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L’enfance et l’adolescence de Benoîte

1-1-Un peu d’histoire

Nous sommes en 1647. La région comprenant le Gapençais et l’Embrunais, avait été profondément touchée par le Calvinisme; les guerres de religion avaient ruiné le pays. Les luttes entre les Calvinistes et les Catholiques avaient été particulièrement violentes dans le Gapençais. De 1577 à 1597, nombre de fermes et d’églises avaient été incendiées. Si à cela on ajoute le passage des troupes royales qu’il fallait nourrir, les nombreuses intempéries et les épidémies, on peut supposer que la misère matérielle était grande et le souci du pain quotidien quasi constant. Le registre paroissial de cette époque indique d’ailleurs “que sept sur dix des bébés meurent dans les trois mois...” Et puis, comme partout en France à cette époque, les abandons d’enfants étaient relativement courants. C’est dans ce pays que Benoîte Rencurel passera toute sa vie. Pour faire bonne mesure, il faut ajouter que le clergé, comme partout en France, était dans un état lamentable: ignorance, indiscipline, immoralité...  Malgré tout cela, la foi du peuple était restée solide.

En 1614, les Capucins s’installèrent à Gap pour organiser des missions et convertir les Calvinistes. À Embrun, ce sont les Jésuites qui accomplirent ce travail. Les confréries étaient nombreuses; les Dominicains s’occupaient de la Confrérie du Rosaire, et du Tiers-ordre de Saint Dominique dans lequel entrera Benoîte. La méditation des mystères du Rosaire fut pour Benoîte une arme très efficace pour la conversion des pécheurs.

1-2-Situation géographique

Benoîte Rencurel a d’abord vécu à Saint-Étienne d’Avançon, une toute petite commune située dans les Hautes-Alpes, à une vingtaine de kilomètres de Gap. Cette commune comptait, à l’époque de Benoîte, environ quarante foyers, très pauvres pour la plupart; même le pain manquait parfois. Sous le règne prestigieux de Louis XIV, les impôts étaient très lourds, et le peuple vivait dans des conditions souvent proches de la misère. La rivière, l’Avance, affluent de la Durance, inondait fréquemment la plaine. Cependant, sous les marnes de la région, des

filons de gypse abondaient, qui donnaient un excellent plâtre. Cela explique la présence des nombreux fours à chaux creusés dans les carrières par les habitants.

1-3-L’enfance de Benoîte

On pense que c’est le 16 septembre 1647 que naquit, à Saint Étienne d’Avançon, une petite fille qui sera nommée Benoîte; ce nom signifie: bénie. Ses parents, très chrétiens, lui apprirent les prières de base: Credo, Pater et Ave Maria. Comme les autres fillettes de son âge et de sa région, Benoîte n’ira pas à l’école et elle ne saura jamais ni lire, ni écrire. Ceux qui ont connu Benoîte enfant, en parlent comme d’une fillette vive, enjouée, voire taquine.

Après la mort de son père, Guillaume Rencurel, -Benoîte avait sept ans- la mère de Benoîte, Catherine, fut dépouillée de tous ses pauvres biens par la famille. Dans le foyer, la pauvreté devint misère: la maman de Benoîte eut bien du mal à nourrir ses trois filles[1]. Aussi Benoîte  fut-elle placée comme bergère chez le ménage Jullien, dès qu’elle eut douze ans. Elle se montra “sage, modeste, et pieuse,” mais impétueuse.

L’année suivante, en 1660, Benoîte fut mise en service dans deux familles: chez la veuve Astier et dans le ménage Rolland.

1-4-L’adolescence de Benoîte Rencurel

Benoîte est née et a été élevée dans un foyer très catholique et “vertueux”. Petite fille pleine de vitalité et de générosité, elle sera un soutien précieux pour la maman souvent démunie. Elle montre aussi une piété exceptionnelle: avant d’entrer en service, elle demande même un chapelet à sa mère, tant elle éprouve le besoin de prier.

Benoîte devient une jeune fille solide, capable de jeûnes prolongés au profit de ceux qui ont plus faim qu’elle. Elle est simple, douce, charitable et très pure. Mais elle est souvent impatiente et peut-être un peu trop émotive. N’ayant reçu aucune éducation autre que celle que la maman, inculte, pouvait lui donner, l’esprit de Benoîte est “très fruste”. Comme prières, elle ne connaissait toujours que le Pater Noster, l’Ave Maria et le Credo. Mais la grâce et les enseignements de Marie en feront “un prodige de perfection”.

Par-dessus tout, Benoîte aimait la sainte Vierge. Un jour, elle fut particulièrement impressionnée par un sermon du curé de sa paroisse, Jean Fraisse, qui, parlant de Marie, déclara, entre autres: “Elle est toute miséricordieuse”. Bientôt, la Vierge Marie, entrant directement dans la vie de Benoîte, pourra la modeler, la former à accepter les contrariétés et à obéir à ses ordres. Marie apprendra aussi à Benoîte à prier davantage et à vivre du Saint Sacrifice de la messe. La Vierge Marie saura parfois se montrer sévère afin de construire en Benoîte une solide maturité. Marie agit, en quelque sorte, comme une véritable maîtresse des novices pour Benoîte.


[1] Mais la petite Benoîte ne cesse de répéter: “Dieu et sa Mère nous assisteront.”

    

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