Nécessité des Pasteurs dans
l’Église. — Leur autorité, leurs fonctions. — Principaux articles de la
doctrine chrétienne.
Notre intelligence et notre
raison sont ainsi faites que lorsque nous voulons étudier les vérités
qui regardent Dieu, nous pouvons, grâce à un travail approfondi et une
sérieuse application, arriver à la connaissance d’un certain nombre de
ces vérités ; mais lorsqu’il s’agit de l’ensemble des moyens capables de
nous faire atteindre le salut éternel pour lequel Dieu nous a créés et
formés à son image et à sa ressemblance, jamais aucun de nous n’a pu les
découvrir ou les apercevoir par la seule lumière naturelle.
Sans doute, selon
l’enseignement de l’Apôtre on voit se manifester, dans les œuvres
visibles de la création, certains attributs de Dieu tels que son
éternelle Puissance et sa Divinité. Mais ce mystère , qui est
demeuré caché aux générations des siècles antérieurs, dépasse de
beaucoup l’intelligence de l’homme ; et si Dieu n’eût pas soin de le
manifester à ses Saints — à qui il Lui a plu de révéler avec le don
de la foi les richesses et la gloire cachées dans son Verbe fait homme,
notre Seigneur Jésus-Christ, — jamais notre esprit n’aurait pu
parvenir à la connaissance d’une Sagesse si parfaite.
§ I. — L’ÉGLISE A BESOIN DE PASTEURS
Mais comme la Foi vient
de l’ouïe, il est facile de voir combien, dans tous les temps, il a
été nécessaire pour se sauver, d’avoir recours aux soins et au ministère
d’un maître autorisé. Car il est écrit: Comment entendront-ils sans
prédicateurs ? et comment y aura-t-il des prédicateurs, si on ne les
envoie ? Aussi bien depuis que le monde est monde, le Dieu de toute
clémence et de toute bonté n’a-t-il jamais manqué à ceux qui sont les
siens. Mais Il a parlé à nos pères en plusieurs occasions, et en
diverses manières, par les Prophètes, et selon les temps et les
circonstances, Il leur a toujours montré un chemin sûr et droit pour les
faire arriver au bonheur du ciel. De plus, comme Il avait promis
d’envoyer un Docteur de la justice pour éclairer les nations et
porter le salut jusqu’aux extrémités de la terre, Il nous a parlé en
dernier lieu par la bouche de son Fils, dont Il nous a
ordonné d’observer les préceptes, lorsqu’une voix descendue
du ciel, partie du trône même de la gloire, est venue nous enjoindre
à tous de L’écouter. Puis ce même Fils nous a donné des Apôtres, des
Prophètes, des Pasteurs et des Docteurs, pour nous faire entendre
la parole du salut, afin qu’on ne nous vit pas comme des enfants,
emportés de tous côtés et flottant à tout vent de doctrine, mais qu’en
nous tenant fermement attachés au fondement inébranlable de notre Foi,
nous fussions comme un véritable édifice de Dieu, dans le
Saint-Esprit.
§ II. — AUTORITÉ DES PASTEURS
Et afin que personne ne fût
tenté de recevoir la parole de Dieu annoncée par les ministres de
l’Église comme la parole des hommes, et non comme la parole même de
Jésus-Christ, notre Sauveur a voulu attacher une si grande autorité à
leur enseignement qu’Il a dit un jour: qui vous écoute, M’écoute,
qui vous méprise, Me méprise. Et, sans aucun doute, Il ne voulait
pas appliquer cette déclaration à ceux-là seuls à qui Il parlait alors,
mais encore à tous ceux qui succéderaient légitimement aux Apôtres dans
les fonctions de leur ministère. C’est à tous ceux-là qu’Il a promis son
assistance de tous les jours jusqu’à la consommation des
siècles.
