Bartolomeo
de Las Casas
Séville, 1474 - Madrid, 1566
Frère Bartolomeo de Las Casas est le fils d'un des compagnons
de
voyage
de
Christophe Colomb.
Christophe Colomb n'a jamais foulé la terre du Mexique et ce n'est qu'en février
1519 (27 ans après la découverte !) que Cortès et son armada touche le sol du
Yucatán...
Bartolomé de Las Casas se sent naturellement appelé par ces
nouvelles terres. Il fait le voyage en 1498, avec son père, puis en 1502. Il
comprend vite la situation qui s'est mise en place dans le nouveau Monde. Après
les expéditions de reconnaissance de Colomb, les premières communautés se sont
installées dans les îles pour en exploiter les richesses. Il décide de mener sa
carrière ici et entre dans les ordres. Il choisit l'ordre des Dominicains dont
l'une des missions essentielles est la prédication. Rome a besoin de bonnes
volontés pour aller convertir tous ces sauvages du Nouveau Monde. Il est ordonné
prêtre de Saint-Domingue en 1510 : c'est la première ordination du Nouveau
Monde. Le pouvoir espagnol en place a mis rapidement en pratique le système de
l'"encomienda" ou "repartimiento" où les terres sont distribuées
aux colons et des Indiens leurs sont "attribués" pour en entreprendre
l'exploitation : c'est en fait un système qui les mènent à l'esclavage. Las
Casas s'indigne et refuse les terres qu'on lui offre (et les indiens qui vont
avec...). Il assistent au génocide qui commence : violence, alcool, maladies et
surcharge de travail tuent la population indienne à petit feu. En Europe déjà,
des intellectuels comme Montaigne commencent à s'indigner. Mais, ces Indiens,
sont-ils vraiment des hommes : ont-ils une âme ? Et sera-t-il possible un jour
de les convertir au catholicisme... il prend leur parti et ses prêches
deviennent de véritables réquisitoires contre les privilèges énormes que se sont
octroyés les Espagnols : il sera désormais la "mauvaise conscience des
conquistadores".
Il faut bien voir que ce qu'il défend chez ces Indiens, c'est
l'homme, pas leur culture qu'il qualifie lui-même de "barbare". Avec le
temps, il pense pouvoir les convertir. Mais son action reste marginale. Il
décide de rentrer en Europe pour plaider sa cause auprès de roi Ferdinand. La
Conquête est
presque achevée et il sait que le vrai problème est celui de la main d'œuvre que
réclame l'exploitation de ces nouvelles terres. Il envisage même de faire venir
des esclaves noirs d'Afrique réputés plus vigoureux à la tâche. Il propose
surtout de donner des droits aux indiens pour qu'ils puissent se défendre face à
leurs conquérants. Il obtient du Roi une faveur inespérée : expérimenter son
projet dans une nouvelle colonie des côtes du Venezuela. Là, les
Indiens
devront vivre à égalité avec les européens (et les Métis qui commencent à faire
leur apparition). Mais les Indiens ne se font plus d'illusions sur leur sort. Il
savent que les autres colonies ne change pas de méthodes. De plus, des guerres
tribales ont éclatés dans la région. L'expérience est un échec. Désespéré, Las
Casas retourne à Saint-Domingue où il se retire pendant dix ans (1522-1531). Il
rédige là son "Histoire générale des Indes" qui, rapidement publiée,
devient un véritable succès en Europe.
Le
prestige de Las Casas s'accroît rapidement en Europe et dans le Nouveau Monde.
Mais les conquistadores poursuivent leur colonisation sans rien changer du
système de l'"Encomienda". En 1533, au Nicaragua, il réussit par son
charisme à évangéliser les Indiens de Tezulutlán. La région montagneuse qu'ils
habitaient était jusque-là insoumise, on la nommait "Tierra de guerra".
En peu de temps, elle deviendra la "Tierra de la Vera Cruz", "La terre
de la vraie Paix"... En 1542, il retourne en Espagne pour plaider la cause
des indiens auprès de Charles Quint. Il a déjà amassé une somme considérable
d'informations sur ces Indiens : leur mode de vie, leurs coutumes et leur
légendes, bref, tout ce qui nous permet aujourd'hui de connaître leur histoire.
Son plaidoyer à la Cour est un succès, et les "Lois nouvelles" sont
rapidement promulguées : elles abolissent l'esclavage et rendent le système l'"encomienda"
de caducs. Il est du même coup promut évêque du Chiapas. Mais ces nouvelles lois
sont mal accueillis par les colons et les autorités locales. Ils tentent
pourtant de les faire appliquer, refusant par exemple les sacrements à ceux qui
conservent encore des esclaves indiens. Ailleurs, la situation est pire. La
menace que fait peser ces lois sur les bénéfices des Espagnols les font réagir
brutalement. Des révoltes éclatent un peu partout, au Pérou et au Mexique. Des
représentants du gouverneur son tués : l'Empereur est obligé de reculer. Le
pouvoir doit ménager ces colons qu'elle a du mal à contrôler (il faut toujours
plus d'un mois pour traverser l'Atlantique et ensuite le moindre trajet peu
prendre des semaines...) La cupidité l'emporte sur les bons sentiments et Las
Casas lui-même est finalement désavoué. Il doit quitter son évêché de San
Cristóbal en 1546.
Las Casas retourne encore une fois en Espagne pour continuer
sa lutte. C'est alors qu'à lieu la fameuse "Controverse de Valladolid".
Le Pape Jean III souhaitent connaître le statut de ces Indiens : "Ont-ils une
âme ?". Le débat est acharné entre Las Casas, qui vante les qualités morales
qu'il a pu observer chez eux tout au long des ses missions, et Sepulveda qui,
s'appuyant sur les écrits d'Aristote, prétend que ces créatures n'ont que
l'apparence humaine. Sans âme, ils ne sont que des animaux qu'il est normal de
réduire à l'esclavage. Las Casas publie même clandestinement un ouvrage pour
diffuser son point de vue auprès des nobles de la Cour : "La Brevísima
Relación de la destrucción de las Indias"... Le livre fait scandale mais son
objectif est atteint. Il meurent en 1566 à l'âge de 92 ans, un âge canonique
pour cette époque. Il aura accompli douze fois la traversée vers le Nouveau
Monde mais son combat n'était pas terminé... On ne peut nier que les
missionnaires et autres religieux, par leur foi et leurs actions qu'ils ont
théorisé sous le nom de "Théologie de la Libération", ont contribué à la
survie de ces Indiens. (…)
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