6 - Un douloureux Bonheur
(suite)

6-4-Des larmes sans eau

Contemplons Jésus tandis qu’il meurt sur la Croix. Il vit toujours son Agonie, sa seconde Agonie, mais à sa détresse mortelle s’ajoute la douleur nouvelle de ses larmes d’amour, de ses larmes sans eau. C’est une souffrance nouvelle, à la fois physique et morale, c’est une douleur qui brise, c’est la douleur totale.

Que peuvent être les larmes d’amour de Jésus, ses larmes sans eau? Jésus va mourir, dans un instant. Il n’a plus de sang... Il ne reste même plus une seule goutte d’eau en Lui, sauf dans son Cœur, mais cette eau-là, Il la réserve pour Jean et le soldat romain: il fallait que de l’eau et du sang coulent de son Cœur transpercé... Aussi, maintenant, les larmes d’amour de Jésus sont des larmes sans eau... des larmes que nous ne voyons pas, les larmes de son Amour qui, un jour, pénétrant dans certains cœurs très purs, étaient devenues et deviendront peut-être, pour quelques saints privilégiés, des larmes d’Amour mais des larmes sans eau. 

Qui d’entre les hommes a pu un jour, expérimenter ces larmes d’amour, mais ces larmes sans eau? Qui pouvait avoir le cœur assez douloureux et assez aimant, assez offert et peut-être assez heureux, pour pleurer des larmes d’amour mais des larmes sans eau? Une réponse s’impose, Marie et Saint Joseph!

Ô ces larmes d’amour, ces larmes sans eau, larmes d’une douleur totale et cependant unie au bonheur indicible, inexprimable, né de la rencontre d’une âme avec un seul amour: l’Amour de Dieu. Ô ces larmes bénies, ces larmes sans eau que Jésus fait connaître, parfois, à ceux qui L’aiment! Ô ces larmes d’une nouvelle béatitude!

La béatitude des larmes sans eau, des larmes d’amour

Le Seigneur nous a dit: “Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés.” Oui, bienheureux sont-ils ceux qui pleurent seulement sur ceux qui ne sont pas du Petit Reste des élus, car ils sont enfin débarrassés de leurs égoïsmes. Ils pleurent avec Jésus des larmes d’amour car ils sont dans le Cœur de Dieu.

Bienheureux ceux qui pleurent des larmes d’amour avec Jésus car ils seront consolés quand le Père viendra les chercher pour les conduire chez Lui. Alors ils découvriront que leurs larmes, mêlées aux larmes de Jésus, n’étaient pas des larmes stériles, mais des larmes fécondes, car elles  sauvaient le monde.  

Bienheureux ceux qui pleurent des larmes d’amour avec Jésus, car ils seront consolés quand le Seigneur Jésus les recevra dans son Cœur amoureux, le Sacré-Cœur de son Corps mystique, et leur montrera tous ceux qu’ils ont contribué à transformer en pierres vivantes et pleines d’amour de l’Église éternelle. Bienheureux ceux qui pleurent des larmes d’amour avec Jésus, ils ont trouvé l’Amour de Dieu. Ils ont trouvé l’Amour.

Sainte Béatitude d’amour pour consoler ceux qui pleurent et qui ne peuvent pas encore être consolés sur notre terre, car ils sont à Gethsémani. Sainte Béatitude de ceux qui pleurent des larmes sans eau, au Jardin des olives, là où il n’y a pas de consolateur car c’est l’Amour qui pleure...

6-5-La vie

6-5-1-Qu’est-ce que la vie?

La vie, qu’est-ce que c’est? La vie, la vie humaine, la vie d’un homme, la vie d’un être doué de sensibilité et d’intelligence, du moins le croit-on, qu’est-ce que c’est? Cette vie sensible, que nous croyons douée d’intelligence, qu’est-ce c’est? À quoi est-ce que ça sert? Quel est son but? Quel est son sens? Que suis-je et qui suis-je? Et Dieu? Et Jésus, Fils de Dieu incarné, n’est-ce qu’un rêve, ou est-ce une réalité? Jésus-Christ est-il Fils de Dieu, éternel, ou seulement homme comme nous, n’ayant fait qu’un passage éclair, voire contesté, dans notre monde mortel, inéluctablement destiné à disparaître? Et tout ce que les hommes font ou ont fait, toutes les œuvres qu’ils ont réalisées pour tenter de passer à la postérité, de laisser quelque chose d’eux, tout doit-il disparaître? Certainement puisque la fin du Monde est programmée, dans des milliards d’années certes, mais inéluctablement. Alors la vie, qu’est-ce que c’est?... À quoi sert-elle? Existe-t-elle?

