DEUXIÈME
SECTION
LES DIX
COMMANDEMENTS
" Maître,
que dois-je faire... ? "
2052
" Maître, que dois-je faire de bon pour posséder la vie
éternelle ? " Au jeune homme qui lui pose cette question, Jésus
répond d’abord en invoquant la nécessité de reconnaître Dieu
comme " le seul Bon ", comme le Bien par excellence et comme la
source de tout bien. Puis, Jésus lui déclare : " Si tu veux
entrer dans la vie, observe les commandements ". Et de citer à
son interlocuteur les préceptes qui concernent l’amour du
prochain : " Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas d’adultère,
tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, honore
ton père et ta mère ". Jésus résume enfin ces commandements
d’une manière positive : " Tu aimeras ton prochain comme
toi-même " (Mt 19, 16-19).
2053
A cette première réponse, une seconde vient s’ajouter : " Si tu
veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux
pauvres, et tu auras un trésor aux cieux ; puis viens,
suis-moi " (Mt 19, 21). Elle n’annule pas la première. La suite
de Jésus Christ comprend l’accomplissement des commandements. La
Loi n’est pas abolie (cf. Mt 5, 17), mais l’homme est invité à
la retrouver en la Personne de son Maître, qui en est
l’accomplissement parfait. Dans les trois évangiles synoptiques,
l’appel de Jésus adressé au jeune homme riche, de le suivre dans
l’obéissance du disciple et dans l’observance des préceptes, est
rapproché de l’appel à la pauvreté et à la chasteté (cf. Mt 19,
6-12. 21. 23-29). Les conseils évangéliques sont indissociables
des commandements.
2054
Jésus a repris les dix commandements, mais il a manifesté la
force de l’Esprit à l’œuvre dans leur lettre. Il a prêché la
" justice qui surpasse celle des scribes et des pharisiens " (Mt
5, 20) aussi bien que celle des païens (cf. Mt 5, 46-47). Il a
déployé toutes les exigences des commandements. " Vous avez
entendu qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne tueras pas ... Eh
bien ! Moi je vous dis : quiconque se fâche contre son frère en
répondra au tribunal " (Mt 5, 21-22).
2055
Lorsqu’on lui pose la question : " Quel est le plus grand
commandement de la Loi ? " (Mt 22, 36), Jésus répond : " Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme
et de tout ton esprit ; voilà le plus grand et le premier
commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton
prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rattache
toute la Loi, ainsi que les Prophètes " (Mt 22, 37-40 ; cf. Dt
6, 5 ; Lv 19, 18). Le Décalogue doit être interprété à la
lumière de ce double et unique commandement de la charité,
plénitude de la Loi :
Le
précepte : tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne tueras pas ;
tu ne voleras pas ; tu ne convoiteras pas, et tous les autres se
résument en ces mots : tu aimeras ton prochain comme toi-même.
La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est
donc la loi dans sa plénitude (Rm 13, 9-10).
Le Décalogue
dans l’Écriture Sainte
2056
Le mot " Décalogue " signifie littéralement " dix paroles " (Ex
34, 28 ; Dt 4, 13 ; 10, 4). Ces " dix paroles ", Dieu les a
révélées à son peuple sur la montagne sainte. Il les a écrites
" de son Doigt " (Ex 31, 18 ; Dt 5, 22), à la différence des
autres préceptes écrits par Moïse (cf. Dt 31, 9. 24). Elles
constituent des paroles de Dieu à un titre éminent. Elles nous
sont transmises dans le livre de l’Exode (cf. Ex 20, 1-17) et
dans celui du Deutéronome (cf. Dt 5, 6-22). Dès l’Ancien
Testament, les livres saints font référence aux " dix paroles "
(cf. par exemple Os 4, 2 ; Jr 7, 9 ; Ez 18, 5-9). Mais c’est
dans la nouvelle Alliance en Jésus Christ que leur plein sens
sera révélé.
2057
Le Décalogue se comprend d’abord dans le contexte de l’Exode qui
est le grand événement libérateur de Dieu au centre de
l’ancienne Alliance. Qu’ils soient formulés comme des préceptes
négatifs, des interdictions, ou comme des commandements positifs
(comme : " honore ton père et ta mère "), les " dix paroles "
indiquent les conditions d’une vie libérée de l’esclavage du
péché. Le Décalogue est un chemin de vie :
Si tu aimes
ton Dieu, si tu marches dans ses voies, si tu gardes ses
commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras et tu te
multiplieras " (Dt 30, 14).
Cette force
libératrice du Décalogue apparaît par exemple dans le
commandement sur le repos du sabbat, destiné également aux
étrangers et aux esclaves :
Souvenez-vous : vous étiez des esclaves sur une terre étrangère.
Le Seigneur votre Dieu vous en a fait sortir à main forte et à
bras étendu (Dt 5, 15).
2058
Les " dix paroles " résument et proclament la loi de Dieu :
" Telles sont les paroles que vous adressa le Seigneur quand
vous étiez tous assemblés sur la montagne. Il vous parla du
milieu du feu, dans la nuée et les ténèbres d’une voix
puissante. Il n’y ajouta rien et les écrivit sur deux tables de
pierre qu’il me donna " (Dt 5, 22). C’est pourquoi ces deux
tables sont appelées " le Témoignage " (Ex 25, 16). Elles
contiennent en effet les clauses de l’alliance conclue entre
Dieu et son peuple. Ces " tables du Témoignage " (Ex 31, 18 ;
32, 15 ; 34, 29) doivent être déposées dans " l’arche " (Ex 25,
16 ; 40, 1-2).
2059
Les " dix paroles " sont prononcées par Dieu au sein d’une
théophanie (" Sur la montagne, au milieu du feu, le Seigneur
vous a parlé face à face " : Dt 5, 4). Elles appartiennent à la
révélation que Dieu fait de lui-même et de sa gloire. Le don des
commandements est don de Dieu lui-même et de sa sainte volonté.
En faisant connaître ses volontés, Dieu se révèle à son peuple.
2060
Le don des commandements et de la Loi fait partie de l’Alliance
scellée par Dieu avec les siens. Suivant le livre de l’Exode, la
révélation des " dix paroles " est accordée entre la proposition
de l’Alliance (cf. Ex 19) et sa conclusion (cf. Ex 24), – après
que le peuple se soit engagé à " faire " tout ce que le Seigneur
avait dit, et à y " obéir " (Ex 24, 7). Le Décalogue n’est
jamais transmis qu’après le rappel de l’Alliance (" Le Seigneur,
notre Dieu, a conclu avec nous une alliance à l’Horeb " : Dt 5,
2).
2061
Les commandements reçoivent leur pleine signification à
l’intérieur de l’Alliance. Selon l’Écriture, l’agir moral de
l’homme prend tout son sens dans et par l’Alliance. La première
des " dix paroles " rappelle l’amour premier de Dieu pour son
peuple :
Comme il y
avait eu, en châtiment du péché, passage du paradis de la
liberté à la servitude de ce monde, pour cette raison, la
première phrase du Décalogue, première parole des commandements
de Dieu, porte sur la liberté " Moi, je suis le Seigneur, ton
Dieu, qui t’ai fait sortir de la terre d’Egypte, de la maison de
servitude " (Ex 20, 2 ; Dt 5, 6) (Origène, hom. in Ex. 8, 1).
2062
Les commandements proprement dits viennent en second lieu ; ils
disent les implications de l’appartenance à Dieu instituée par
l’Alliance. L’existence morale est réponse à l’initiative
aimante du Seigneur. Elle est reconnaissance, hommage à Dieu et
culte d’action de grâce. Elle est coopération au dessein que
Dieu poursuit dans l’histoire.
2063
L’alliance et le dialogue entre Dieu et l’homme sont encore
attestés du fait que toutes les obligations sont énoncées à la
première personne (" Je suis le Seigneur ... ") et adressées à
un autre sujet (" tu ... "). Dans tous les commandements de
Dieu, c’est un pronom personnel singulier qui désigne le
destinataire. En même temps qu’à tout le peuple, Dieu fait
connaître sa volonté à chacun en particulier :
Le Seigneur
prescrivit l’amour envers Dieu et enseigna la justice envers le
prochain, afin que l’homme ne fut ni injuste, ni indigne de
Dieu. Ainsi, par le Décalogue, Dieu préparait l’homme à devenir
son ami et à n’avoir qu’un seul cœur avec son prochain .... Les
paroles du Décalogue demeurent pareillement chez nous
[chrétiens]. Loin d’être abolies, elles ont reçu amplification
et développement du fait de la venue du Seigneur dans la chair
(S. Irénée, hær. 4, 16, 3-4).
