, les bons et les méchants. Les
méchants participent aux mêmes Sacrements et professent la même Foi
que les bons ; mais ils diffèrent d’eux par la conduite et les
mœurs. Les bons ne sont pas ceux qui sont unis seulement par la
profession de la même Foi et la participation aux mêmes Sacrements,
mais ceux qui sont attachés les uns aux autres par l’esprit de Grâce
et le lien de Charité. C’est d’eux qu’il est dit: Le Seigneur
connaît ceux qui sont à Lui. Les hommes peuvent bien aussi,
d’après certaines conjectures, présumer qui sont ceux qui doivent
être rangés parmi les bons, mais ils ne peuvent jamais l’affirmer
avec certitude. Aussi faut-il se garder de penser que Notre-Seigneur
Jésus Christ a voulu parler de cette portion de l’Église, lorsqu’il
nous renvoie à l’Église et nous ordonne de lui obéir. Puis qu’elle
est inconnue, comment savoir, sans crainte de se tromper, à quel
tribunal il faudra recourir, et à quelle autorité on devra se
soumettre ? L’Église comprend donc indistinctement les bons et les
méchants, comme la sainte Ecriture et les Pères nous l’enseignent,
et comme l’Apôtre le marquait en disant: Il n’y a qu’un corps et
qu’un esprit. Ainsi entendue, l’Église est connue de tout le mon
de. C’est la ville située sur la montagne, et que l’on aperçoit
de toutes parts. Elle ne doit être ignorée de personne, puisque
tous doivent lui obéir. Et ce qui prouve encore qu’elle comprend non
seulement les bons, mais même les méchants, c’est ce que l’Evangile
nous apprend par plusieurs paraboles, par exemple quand il nous dit
que le Royaume des cieux, c’est-à-dire l’Église militante, est
semblable à un filet jeté dans la mer, à un champ dans lequel on a
semé l’ivraie sur le bon grain, à une aire où l’on garde la paille
avec le froment, à dix vierges dont les unes sont folles, et les
autres prudentes. Et, longtemps auparavant, l’Arche de Noé où
étaient renfermées toutes les espèces d’animaux, purs ou impurs,
était déjà la figure et l’image de l’Église. Cependant quoique la
Foi catholique enseigne comme une vérité constante et hors de doute,
que les méchants aussi bien que les bons font partie de l’Église,
elle veut aussi que l’on montre aux Fidèles combien leur condition
est différente. Les méchants en effet ne sont dans l’Église que
comme la paille confondue dans l’aire avec le bon grain, ou comme
des membres morts sur un corps vivant.
§ III. — QUI SONT CEUX QUI N’APPARTIENNENT
PAS A L’ÉGLISE.
De ce que nous venons
de dire il résulte que trois sortes de personnes seulement sont
exclues de l’Église: premièrement les infidèles, ensuite les
hérétiques et les schismatiques, et enfin les excommuniés. — Les
infidèles, parce que jamais ils n’ont été dans son sein, qu’ils ne
l’ont point connue, et qu’ils n’ont participé à aucun Sacrement dans
la société des Chrétiens. — Les hérétiques et les schismatiques,
parce qu’ils l’ont abandonnée, et que dès lors ils ne peuvent pas
plus lui appartenir qu’un déserteur n’appartient à l’armée qu’il a
quittée. Cependant, on ne saurait nier qu’ils ne restent sous sa
puissance. Elle a le droit de les juger, de les punir, de les
frapper d’anathème. — enfin les excommuniés, parce qu’elle les a
chassés de son sein par sa Communion, tant qu’ils ne se
convertissent pas. Pour tous les autres, quelque méchants et quelque
criminels qu’ils soient, il n’est pas douteux qu’ils font encore
partie de l’Église. Et c’est une vérité qu’on ne saurait trop redire
aux Fidèles, afin que si par malheur la vie de leurs Chefs
spirituels devenait scandaleuse, ils sachent bien que même de tels
Pasteurs appartiendraient toujours à l’Église, et ne perdraient rien
de leur autorité.