Nous ne savons pas répondre. Face à leur propre vie, la plupart des hommes se trouvent comme dans une impasse. Heureusement quelques chrétiens du XXIe siècle peuvent encore se dire: “Un jour, je fus créé, conçu dans un sein maternel, par un père qui aimait beaucoup ma mère. Et je suis venu au jour... Et mes parents qui m’aimaient m’ont soigneusement éduqué, appris le métier d’homme. Et peu à peu j’ai pris conscience de moi-même, j’ai su que j’existais, que je vivais... J’ai rencontré des prêtres merveilleux, des personnes pleines d’amour, qui m’ont fait connaître Dieu et m’ont appris à L’aimer. Et j’ai aimé, à mon tour. J’ai aimé tous ceux qui m’aimaient, et j’ai aimé Dieu, et j’ai aimé Jésus, et aimant Dieu, j’ai aimé mes frères les hommes.”

Aujourd’hui, nous tous, les hommes, nous vivons toujours, et nous aimons toujours... Nous vivons, mais qu’est-ce que la vie? Tant de nos parents sont partis: ils sont morts. Tout à l’heure, nous aussi nous pouvons mourir. Tout à l’heure, ou demain, ou plus tard; mais de toute façon, c’est inéluctable. Sur la terre nous sommes tous mortels; rien de ce qui fait notre humanité terrestre ne subsistera. Tout doit disparaître, et nous ne servons à rien. Même les vies que l’on dit les plus remplies, les mieux remplies n’auront servi à rien. Toute la création cosmique, tous les mondes matériels, toutes les galaxies doivent disparaître. Alors, à quoi servent-ils? Pourquoi existent-ils, et pire, existent-ils vraiment?

6-5-2-Pourquoi la vie?

Qu’est-ce que la vie? La vie, nous la recevons tous, comme ça, un jour. Nous vivons notre vie, comme ça... et nous sommes bien obligés de constater que les fonctions vitales de notre vie s’accomplissent toutes seules. Tout se fait, sans nous, et nous n’y pouvons rien. Et, sans que nous sachions pourquoi, un jour, toutes ces fonctions s’arrêteront. Notre vie est hors de notre volonté. Nous vivons sans l’avoir voulu, et un jour nous mourrons, comme ça, sans le vouloir non plus. On (mais qui?) nous a donné la vie que nous vivons, mais pour mourir, et disparaître à jamais. Désespoir!

Seigneur, nous crions vers Toi... Quand une civilisation chasse Dieu, c’est-à-dire sa seule raison de vivre, elle se trouve dans une impasse qui ne débouche que sur un abîme effroyable, que sur le désespoir inévitable. Mais qu’est-ce aussi que le désespoir? Plongés dans ce vertige, nous pourrions continuer indéfiniment cette litanie de questions qui n’ont pas plus de sens que la vie puisqu’elles n’ont pas de réponse.

6-5-3-Qui sommes-nous?

Un poète a dit: “L’homme est un ange déchu qui se souvient du Ciel.” Cette remarque pourrait être à la fois une consolation et un chagrin: une consolation car nous venons du Ciel, et un chagrin car, si nous sommes des anges déchus, un “jour” nous avons péché en pleine connaissance, nous avons lourdement contristé l’Amour. C’est une consolation car nous venons de Dieu et l’impasse ne débouche plus sur un abîme de désespoir, mais c’est un très grand chagrin car l’Amour qui nous aime souffre de n’être pas aimé. Car la nature de l’Amour c’est d’aimer et d’être aimé, et l’Amour souffre quand Il n’est pas aimé, et l’Amour devient douleur... Et l’Amour envoie son Fils, et la douleur du Fils sera telle qu’elle Le conduira jusqu’à la Croix. Mais sommes-nous des anges déchus?

Nous passons d’un vertige à un autre: du vertige du désespoir au vertige de l’Amour. Nous contemplons notre monde sans Dieu, et nous voyons que la vie est désespoir. Si nous contemplons notre monde avec Dieu, nous voyons que la vie est Amour. Mais aujourd’hui la vie est toujours douleur, et elle sera toujours douleur tant que l’homme n’aura pas retrouvé l’Amour.

6-5-4-D’où venons-nous? Où allons-nous?

Revenons à notre question initiale: “Qu’est-ce que la vie?” Nous ne savons toujours pas répondre, mais nous découvrons des merveilles d’Amour qui nous émeuvent, parce que l’Amour n’est pas aimé, parce que l’amour, sur la terre, est toujours douleur. Et chacun d’entre nous peut se dire: “Je pleure, Jésus, car moi aussi j’ai manqué à l’Amour et je T’ai conduit à ta Passion.”