Le Décalogue
dans la Tradition de l’Église
2064
En fidélité à l’Écriture et conformément à l’exemple de Jésus,
la Tradition de l’Église a reconnu au Décalogue une importance
et une signification primordiales.
2065 Depuis
saint Augustin, les " dix commandements " ont une place
prépondérante dans la catéchèse des futurs baptisés et des
fidèles. Au quinzième siècle, on prit l’habitude d’exprimer les
préceptes du Décalogue en formules rimées, faciles à mémoriser,
et positives. Elles sont encore en usage aujourd’hui. Les
catéchismes de l’Église ont souvent exposé la morale chrétienne
en suivant l’ordre des " dix commandements ".
2066 La
division et la numérotation des commandements a varié au cours
de l’histoire. Le présent catéchisme suit la division des
commandements établie par saint Augustin et devenue
traditionnelle dans l’Église catholique. Elle est également
celle des confessions luthériennes. Les Pères grecs ont opéré
une division quelque peu différente qui se retrouve dans les
Églises orthodoxes et dans les communautés réformées.
2067
Les dix commandements énoncent les requêtes de l’amour de Dieu
et du prochain. Les trois premiers se rapportent davantage à
l’amour de Dieu, et les sept autres à l’amour du prochain.
Comme la
charité comprend deux préceptes auxquels le Seigneur rapporte
toute la loi et les prophètes ..., ainsi les dix préceptes sont
eux-mêmes divisés en deux tables. Trois ont été écrits sur une
table et sept sur l’autre (S. Augustin, serm. 33, 2, 2 : PL 38,
208).
2068
Le Concile de Trente enseigne que les dix commandements obligent
les chrétiens et que l’homme justifié est encore tenu de les
observer (cf. DS 1569-1570). Et le Concile Vatican II
l’affirme : " Les évêques, successeurs des apôtres, reçoivent du
Seigneur ... la mission d’enseigner toutes les nations et de
prêcher l’Evangile à toute créature, afin que tous les hommes,
par la foi, le baptême et l’accomplissement des commandements,
obtiennent le salut " (LG 24).
L’unité du
Décalogue
2069
Le Décalogue forme un tout indissociable. Chaque " parole "
renvoie à chacune des autres et à toutes ; elles se
conditionnent réciproquement. Les deux Tables s’éclairent
mutuellement ; elles forment une unité organique. Transgresser
un commandement, c’est enfreindre tous les autres (cf. Jc 2,
10-11). On ne peut honorer autrui sans bénir Dieu son Créateur.
On ne saurait adorer Dieu sans aimer tous les hommes ses
créatures. Le Décalogue unifie la vie théologale et la vie
sociale de l’homme.
Le Décalogue
et la loi naturelle
2070
Les dix commandements appartiennent à la révélation de Dieu. Ils
nous enseignent en même temps la véritable humanité de l’homme.
Ils mettent en lumière les devoirs essentiels, et donc
indirectement, les droits fondamentaux, inhérents à la nature de
la personne humaine. Le Décalogue contient une expression
privilégiée de la " loi naturelle " :
Dès le
commencement, Dieu avait enraciné dans le cœur des hommes les
préceptes de la loi naturelle. Il se contenta d’abord de les
leur rappeler. Ce fut le Décalogue (S. Irénée, hær. 4, 15, 1).
2071
Bien qu’accessibles à la seule raison, les préceptes du
Décalogue ont été révélés. Pour atteindre une connaissance
complète et certaine des exigences de la loi naturelle,
l’humanité pécheresse avait besoin de cette révélation :
Une
explication plénière des commandements du Décalogue fut rendue
nécessaire dans l’état de péché à cause de l’obscurcissement de
la lumière de la raison et de la déviation de la volonté (S.
Bonaventure, sent. 4, 37, 1, 3).
Nous
connaissons les commandements de Dieu par la révélation divine
qui nous est proposée dans l’Église, et par la voix de la
conscience morale.
L’obligation
du Décalogue
2072
Puisqu’ils expriment les devoirs fondamentaux de l’homme envers
Dieu et envers son prochain, les dix commandements révèlent, en
leur contenu primordial, des obligations graves. Ils sont
foncièrement immuables et leur obligation vaut toujours et
partout. Nul ne pourrait en dispenser. Les dix commandements
sont gravés par Dieu dans le cœur de l’être humain.
2073
L’obéissance aux commandements implique encore des obligations
dont la matière est, en elle-même, légère. Ainsi l’injure en
parole est-elle défendue par le cinquième commandement, mais
elle ne pourrait être une faute grave qu’en fonction des
circonstances ou de l’intention de celui qui la profère.
" Hors de
moi, vous ne pouvez rien faire "
2074
Jésus dit : " Je suis la vigne ; vous êtes les sarments. Celui
qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de
fruit ; car hors de moi, vous ne pouvez rien faire " (Jn 15, 5).
Le fruit évoqué dans cette parole est la sainteté d’une vie
fécondée par l’union au Christ. Lorsque nous croyons en Jésus
Christ, communions à ses mystères et gardons ses commandements,
le Sauveur vient lui-même aimer en nous son Père et ses frères,
notre Père et nos frères. Sa personne devient, grâce à l’Esprit,
la règle vivante et intérieure de notre agir. " Voici quel est
mon commandement : vous aimer les uns les autres, comme je vous
ai aimés " (Jn 15, 12).
EN BREF
2075
" Que dois-je faire de bon pour posséder la vie éternelle ? " –
" Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements " (Mt
19, 16-17).
2076
Par sa pratique et par sa prédication, Jésus a attesté la
pérennité du Décalogue.
2077
Le don du Décalogue est accordé à l’intérieur de l’Alliance
conclue par Dieu avec son peuple. Les commandements de Dieu
reçoivent leur signification véritable dans et par cette
Alliance.
2078
En fidélité à l’Écriture et conformément à l’exemple de Jésus,
la Tradition de l’Église a reconnu au Décalogue une importance
et une signification primordiales.
2079
Le Décalogue forme une unité organique où chaque " parole " ou
" commandement " renvoie à tout l’ensemble. Transgresser un
commandement, c’est enfreindre toute la Loi (cf. Jc 2, 10-11).
2080
Le Décalogue contient une expression privilégiée de la loi
naturelle. Il nous est connu par la révélation divine et par la
raison humaine.
2081
Les dix commandements énoncent, en leur contenu fondamental, des
obligations graves. Cependant, l’obéissance à ces préceptes
implique aussi des obligations dont la matière est, en
elle-même, légère.
2082
Ce que Dieu commande, Il le rend possible par sa grâce.
CHAPITRE
PREMIER
" TU AIMERAS
LE SEIGNEUR TON DIEU DE TOUT TON CŒUR, DE TOUTE TON AME ET DE
TOUT TON ESPRIT "
2083
Jésus a résumé les devoirs de l’homme envers Dieu par cette
parole : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de
toute ton âme et de tout ton esprit " (Mt 22, 37 ; cf. Lc 10,
27 : " ... toutes tes forces "). Celle-ci fait immédiatement
écho à l’appel solennel : " Écoute, Israël : le Seigneur notre
Dieu est l’unique " (Dt 6, 4-5).
Dieu a aimé
le premier. L’amour du Dieu Unique est rappelé dans la première
des " dix paroles ". Les commandements explicitent ensuite la
réponse d’amour que l’homme est appelé à donner à son Dieu.
Article 1
LE PREMIER
COMMANDEMENT
Je suis le
Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la
maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. Tu
ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui
est dans les cieux là-haut, ou sur la terre ici-bas, ou dans les
eaux en dessous de la terre. Tu ne te prosterneras pas devant
ces images ni ne les serviras (Ex 20, 2-5 ; cf. Dt 5, 6-9).
Il est
écrit : " C’est le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, et à Lui
seul tu rendras un culte " (Mt 4, 10).
I. " Tu
adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras "
2084
Dieu se fait connaître en rappelant son action toute-puissante,
bienveillante et libératrice dans l’histoire de celui auquel il
s’adresse : " Je t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison
de servitude ". La première parole contient le premier
commandement de la loi : " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et
tu le serviras ... Vous n’irez pas à la suite d’autres dieux "
(Dt 6, 13-14). Le premier appel et la juste exigence de Dieu est
que l’homme l’accueille et l’adore.