Il est assez ordinaire
de donner le nom d’Église à de simples parties de l’Église
universelle. Ainsi l’Apôtre parle de l’Église de Corinthe, de la
Galatie, de Laodicée, de Thessalonique. Il appelle même Église des
familles particulières de Chrétiens. Ainsi il ordonne de saluer l’Église
domestique de Prisca et d’Aquila, et dans un autre endroit,
Aquila et Priscilla, dit-il, avec l’Église qui est dans
leur maison, vous saluent très affectueusement dans le Seigneur.
II s’exprime de la même manière en écrivant à Philémon.
Quelquefois le mot
d’Église ne désigne que les Prélats et les Pasteurs. S’il ne
vous écoute pas, dit Jésus Christ, dites-le à l’Église,
c’est-à-dire à ses Pasteurs. Enfin, le lieu où s’assemble le peuple
pour entendre la Parole de Dieu, ou pour accomplir quelque devoir
religieux, ce lieu même est appelé l’église: Mais dans cet article,
l’ensemble de tous les chrétiens bons et méchants, ceux qui doivent
obéir aussi bien que ceux qui commandent, tous sont également
compris sous le nom d’Église.
§ IV. — CARACTÈRES PROPRES DE L’ÉGLISE, UNITÉ.
Le moment est venu de
faire connaître aux Fidèles les propriétés et les caractères de
l’Église. Rien n’est plus propre à leur faire sentir quel immense
bienfait Dieu leur a accordé en les faisant naître et grandir dans
son sein.
Le premier caractère
que lui donne le Symbole, de Nicée, c’est l’Unité. Ma colombe
est unique, dit l’Epoux des Cantiques, elle seule est belle.
Or, lorsque nous disons qu’une si grande multitude d’hommes,
répandue en tant de lieux divers, est une, c’est parce que, comme le
dit l’Apôtre écrivant aux Ephésiens, Il n’y a qu’un Seigneur,
une Foi, un Baptême. En effet, l’Église n’a qu’un seul Chef, un
seul conducteur invisible, Notre-Seigneur Jésus-Christ, établi par
le Père Eternel, Chef (ou tête) de toute l’Église qui est son
corps ; et un seul Chef visible qui est le successeur légitime de
Saint Pierre sur le siège de Rome.
Tous les Pères sont
unanimes sur ce point que ce Chef (cette tête) visible de l’Église
était nécessaire pour établir et conserver son unité. Saint Jérôme
l’avait admirablement compris, et il le dit très bien contre
Jovinien, un seul est choisi, afin que le Chef une fois
constitué, il n’y ait plus de prétexte au schisme. Et dans sa
lettre au Pape Saint Damase: que l’envie, que l’ambition et la
grandeur romaine disparaissent I je parle au successeur d’un pécheur
et au disciple de la Croix. ne suivant d’autre premier Chef que
Jésus-Christ, je suis uni de communion à votre Sainteté,
c’est-à-dire à la Chaire de Saint Pierre. Je sais que l’Église a été
bâtie sur cette pierre. Quiconque mange l’Agneau hors de cette
Maison est un profane ; tous ceux qui ne seront pas dans l’Arche de
Noé au temps du déluge, périront dans les eaux.
Longtemps avant Saint
Jérôme, Saint Irénée avait parlé dans le même sens ; et Saint
Cyprien traitant à son tour de l’Unité de l’Église s’exprime ainsi:
Le Seigneur dit à Pierre: « Moi, je dis à toi que tu es Pierre,
et que sur cette pierre je bâtirai mon Église. » — Ainsi Il
bâtit son Église sur un seul. Et si, après sa Résurrection, Il
accorde un pouvoir égal à tous ses Apôtres ; s’Il leur dit: comme
mon Père M’a envoyé, Je vous envoie ; recevez le Saint-Esprit ;
cependant pour rendre l’unité plus frappante, il veut dans son
Autorité souveraine, que cette unité, dés son origine, ne découle
que d’un seul.
Optat de Milève dit à
Parménion: Vous ne pouvez vous excuser sous prétexte d’ignorance ;
car vous savez que la chaire épiscopale de Rome a été donnée d’abord
à Saint Pierre, qui l’a occupée comme Chef de tous les Apôtres.
C’est dans cette chaire unique que l’unité devait être conservée par
tous, de peur que chacun des Apôtres ne prétendit se rendre
indépendant dans la sienne. Dés lors celui-là est nécessairement
schismatique et prévaricateur, qui ose élever une autre chaire
contre celle-ci qui est unique.