Nous pleurons aussi d’émerveillement. Nous ne comprenons pas ce qu’est la vie, la vie de chacun d’entre nous. Nous ne sommes pour rien à notre vie: nous ne la maîtrisons pas et nous n’empêcherons pas qu’elle nous conduise là où Dieu le veut, et que nous mourions le jour où Il le voudra. Et nous n’y pourrons rien. Mais nous savons aussi que ce jour béni de notre mort nous rencontrerons Dieu, et nous Lui dirons le “Je T’aime!” qu’Il nous aura aidés à préparer, le “Je T’aime!” de l’éternité avec Dieu, avec l’Amour, le “Je T’aime” de l’amour heureux, de l’amour qui ne souffrira plus car il sera en accord total avec l’Amour. Ce jour-là, quand Dieu aura retrouvé tous ses enfants, et que tous ses enfants L’aimeront, l’Amour ne sera plus douleur, et le bonheur non plus ne sera plus douleur.

Seigneur, nous contemplons la Vie que Tu nous as donnée, et nous nous disons encore: “Qu’est-ce que la vie?” Nous n’avons pas de réponse, nous ne comprenons pas ce qui se passe pour que la vie soit vie. Nous ne savons toujours pas ce que c’est que la vie, mais Toi, Seigneur, Tu nous as fait retrouver l’Amour, et l’Espérance du Dieu vivant. Mais quel vertige pour tes pauvres enfants qui sont encore dans les ténèbres!

6-6-Vie éternelle ou impasse?

6-6-1-La place de l’homme dans l’univers

Imaginons une immense “forme” dans laquelle nous “devinons” Dieu; nous sommes en Lui. De Lui seul nous tirons notre vie, ou plutôt Il nous donne la vie et nous ne conservons notre vie que parce qu’Il nous alimente constamment de Lui. Nous cherchons le Visage de Dieu, mais nous ne pouvons pas voir ce Visage désiré car la création est en Dieu, dans la Grande Main de Dieu. Nous savons que Dieu est une immense Force créatrice, une Puissance terrifiante, sans limite, un Feu constamment dévorant se régénérant étenellement. Mais Dieu est aussi un Amour infini, bienveillant, compatissant et miséricordieux. Dieu nous aime, Il nous a créés pour L’aimer. 

Pensons à la vie, à la création, à notre place dans l’univers, à Dieu aussi, à Dieu Trinité. Notre place dans l’immensité indescriptible de la création nous donne toujours le même vertige: vraiment, nous ne sommes rien dans cette imensité, rien, absolument rien! Vite, revenons à mon échelle humaine. C’est plus confortable, mais tout aussi angoissant car l’Homme que Dieu a créé pour le “diviniser” se situe entre deux échelles de grandeur: l’infiniment grand et l’infiniment grand de l’infiniment petit. Mais où, comment, quand? Et dans quel équilibre?

Comme ces réalités, qui sont toutes scientifiques, seraient angoissantes si nous n’avions pas la foi! Vraiment que sommes-nous, qui sommes-nous? Et pourquoi sommes-nous? Dans quel but, vers quel avenir? Ce vertige nous prend aux entrailles; nous sommes dépassés, totalement dépassés. Nous gémissons et nous nous plaignons à Dieu. Et intérieurement il nous semble “entendre” la voix divine qui nous fait comprendre que nous n’avons pas à comprendre, mais à aimer et à adorer: adorer Dieu, Père, Fils, et Saint-Esprit.

6-6-2-L’impasse

Dieu est Un et Trine. Dieu est Amour, éternellement Amour. Dans le Cœur de l’Amour, se trouve toute la Création. Le Cœur de Dieu-Père et le Cœur de Dieu-Fils sont un seul Cœur dans l’Esprit d’Amour. Dans le Cœur de Dieu il y a toute la Création, les anges, les hommes, la matière sous toutes ses formes, et la vie aussi... sous toutes ses formes. C’est immense, c’est brûlant, c’est vertigineux...

Dans ce Cœur il y a les hommes, tous les hommes. Mais les hommes, aimés de Dieu, sont si petits devant Dieu, et dans la Création!... Aimés de Dieu, ils veulent voir Dieu, pour pouvoir L’aimer, pour pouvoir aimer Dieu qui leur a donné ce commandement: “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu...”

Hélas! les hommes, êtres sensibles, ne peuvent aimer que ce qu’ils peuvent sentir: c’est leur nature, la nature que Dieu leur a donnée. Alors? Dieu aurait-Il placé l’Homme dans une impasse? Dieu aurait-Il donné aux pauvres hommes un commandement impossible à mettre en œuvre? C’est de nouveau l’angoisse car nous ne sommes pas à la bonne échelle. Nous désirons tous aimer Dieu, mais comment faire?