2085
Le Dieu unique et vrai révèle d’abord sa gloire à Israël (cf. Ex
19, 16-25 ; 24, 15-18). La révélation de la vocation et de la
vérité de l’homme est liée à la révélation de Dieu. L’homme a la
vocation de manifester Dieu par son agir en conformité avec sa
création " à l’image et à la ressemblance de Dieu " :
Il n’y aura
jamais d’autre Dieu, Tryphon, et il n’y en a pas eu d’autre,
depuis les siècles ... que celui qui a fait et ordonné
l’univers. Nous ne pensons pas que notre Dieu soit différent du
vôtre. Il est le même qui a fait sortir vos pères d’Égypte " par
sa main puissante et son bras élevé ". Nous ne mettons pas nos
espérances en quelque autre, il n’y en a pas, mais dans le même
que vous, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (S. Justin,
dial. 11, 1).
2086
" Le premier des préceptes embrasse la foi, l’espérance et la
charité. Qui dit Dieu, en effet, dit un être constant, immuable,
toujours le même, fidèle, parfaitement juste. D’où il suit que
nous devons nécessairement accepter ses Paroles, et avoir en lui
une foi et une confiance entières. Il est tout-puissant,
clément, infiniment porté à faire du bien. Qui pourrait ne pas
mettre en lui toutes ses espérances ? Et qui pourrait ne pas
l’aimer en contemplant les trésors de bonté et de tendresse
qu’il a répandus sur nous ? De là cette formule que Dieu emploie
dans la Sainte Écriture soit au commencement, soit à la fin de
ses préceptes : ‘Je suis le Seigneur’ " (Catech. R. 3, 2, 4).
La foi
2087
Notre vie morale trouve sa source dans la foi en Dieu qui nous
révèle son amour. S. Paul parle de l’ "obéissance de la foi "
(Rm 1, 5 ; 16, 2) comme de la première obligation. Il fait voir
dans la " méconnaissance de Dieu " le principe et l’explication
de toutes les déviations morales (cf. Rm 1, 18-32). Notre devoir
à l’égard de Dieu est de croire en Lui et de Lui rendre
témoignage.
2088
Le premier commandement nous demande de nourrir et de garder
avec prudence et vigilance notre foi et de rejeter tout ce qui
s’oppose à elle. Il y a de diverses manières de pécher contre la
foi :
Le doute
volontaire portant sur la foi néglige ou refuse de tenir
pour vrai ce que Dieu a révélé et que l’Église propose à croire.
Le doute involontaire désigne l’hésitation à croire, la
difficulté de surmonter les objections liées à la foi ou encore
l’anxiété suscitée par l’obscurité de celle-ci. S’il est
délibérément cultivé, le doute peut conduire à l’aveuglement de
l’esprit.
2089
L’incrédulité est la négligence de la vérité révélée ou
le refus volontaire d’y donner son assentiment. " L’hérésie
est la négation obstinée, après la réception du baptême, d’une
vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le
doute obstiné sur cette vérité. L’apostasie est le rejet
total de la foi chrétienne. Le schisme est le refus de la
soumission au Souverain Pontife ou de communion avec les membres
de l’Église qui lui sont soumis " (⇒
CIC, can. 751).
L’Espérance
2090
Lorsque Dieu se révèle et appelle l’homme, celui-ci ne peut
répondre pleinement à l’amour divin par ses propres forces. Il
doit espérer que Dieu lui donnera la capacité de l’aimer en
retour et d’agir conformément aux commandements de la charité.
L’espérance est l’attente confiante de la bénédiction divine et
de la vision bienheureuse de Dieu ; elle est aussi la crainte
d’offenser l’amour de Dieu et de provoquer le châtiment.
2091
Le premier commandement vise aussi les péchés contre
l’espérance, qui sont le désespoir et la présomption :
Par le
désespoir, l’homme cesse d’espérer de Dieu son salut
personnel, les secours pour y parvenir ou le pardon de ses
péchés. Il s’oppose à la Bonté de Dieu, à sa Justice – car le
Seigneur est fidèle à ses promesses -, et à sa Miséricorde.
2092
Il y deux sortes de présomption. Ou bien, l’homme présume
de ses capacités (espérant pouvoir se sauver sans l’aide d’en
Haut), ou bien il présume de la toute-puissance ou de la
miséricorde divines (espérant obtenir son pardon sans conversion
et la gloire sans mérite).
La charité
2093
La foi dans l’amour de Dieu enveloppe l’appel et l’obligation de
répondre à la charité divine par un amour sincère. Le premier
commandement nous ordonne d’aimer Dieu par-dessus tout et toutes
les créatures pour Lui et à cause de Lui (cf. Dt 6, 4-5).
2094
On peut pécher de diverses manières contre l’amour de Dieu : L’indifférence
néglige ou refuse la considération de la charité divine ; elle
en méconnaît la prévenance et en dénie la force. L’ingratitude
omet ou récuse de reconnaître la charité divine et de lui rendre
en retour amour pour amour. La tiédeur est une hésitation
ou une négligence à répondre à l’amour divin, elle peut
impliquer le refus de se livrer au mouvement de la charité. L’acédie
ou paresse spirituelle va jusqu’à refuser la joie qui vient de
Dieu et à prendre en horreur le bien divin. La haine de Dieu
vient de l’orgueil. Elle s’oppose à l’amour de Dieu dont elle
nie la bonté et qu’elle prétend maudire comme celui qui prohibe
les péchés et qui inflige les peines.
II. " C’est
a lui seul que tu rendras un culte "
2095
Les vertus théologales de foi, d’espérance et de charité
informent et vivifient les vertus morales. Ainsi, la charité
nous porte à rendre à Dieu ce qu’en toute justice nous lui
devons en tant que créatures. La vertu de religion nous
dispose à cette attitude.
L’adoration
2096
De la vertu de religion, l’adoration est l’acte premier. Adorer
Dieu, c’est le reconnaître comme Dieu, comme le Créateur et le
Sauveur, le Seigneur et le Maître de tout ce qui existe, l’Amour
infini et miséricordieux. " Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et
c’est à lui seul que tu rendras un culte " (Lc 4, 8) dit Jésus,
citant le Deutéronome (6, 13).
2097
Adorer Dieu, c’est, dans le respect et la soumission absolue
reconnaître le " néant de la créature " qui n’est que par Dieu.
Adorer Dieu, c’est comme Marie, dans le Magnificat, le louer,
l’exalter et s’humilier soi-même, en confessant avec gratitude
qu’Il a fait de grandes choses et que saint est son nom (cf. Lc
1, 46-49). L’adoration du Dieu unique libère l’homme du
repliement sur soi-même, de l’esclavage du péché et de
l’idolâtrie du monde.
La prière
2098
Les actes de foi, d’espérance et de charité que commande le
premier commandement s’accomplissent dans la prière. L’élévation
de l’esprit vers Dieu est une expression de notre adoration de
Dieu : prière de louange et d’action de grâce, d’intercession et
de demande. La prière est une condition indispensable pour
pouvoir obéir aux commandements de Dieu. " Il faut toujours
prier sans jamais se lasser " (Lc 18, 1).
Le sacrifice
2099
Il est juste d’offrir à Dieu des sacrifices en signe d’adoration
et de reconnaissance, de supplication et de communion : " Est un
véritable sacrifice toute action opérée pour adhérer à Dieu dans
la sainte communion et pouvoir être bienheureux " (S. Augustin,
civ. 10, 6).
2100
Pour être véridique, le sacrifice extérieur doit être
l’expression du sacrifice spirituel : " Mon sacrifice, c’est un
esprit brisé ... " (Ps 51, 19). Les prophètes de l’Ancienne
Alliance ont souvent dénoncé les sacrifices faits sans
participation intérieure (cf. Am 5, 21-25) ou sans lien avec
l’amour du prochain (cf. Is 1, 10-20). Jésus rappelle la parole
du prophète Osée : " C’est la miséricorde que je désire, et non
le sacrifice " (Mt 9, 13 ; 12, 7 ; cf. Os 6, 6). Le seul
sacrifice parfait est celui que le Christ a offert sur la croix
en totale offrande à l’amour du Père et pour notre salut (cf. He
9, 13-14). En nous unissant à son sacrifice nous pouvons faire
de notre vie un sacrifice à Dieu.
Promesses et
vœux
2101
En plusieurs circonstances, le chrétien est appelé à faire des
promesses à Dieu. Le baptême et la confirmation, le
mariage et l’ordination en comportent toujours. Par dévotion
personnelle, le chrétien peut aussi promettre à Dieu tel acte,
telle prière, telle aumône, tel pèlerinage, etc. La fidélité aux
promesses faites à Dieu est une manifestation du respect dû à la
Majesté divine et de l’amour envers le Dieu fidèle.