Puis c’est Saint Basile
qui écrit: Pierre a été placé pour être le fondement. Il avait dit
à Jésus-Christ: vous êtes le Christ, Fils du Dieu Vivant: et à son
tour il lui fut dit qu’il était Pierre, quoiqu’il ne fût pas pierre
de la même manière que Jésus-Christ, qui est la figure immobile,
mais seulement par la Volonté de Jésus-Christ. Dieu communique aux
hommes ses propres dignités. Il est prêtre, et Il fait des prêtres,
Il est pierre, et Il donne la qualité de pierre, rendant ainsi ses
serviteurs participants de ce qui lui est propre.
Ecoutons enfin Saint
Ambroise: Si quelqu’un objecte à l’Église qu’elle peut se contenter
de Jésus-Christ pour Chef et pour Epoux unique, et qu’il ne lui en
faut point d’autre, la réponse est facile. Jésus-Christ est pour
nous non seule ment l’Auteur mais encore le vrai Ministre intérieur
de chaque Sacrement. C’est vraiment Lui qui baptise et qui absout,
et néanmoins, Il n’a pas laissé de choisir des hommes pour être les
ministres extérieurs des Sacrements. Ainsi, tout en gouvernant
Lui-même l’Église par l’influence secrète de son esprit, Il place
aussi à sa tête un homme pour être son Vicaire et le dépositaire
extérieur de sa Puissance. A une Église visible, il fallait un Chef
visible. Voilà pourquoi notre Sauveur établit Saint Pierre Chef et
Pasteur de tout le troupeau des Fidèles, lorsqu’Il lui confia la
charge de paître ses brebis. toutefois Il le fit en termes si
généraux et si étendus qu’il voulut que ce même pouvoir de régir
toute l’Église passât à ses successeurs.
Au surplus c’est un
seul et même esprit, écrit l’Apôtre aux Corinthiens, qui
communique la grâce aux Fidèles, comme l’âme anime tous les
membres d’un même corps. Travaillez, disait-il aux Ephésiens,
en les exhortant à conserver l’unité, travaillez avec soin à
conserver l’unité de l’esprit dans le lien de la paix, vous ne
faites qu’un corps et qu’un esprit. De même en effet que le
corps humain se compose de plusieurs membres, et que tous ces
membres sont animés par une seule âme qui communique aux différents
organes leurs propriétés spéciales, aux yeux celle de voir, aux
oreilles celle d’entendre, ainsi le Corps mystique de Jésus-Christ,
qui est l’Église, est composé de tous les Fidèles.
Il n’y a également
qu’une seule Espérance à laquelle nous sommes tous appelés
comme l’atteste encore l’Apôtre au même endroit, puisque nous
espérons tous la même chose, à savoir la Vie Eternelle et
Bienheureuse. Il n’y a qu’une seule Foi que tous doivent
garder et professer publiquement. Qu’il n’y ait point de
schismes parmi vous, dit Saint Paul. Il n’y a qu’un Baptême enfin
qui est le sceau de la Foi chrétienne.
§ V. — SAINTETÉ DE L’ÉGLISE.
Le second caractère de
l’Église, c’est la Sainteté. Vous êtes la race choisie, dit Saint
Pierre, la nation Sainte. — Or, nous disons que l’Église est
sainte :
1° Parce qu’est est
vouée et consacrée à Dieu. C’est l’usage en effet d’attribuer cette
qualité aux objets corporels ou matériels, par le fait qu’ils sont
destinés et employés au culte de Dieu. Ainsi, par exemple, dans la
Loi ancienne, les vases, les vêtements et les autels, aussi bien que
les premiers-nés qui étaient consacrés au très-Haut. étaient appelés
Saints.