6-6-3-Les angoisses humaines conduisent à l’adoration

La Sainte Écriture fait souvent mention de ces angoisses humaines et de la détresse des hommes livrés à eux-mêmes depuis la chute des origines. Il ne faut pas oublier, en effet, que si les hommes sont dans cette situation apparemment inextricable, ils en sont en partie responsables. Mais Dieu “entend les cris de son Peuple”, Dieu voit la misère des hommes et va, prodige insensé de l’Amour, se mettre à sa portée. Dieu Père va envoyer le Fils, son Verbe, sa Parole, pour qu’Il s’incarne et vienne vivre comme les hommes, au milieu des hommes.

Dieu-Fils-Verbe-de-Dieu se fait homme! Jésus-Christ, Fils du Dieu infini, éternel, se fait homme fini et mortel!!! Jésus a tout pris de notre condition humaine, et Il a “compris” que nous ne pouvions pas aimer Dieu, comme ça, par nos seules propres forces, que nous avions besoin de voir et de toucher Dieu, de sentir le Cœur de Dieu. Seigneur, comment exprimer ces choses trop grandes pour nous, ces choses qui nous dépassent infiniment?

Nous adorons Jésus et nous L’aimons. Nous L’aimons, Dieu incarné, vivant dans notre chair, toujours vivant dans son Eucharistie. Nous adorons Jésus dans son Corps mystique, dans son Cœur mystique? Car, comme Jésus l’a fait comprendre à Saint Bernard et à Sainte Catherine de Sienne,  Il est le Pont qui mène au Père. On ne peut aller au Père que par ce Pont qui est le Christ, le Fils du Père, tout en étant aussi notre frère, notre ami, notre amour. 

Jésus, nous Te contemplons, nous T’aimons, et nous nous abandonnons dans ton Cœur: là nous sommes en sécurité, et nous n’avons plus le vertige.

6-6-4-Le remède à l’angoisse: la sainteté

La plupart des grands saints que nous connaissons sont des êtres plus ou moins extraordinaires, qui ont tous connu des épisodes de vie hors du commun. C’est dommage que l’Église ne canonise que très rarement les tout petits, les sans gloire, les pauvres, et parfois les sans vertu. Tous les saints que l’on nous montre étaient déjà saints dès leur naissance... quand ce n’est pas avant! C’est bien décourageant pour nous qui ne pouvons prétendre à de telles perfections...

Il y a pourtant un espoir: pour venir à bout du vertige, nous pouvons aussi penser à quelques saints qui n’avaient rien vécu d’extraordinaire dans leur vie, qui furent seulement des êtres ordinaires, sans grande révélation, sans miracle, sans extase... qui furent peut-être aussi de grands pécheurs avant leur conversion et leur départ vers la sainteté.

Nous savons bien que Dieu choisit ses saints avec soin, qu’Il les prépare longuement, et que même il les fabrique spécialement pour qu’ils deviennent des saints. Et parmi tous ces saints il y en a à propos desquels on n’a rien à dire. Et si on n’a rien à dire d’eux, forcément on ne les connait pas, et c’est bien dommage... C’est alors que nous découvrons Marie et Joseph. Leur vie fut on ne peut plus ordinaire. Aucune extase, aucun miracle, rien de ce que les hommes appellent des grandes œuvres. Ils furent les plus grands saints de tous les temps, mais de leur vivant, personne ne le sut. Ils ne nous ont laissé aucune œuvre humainement admirable: ils nous ont seulement donné Jésus. Marie nous a donné Jésus, et Joseph l’a élevé. Marie nous a donné Jésus jusqu’au plus sublime des dons: la mort de son Fils, sur la Croix. Joseph protégea la virginité de Marie, passant pour un mari ordinaire. Joseph connaissait le miracle de la Conception virginale de Jésus, Joseph savait que Dieu était le Père de Jésus, mais Joseph se taisait.

6-7-Qui est vraiment Jésus?

Dès l’aurore de la naissance de Jésus, le sage Siméon annonça à Marie que son Fils serait un signe de contradictions. Notons le “s” au terme “contradictions”: en effet, les contradictions dont Jésus-Christ est toujours la victime, se sont multipliées au cours des siècles, continuent et continueront à se multiplier, sans aucun répit.