2102
" Le vœu, c’est-à-dire la promesse délibérée et libre
faite à Dieu d’un bien possible et meilleur doit être accompli
au titre de la vertu de religion " (⇒
CIC, can. 1191, § 1). Le vœu est un acte de dévotion dans
lequel le chrétien se voue lui-même à Dieu ou lui promet une
œuvre bonne. Par l’accomplissement de ses vœux, il rend donc à
Dieu ce qui Lui a été promis et consacré. Les Actes des Apôtres
nous montrent S. Paul soucieux d’accomplir les vœux qu’il a
faits (cf. Ac 18, 18 ; 21, 23-24).
2103
L’Église reconnaît une valeur exemplaire aux vœux de pratiquer
les conseils évangéliques (cf.
⇒ CIC, can. 654) :
L’Église
notre Mère se réjouit de ce qu’il se trouve dans son sein en
grand nombre des hommes et des femmes pour vouloir suivre de
plus près et manifester plus clairement l’anéantissement du
Sauveur, en assumant, dans la liberté des fils de Dieu, la
pauvreté et en renonçant à leur propre volonté ; c’est-à-dire
des hommes et des femmes qui se soumettent en matière de
perfection, au-delà de ce qu’exige le commandement, à une
créature humaine à cause de Dieu afin de se conformer plus
pleinement au Christ obéissant (LG 42).
En certains
cas, l’Église peut, pour des raisons proportionnées, dispenser
des vœux et des promesses (cf.
⇒ CIC, can. 692;
⇒ 1196-1197).
Le devoir
social de religion et le droit à la liberté religieuse
2104
" Tous les hommes sont tenus de chercher la vérité, surtout en
ce qui concerne Dieu et son Église ; et quand ils l’ont connue,
de l’embrasser et de lui être fidèles " (DH 1). Ce devoir
découle de " la nature même des hommes " (DH 2). Il ne contredit
pas un " respect sincère " pour les diverses religions qui
" apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les
hommes " (NA 2), ni l’exigence de la charité qui presse les
chrétiens " d’agir avec amour, prudence, patience, envers ceux
qui se trouvent dans l’erreur ou dans l’ignorance de la foi "
(DH 14).
2105
Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme
individuellement et socialement. C’est là " la doctrine
catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des
sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du
Christ " (DH 1). En évangélisant sans cesse les hommes, l’Église
travaille à ce qu’ils puissent " pénétrer d’esprit chrétien les
mentalités et les mœurs, les lois et les structures de la
communauté où ils vivent " (AA 10). Le devoir social des
chrétiens est de respecter et d’éveiller en chaque homme l’amour
du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaîtrele culte
de l’unique vraie religion qui subsiste dans l’Église catholique
et apostolique (cf. DH 1). Les chrétiens sont appelés à être la
lumière du monde (cf. AA 13). L’Église manifeste ainsi la
royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur
les sociétés humaines (cf. Léon XIII, enc. " Immortale Dei " ;
Pie XI, enc. " Quas primas ").
2106
" Qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa
conscience, ni empêché d’agir, dans de justes limites, suivant
sa conscience en privé comme en public, seul ou associé à
d’autres " (DH 2). Ce droit est fondé sur la nature même de la
personne humaine dont la dignité lui fait adhérer librement à
vérité divine qui transcende l’ordre temporel. C’est pourquoi il
" persiste même en ceux-là qui ne satisfont pas à l’obligation
de chercher la vérité et d’y adhérer " (DH 2).
2107" Si, en
raison des circonstances particulières dans lesquelles se
trouvent des peuples, une reconnaissance civile spéciale est
accordée dans l’ordre juridique de la cité à une société
religieuse donnée, il est nécessaire qu’en même temps, pour tous
les citoyens et toutes les communautés religieuses, le droit à
la liberté en matière religieuse soit reconnu et respecté " (DH
6).
2108
Le droit à la liberté religieuse n’est ni la permission morale
d’adhérer à l’erreur (cf. Léon XIII, enc. " Libertas
præstantissimum "), ni un droit supposé à l’erreur (cf. Pie XII,
discours 6 décembre 1953), mais un droit naturel de la personne
humaine à la liberté civile, c’est-à-dire à l’immunité de
contrainte extérieure, dans de justes limites, en matière
religieuse, de la part du pouvoir politique. Ce droit naturel
doit être reconnu dans l’ordre juridique de la société de telle
manière qu’il constitue un droit civil (cf. DH 2).
2109
Le droit à la liberté religieuse ne peut être de soi ni illimité
(cf. Pie VI, bref " Quod aliquantum "), ni limité seulement par
un " ordre public " conçu de manière positiviste ou naturaliste
(cf. Pie IX, enc. " Quanta cura "). Les " justes limites " qui
lui sont inhérentes doivent être déterminées pour chaque
situation sociale par la prudence politique, selon les exigences
du bien commun, et ratifiées par l’autorité civile selon des
" règles juridiques conformes à l’ordre moral objectif " (DH 7).
III. " Tu
n’auras pas d’autres dieux devant moi "
2110
Le premier commandement interdit d’honorer d’autres dieux que
l’Unique Seigneur qui s’est révélé à son peuple. Il proscrit la
superstition et l’irréligion. La superstition représente en
quelque sorte un excès pervers de religion ; l’irréligion est un
vice opposé par défaut à la vertu de religion.
La
superstition
2111
La superstition est la déviation du sentiment religieux et des
pratiques qu’il impose. Elle peut affecter aussi le culte que
nous rendons au vrai Dieu, par exemple, lorsqu’on attribue une
importance en quelque sorte magique à certaines pratiques, par
ailleurs légitimes ou nécessaires. Attacher à la seule
matérialité des prières ou des signes sacramentels leur
efficacité, en dehors de dispositions intérieures qu’ils
exigent, c’est tomber dans la superstition (cf. Mt 23, 16-22).
L’idolâtrie
2112
Le premier commandement condamne le polythéisme. Il exige
de l’homme de ne pas croire en d’autres dieux que Dieu, de ne
pas vénérer d’autres divinités que l’Unique. L’Écriture rappelle
constamment ce rejet des " idoles, or et argent, œuvres de mains
d’hommes ", elles qui " ont une bouche et ne parlent pas, des
yeux et ne voient pas ... ". Ces idoles vaines rendent vain :
" Comme elles, seront ceux qui les firent, quiconque met en
elles sa foi " (Ps 115, 4-5. 8 ; cf. Is 44, 9-20 ; Jr 10, 1-16 ;
Dn 14, 1-30 ; Ba 6 ; Sg 13, 1 – 15, 19). Dieu, au contraire, est
le " Dieu vivant " (Jos 3, 10 ; Ps 42, 3 ; etc.), qui fait vivre
et intervient dans l’histoire.
2113
L’idolâtrie ne concerne pas seulement les faux cultes du
paganisme. Elle reste une tentation constante de la foi. Elle
consiste à diviniser ce qui n’est pas Dieu. Il y a idolâtrie dès
lors que l’homme honore et révère une créature à la place de
Dieu, qu’il s’agisse des dieux ou des démons (par exemple le
satanisme), de pouvoir, de plaisir, de la race, des ancêtres, de
l’Etat, de l’argent, etc. " Vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon ", dit Jésus (Mt 6, 24). De nombreux martyrs sont morts
pour ne pas adorer " la Bête " (cf. Ap 13-14), en refusant même
d’en simuler le culte. L’idolâtrie récuse l’unique Seigneurie de
Dieu ; elle est donc incompatible avec la communion divine (cf.
Ga 5, 20 ; Ep 5, 5).
2114
La vie humaine s’unifie dans l’adoration de l’Unique. Le
commandement d’adorer le seul Seigneur simplifie l’homme et le
sauve d’une dispersion infinie. L’idolâtrie est une perversion
du sens religieux inné de l’homme. L’idolâtre est celui qui
" rapporte à n’importe quoi plutôt qu’à Dieu son indestructible
notion de Dieu " (Origène, Cels. 2, 40).
Divination
et magie
2115
Dieu peut révéler l’avenir à ses prophètes ou à d’autres saints.
Cependant l’attitude chrétienne juste consiste à s’en remettre
avec confiance entre les mains de la Providence pour ce qui
concerne le futur et à abandonner toute curiosité malsaine à ce
propos. L’imprévoyance peut constituer un manque de
responsabilité.
2116
Toutes les formes de divination sont à rejeter : recours
à Satan ou aux démons, évocation des morts ou autres pratiques
supposées à tort " dévoiler " l’avenir (cf. Dt 18, 10 ; Jr 29,
8). La consultation des horoscopes, l’astrologie, la
chiromancie, l’interprétation des présages et des sorts, les
phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une
volonté de puissance sur le temps, sur l’histoire et finalement
sur les hommes en même temps qu’un désir de se concilier les
puissances cachées. Elles sont en contradiction avec l’honneur
et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu
seul.