Et il ne faut pas nous
étonner que l’Église soit appelée sainte quoiqu’elle renferme
beaucoup de pécheurs. Les Fidèles sont saints, parce qu’ils sont
devenus le peuple de Dieu, et qu’ils sont consacrés à Jésus-Christ
par la Foi, et par le Baptême qu’ils ont reçu ;ils sont saints, bien
que trop souvent ils commettent des fautes et ne tiennent pas tout
ce qu’ils ont promis. Ainsi ceux qui ont embrassé un art, continuent
de porter le nom de leur profession, alors qu’ils n’en observent pas
les règles. Voilà pourquoi Saint Paul donne aux Corinthiens le nom
de sanctifiés et de saints, tout en trouvant au milieu d’eux des
Chrétiens qu’il traitait de charnels, et à qui il adressait des
reproches encore plus sévères.
2° L’Église est sainte
parce qu’elle est unie à un Chef saint dont elle est le Corps ; à
Notre-Seigneur Jésus Christ, Source de toute Sainteté, qui répand
sur elle les dons du Saint-Esprit et les trésors de la Bonté divine.
Aussi Saint Augustin, expliquant ces paroles du Prophète David : « Conservez
mon âme, parce que je suis saint », dit-il admirablement: « Qu’il
ne craigne pas, ce corps mystique de Jésus-Christ, qui ne fait
vraiment qu’un seul homme, qu’il ne craigne plus d’élever la voix de
toutes les parties de la terre, et de dire avec son Chef, et sous
son Chef: je suis saint ; car il a reçu la grâce de la Sainteté, la
grâce du Baptême et de la Résurrection des péchés. » Et un peu
plus loin: « S’il est vrai que tous les Chrétiens et les Fidèles
baptisés en Jésus-Christ aient revêtu Jésus Christ comme l’Apôtre
l’assure dans ses paroles: Vous tous qui avez été baptisés en
Jésus-Christ, vous avez revêtu Jésus-Christ ; s’il est vrai
qu’ils soient devenus les membres de son Corps, et que cependant ils
osent dire qu’ils ne sont pas saints, ils font injure au Chef dont
les membres sont saints. »
3° enfin, l’Église est
sainte parce qu’elle seule possède le culte du Sacrifice légitime et
le salutaire usage des Sacrements, ces instruments efficaces de la
Grâce divine par lesquels Dieu nous communique la Sainteté. En
dehors d’elle, il est impossible d’être vraiment saint. II est donc
de toute évidence que l’Église est sainte . Oui, et elle est sainte,
précisément parce qu’elle est le Corps de Jésus Christ qui la
sanctifie, et qui la purifie dans son Sang .
§ VI. — L’ÉGLISE EST CATHOLIQUE.
Le troisième caractère
de l’Église, c’est qu’elle est catholique, c’est-à-dire Universelle.
Et ce nom lui convient parfaitement, car, dit Saint Augustin,
par la lumière seule de la Foi, elle s’étend depuis l’orient
jusqu’au couchant. Elle n’est point comme les Etats de la terre,
ou les diverses hérésies, bornée aux frontières d’un royaume ou à
une race d’hommes, Scythes ou barbares, libres ou esclaves, homme ou
femme, elle renferme tout dans les entrailles de, sa charité. C’est
pourquoi il est dit de notre Seigneur : Vous nous avez rachetés
et rendus à Dieu dans votre Sang, en nous tirant de toute tribu, de
toute langue, de tout peuple, de toute nation, et vous avez fait de
nous un Royaume à notre Dieu. C’est de l’Église que David
disait: Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour
héritage, et les limites de la terre pour bornes de votre empire.
Et ailleurs: Je me souviendrai de Rahal et de Babylone qui me
connaîtront, et une multitude de nations naîtront dans son sein.
D’ailleurs tous les
Fidèles qui ont existé depuis Adam jusqu’aujourd’hui, tous ceux qui
existeront tant que le monde sera monde, en professant la vraie Foi
appartiennent à cette même Église établie sur les Apôtres et les
Prophètes. Car tous ont été placés et fondés sur Jésus Christ, la
Pierre angulaire, qui des deux peuples n’en a fait qu’un, et qui a
annoncé la Paix à ceux qui étaient loin. — Une autre raison qui
fait nommer l’Église Catholique, c’est que tous ceux qui désirent
obtenir leur Salut éternel, doivent s’attacher à elle, et entrer
dans son sein, comme autrefois il fallut entrer dans l’arche , pour
éviter de périr dans les eaux du déluge: C’est donc là une des
marques les plus certaines pour distinguer la véritable Église de
celles qui sont fausses.