Qu’a-t-Il donc fait de mal ce Jésus toujours persécuté, pour que, durant toute sa vie sur la terre, on L’ait contrarié dans son œuvre, contredit, calomnié: C’est par Belzébuth qu’Il chasse les démons!”  Qu’a-t-Il donc fait de si répréhensible? Qu’a-t-Il donc enseigné de si pernicieux, de si terrible que Dieu Lui-même L’ait abandonné et L’ait laissé crucifier? Qu’a-t-Il donc fait, et qui donc est-Il pour qu’on Le rejette ainsi, que l’on déguise ses enseignements? Qui donc est-Il pour que, si souvent, l’on hausse les épaules quand on parle de ses béatitudes et que l’on martyrise ceux qui mettent en pratique ses préceptes d’amour et de bonté? Mais qui est-Il, ce Jésus de Nazareth? 

6-7-1-Ce qu’a fait Jésus pendant son passage sur la terre

Nous allons essayer, très rapidement, de suivre Jésus-Christ pendant sa vie terrestre. Que fait-Il? Nous Le voyons guérir les malades, soulager les accablés, supplier pour que la Loi soit appliquée dans toute sa justice et sa charité. Car la charité, le respect du prochain, l’amour des pauvres et des petits est déjà dans la Loi juive. Dieu, comme le Père très aimant qu’Il est, veille sur son peuple affligé. Ce qu’Il demande en retour? La justice, c’est-à-dire la sainteté! Et Lui, Jésus, voyant les misères qui se sont répandues sur la terre, reprend la Loi, non pas pour l’abolir, mais pour la parfaire afin qu’elle enseigne plus d’amour.

Qui est-Il ce Jésus de Nazareth, tout amour, toute bonté, toute charité... Il passe en faisant le bien et en incitant les hommes à le faire. Il ouvre les cœurs au bonheur de rencontrer Dieu dans la prière. Personne n’a pu déceler un seul péché en Lui qui est la sainteté même. Alors, pourquoi cette haine qui naît autour de Lui? Pourquoi Le rejette-on? Pourquoi Le persécute-t-on? Et pourquoi déjà, cherche-t-on à Le détruire, dans l’abjection, dans les pires souffrances, jusqu’à la Croix précédée des sévices que l’on connaît? Oui, pourquoi? “Pour quelle faute veut-on Le lapider?”

6-7-2-À la suite de Jésus

Qui est-Il, ce Jésus de Nazareth pour que, malgré les persécutions qu’Il promet à ceux qui Le suivront, ils aient été si nombreux à Le suivre, jusqu’à la mort souvent? Dans son Corps mystique qui est l’Église, on continue à Le lapider, à Le contredire, à Le persécuter, à Le crucifier? Et cela dure depuis sa Résurrection... Et cela continue toujours. Pourtant son Église est toujours vivante malgré le déchaînement séculaire des haines de toutes sortes et de toutes natures. Et comment cela peut-il se faire? Tous les royaumes de la terre, même les plus grands et les plus puissants, ont fini par disparaître, mais l’Église de Jésus-Christ est toujours là.

L’Église de Jésus-Christ est toujours là... Pourtant, elle aurait eu mille raisons de ne pas Lui survivre; car outre les terribles persécutions extérieures, venues, on ne sait pas pourquoi, il y eut les persécutions et les haines venues de l’intérieur. Regardons Jésus; contemplons-Le. Il n’est qu’amour, et ses vrais disciples aussi. Il est toute bonté, et son Église aussi qui, au cours des siècles, a soigné les malades, enseigné les enfants et les jeunes, proclamé la justice sociale... Notre Seigneur Jésus-Christ est toute bonté, son Église aussi. Alors que peut-on leur reprocher? De servir tous les hommes, quelles que soient leurs races, leurs cultures ou leurs civilisations?

Contemplons Jésus: Il savait aussi que certains de ceux qui Le persécuteraient viendraient de son Église elle-même. Qui est-Il donc ce Jésus, pour que, de son propre sein, de son Corps qui est l’Église, aient pu naître tant d’hérésies pour Le mutiler, déguiser son message d’amour? Comment tant de divisions venues souvent à partir de rien, ou presque, ont-elles pu “déchirer sa robe sans couture”? Pourquoi les guerres, quand Il prêche l’union? Qui dont-Il, ce Jésus, qu’on Lui en veuille tant?

Qui est donc Jésus? Pourquoi ne nous a-t-Il pas dit clairement qui Il était vraiment quand Il vivait avec nous, sur la terre?

6-7-3-Les deux natures de Jésus

Essayons de comprendre. Que chacun de nous se regarde et constate. Dans chacune de nos personnes, il y a deux “natures”: notre nature physique, matérielle et sensible, celle que nous devons nourrir, que nous voyons et que les autres voient. Grâce à notre nature matérielle, nous pouvons avoir des relations avec les autres. Il y a aussi en nous une nature spirituelle (notre âme) qui nous permet d’aimer, de penser et de connaître Dieu et de nous relier à Lui. Il y a donc bien en chacun de nous, comme deux natures. Et ces deux natures sont indispensables tant que nous sommes sur la terre: si l’une s’en va (la spirituelle), l’autre (la matérielle) meurt. Et ces deux natures sont comme “fondues” en nous pour ne faire qu’un seul être vivant, un seul homme.