2117
Toutes les pratiques de magie ou de sorcellerie
par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes
pour les mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel
sur le prochain, – fût-ce pour lui procurer la santé -, sont
gravement contraires à la vertu de religion. Ces pratiques sont
plus condamnables encore quant elles s’accompagnent d’une
intention de nuire à autrui ou qu’elles recourent ou non à
l’intervention des démons. Le port des amulettes est lui aussi
répréhensible. Le spiritisme implique souvent des
pratiques divinatoires ou magiques. Aussi l’Église avertit-elle
les fidèles de s’en garder. Le recours aux médecines dites
traditionnelles ne légitime ni l’invocation des puissances
mauvaises, ni l’exploitation de la crédulité d’autrui.
L’irréligion
2118
Le premier commandement de Dieu réprouve les principaux péchés
d’irréligion : l’action de tenter Dieu, en paroles ou en actes,
le sacrilège et la simonie.
2119
L’action de tenter Dieu consiste en une mise à l’épreuve,
en parole ou en acte, de sa bonté et de sa toute-puissance.
C’est ainsi que Satan voulait obtenir de Jésus qu’il se jette du
Temple et force Dieu, par ce geste, à agir (cf. Lc 4, 9). Jésus
lui oppose la parole de Dieu : " Tu ne tenteras pas le Seigneur,
ton Dieu " (Dt 6, 16). Le défi que contient pareille tentation
de Dieu blesse le respect et la confiance que nous devons à
notre Créateur et Seigneur. Il inclut toujours un doute
concernant son amour, sa providence et sa puissance (cf. 1 Co
10, 9 ; Ex 17, 2-7 ; Ps 95, 9).
2120
Le sacrilège consiste à profaner ou à traiter indignement
les sacrements et les autres actions liturgiques, ainsi que les
personnes, les choses et les lieux consacrés à Dieu. Le
sacrilège est un péché grave surtout quand il est commis contre
l’Eucharistie puisque, dans ce sacrement, le Corps même du
Christ nous est rendu présent substantiellement (cf.
⇒ CIC, can. 1367;
⇒ 1376).
2121
La simonie (cf. Ac 8, 9-24) se définit comme l’achat ou
la vente des réalités spirituelles. A Simon le magicien, qui
voulait acheter le pouvoir spirituel qu’il voyait à l’œuvre dans
les apôtres, Pierre répond : " Périsse ton argent, et toi avec
lui, puisque tu as cru acheter le don de Dieu à prix d’argent "
(Ac 8, 20). Il se conformait ainsi à la parole de Jésus : " Vous
avez reçu gratuitement, donnez gratuitement " (Mt 10, 8 ; cf.
déjà Is 55, 1). Il est impossible de s’approprier les biens
spirituels et de se comporter à leur égard comme un possesseur
ou un maître, puisqu’ils ont leur source en Dieu. On ne peut que
les recevoir gratuitement de Lui.
2122" En
dehors des offrandes fixées par l’autorité compétente, le
ministre ne demandera rien pour l’administration des sacrements,
en veillant toujours à ce que les nécessiteux ne soient pas
privés de l’aide des sacrements à cause de leur pauvreté " (⇒
CIC, can. 848). L’autorité compétente fixe ces " offrandes " en
vertu du principe que le peuple chrétien doit subvenir à
l’entretien des ministres de l’Église. " L’ouvrier mérite sa
nourriture " (Mt 10, 10 ; cf. Lc 10, 7 ; 1 Co 9, 5-18 ; 1 Tm 5,
17-18).
L’athéisme
2123
" Beaucoup de nos contemporains ne perçoivent pas du tout ou
même rejettent explicitement le rapport intime et vital qui unit
l’homme à Dieu : à tel point que l’athéisme compte parmi les
faits les plus graves de ce temps " (GS 19, § 1).
2124
Le nom d’athéisme recouvre des phénomènes très divers. Une forme
fréquente en est le matérialisme pratique qui borne ses besoins
et ses ambitions à l’espace et au temps. L’humanisme athée
considère faussement que l’homme " est pour lui-même sa propre
fin, le seul artisan et le démiurge de son histoire " (GS 20, §
1). Une autre forme de l’athéisme contemporain attend la
libération de l’homme d’une libération économique et sociale à
laquelle " s’opposerait par sa nature même, la religion, dans la
mesure où érigeant l’espérance de l’homme sur le mirage d’une
vie future, elle le détournerait d’édifier la cité terrestre "
(GS 20, § 2).
2125
En tant qu’il rejette ou refuse l’existence de Dieu, l’athéisme
est un péché contre la vertu de religion (cf. Rm 1, 18).
L’imputabilité de cette faute peut être largement diminuée en
vertu des intentions et des circonstances. Dans la genèse et la
diffusion de l’athéisme, " les croyants peuvent avoir une part
qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans
l’éducation de la foi, par des représentations trompeuses de la
doctrine, et aussi par des défaillances de leur vie religieuse,
morale et sociale, on peut dire qu’ils voilent l’authentique
visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent "
(GS 19, § 3).
2126
Souvent l’athéisme se fonde sur une conception fausse de
l’autonomie humaine, poussée jusqu’au refus de toute dépendance
à l’égard de Dieu (cf. GS 20, § 1). Pourtant, " la
reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité
de l’homme, puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui
la fonde et ce qui l’achève " (GS 21, § 3). L’Église sait " que
son message est en accord avec le fond secret du cœur humain "
(GS 21, § 7).
L’agnosticisme
2127
L’agnosticisme revêt plusieurs formes. Dans certains cas,
l’agnostique se refuse à nier Dieu ; il postule au contraire
l’existence d’un être transcendant qui ne pourrait se révéler et
dont personne ne saurait rien dire. Dans d’autres cas,
l’agnostique ne se prononce pas sur l’existence de Dieu,
déclarant qu’il est impossible de la prouver et même de
l’affirmer ou de la nier.
2128
L’agnosticisme peut parfois contenir une certaine recherche de
Dieu, mais il peut également représenter un indifférentisme, une
fuite devant la question ultime de l’existence, et une paresse
de la conscience morale. L’agnosticisme équivaut trop souvent à
un athéisme pratique.
IV. " Tu ne
te feras aucune image sculptée... "
2129
L’injonction divine comportait l’interdiction de toute
représentation de Dieu par la main de l’homme. Le Deutéronome
explique : " Puisque vous n’avez vu aucune forme, le jour où le
Seigneur, à l’Horeb, vous a parlé du milieu du feu, n’allez pas
vous pervertir et vous faire une image sculptée représentant
quoi que ce soit ... " (Dt 4, 15-16). C’est le Dieu absolument
Transcendant qui s’est révélé à Israël. " Il est toutes
choses ", mais en même temps, " Il est au-dessus de toutes ses
œuvres " (Si 43, 27-28). Il est " la source même de toute beauté
créée " (Sg 13, 3).
2130
Cependant dès l’Ancien Testament, Dieu a ordonné ou permis
l’institution d’images qui conduiraient symboliquement au salut
par le Verbe incarné : ainsi le serpent d’airain (cf. Nb 21,
4-9 ; Sg 16, 5-14 ; Jn 3, 14-15), l’arche d’Alliance et les
chérubins (cf. Ex 25, 10-22 ; 1 R 6, 23-28 ; 7, 23-26).
2131
C’est en se fondant sur le mystère du Verbe incarné que le
septième Concile œcuménique, à Nicée (en 787), a justifié,
contre les iconoclastes, le culte des icônes : celles du Christ,
mais aussi celles de la Mère de Dieu, des anges et de tous les
saints. En s’incarnant, le Fils de Dieu a inauguré une nouvelle
" économie " des images.
2132
Le culte chrétien des images n’est pas contraire au premier
commandement qui proscrit les idoles. En effet, " l’honneur
rendu à une image remonte au modèle original " (S. Basile, Spir.
18, 45 : PG 32, 149C), et " quiconque vénère une image, vénère
en elle la personne qui y est dépeinte " (Cc. Nicée II : DS
601 ; cf. Cc. Trente : DS 1821-1825 ; Cc. Vatican II : SC 126 ;
LG 67). L’honneur rendu aux saintes images est une " vénération
respectueuse ", non une adoration qui ne convient qu’à Dieu
seul :
Le culte de
la religion ne s’adresse pas aux images en elles-mêmes comme des
réalités, mais les regarde sous leur aspect propre d’images qui
nous conduisent à Dieu incarné. Or le mouvement qui s’adresse à
l’image en tant que telle ne s’arrête pas à elle, mais tend à la
réalité dont elle est l’image (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 81,
3, ad 3).
EN BREF
2133
" Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute
ton âme et de toutes tes forces " (Dt 5, 6).