§ VII. — L’ÉGLISE EST APOSTOLIQUE.
Voici un dernier
caractère propre à nous faire distinguer la véritable Église, elle
vient des Apôtres, dépositaires du grand bienfait de la révélation.
Sa doctrine n’est point une chose nouvelle, et qui commence, non,
c’est la vérité transmise autrefois par les Apôtres, et répandue par
eux dans tout l’univers. Il est donc évident pour tous que le
langage impie des hérétiques d’aujourd’hui est absolument contraire
à la Foi de la véritable Église, puisqu’il est si opposé à la
doctrine prêchée par les Apôtres, et depuis eux jusqu’à nous. Voilà
pourquoi les Pères du Concile de Nicée, pour faire comprendre à tous
quelle était l’Église catholique, ajoutèrent au symbole, par une
inspiration divine, le mot Apostolique. Et en effet, le
Saint-Esprit qui gouverne l’Église, ne la gouverne que par des
ministres apostoliques (c’est-à-dire par les successeurs légitimes
des Apôtres). Cet esprit fut d’abord donné aux Apôtres, mais
ensuite, grâce à l’infinie Bonté de Dieu, il demeura toujours dans
l’Église . Et comme elle est la seule qui soit gouvernée par le
Saint-Esprit, elle est aussi la seule qui soit infaillible dans la
Foi et dans la règle des mœurs. Au con traire toutes les autres qui
usurpent le nom d’Églises sont sous la conduite de l’esprit du
démon, et tombent nécessairement dans les plus funestes erreurs de
doctrine et de morale.
§ VII. — FIGURES DE L’ÉGLISE DANS L’ANCIEN
TESTAMENT.
Les figures de l’Ancien
testament possèdent une vertu merveilleuse pour toucher le cœur des
Fidèles, et pour leur remettre en mémoire les vérités les plus
importantes. Aussi les Apôtres n’ont-ils pas manqué de s’en servir
dans ce but. Voilà pourquoi à leur tour, les Pasteurs se garderont
bien de négliger un moyen d’instruction si utile.
Or, parmi toutes ces
figures, la plus expressive est l’Arche de Noé . Construite par
l’ordre formel de Dieu, elle était par là même une figure de
l’Église. Sur ce point aucun doute n’est possible. Dieu a établi et
fondé son Église dans des conditions telles que ceux qui y
entreraient par le Baptême seraient préservés de la mort éternelle,
tandis que ceux qui demeureraient hors de son sein périraient
ensevelis sous leurs crimes ; tel fut le sort de ceux qui n’étaient
point dans l’Arche.
Une autre figure
encore, c’est cette grande cité de Jérusalem dont les saintes
Ecritures emploient souvent le nom pour signifier la sainte Église.
C’était dans ses murs seulement qu’il était permis d’offrir des
sacrifices à Dieu. C’est également dans la Sainte Église de Dieu, et
nulle part ailleurs, que se trouve le véritable culte, le véritable
Sacrifice, le seul qui Lui soit agréable.
§ IX. — COMMENT LA VÉRITÉ DE L’ÉGLISE EST UN
ARTICLE DE FOI.
Enfin, les Pasteurs
auront soin d’apprendre aux Fidèles pourquoi c’est un article de Foi
de croire à l’Église. La raison et le sens sont bien suffisants pour
s’assurer qu’il y a sur la terre une Église c’est-à-dire une société
d’hommes dévoués et consacrés à Jésus-Christ. Pour en être
convaincu, la Foi ne semble pas nécessaire. Les Juifs et les turcs
eux-mêmes savent que l’Église existe. Mais pour les Mystères qu’elle
renferme, — ceux dont nous venons de parler, et ceux dont nous
parlerons dans le sacrement de l’Ordre — l’esprit a besoin d’être
éclairé par la Foi pour les saisir et la raison seule ne saurait
l’en convaincre. Ainsi cet article ne surpasse pas moins que les
autres la portée naturelle et les forces de notre esprit. nous avons
donc raison de dire que ce n’est point par l’intelligence, mais par
les lumières de la Foi que nous connaissons l’origine, les dons et
l’excellence de l’Église. C’est qu’en effet cette Église n’est pas
l’œuvre de l’homme. C’est le Dieu immortel qui l’a fondée sur la
pierre inébranlable. Le Prophète David nous le dit expressément:
Le très-Haut l’a établie Lui même. Aussi est-elle appelée l’héritage
de Dieu et le peuple de Dieu . Son pouvoir ne lui vient
pas non plus des hommes, mais de Dieu, et de même que la nature est
incapable de lui donner ce pouvoir, de même aussi, c’est la Foi et
non la nature qui nous fait admettre qu’elle a reçu les clefs du
Royaume des cieux , la puissance de re mettre les péchés
d’excommunier les pécheurs , de consacrer le vrai corps de
Jésus-Christ , et enfin que les citoyens qui demeurent dans son
sein, n’ont point ici-bas de demeure permanente, mais qu’ils
cherchent la cité future où ils doivent habiter un jour .