§ III. — FONCTIONS eT DEVOIRS DES PASTEURS
Jamais la prédication de la
parole de Dieu ne doit être interrompue dans l’Église. Mais c’est
surtout à l’époque où nous vivons que la piété et le zèle doivent se
renouveler en quelque sorte et s’augmenter encore, pour nourrir et
fortifier les Fidèles avec le pain vivifiant d’une pure et saine
doctrine. C’est qu’en effet nous avons vu se répandre dans le monde ces
faux prophètes dont le Seigneur a dit: Je ne les envoyais pas, et
cependant ils allaient ; Je ne leur parlais pas, et cependant ils
prophétisaient. Leur but est de dépraver le cœur des Chrétiens, par
des enseignements insolites et étrangers. Leur impiété,
fortifiée de tous les artifices de Satan, s’est avancée si loin qu’il
paraît presque impossible de l’arrêter et de la borner. Et si nous
n’avions pleine confiance dans la promesse remarquable que notre
Seigneur a faite de bâtir son Église sur un fondement si solide que
les portes de l’enfer ne pourront jamais prévaloir contre elle, dans
ce temps où elle est attaquée de toutes parts par tant d’ennemis, et
battue en brèche sur tant de points, nous aurions raison de craindre de
la voir succomber. Car, sans parler de ces belles provinces qui
gardaient jadis avec tant de respect et de fermeté la vraie Foi
catholique que leurs ancêtres leur avaient transmise, et qui, après
avoir déserté le chemin de la vérité, marchent maintenant dans l’erreur,
avec la prétention de se rapprocher d’autant plus de la vraie piété,
qu’elles s’éloignent davantage de la Foi de nos Pères, y a-t-il une
contrée assez lointaine, un lieu assez fortifié, un coin du monde
chrétien assez reculé où cette peste n’ait cherché à se répandre par des
moyens cachés ?
En effet, ceux qui ont
entrepris d’infester l’âme des Chrétiens fidèles ont parfaitement
compris qu’ils ne pourraient jamais s’expliquer au grand jour avec eux,
ni faire arriver aux oreilles de tous leurs paroles pleines de poison.
Aussi ont-ils essayé d’un autre moyen pour semer plus facilement et plus
su loin leurs erreurs impies. Outre ces gros livres à l’aide desquels
ils ont essayé de détruire la foi catholique — livres faciles à réfuter
toutefois, avec un peu de travail et d’habileté, à cause même des
hérésies évidentes qu’ils renfermaient — ils ont fait paraître un très
grand nombre de petits traités qui, sous les couleurs de la vraie piété,
ont surpris et égaré trop facilement la bonne foi des âmes simples.
C’est pourquoi les Pères du
Concile œcuménique de Trente, voulant absolument combattre un mal si
grandet si funeste par un remède efficace, non seulement ont pris soin
de bien définir contre les hérésies de notre temps les points principaux
de la doctrine catholique, mais de plus ils se sont fait un devoir de
laisser, pour l’instruction des chrétiens sur les vérités de la Foi, une
sorte de plan et de méthode que pourraient suivre en toute sûreté dans
leurs églises ceux qui auraient la charge de Docteur et de Pasteur
légitime.
Un certain nombre
d’auteurs, nous le savons, ont déjà traité ces matières avec autant de
piété que de science, cependant ces Pères ont cru qu’il importait
extrêmement, que par l’autorité du Saint Concile, on vit paraître un
livre, où les Pasteurs et tous ceux qui sont chargés d’enseigner
pourraient puiser des vérités d’une certitude absolue, et les
transmettre ensuite aux Fidèles pour leur édification.
Ainsi comme il n’y a
qu’un seul Seigneur et une Foi, il n’y aurait qu’une seule et même
manière, une seule et même règle, pour apprendre au peuple la Foi
chrétienne et tous les devoirs qu’elle impose.
Les vérités qui entreraient
dans ce plan sont très nombreuses. Il ne viendra à l’idée de personne
que le Saint Concile ait eu la prétention d’expliquer dans le détail, et
en un seul livre, tous les dogmes de notre Foi. Ceci appartient aux
théologiens, qui font profession de transmettre par l’enseignement, la
religion tout entière, avec son histoire et ses dogmes. Au surplus,
c’était un travail énorme et qui n’aurait pas rempli le but du Concile.
Cette sainte assemblée en effet (en décrétant ce catéchisme) a voulu
simplement donner aux Pasteurs et aux autres Prêtres ayant charge
d’âmes, la connaissance des choses qui appartiennent en propre au
ministère d’une paroisse, et qui sont le plus à la portée des fidèles.
Voilà pourquoi ils n’ont dû s’occuper ici que de ce qui pourrait
seconder le zèle et la piété de certains Pasteurs qui peut-être ne
seraient pas assez sûrs d’eux-mêmes dans les points les plus difficiles
de la science divine.
Mais avant d’en venir à
l’explication de chacun des articles qui doivent composer cet abrégé de
notre Foi, l’ordre même de notre travail nous oblige à faire ici
quelques déclarations que les Pasteurs auront soin de ne pas perdre de
vue. Ces explications leur feront connaître exactement quel doit être le
terme de leurs pensées, de leurs labeurs et de leurs études, et en même
temps les moyens à employer pour arriver sûrement au succès désiré.