Maintenant, regardons Jésus et contemplons-Le, pour essayer de Le comprendre. Les catholiques parlent aussi de deux natures en Lui: sa nature divine, et sa nature humaine, unies dans l’union hypostatique. Les monophysites (des hérétiques des Ve et VIe siècles) considéraient ces deux natures comme “fondues” ensemble. C’est exactement comme pour nous: alors? Quand Jésus était avec nous sur la terre, Il était un homme véritable. Donc, Il avait bien, Lui aussi, deux natures: sa nature humaine, et sa nature divine que l’on pourrait appeler son âme, et qui était vraiment son âme. La différence avec nous, c’est que l’âme du Christ n’était pas une créature, mais le Verbe de Dieu Lui-même. La nature spirituelle de Jésus était le Fils de Dieu Lui-même, incréé, éternel. C’était son âme. Que dire de plus?

Jésus était comme nous, avec un vrai corps d’homme; sa nature divine, incréée, éternelle, Dieu Lui-même, c’était son âme. Jésus était un homme, Fils de l’Homme, Jésus de Nazareth. Cela paraît tout simple. Oui, tout simple. Alors pourquoi toutes ces divisions, même dans son Église?

Encore une fois nous le demandons: Jésus, qui es-Tu?

Les souffrances des chrétiens, dans presque toutes les régions du monde et durant tous les siècles ont été incroyables. Comment cela a-t-il pu et peut-il continuer à se faire? Comment un seul homme a-t-Il pu susciter à la fois tant de haines et tant d’amour?

Peut-être ne le comprendrons-nous jamais... Alors, pour apaiser un peu nos esprits et nos cœurs, relisons une étonnante prière d’un prêtre contemporain: le Père Matta el-Maskine. Cette prière est rapportée par Didier Rance, dans son livre: Prier quinze jours avec les martyrs du XXème siècle.

C’est la prière débordante d’amour d’un homme qui, pourtant, a vécu Gethsémani:

“Toi qui as foulé seul au pressoir
En qui les souffrances se sont plantées
Comme des flèches mortelles...
Je sais maintenant ce que Tu as enduré seul
Tandis que tes disciples dormaient.

Daigne me faire connaître ce que je dois faire
Maintenant pour Toi.

Gethsémani se dresse devant mes yeux.
Je Te vois courbé à genoux sur la terre nue.
Malgré le froid de la nuit,
ta sueur ruisselle comme du sang.

Reçois-moi aujourd’hui, agenouillé près de Toi.
Daigne considérer mes souffrances, mes tristesses
Comme une humble participation aux tiennes.
Pour moi Tu as accepté de boire cette coupe
Je Te servirai tous les jours de ma vie,
Apprends-moi seulement comment T’honorer.

Tu as demandé à tes disciples
De veiller une heure avec Toi,
Mais ils se sont endormis.
Je veux veiller et prier,
Je ne veux pas oublier tes souffrances à Gethsémani.
Je m’en souviendrai avec gratitude et reconnaissance
Tous les jours de ma vie.

Oui, qui est Jésus de Nazareth, pour inspirer un tel amour?

6-8-L’amour... est un choix

— Pourquoi l’amour est-il toujours douleur? demanda Padre Pio à Jésus.

— Parce que l’amour ne peut-être que douleur...

6-8-1-Le choix d’Ève

Au commencement était la Création, et Dieu créa l’Homme pour le bonheur. Il est dit que dans le Paradis Terrestre, Adam et Ève étaient très heureux, et bienheureux dans l’amour de leur Seigneur. Dieu les aimait, infiniment comme tout ce que Dieu fait, et Adam et Ève aimaient Dieu. Et ils étaient très heureux.

Mais ce bonheur de l’Homme ne plaisait pas à Lucifer. Alors, celui qui avait refusé l’amour de Dieu, lui préférant, par orgueil et jalousie, le pouvoir que lui donnerait son titre et sa fonction de Prince de ce Monde, s’en alla trouver Ève. On connaît la suite. Ève se trouva brusquement devant un choix; c’était la première fois que ça lui arrivait. Satan lui montra alors toutes les merveilles de la terre:

— Ce sera à toi si tu m’aimes, si tu me choisis, moi et mes richesses... Je ne te trompe pas, d’ailleurs si tu veux une preuve, goûte le fruit de cet arbre, tu verras comme il est délicieux.

