Paul de Tarse
Catéchèse de Benoît XVI
Chers frères et sœurs,
Nous avons achevé nos réflexions
sur les douze Apôtres directement appelés par Jésus au cours de sa vie
terrestre. Aujourd'hui, nous commençons à aborder les figures d'autres
personnages importants de l'Eglise primitive. Eux aussi ont donné leur vie pour
le Seigneur, pour l'Evangile et pour l'Eglise. Il s'agit d'hommes et également
de femmes, qui, comme l'écrit Luc dans le Livre des Actes « ont consacré leur
vie à la cause de notre Seigneur Jésus Christ » (15, 26).
Le premier d'entre eux, appelé par
le Seigneur lui-même, par le Ressuscité, à être lui aussi un véritable Apôtre,
est sans aucun doute Paul de Tarse. Il brille comme une étoile de première
grandeur dans l'histoire de l'Eglise, et non seulement celle des origines. Saint
Jean Chrysostome l'exalte comme un personnage étant même supérieur à de nombreux
anges et archanges (cf. Panégyrique, 7, 3). Dante Alighieri, dans la
Divine Comédie, s'inspirant du récit de Luc dans les Actes (cf. 9,
15), le définit simplement comme une « vase d'élection » (Inf. 2, 28), ce qui
signifie : instrument choisi de Dieu. D'autres l'ont appelé le « treizième
Apôtre » — et il insiste réellement beaucoup sur le fait d'être un véritable
Apôtre, ayant été appelé par le Ressuscité —, voire même « le premier après
l'Unique ». Certes, après Jésus, il est le personnage des origines sur lequel
nous possédons le plus d'informations. En effet, nous possédons non seulement le
récit qu'en fait Luc dans les Actes des Apôtres, mais également un groupe
de Lettres qui proviennent directement de sa main et qui, sans
intermédiaires, nous en révèlent la personnalité et la pensée. Luc nous informe
que son nom originel était Saul (cf. Ac 7, 58; 8, 1 etc.), ou plutôt en hébreu
Saoul (cf. Ac 9, 14.17; 22, 7.13; 26, 14), comme le roi Saül (cf. Ac 13, 21), et
qu’il était un juif de la diaspora, la ville de Tarse étant située entre
l'Anatolie et la Syrie. Il s'était rendu très tôt à Jérusalem pour étudier en
profondeur la Loi de Moïse à l'école du grand rabbin Gamaliel (cf. Ac 22, 3). Il
avait également appris un métier manuel et rude, la fabrication de tentes (cf.
Ac 18, 3), qui devait ensuite lui permettre d’assurer sa propre subsistance sans
peser sur les Eglises (cf. Ac 20, 34; 1 Co 4 12; 2 Co 12, 13-14).
Rencontrer la communauté de ceux
qui se professaient disciples du Christ fut un événement décisif pour lui. C'est
par eux qu'il avait connu une foi nouvelle — un nouveau « chemin » comme l'on
disait alors — , qui ne plaçait pas tant la Loi de Dieu en son centre, mais au
contraire la personne de Jésus, crucifié et ressuscité, auquel était désormais
liée la rémission des péchés. En juif zélé, il considérait ce message
inacceptable, même scandaleux, et il se sentit donc en devoir de poursuivre les
disciples du Christ, même en dehors de Jérusalem. Ce fut précisément sur le
chemin de Damas, au début des années 30, que Saul, selon ses propres paroles,
fut « ravi par le Christ » (Ph 3, 12). Alors que Luc raconte le fait avec une
abondance de détails — comment la lumière du Ressuscité l'a touché et a
profondément changé toute sa vie —, dans ses lettres, Paul va droit à
l'essentiel et parle non seulement de vision (cf. 1 Co 9, 1), mais
d'illumination (cf. 2 Co 4, 6) et surtout de révélation et de vocation dans la
rencontre avec le Ressuscité (cf. Ga 1, 15-16). En effet, il se définira
explicitement « apôtre par vocation » (cf. Rm 1, 1; 1 Co 1, 1) ou « apôtre par
la volonté de Dieu » ( 2 Co 1, 1; Ep 1, 1; Col 1, 1), comme pour souligner que
sa conversion n'était pas le résultat d'un développement de pensées, de
réflexions, mais le fruit d'une grâce divine imprévisible. A partir de ce
moment, tout ce qui constituait pour lui auparavant une valeur, devint
paradoxalement, selon ses propres termes, une perte et des balayures (cf. Ph 3,
7-10). Et, à partir de ce moment, toutes ses énergies furent placées au service
exclusif de Jésus Christ et de son Evangile. Son existence sera désormais celle
d'un Apôtre souhaitant « se faire tout à tous » (1 Co 9, 22) sans réserve.