Nous sommes donc
rigoureusement tenus de croire que l’Église est Une, Sainte et
Catholique.
Mais si, en croyant aux
trois personnes de la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le
Saint-Esprit, nous mettons en elles notre Foi et notre confiance,
ici au contraire, nous parlons autrement, et nous faisons profession
de croire une Église Sainte, et non pas en une Église sainte. Et par
cette manière différente de nous exprimer, nous conservons la
distinction nécessaire entre le Créateur et les choses qu’il a
créées, et nous attribuons à sa divine bonté tous les dons que
l’Église possède.
§ X. — LA COMMUNION DES SAINTS.
Saint Jean l’Evangéliste,
écrivant aux Fidèles sur les mystères de la Foi, leur donne la
raison pour laquelle il les instruit de ces vérités ; c’est
afin, leur dit-il, que vous en triez en société avec nous, et
que notre société soit avec le Père et avec Jésus-Christ son Fils.
Or, cette société est la Communion des Saints, dont il est question
dans cet article. Et plût à Dieu que les Pasteurs eussent le même
cèle que Paul et les autres Apôtres, pour répandre cet
enseignement ! Car ce n’est pas seulement une sorte de développe
ment de l’article précédent, et une doctrine féconde par elle-même
en fruits excellents, cet enseignement est aussi pour nous un guide
et un maître dans l’usage que nous devons faire des vérités
contenues dans le symbole. En effet, nous ne devons les étudier et
les sonder, ces vérités, que pour nous rendre dignes d’être admis
dans cette grande et heureuse Société des Saints, et pour y
persévérer ensuite constamment, remerciant avec joie Dieu le
Père, de nous avoir rendus dignes, par la lumière de la Foi, du sort
et de l’héritage des Saints .
Il convient donc de
bien montrer tout d’abord aux Fidèles que cette partie de l’article
est un développement plus complet de ce que nous avons dit
précédemment de la Sainte Église catholique. Comme cette Église est
gouvernée par un seul et même esprit, tous les biens qu’elle a reçus
deviennent nécessairement un fonds commun.
Le fruit de tous les
Sacrements appartient à tous. Car les Sacrements, et surtout le
Baptême qui est comme la porte par laquelle les hommes entrent dans
l’Église, sont autant de liens sacrés qui les unissent tous et les
attachent à Jésus-Christ.
Et ce qui prouve que la
Communion des Saints n’est rien autre chose que la Communion des
Sacrements, ce sont ces paroles des Pères du Concile de Nicée
ajoutées au Symbole: Je confesse un seul Baptême . Car tous
les autres Sacrements, et l’Eucharistie en particulier, sont
inséparables du Sacreraient de Baptême. Et même le nom de communion
peut s’appliquer à chacun d’eux, car chacun d’eux nous unit à Dieu,
et nous rend participants de la nature divine, par la grâce qu’il
nous communique. Mais ce nom convient mieux à l’Eucharistie qu’à
tout autre, parce que c’est elle principalement qui consomme cette
communion.
Il est encore une autre
espèce de communion à considérer dans l’Église. La Charité en est le
principe. En effet, comme cette vertu ne cherche jamais ses
intérêts propres , elle l’ait tourner au profit de tous les
œuvres saintes et pieuses de chacun. Ainsi l’enseigne Saint
Ambroise, en expliquant ces mots du Psalmiste: Je suis uni de
cour à tous ceux qui vous craignent. « Comme un membre, dit-il,
participe à tous les biens du corps, ainsi celui qui est uni à ceux
qui craignent Dieu, participe à toutes les bonnes œuvres. »
C’est pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans la Prière qu’Il
nous a enseignée, nous ordonne de dire notre pain et non pas
mon pain, et ainsi du reste, pour nous montrer que nous ne
devons pas seulement penser à nous, mais encore au bien et au salut
de tous les autres.