2134
Le premier commandement appelle l’homme à croire en Dieu, à
espérer en Lui et à L’aimer par-dessus tout.
2135
" C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras " (Mt 4, 10).
Adorer Dieu, Le prier, Lui offrir le culte qui Lui revient,
accomplir les promesses et les vœux qu’on Lui a faits, sont des
actes de la vertu de religion qui relèvent de l’obéissance au
premier commandement.
2136
Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme
individuellement et socialement.
2137
L’homme " doit pouvoir professer librement la religion en privé
et en public " (DH 15).
2138 La
superstition est une déviation du culte que nous rendons au vrai
Dieu. Elle éclate dans l’idolâtrie, ainsi que dans les
différentes formes de divination et de magie.
2139
L’action de tenter Dieu, en paroles ou en actes, le sacrilège,
la simonie sont des péchés d’irréligion interdits par le premier
commandement.
2140
En tant qu’il rejette ou refuse l’existence de Dieu, l’athéisme
est un péché contre le premier commandement.
2141
Le culte des images saintes est fondé sur le mystère de
l’Incarnation du Verbe de Dieu. Il n’est pas contraire au
premier commandement.
Article 2
LE DEUXIEME
COMMANDEMENT
Tu ne
prononceras pas le nom du Seigneur ton Dieu à faux (Ex 20, 7 ;
Dt 5, 11).
Il a été dit
aux anciens : " Tu ne parjureras pas " ... Eh bien ! moi je vous
dis de ne pas jurer du tout (Mt 5, 33-34).
I. Le nom du
Seigneur est saint
2142
Le deuxième commandement prescrit de respecter le nom
du Seigneur. Il relève, comme le premier commandement, de la
vertu de religion et règle plus particulièrement notre usage de
la parole dans les choses saintes.
2143
Parmi toutes les paroles de la Révélation il en est une,
singulière, qui est la révélation de son Nom. Dieu confie son
nom à ceux qui croient en Lui ; Il se révèle à eux dans son
mystère personnel. Le don du Nom appartient à l’ordre de la
confidence et de l’intimité. " Le nom du Seigneur est saint ".
C’est pourquoi l’homme ne peut en abuser. Il doit le garder en
mémoire dans un silence d’adoration aimante (cf. Za 2, 17). Il
ne le fera intervenir dans ses propres paroles que pour le
bénir, le louer et le glorifier (cf. Ps 29, 2 ; 96, 2 ; 113,
1-2).
2144
La déférence à l’égard de son Nom exprime celle qui est due au
mystère de Dieu lui-même et à toute la réalité sacrée qu’il
évoque. Le sens du sacré relève de la vertu de religion :
Les
sentiments de crainte et de sacré sont-ils des sentiments
chrétiens ou non ? Personne ne peut raisonnablement en douter.
Ce sont les sentiments que nous aurions, et à un degré intense,
si nous avions la vision du Dieu souverain. Ce sont les
sentiments que nous aurions si nous " réalisions " sa présence.
Dans la mesure où nous croyons qu’Il est présent, nous devons
les avoir. Ne pas les avoir, c’est ne point réaliser, ne point
croire qu’Il est présent (Newman, Parochial and Plain Sermons,
v. 5, Sermon 2 [Westminster 1967] : pp. 21-22)
2145
Le fidèle doit témoigner du nom du Seigneur, en confessant sa
foi sans céder à la peur (cf. Mt 10, 32 ; 1 Tm 6, 12). L’acte de
la prédication et l’acte de la catéchèse doivent être pénétrés
d’adoration et de respect pour le nom de Notre Seigneur Jésus
Christ.
2146
Le deuxième commandement interdit l’abus du nom de Dieu,
c’est-à-diretout usage inconvenant du nomde Dieu, de Jésus
Christ, de la Vierge Marie et de tous les saints :
2147
Les promesses faites à autrui au nom de Dieu engagent
l’honneur, la fidélité, la véracité et l’autorité divines. Elles
doivent être respectées en justice. Leur être infidèle, c’est
abuser du Nom de Dieu et, en quelque sorte, faire de Dieu un
menteur (cf. 1 Jn 1, 10).
2148
Le blasphème s’oppose directement au deuxième
commandement. Il consiste à proférer contre Dieu –
intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de
reproche, de défi, à dire du mal de Dieu, à manquer de respect
envers Lui dans ses propos, à abuser du nom de Dieu. S. Jacques
réprouve " ceux qui blasphèment le beau Nom (de Jésus) qui a été
invoqué sur eux " (Jc 2, 7). L’interdiction du blasphème s’étend
aux paroles contre l’Église du Christ, les saints, les choses
sacrées. Il est encore blasphématoire de recourir au nom de Dieu
pour couvrir des pratiques criminelles, réduire des peuples en
servitude, torturer ou mettre à mort. L’abus du nom de Dieu pour
commettre un crime provoque le rejet de la religion.
Le blasphème
est contraire au respect dû à Dieu et à son saint nom. Il est de
soi un péché grave (cf.
⇒ CIC, can. 1369).
2149
Les jurons, qui font intervenir le nom de Dieu, sans
intention de blasphème, sont un manque de respect envers le
Seigneur. Le second commandement interdit aussi l’usage
magique du Nom divin.
Le Nom de
Dieu est grand là où on le prononce avec le respect dû à sa
grandeur et à sa Majesté. Le Nom de Dieu est saint là où on le
nomme avec vénération et la crainte de l’offenser (S. Augustin,
serm. Dom. 2, 45, 19 : PL 34, 1278).
II. Le nom
du Seigneur prononcé à faux
2150
Le deuxième commandement proscrit le faux serment. Faire
serment ou jurer, c’est prendre Dieu à témoin de ce que l’on
affirme. C’est invoquer la véracité divine en gage de sa propre
véracité. Le serment engage le nom du Seigneur. " C’est ton Dieu
que tu craindras, lui que tu serviras ; c’est par son nom que tu
jureras " (Dt 6, 13).
2151
La réprobation du faux serment est un devoir envers Dieu. Comme
Créateur et Seigneur, Dieu est la règle de toute vérité. La
parole humaine est en accord ou en opposition avec Dieu qui est
la Vérité même. Lorsqu’il est véridique et légitime, le serment
met en lumière le rapport de la parole humaine à la vérité de
Dieu. Le faux serment appelle Dieu à témoigner d’un mensonge.
2152
Est parjure celui qui, sous serment, fait une promesse
qu’il n’a pas l’intention de tenir, ou qui, après avoir promis
sous serment, ne s’y tient pas. Le parjure constitue un grave
manque de respect envers le Seigneur de toute parole. S’engager
par serment à faire une œuvre mauvaise est contraire à la
sainteté du Nom divin.
2153
Jésus a exposé le deuxième commandement dans le sermon sur la
montagne : " Vous avez entendu qu’il a été dit aux ancêtres :
‘Tu ne parjureras pas, mais tu t’acquitteras envers le Seigneur
de tes serments’. Eh bien ! moi je vous dis de ne pas jurer du
tout ... Que votre langage soit : ‘Oui ? oui’, ‘Non ? non’ : ce
qu’on dit de plus vient du Mauvais " (Mt 5, 33-34. 37 ; cf. Jc
5, 12). Jésus enseigne que tout serment implique une référence à
Dieu et que la présence de Dieu et de sa vérité doit être
honorée en toute parole. La discrétion du recours à Dieu dans le
langage va de pair avec l’attention respectueuse à sa présence,
attestée ou bafouée, en chacune de nos affirmations.
2154
A la suite de S. Paul (cf. 2 Co 1, 23 ; Ga 1, 20), la tradition
de l’Église a compris la parole de Jésus comme ne s’opposant pas
au serment lorsqu’il est fait pour une cause grave et juste (par
exemple devant le tribunal). " Le serment, c’est-à-dire
l’énonciation du Nom divin comme témoin de la vérité, ne peut
être porté qu’en vérité, avec discernement et selon la justice "
(⇒
CIC, can. 1199, § 1).
2155
La sainteté du nom divin exige de ne pas recourir à lui pour des
choses futiles, et de ne pas prêter serment dans des
circonstances susceptibles de le faire interpréter comme une
approbation du pouvoir qui l’exigerait injustement. Lorsque le
serment est exigé par des autorités civiles illégitimes, il peut
être refusé. Il doit l’être quand il est demandé à des fins
contraires à la dignité des personnes ou à la communion de
l’Église.