Ève était bien embarrassée. Elle aimait Dieu, de tout son cœur, encore plus que son époux qui pourtant était si bon, si gentil, si attentionné... Et puis Dieu avait défendu de toucher à ce fruit: il y avait danger.

— Pourquoi ne veux-tu pas goûter? C’est bon, tu sais. Et puis crois-tu donc que Dieu t’aime vraiment puisqu’il te refuse une telle joie, un tel plaisir? Aujourd’hui, tu as le choix entre deux amours: l’amour de Dieu qui te refuse un tel plaisir, et l’amour pour moi, qui suis ton Prince, qui t’aime et qui veut te faire découvrir de nouvelles sensations. C’est à toi de décider, choisis, tu le peux. Choisis entre Dieu et moi...

Ève, hélas, fit le mauvais choix; elle oublia l’amour véritable que Dieu lui offrait, et se tourna vers ce qui n’était que plaisir sans amour et sans joie... L’amour suppose toujours un choix. Quand on choisit un amour frelaté, on renonce à l’amour véritable. Et avant de comprendre que ce mauvais choix génère de multiples souffrances, on a douloureusement blessé l’Amour refusé, l’Amour bafoué. Dieu est l’Amour. Dieu qui ne peut souffrir dans son impassibilité divine, souffre pourtant dans son Cœur, son Cœur plein de l’amour qui est Lui, et que l’on a refusé. Mystère insondable!

6-8-2-Jésus nous a choisis: Il nous veut tous saints

Oui, l’amour ne peut être que douleur, car l’amour est un choix. Et chaque choix est un renoncement. Et l’amour qui n’est pas partagé est douleur. Cela, tous les saints l’ont compris et vécu.

L’amour est un choix. Jésus nous a choisis. Son amour a choisi d’aimer les hommes préférentiellement à toutes ses autres créatures. Et pour que Jésus soit toujours heureux dans son choix, il faut que ceux qu’Il aime répondent à son amour. Répondre à l’amour de Jésus et L’aimer, c’est la sainteté.

Lorsque l’on se met à fréquenter un peu les saints, on découvre tant d’amour et tant de générosités que l’on demeure ébloui. Choisissons quelques exemples, notamment dans des siècles qui furent particulièrement broyés par des souffrances que l’on ignore souvent. Considérons le XVIIe siècle, le siècle de Louis XIV. Qui connaît les effroyables misères spirituelles des milieux populaires livrés à la sorcellerie, aux jeteurs de charmes et de sorts, aux pratiques démoniaques, etc?...

Ce XVIIe siècle, que l’on appelle toujours le Grand Siècle, ressemble curieusement au nôtre: nombreuses richesses intellectuelles et culturelles cachant des ignorances insensées, des détresses spirituelles inimaginables et des cultes sataniques voisinant avec des saintetés remarquables qui, peu à peu, ont redonné vie à des sociétés meurtries. Dieu n’abandonne jamais ses enfants, mais il est des périodes difficiles à vivre, surtout quand Satan paraît triompher. C’est alors que les saints se multiplient.

Aujourd’hui, les choses ont peu changé, mais l’immensité de l’Amour de Dieu et de sa Miséricorde est toujours là. Jésus continue à nous aimer alors que nous n’avons aucun mérite. Il nous aime gratuitement et Il continue à tout nous donner. Jésus appelle toujours les hommes à choisir son amour, quel que soit leur état de vie. Jésus veut que nous devenions tous des saints: c’est ce qu’Il désire. Car il y a tellement de gens à sauver.

6-8-3-Quelle sainteté?

À de nombreux mystiques Jésus a dit que dans son Eucharistie Il voulait être consolé, et notre sainteté, c’est sa consolation. Mais quelle sainteté veut-Il de nous? Parce que l’amour est un choix, nous devons choisir Jésus, le Fils de Dieu. Parce qu’Il veut faire de nous des saints, nous devons marcher avec Lui, sur son chemin, car Il est “le Chemin, la Vérité et la Vie.” Parce que l’amour est un choix, nous choisirons l’Amour de Dieu et de notre prochain, même si son Amour est douleur...

Les saints ne sont pas des masochiste, ils ne se complaisent pas dans la souffrance; quand ils souffrent, ils cherchent à se soulager... Et pourtant tout au long de leur vie, courte ou longue, ils ont confirmé leur choix, ils ont choisi Jésus en choisissant l’amour, car Jésus est Dieu et Dieu est Amour. Et de l’amour, on ne peut rien redouter, sinon d’aimer.