Pour marquer cette
communauté de biens dans l’Église, nos Saints Livres emploient
souvent la comparaison si juste des membres du corps humain. En
effet, il y a plu sieurs membres dans le corps de l’homme , et
néanmoins, ils ne font qu’un seul corps. Et ils remplissent tous,
non la même fonction, mais la fonction particulière qui leur est
propre. tous non plus n’ont pas la même dignité, et leurs fonctions
ne sont ni également utiles, ni également honorables ; cependant
aucun d’eux ne se propose son avantage et son utilité particulière,
mais l’avantage et l’utilité du corps tout entier. D’autre part, ils
sont si étroitement unis et si bien associés entre eux, que si l’un
de ces membres éprouve une douleur quelconque, tous les autres
l’éprouvent de même par affinité et par sympathie. Si au contraire
il est heureux, tous les autres partagent son bonheur . Or nous
pouvons contempler ce spectacle dans l’Église. Elle renferme bien
des membres différents et des nations diverses, des Juifs, des
Gentils, des hommes libres et des esclaves, des riches et des
pauvres. Mais dès qu’ils ont reçu le Baptême, ils ne font tous qu’un
seul corps, dont Jésus-Christ est le Chef.
De plus, chacun dans
l’Église a sa fonction déterminée . Les uns sont apôtres, les autres
sont docteurs, mais tous sont établis pour l’avantage de la Société
entière. Les uns ont la charge de commander et d’enseigner, les
autres ont le devoir d’obéir et de se soumettre.
Cependant ces biens si
précieux et si multiples, ces dons de la divine Largesse vont
toujours à ceux qui vivent chrétiennement, gardent la Charité,
pratiquent la Justice, et sont agréables à Dieu.
Quant aux membres
morts, c’est-à-dire les malheureux esclaves du péché et privés de la
grâce de Dieu, ils ne perdent pas, malgré tout, l’avantage de faire
encore partie du corps de l’Église ; mais comme ils sont morts, ils
ne reçoivent point les fruits spirituels qui appartiennent aux
Chrétiens vraiment justes et pieux. néanmoins, par cela seul qu’ils
sont toujours membres de l’Église, ils se trouvent aidés, pour
recouvrer la Grâce qu’ils ont perdue et la Vie spirituelle, par ceux
qui vivent de la vie de l’esprit ; et ils recueillent certains
fruits de salut, dont demeurent privés ceux qui sont entièrement
retranchés du sein de l’Église.
Les biens qui sont
ainsi communs à tous, ne sont pas seulement les dons qui nous
rendent justes et agréables à Dieu. Ce sont encore les grâces
gratuites, comme la science, le don de prophétie, le don des
langues et des miracles, et les autres dons de même nature. Ces
privilèges qui sont accordés quelquefois même aux méchants, ne se
donnent jamais pour un intérêt personnel, mais pour le bien et
l’édification de toute l’Église. Ainsi le don des guérisons n’est
point accordé pour l’avantage de celui qui en jouit, mais au profit
des malades qu’il guérit. Enfin tout ce que le vrai Chrétien
possède, il doit le regarder comme un bien qui lui est commun avec
tous, et toujours il doit être prêt et empressé à venir au secours
de l’indigence et de la misère du prochain. Car si celui qui
possède, voit son frère dans le besoin, sans le secourir, c’est une
preuve manifeste qu’il n’a pas la Charité de Dieu en lui.
De là il est évident
que ceux qui font partie de cette Communion jouissent déjà d’un
bonheur appréciable, et peuvent répéter en toute vérité avec le
Prophète David: Que vos tabernacles sont aimables, Seigneur,
Dieu des vertus ! Mon âme soupire et tombe comme en défaillance en
pensant à la Maison du Seigneur. Heureux, ô mon Dieu, ceux qui
habitent dans votre Maison ! |