III. Le nom
chrétien
2156
Le sacrement de Baptême est conféré " au nom du Père et du Fils
et du Saint-Esprit " (Mt 28, 19). Dans le baptême, le nom du
Seigneur sanctifie l’homme, et le chrétien reçoit son nom dans
l’Église. Ce peut être celui d’un saint, c’est-à-dire d’un
disciple qui a vécu une vie de fidélité exemplaire à son
Seigneur. Le patronage du saint offre un modèle de charité et
assure de son intercession. Le " nom de baptême " peut encore
exprimer un mystère chrétien ou une vertu chrétienne. " Les
parents, les parrains et le curé veilleront à ce que ne soit pas
donné de prénom étranger au sens chrétien " (⇒
CIC, can. 855).
2157
Le chrétien commence sa journée, ses prières et ses actions par
le signe de la croix, " au nom du Père et du Fils et du Saint
Esprit. Amen ". Le baptisé voue la journée à la gloire de Dieu
et fait appel à la grâce du Sauveur qui lui permet d’agir dans
l’Esprit comme enfant du Père. Le signe de la croix nous
fortifie dans les tentations et dans les difficultés.
2158
Dieu appelle chacun par son nom (cf. Is 43, 1 ; Jn 10, 3). Le
nom de tout homme est sacré. Le nom est l’icône de la personne.
Il exige le respect, en signe de la dignité de celui qui le
porte.
2159
Le nom reçu est un nom d’éternité. Dans le royaume, le caractère
mystérieux et unique de chaque personne marquée du nom de Dieu
resplendira en pleine lumière. " Au vainqueur, ... je donnerai
un caillou blanc, portant gravé un nom nouveau que nul ne
connaît, hormis celui qui le reçoit " (Ap 2, 17). " Voici que
l’Agneau apparut à mes yeux ; il se tenait sur le mont Sion,
avec cent quarante-quatre milliers de gens portant, inscrits sur
le front, son nom et le nom de son Père " (Ap 14, 1).
EN BREF
2160
" O Seigneur notre Dieu qu’il est grand ton nom par tout
l’univers " (Ps 8, 11).
2161
Le deuxième commandement prescrit de respecter le nom du
Seigneur. Le nom du Seigneur est saint.
2162
Le second commandement interdit tout usage inconvenant du Nom de
Dieu. Le blasphème consiste à user du Nom de Dieu, de Jésus
Christ, de la Vierge Marie et des saints d’une façon injurieuse.
2163
Le faux serment appelle Dieu à témoigner d’un mensonge. Le
parjure est un manquement grave envers le Seigneur, toujours
fidèle à ses promesses.
2164
" Ne jurer ni par le Créateur, ni par la créature, si ce n’est
avec vérité, nécessité et révérence " (S. Ignace, ex. spir. 38).
2165
Dans le Baptême, le chrétien reçoit son nom dans l’Église. Les
parents, les parrains et le curé veilleront à ce que lui soit
donné un prénom chrétien. Le patronage d’un saint offre un
modèle de charité et assure sa prière.
2166
Le chrétien commence ses prières et ses actions par le signe de
la croix " au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen ".
2167
Dieu appelle chacun par son nom (cf. Is 43, 1).
Article 3
LE TROISIEME
COMMANDEMENT
Souviens-toi
du jour du Sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu
travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième
jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n’y feras aucun
ouvrage (Ex 20, 8-10 ; cf. Dt 5, 12-15).
Le sabbat a
été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat ; en sorte
que le Fils de l’homme est maître même du sabbat (Mc 2, 27-28).
I. Le jour
du Sabbat
2168
Le troisième commandement du Décalogue rappelle la sainteté du
Sabbat : " Le septième jour est un sabbat ; un repos complet
consacré au Seigneur " (Ex 31, 15).
2169
L’Écriture fait à ce propos mémoire de la création :
" Car en six jours le Seigneur a fait le ciel et la terre, la
mer et tout ce qui s’y trouve, mais il s’est reposé le septième
jour. Voilà pourquoi le Seigneur a béni le jour du Sabbat, il
l’a sanctifié " (Ex 20, 11).
2170
L’Écriture révèle encore dans le jour du Seigneur un mémorial
de la libération d’Israël de la servitude d’Egypte : " Tu te
souviendras que tu as été esclave au pays d’Egypte et que le
Seigneur ton Dieu t’en a fait sortir à main forte et à bras
étendu. Voilà pourquoi le Seigneur ton Dieu te commande de
pratiquer le jour du Sabbat " (Dt 5, 15).
2171
Dieu a confié à Israël le Sabbat pour qu’il le garde en signe
de l’alliance infrangible (cf. Ex 31, 16). Le Sabbat est
pour le Seigneur, saintement réservé à la louange de Dieu, de
son œuvre de création et de ses actions salvifiques en faveur
d’Israël.
2172
L’agir de Dieu est le modèle de l’agir humain. Si Dieu a
" repris haleine " le septième jour (Ex 31, 17), l’homme doit
aussi " chômer " et laisser les autres, surtout les pauvres,
" reprendre souffle " (Ex 23, 12). Le Sabbat fait cesser les
travaux quotidiens et accorde un répit. C’est un jour de
protestation contre les servitudes du travail et le culte de
l’argent (cf. Ne 13, 15-22 ; 2 Ch 36, 21).
2173
L’Evangile rapporte de nombreux incidents où Jésus est accusé de
violer la loi du sabbat. Mais jamais Jésus ne manque à la
sainteté de ce jour (cf. Mc 1, 21 ; Jn 9, 16). Il en donne avec
autorité l’interprétation authentique : " Le sabbat a été fait
pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat " (Mc 2, 27). Avec
compassion, le Christ s’autorise " le jour du sabbat, de faire
du bien plutôt que le mal, de sauver une vie plutôt que de la
tuer " (Mc 3, 3). Le sabbat est le jour du Seigneur des
miséricordes et de l’honneur de Dieu (cf. Mt 12, 5 ; Jn 7, 23).
" Le Fils de l’Homme est maître du sabbat " (Mc 2, 28).
II. Le jour
du Seigneur
Ce jour qu’a
fait le Seigneur, exultons et soyons dans la joie (Ps 117, 24).
Le jour de
la Résurrection : la création nouvelle
2174
Jésus est ressuscité d’entre les morts, " le premier jour de la
semaine " (Mt 28, 1 ; Mc 16, 2 ; Lc 24, 1 ; Jn 20, 1). En tant
que " premier jour ", le jour de la Résurrection du Christ
rappelle la première création. En tant que " huitième jour " qui
suit le sabbat (cf. Mc 16, 1 ; Mt 28, 1) il signifie la nouvelle
création inaugurée avec la Résurrection du Christ. Il est devenu
pour les chrétiens le premier de tous les jours, la première de
toutes les fêtes, le jour du Seigneur (Hè kuriakè hèmera,
dies dominica), le " dimanche " :
Nous nous
assemblons tous le jour du soleil parce que c’est le premier
jour [après le Sabbat juif, mais aussi le premier jour] où, Dieu
tirant la matière des ténèbres, a créé le monde et que, ce même
jour, Jésus Christ notre Sauveur, ressuscita d’entre les morts
(S. Justin, apol. 1, 67).
Le Dimanche
– accomplissement du Sabbat
2175
Le Dimanche se distingue expressément du Sabbat auquel il
succède chronologiquement, chaque semaine, et dont il remplace
pour les chrétiens la prescription cérémonielle. Il accomplit,
dans la Pâque du Christ, la vérité spirituelle du sabbat juif et
annonce le repos éternel de l’homme en Dieu. Car le culte de la
loi préparait le mystère du Christ, et ce qui s’y pratiquait
figurait quelque trait relatif au Christ (cf. 1 Co 10, 11) :
Ceux qui
vivaient selon l’ancien ordre des choses sont venus à la
nouvelle espérance, n’observant plus le sabbat, mais le Jour du
Seigneur, en lequel notre vie est bénie par Lui et par sa mort
(S. Ignace d’Antioche, Magn. 9, 1).
2176
La célébration du dimanche observe la prescription morale
naturellement inscrite au cœur de l’homme de " rendre à Dieu un
culte extérieur, visible, public et régulier sous le signe de
son bienfait universel envers les hommes " (S. Thomas d’A., s.
th. 2-2, 122, 4). Le culte dominical accomplit le précepte moral
de l’Ancienne Alliance dont il reprend le rythme et l’esprit en
célébrant chaque semaine le Créateur et le Rédempteur de son
peuple.
L’Eucharistie dominicale
2177
La célébration dominicale du Jour et de l’Eucharistie du
Seigneur est au cœur de la vie de l’Église. " Le dimanche, où,
de par la tradition apostolique, est célébré le mystère pascal,
doit être observé dans l’Église tout entière comme le principal
jour de fête de précepte " (⇒
CIC, can. 1246, § 1).