6-8-4-Suivre le Chemin de Jésus

Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant! En conséquence, et Il le précisa Lui-même à plusieurs reprises, Il est forcément la Vérité et la Vie. Et pour aller jusqu’à la Vie et la Vérité, c’est-à-dire vers la sainteté, il faut emprunter un chemin, et ce chemin, c’est Lui. Jésus est le Chemin, et pour suivre ce Chemin, nous avons besoin de forces. Alors, Il nous partage son Corps, le Pain de Vie. Il nous donne aussi son Sang, l’eau vive qui donne Vie... Il est le Chemin, le Chemin qui mène à la Vie éternelle et nous conduit vers le Père.

Pour suivre le Chemin de Jésus, nous avons besoin de forces, car son Chemin devient souvent son Chemin de la Croix... Mais c’est toujours un chemin d’amour, car Il est aussi l’Amour...

6-8-5-Dieu seul est

Quand nous avons comparé la création, -l’immensité de la Création- à notre petitesse, à notre misère, à notre faiblesse, à notre néant, nous avons ressenti une certaine peur. Nous savons que Jésus EST au sein de la Trinité dont Il est. Nous savons que UN avec le Père, Dieu unique, Il est. Dieu seul est. Et nous, nous ne sommes rien, nous ne sommes pas, et pourtant nous existons... Nous existons parce que Dieu unique, Père Fils et Esprit le veut, mais nous ne sommes pas...

Dieu seul est, et nous, nous ne sommes pas, bien que nous existions, parce que Dieu veut bien, l’espace d’un éclair, nous donner une étincelle de vie. Mais ce temps passe très vite et demain nous ne serons plus, et pourtant nous continuerons à exister parce que Dieu nous aime. Dieu nous aime et le Fils nous désire, car Il doit construire son Corps mystique, cette œuvre merveilleuse qui associera dans l’espace, dans le cosmos, tous les éléments de ses Créations spirituelles et matérielles: et chacun de nous, homme parmi les hommes, cellule unique au milieu des cellules qui construiront, qui construisent déjà son Corps, nous avons notre fonction propre, la fonction d’amour qu’Il désire de nous, pour notre bonheur. C’est cela notre sainteté. 

Étrange! Nous ne sommes pas, et pourtant nous existons; nous sommes néant, et pourtant le Seigneur nous veut puisqu’Il nous crée, et Il nous aime! Et Il nous rend heureux au bord de ce vertige insensé. L’espace d’un éclair, Dieu nous met dans le temps, mais le temps terrestre, un temps parmi les milliards de temps de l’univers cosmique. Et nous sommes cependant en Lui, notre Seigneur et notre Dieu qui est hors du temps. Nous sommes dans le temps, hommes: corps et âmes, créatures matérielles et spirituelles, tout en étant hors du temps puisque nous sommes en Dieu...

Nous comprenons sans vraiment comprendre. Nous contemplons Jésus, étonnés, fascinés, stupéfaits... Nous comprenons sans comprendre et nous pensons au Corps mystique du Christ qui est en train de se construire, le Corps dont nous sommes. Nous pensons au Corps mystique qui est déjà achevé puisque Dieu est hors du temps. Dieu contemple son Corps mystique achevé que pourtant Jésus est en train de construire.

Prière

Seigneur, comment voudrais-Tu que nous nous y retrouvions? Ton Corps qui se construit est déjà achevé. Ton Amour que nous cherchons nous enveloppe. Nous sommes en Toi, Tu es en chacun de nous. Nous Te cherchons, sans cesse. Sans cesse nous T’appelons, sans cesse nous crions vers Toi. Jésus, nous voudrions Te voir, nous voudrions T’entendre... Mais nous ne trouvons que le silence...

Et cependant Tu es là, Jésus, derrière chacun d’entre nous. Tu es là aussi Jésus, à l’extérieur de nous qui sommes en Toi, dans ton Cœur. Chacun de nous perfectionne en lui une cellule de ton Corps mystique en construction qui est pourtant achevé. Vivre en Toi et avec Toi, Jésus, quel mystère!... Et quel inconfort!...

Plus nous Te découvrons, Jésus, plus nous T’aimons. Plus aussi nous comprenons que ta Croix est souffrance, mais qu’elle est joie aussi. Que la Croix avec Toi, aussi douloureuse qu’elle soit, est aussi plénitude, plénitude de Toi. Cela, qui peut le savoir, qui peut le comprendre?

Jésus! Nous Te supplions, brûle nos vies pour ta consolation, brûle-nous au Feu de ton Amour. Ô mon Dieu, faites qu’avec votre grâce et baignés dans les flammes d’Amour de votre Buisson d’Amour Ardent, nous devenions étincelles d’amour pour la consolation de Jésus, votre Fils. Et qu’avec Jésus et par Jésus, nous ne soyons plus qu’amour plongé dans votre Amour, brûlant dans votre Feu d’amour consumant, qui consume sans consumer, qui brûle sans détruire.

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