Or ce qui semble primer
tout le reste, c’est qu’ils n’oublient jamais que toute la science du
Chrétien, ou plutôt, comme le dit notre Seigneur, que toute la Vie
Éternelle elle-même consiste en ce seul point: Vous connaître, Vous, le
seul Dieu véritable et Jésus-Christ que Vous avez envoyé. Aussi le
vrai Docteur de l’Église s’appliquera-t-il avant toutes choses à faire
naître dans l’âme des Fidèles le désir sincère de connaître Jésus
Christ, et Jésus Christ crucifié. Il fera en sorte de leur persuader
et de graver dans leur cœur cette Foi inébranlable qu’ il n’existe
point sous le ciel d’autre nom par lequel nous puissions nous sauver,
puisque c’est Lui qui est l’hostie de propitiation pour nos péchés.
Et comme on ne peut
être sûr de Le connaître véritablement qu’autant qu’on observe ses
commandements, la deuxième obligation, qui ne peut être séparée de
celle que nous venons de marquer, sera de bien mettre en lumière que la
vie des Fidèles ne doit point s’écouler dans le repos et l’oisiveté,
mais que nous devons marcher sur les traces de notre Sauveur et chercher
sans relâche et de toutes nos forces la justice, la piété, la foi, la
charité et la douceur. Car si Jésus-Christ s’est livré Lui-même pour
nous, Il l’a fait pour nous arracher à toute sorte d’iniquité, pour
faire de nous un peuple pur, agréable à ses yeux, ami fervent des bonnes
œuvres. C’est ainsi que l’Apôtre ordonne aux Pasteurs de Le faire
connaître et de Le proposer en exemple.
Mais notre Maître et
Sauveur ne s’est pas contenté de parler, Il a voulu de plus prouver par
sa conduite que la Loi et les Prophètes se résumaient tous dans
l’amour. D’autre part l’Apôtre a formellement enseigné que
l’amour est la fin des commandements, et la plénitude de la Loi.
Personne ne peut donc mettre en doute que c’est un devoir, et un devoir
primordial d’exhorter le peuple fidèle à l’amour de Dieu et de son
infinie bonté pour nous. Ainsi, enflammé d’une véritable ardeur divine,
ce peuple pourra s’élancer vers le Bien suprême, le Bien parfait dont
l’amour et la possession produisent la vraie et solide félicité dans le
cœur de tous ceux qui peuvent s’écrier avec le Prophète: Qu’y a-t-il
dans le ciel et qu’ai-je désiré sur la terre, si ce n’est Vous,
Seigneur ? C’est là en effet cette voie excellente que nous montrait
Saint Paul lorsqu’il résumait toute sa doctrine et toute sa prédication,
dans la charité, qui ne périt point. Aussi qu’il soit question
de Foi, d’Espérance ou de toute autre vertu, il convient d’insister
toujours avec tant de force sur l’amour pour notre Seigneur
Jésus-Christ, que chacun soit en quelque sorte obligé de comprendre que
toutes les œuvres de perfection et de vertu chrétienne ne peuvent avoir
d’autre source et d’autre terme que ce saint Amour.
§ IV. — MANIÈRE D’INSTRUIRE LES FIDÈLES
Mais si dans toute espèce
d’enseignement, il importe de prendre telle ou telle méthode, cette
vérité trouve surtout son application lorsqu’il s’agit d’instruire le
peuple chrétien. C’est qu’en effet il faut tenir compte de l’âge, de
l’intelligence, des habitudes, de la condition. Celui qui enseigne
doit se faire tout à tous, pour gagner tout le monde à Jésus Christ ;
il doit se montrer lui-même un ministre et un dispensateur sûr,
et à l’exemple du serviteur bon et fidèle, il doit mériter d’être
établi par notre Seigneur dans des fonctions plus considérables.
Surtout qu’il ne s’imagine
pas qu’une seule sorte d’âmes lui est confiée, et que par conséquent il
lui est loisible d’enseigner et de former également tous les Fidèles à
la vraie piété, avec une seule et même méthode et toujours la même !
Qu’il sache bien que les uns sont en Jésus-Christ comme des enfants
nouvellement nés, d’autres comme des adolescents, quelques-uns enfin,
comme en possession de toutes leurs forces. Il devra donc s’appliquer à
reconnaître et à distinguer ceux qui ont besoin du lait de la doctrine,
et ceux qui demandent une nourriture plus forte. Ainsi, il pourra
distribuer à tous et à chacun ces aliments spirituels qui augmentent la
vie de l’âme, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à
l’unité d’une même Foi, d’une même connaissance du Fils de Dieu, à
l’état d’hommes parfaits, et à la mesure de la plénitude de l’âge de
Jésus Christ. Au surplus, c’est à tous les Chrétiens que l’Apôtre a
voulu se donner lui-même en exemple sur ce point lorsqu’il dit qu’ il se
doit aux Grecs et aux Barbares, aux savants et aux ignorants. Il
voulait montrer à tous ceux qui sont appelés au ministère de la
prédication, qu’ils doivent, en transmettant l’enseignement des mystères
de la Foi et des règles des mœurs, proportionner leurs paroles à
l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs. Ainsi, après avoir
nourri d’un aliment spirituel les esprits les plus élevés, ils ne
laisseront point périr de besoin ceux qui, encore enfants
demanderaient un pain qui ne leur serait point rompu.
