SOMMAIRE.
L'HEXAËMÉRON, ou Ouvrage des six
jours, de Saint Basile, est une production célèbre dans l'antiquité ; Grégoire
de Nysse son frère, Grégoire de Nazianze son ami, Photius, Suidas, et plusieurs
autres, en ont fait à l'envi le plus grand éloge. Saint Ambroise, en la
traduisant dans sa langue avec très peu de changements, a rendu à son auteur le
plus bel hommage qu'un homme de génie puisse rendre à un homme de génie. Cet
ouvrage en effet est plein d'une érudition profonde et variée, la diction en est
grave et majestueuse, toujours noble avec simplicité, souvent pleine de figures
sublimes et poétiques. La physique, de son temps, avait fait peu de progrès,
parce qu'avant lui, et longtemps encore après lui, on donnait plus à
l'imagination qu'à l’expérience, et qu'en physique l'expérience seule peut
conduire à des connaissances certaines. La plupart de ses erreurs étaient
regardées comme des vérités dans son siècle, et embellissaient son ouvrage loin
de le déparer. Un riche fonds de science et d'érudition, quelques grands
aperçus, des vérités physiques exprimées avec beaucoup de précision et de
justesse, pourront étonner le lecteur qui se transportera dans le siècle où
saint Basile écrivait. Pour moi , je suis persuadé que si cet écrivain fût né
dans un temps où la physique et l'histoire naturelle auraient été plus avancées,
et qu'il en eût fait une étude particulière , il aurait pu en écrire
parfaitement, parce qu'il joignait une très belle imagination à un esprit fort
juste. Mais ce qui touchera principalement les âmes religieuses , c'est qu'en
nous faisant contempler le ciel et les astres qui le décorent , la terre et les
animaux qui l'habitent , les productions qui l’embellissent , il nous élève
partout au Créateur , et nous fait admirer l'ouvrier suprême par l'inspection de
ses œuvres. L’hexaëméron de saint Basile n'avait jamais été traduit dans notre
langue. Je n'en suis nullement surpris ; car j'y ai trouvé des difficultés qui
m'ont fait repentir presque d'avoir entrepris de le traduire. Je n'ai épargné
aucune peine pour le style et pour le fond des choses. Je ne savais de physique
que ce que j'en avais appris dans le cours de mes études ; j'ai eu recours à un
de mes amis, professeur de physique au collège royal, dont les connaissances et
les talents sont connus : il a eu la complaisance de lire avec moi tout
l'ouvrage, de rue marquer les endroits qui avaient besoin d'être éclaircis par
une traduction plus exacte et plus précise, ou par des notes courtes et
substantielles. Je n'ai pas entrepris de relever toutes les erreurs physiques de
saint Basile; je me suis contenté de désigner et d'expliquer les principales.
L'ouvrage de l'illustre M. de Buffon, et le dictionnaire de M. de Valmont de
Bomare, m'ont beaucoup servi pour l'histoire naturelle. Enfin, la traduction,
dans l'état où elle est, pourra être lue avec quelque plaisir, si on se
transporte dans le temps où a été écrit l'original ; si l'on fait attention que
St. Basile, parlant au peuple qu'il était chargé d’instruire, a cru devoir
insérer dans ses descriptions physiques beaucoup de réflexions morales, et a
rapporté quelques histoires populaires sans trop les examiner. Une chose
surprendra en lisant l’hexaëméron, et l'on se dira : Comment saint Basile
a-t-il pu traiter de pareilles matières devant son peuple ? Comment ce peuple
pouvait-il l'entendre? Quel prédicateur chez nous voudront traiter de pareilles
matières devant des hommes qui n'ont aucune teinture de physique, qui en
ignorent jusqu'aux plus simples termes? Apparemment que chez les Grecs, du temps
de saint Basile, le peuple même connaissait un peu les systèmes des anciens
philosophes, et qu'il avait quelques connaissances de physique et d'histoire
naturelle. Saint Grégoire de Nysse, frère de saint Basile, à la tête d'un
ouvrage sur la formation de l'homme qu'il avait fait pour compléter celui de son
frère, dit en propres termes que l'auteur de l'hexaëméron s'était abstenu de
traiter certaines questions difficiles, pour se proportionner à la faiblesse de
son auditoire, composé en grande partie de simples ouvriers; il suppose donc que
tout le reste était à la portée de ce même auditoire. Quoi qu'il en soit, je
vais tracer en peu de mots le système de saint Basile sur la création du monde.