" De même,
doivent être observés les jours de la Nativité de notre Seigneur
Jésus Christ, de l’Epiphanie, de l’Ascension et du Très Saint
Corps et Sang du Christ, le jour de Sainte Marie Mère de Dieu,
de son Immaculée Conception et de son Assomption, de saint
Joseph, des saints Apôtres Pierre et Paul et de tous les
Saints " (⇒
CIC, can. 1246, § 1).
2178
Cette pratique de l’assemblée chrétienne date des débuts de
l’âge apostolique (cf. Ac 2, 42-46 ; 1 Co 11, 17). L’épître aux
Hébreux rappelle : " Ne désertez pas votre propre assemblée
comme quelques-uns ont coutume de le faire ; mais
encouragez-vous mutuellement " (He 10, 25).
La tradition
garde le souvenir d’une exhortation toujours actuelle : " Venir
tôt à l’Église, s’approcher du Seigneur et confesser ses péchés,
se repentir dans la prière ... Assister à la sainte et divine
liturgie, finir sa prière et ne point partir avant le renvoi ...
Nous l’avons souvent dit : ce jour vous est donné pour la prière
et le repos. Il est le Jour que le Seigneur a fait. En lui
exultons et réjouissons-nous " (Auteur anonyme, serm. dom.).
2179
" La paroisse est une communauté précise de fidèles qui
est constituée d’une manière stable dans une Église
particulière, et dont la charge pastorale est confiée au curé,
comme à son pasteur propre, sous l’autorité de l’évêque
diocésain " (⇒
CIC, can. 515, § 1). Elle est le lieu où tous les fidèles
peuvent être rassemblés par la célébration dominicale de
l’Eucharistie. La paroisse initie le peuple chrétien à
l’expression ordinaire de la vie liturgique, elle le rassemble
dans cette célébration ; elle enseigne la doctrine salvifique du
Christ ; elle pratique la charité du Seigneur dans des œuvres
bonnes et fraternelles :
Tu ne peux
pas prier à la maison comme à l’Église, où il y a le grand
nombre, où le cri est lancé à Dieu d’un seul cœur. Il y a là
quelque chose de plus, l’union des esprits, l’accord des âmes,
le lien de la charité, les prières des prêtres (S. Jean
Chrysostome, incomprehens. 3, 6 : PG 48, 725D).
L’obligation
du Dimanche
2180
Le commandement de l’Église détermine et précise la loi du
Seigneur : " Le dimanche et les autres jours de fête de
précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de participer
à la Messe " (⇒
CIC, can. 1247). " Satisfait au précepte de participation à la
Messe, qui assiste à la Messe célébrée selon le rite catholique
le jour de fête lui-même ou le soir du jour précédent " (⇒
CIC, can. 1248, § 1).
2181
L’Eucharistie du dimanche fonde et sanctionne toute la pratique
chrétienne. C’est pourquoi les fidèles sont obligés de
participer à l’Eucharistie les jours de précepte, à moins d’en
être excusés pour une raison sérieuse (par exemple la maladie,
le soin des nourrissons) ou dispensés par leur pasteur propre
(cf.
⇒ CIC, can. 1245). Ceux qui délibérément manquent à
cette obligation commettent un péché grave.
2182
La participation à la célébration commune de l’Eucharistie
dominicale est un témoignage d’appartenance et de fidélité au
Christ et à son Église. Les fidèles attestent par là leur
communion dans la foi et la charité. Ils témoignent ensemble de
la sainteté de Dieu et de leur espérance du Salut. Ils se
réconfortent mutuellement sous la guidance de l’Esprit Saint.
2183
" Si, faute de ministres sacrés, ou pour toute autre cause
grave, la participation à la célébration eucharistique est
impossible, il est vivement recommandé que les fidèles
participent à la liturgie de la Parole s’il y en a une, dans
l’église paroissiale ou dans un autre lieu sacré, célébrée selon
les dispositions prises par l’évêque diocésain, ou bien
s’adonnent à la prière durant un temps convenable, seuls ou en
famille, ou, selon l’occasion, en groupe de familles " (⇒
CIC, can. 1248, § 2).
Jour de
grâce et de cessation du travail
2184
Comme Dieu " se reposa le septième jour après tout le travail
qu’il avait fait " (Gn 2, 2), la vie humaine est rythmée par le
travail et le repos. L’institution du Jour du Seigneur contribue
à ce que tous jouissent du temps de repos et de loisir suffisant
qui leur permette de cultiver leur vie familiale, culturelle,
sociale et religieuse (cf. GS 67, § 3).
2185
Pendant le dimanche et les autres jours de fête de précepte, les
fidèles s’abstiendront de se livrer à des travaux ou à des
activités qui empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre au
Jour du Seigneur, la pratique des œuvres de miséricorde et la
détente convenable de l’esprit et du corps (cf.
⇒ CIC, can. 1247). Les nécessités familiales ou une
grande utilité sociale constituent des excuses légitimes
vis-à-vis du précepte du repos dominical. Les fidèles veilleront
à ce que de légitimes excuses n’introduisent pas des habitudes
préjudiciables à la religion, à la vie de famille et à la santé.
L’amour de
la vérité cherche le saint loisir, la nécessité de l’amour
accueille le juste travail (S. Augustin, civ. 19, 19).
2186
Que les chrétiens qui disposent de loisirs se rappellent leurs
frères qui ont les mêmes besoins et les mêmes droits et ne
peuvent se reposer à cause de la pauvreté et de la misère. Le
dimanche est traditionnellement consacré par la piété chrétienne
aux bonnes œuvres et aux humbles services des malades, des
infirmes, des vieillards. Les chrétiens sanctifieront encore le
dimanche en donnant à leur famille et à leurs proches le temps
et les soins, difficiles à accorder les autres jours de la
semaine. Le dimanche est un temps de réflexion, de silence, de
culture et de méditation qui favorisent la croissance de la vie
intérieure et chrétienne.
2187
Sanctifier les dimanches et jours de fête exige un effort
commun. Chaque chrétien doit éviter d’imposer sans nécessité à
autrui ce qui l’empêcherait de garder le jour du Seigneur. Quand
les coutumes (sport, restaurants, etc.) et les contraintes
sociales (services publics, etc.) requièrent de certains un
travail dominical, chacun garde la responsabilité d’un temps
suffisant de loisir. Les fidèles veilleront, avec tempérance et
charité, à éviter les excès et les violences engendrées parfois
par des loisirs de masse. Malgré les contraintes économiques,
les pouvoirs publics veilleront à assurer aux citoyens un temps
destiné au repos et au culte divin. Les employeurs ont une
obligation analogue vis-à-vis de leurs employés.
2188
Dans le respect de la liberté religieuse et du bien commun de
tous, les chrétiens ont à faire reconnaître les dimanches et
jours de fête de l’Église comme des jours fériés légaux. Ils ont
à donner à tous un exemple public de prière, de respect et de
joie et à défendre leurs traditions comme une contribution
précieuse à la vie spirituelle de la société humaine. Si la
législation du pays ou d’autres raisons obligent à travailler le
dimanche, que ce jour soit néanmoins vécu comme le jour de notre
délivrance qui nous fait participer à cette " réunion de fête ",
à cette " assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les
cieux " (He 12, 22-23).
EN BREF
2189
" Observe le jour du sabbat pour le sanctifier " (Dt 5, 12).
" Le septième jour sera jour de repos complet, consacré au
Seigneur " (Ex 31, 15).
2190
Le Sabbat qui représentait l’achèvement de la première création
est remplacé par le dimanche qui rappelle la création nouvelle,
inaugurée à la résurrection du Christ.
2191
L’Église célèbre le jour de la Résurrection du Christ le
huitième jour, qui est nommé à bon droit jour du Seigneur, ou
dimanche (cf. SC 106).
2192
" Le dimanche ... doit être observé dans l’Église tout entière
comme le principal jour de fête de précepte " (⇒
CIC, can. 1246, § 1). " Le dimanche et les autres jours de fête
de précepte, les fidèles sont tenus par l’obligation de
participer à la Messe " (⇒
CIC, can. 1247).
2193
" Le dimanche ou les autres jours de précepte, les fidèles
s’abstiendront de ces travaux et de ces affaires qui empêchent
le culte dû à Dieu, la joie propre du jour du Seigneur ou la
détente convenable de l’esprit et de l’âme " (⇒
CIC, can. 1247).
2194
L’institution du dimanche contribue à ce que " tous jouissent du
temps de repos et de loisir suffisant qui leur permette de
cultiver leur vie familiale, culturelle, sociale et religieuse "
(GS 67, § 3).
2195
Chaque chrétien doit éviter d’imposer sans nécessité à autrui ce
qui l’empêcherait de garder le Jour du Seigneur.
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