Il en découle une leçon très
importante pour nous : ce qui compte c'est de placer Jésus Christ au centre de
sa propre vie, de manière à ce que notre identité soit essentiellement marquée
par la rencontre, la communion avec le Christ et sa Parole. A sa lumière, toute
autre valeur est récupérée et, en même temps, purifiée de résidus éventuels. Une
autre leçon fondamentale offerte par Paul est le souffle universel qui
caractérise son apostolat. Ressentant de manière aiguë le problème de l'accès
des Gentils, c'est-à-dire des païens, à Dieu, qui en Jésus Christ crucifié et
ressuscité offre le salut à tous les hommes sans exception, il se consacra à
faire connaître cet Evangile, littéralement « bonne nouvelle », c'est-à-dire
annonce de grâce destinée à réconcilier l'homme avec Dieu, avec lui-même et avec
les autres. Dès le premier moment, il avait compris qu'il s'agissait d'une
réalité qui ne concernait pas seulement les juifs ou un certain groupe d'hommes,
mais qui avait une valeur universelle et concernait chacun, car Dieu est le Dieu
de tous. Le point de départ de ses voyages fut l'Eglise d'Antioche de Syrie, où
pour la première fois l'Evangile fut annoncé aux Grecs et où fut également forgé
le nom de « chrétiens » (cf. Ac 11, 20.26), c'est-à-dire de croyants en Christ.
De là, il se dirigea tout d'abord vers Chypre et ensuite, à plusieurs reprises,
vers les régions de l'Asie mineure (Pisidie, Lycaonie, Galatie), puis vers
celles d'Europe (Macédoine, Grèce). Les plus importantes furent les villes d'Ephèse,
de Philippe, de Thessalonique, de Corinthe, sans toutefois oublier Beréa,
Athènes et Milet.
Dans l'apostolat de Paul les
difficultés, qu'il affronta avec courage par amour du Christ, ne manquèrent pas.
Il rappelle lui-même avoir connu « la fatigue... la prison.. les coups... le
danger de mort...: trois fois j'ai subi la bastonnade; une fois, j'ai été
lapidé; trois fois, j'ai fait naufrage...; souvent à pied sur les routes, avec
les dangers des fleuves, les dangers des bandits, les dangers venant des juifs,
les dangers venant des païens, les dangers de la ville, les dangers du désert,
les dangers de la mer, les dangers des faux frères. J'ai connu la fatigue et la
peine, souvent les nuits sans sommeil, la faim et la soif, les journées sans
manger, le froid et le manque de vêtements, sans compter tout le reste: ma
préoccupation quotidienne, le souci de toutes les Eglises » (2 Co 11, 23-28).
Dans un passage de la Lettre aux Romains (cf. 15, 24.28) transparaît son
intention de pousser jusqu'à l'Espagne, à l'extrémité de l'Occident, pour
annoncer partout l'Evangile, jusqu'aux extrémités de la terre connue jusque là.
Comment ne pas admirer un tel homme ? Comment ne pas rendre grâce au Seigneur de
nous avoir donné un Apôtre de cette envergure ? Il est clair qu'il ne lui aurait
pas été possible d'affronter des situations si difficiles et parfois
désespérées, s'il n'y avait pas eu une raison de valeur absolue, face à laquelle
aucune limite ne pouvait être considérée comme infranchissable. Pour Paul, cette
raison, nous le savons, est Jésus Christ, dont il écrit: « En effet l'amour du
Christ nous saisit... afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur
eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5, 14-15)
pour nous, pour tous.
De fait, l'Apôtre rendra le
témoignage suprême du sang sous l'empereur Néron ici à Rome, où nous conservons
et vénérons sa dépouille mortelle. Clément Romain, mon prédécesseur sur ce Siège
apostolique au cours des dernières années du Ier siècle, écrivit ainsi à son
propos: « En raison de la jalousie et de la discorde, Paul fut obligé de nous
montrer comment on obtient le prix de la patience... Après avoir prêché la
justice au monde entier, et après être parvenu jusqu'aux frontières extrêmes de
l'Occident, il subit le martyre devant les gouvernants; c'est ainsi qu'il partit
de ce monde et rejoignit le lieu saint, devenu par cela le plus grand modèle de
persévérance » (Aux Corinthiens, 5). Que le Seigneur nous aide à mettre en
pratique l'exhortation que nous a laissée l'Apôtre dans ses Lettres: «
Prenez-moi pour modèle; mon modèle à moi, c'est le Christ » (1 Co 11, 1).
Audience générale du mercredi 25
octobre 2006
SOURCE:
www.vatican.va
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