SYSTÈME de St. Basile sur la
création du monde, d'après la Genèse, d'après quelques explications qu'il en
donne (explications toujours naturelles et jamais allégoriques), et d'après
quelques opinions qui lui étaient propres.
AVANT que le monde visible fût
créé, il existait un monde invisible et spirituel, éclairé d'une lumière
céleste, qui a commencé et qui ne le doit jamais finir, un monde propre à des
êtres purement spirituels, aux anges et aux archanges. C'est une conjecture de
saint Basile.
PREMIER JOUR. Dieu crée le ciel et
la terre, et par conséquent, dit saint Basile, les êtres intermédiaires, les
éléments de l’eau, de l'air et du feu. Il les crée dans un moment indivisible.
La matière n'est donc pas éternelle ; elle a eu un commencement. La voûte du
ciel était comme une vaste enveloppe qui ôtait au aronde visible toute
communication avec la lumière du monde invisible , qui le laissait dans les
ténèbres ; les ténèbres répandues sur la face de l'abyme n'étaient autre chose
qu'une privation de lumière. L'esprit de Dieu, porté sur les eaux, les préparait
à être fécondes. Ou ne peut dire que la terre soit appuyée sur aucun fondement;
c'est la main de Dieu qui la soutient. La lumière est créée ; elle dissipe les
ténèbres et embellit le inonde. Distinction de la nuit et du jour, par l'absence
et le retour de la lainière que Dieu soustrait et qu'il renvoie. Le premier jour
de la création n'est pas appelé premier jour, mais le jour, considéré par
honneur comme seul et n'ayant aucun rapport avec les autres.
DEUXIÈME JOUR. Création du
firmament distingué du ciel ; appelé firmament, parce que ses parties, quoique
déliées, sont plus solides que celles du ciel supérieur. L'Écriture lui donne
aussi le nom de ciel. Il y a donc plusieurs cieux ? Oui, sans doute, puisqu'il
en est un troisième dans lequel n été transporté saint Paul. Les eaux
supérieures sont suspendues sur le firmament, couture sur la plate-forme d'une
voûte. Les eaux supérieures et inférieures sont dans une quantité immense pour
fournir un aliment au feu jusqu'à la consommation des siècles. C'est un
sentiment de saint Basile dont je dirai en sou lieu ce que je pense.
TROISIÈME JOUR. Les eaux qui
couvraient la terre s'écoulent et sont rassemblées dans un même espace, dans un
réservoir creusé par Dieu même, pour qu’elles s’y réunissent. Ce sont les eaux
de la mer qui sont la cause unique des fontaines : ce qui n'est pas vrai, comme
je le dirai par la suite. La terre, dégagée des eaux, se revêt bientôt de
verdure; elle montre et étale toutes ses productions.
QUATRIÈME JOUR. Création de «deux
corps lumineux pour éclairer la terre, pour séparer le jour de la nuit, pour
marquer les temps, les jours et les années. Suivant saint Basile, la lumière,
être pur, simple et immatériel, créée avant le soleil, s'est mêlée à la
substance de cet astre qui ne la dépose plus. Je dirai par la suite ce qu'il y a
de faux et de vrai dans cette opinion. Il attribue à la lune plusieurs effets
détruits ou non confirmés par l'expérience.
CINQUIÈME JOUR. L'Écriture fait
sortir des eaux successivement les poissons et les oiseaux. La raison qu'en
donne l'orateur, c'est que les oiseaux nagent dans le fluide des airs comme les
poissons dans le fluide des eaux. Celte raison paraît faible; mais quand on n'en
trouverait pas de meilleure, il suffirait de dire que Dieu a agi de la sorte,
parce qu'il l'a voulu. St. Basile, selon l'usage des anciens, met les insectes
volants au nombre des oiseaux.
SIXIÈME JOUR, marqué par la
création des animaux terrestres et par la formation de l'homme. La première
partie n'offre rien de particulier, sinon le préjugé alors reçu, que la terre
produisait d'elle-même des animaux sans œuf et sans germe. La seconde partie
manque. J'y suppléerai par une dixième homélie où elle sera traitée. Je dirai
d'où j'ai pris cette homélie, et j'en donnerai le sommaire après celui des neuf
autres, qui sont incontestablement de St. Basile.
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