Personne ne doit donc
laisser refroidir son zèle pour instruire, parce que, de temps en temps,
il faudra expliquer ces vérités qui paraissent simples et élémentaires-
et que l’on aborde avec d’autant moins de plaisir qu’on se plait
davantage dans l’étude de vérités plus élevées. Mais si la Sagesse
elle-même du Père éternel a bien voulu descendre ici-bas, dans
l’abaissement de notre chair, pour nous enseigner les lois de la vie
surnaturelle, quel est celui que la charité de Jésus-Christ ne portera
pas à se faire petit parmi ses frères, et à imiter comme lui les soins
de la mère pour ses enfants ? quel est celui qui ne désirera assez
ardemment le salut de son prochain pour vouloir, comme Saint Paul le dit
de lui-même, leur donner non seulement l’Évangile de Dieu, mais
encore sa propre vie ?
Or, toutes les vérités que
l’on doit enseigner aux Fidèles sont contenues dans la parole de Dieu,
soit celle qui est écrite, soit celle qui a été conservée par tradition,
L’Écriture et la tradition voilà donc ce que les Pasteurs devront
méditer jour et nuit. Et ils n’auront garde d’oublier cet avertissement
que Saint Paul adressait à Timothée, et qui s’applique à tous ceux qui
ont charge d’âmes: Appliquez-vous à la lecture, à l’exhortation et à
l’instruction ; car toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour
instruire, pour reprendre, pour corriger, pour former à la justice, pour
rendre l’homme de Dieu parfait, et propre à toutes les bonnes œuvres.
§ V. — PRINCIPAUX ARTICLES DE LA DOCTRINE
CHRÉTIENNE
Tout ce que Dieu nous a
révélé est considérable et varié. Et tout, dans cette révélation, ne se
comprend point assez facilement, et même, quand on l’a compris, ne reste
pas assez bien gravé dans la mémoire, pour qu’on puisse en donner
toujours une explication satisfaisante. C’est donc avec une profonde
sagesse que nos Pères ont ramené toute la doctrine et toute la science
du salut à quatre points principaux qui sont le Symbole des Apôtres, les
Sacrements, le Décalogue, et l’Oraison Dominicale.
En effet tout ce que nous
devons croire et connaître de la doctrine, de la création et du
gouvernement du monde, de la récompense des bons et de la punition des
méchants, toute, cela est contenu dans le Symbole.
Quant aux signes et aux
moyens que Dieu nous donne pour obtenir sa grâce, nous les trouvons dans
les sept Sacrements.
Les préceptes divins qui
ont tous pour fin la Charité sont inscrits dans le Décalogue.
Enfin tout ce que nous
pouvons désirer, espérer ou demander pour notre bien est renfermé dans
l’Oraison Dominicale. Ainsi lorsque nous aurons expliqué ces quatre
articles, qui sont comme les lieus communs de la sainte Écriture, il ne
manquera presque plus rien au Chrétien pour connaître ce qu’il est
obligé de savoir.
En conséquence, nous
croyons devoir avertir les Pasteurs que chaque fois qu’ils auront à
mettre en lumière un passage de l’Évangile ou de toute autre partie de
l’Écriture sainte, ils pourront toujours le ramener à l’un de ces quatre
points, et y prendre comme à sa source l’explication désirée.
Par exemple, s’il s’agit
d’interpréter l’Évangile du premier Dimanche de l’Avent: Il y aura
des signes dans le soleil et dans la lune, etc., ils trouveront ce
qui se rapporte à cette vérité dans l’article du Symbole: Il viendra
juger les vivants et les morts. Par ce moyen ils feront connaître en
même temps aux Fidèles, et le Symbole, et l’Évangile. Ainsi, dans tout
son enseignement et ses commentaires, le Pasteur pourra prendre et
conserver l’habitude de tout ramener à ces quatre points principaux, qui
selon nous renferment toute la moelle des Saintes Écritures et même tout
le Christianisme.
Quant à l’ordre de
l’enseignement, il y aura lieu de choisir celui qui paraîtra le mieux
approprié aux temps et aux personnes.
Pour nous, à
l’exemple des saints Pères qui, voulant initier les hommes à la
connaissance de Jésus-Christ et de sa doctrine, commencèrent toujours
par la Foi, nous avons jugé à propos d’expliquer tout d’abord ce qui
regarde cette vertu.
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