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Si Jésus
est Dieu, pourquoi se fait-il baptiser ?
La première
question qui peut venir à l'esprit à propos du baptême de Jésus
est celle-ci : si Jésus est Dieu, pourquoi se fait-il baptiser ?
Jésus est aussi
parfaitement homme, et en Lui sont unies les deux conditions
divine et humaine. Homme, Jésus épouse notre condition humaine.
Quand Jean-Baptiste verse l'eau sur la personne de Jésus, c'est
l'humanité de Jésus, c'est notre humanité qui reçoit cette eau.
Mais quand Jésus
est baptisé, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre. Maintenant,
l'eau est sanctifiée par la divinité de Jésus et par
suite toutes les eaux reçoivent le pouvoir de purifier nos âmes.
C'est pourquoi les hommes seront désormais baptisés en Jésus.
Quand Jésus enverra ses Apôtres en mission, il leur dira de
baptiser "au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit". La
Trinité se manifeste au baptême de Jésus par la présence de la
voix du Père, du corps du Fils et de la colombe de l'Esprit.
N'oublions
pas que ce texte fait suite à celui que nous avons lu durant
l'Avent : "Alors
Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain
venaient à lui " (Mt
3:5), c'est-à-dire des centaines et des centaines de personnes.
Quand Jésus s'est trouvé là, beaucoup purent voir ce prodige et
entendre cette solennelle déclaration de Dieu : "Celui-ci
est mon Fils bien-aimé : en lui j'ai mis tout mon amour."
On imagine
l'étonnement de chacun. Deux versets apocryphes ont été parfois
ajoutés ici :"Et tandis qu'il était baptisé, une lumière
intense se répandit hors de l'eau, au point que tous les
assistants furent saisis de crainte." Cette
lumière n'aurait rien de surprenant, elle accompagne beaucoup de
phénomènes extraordinaires, comme les théophanies de l'Ancien
Testament (Moïse au Sinaï, la nuée dans le désert) ou du Nouveau
(la Transfiguration de Jésus, la conversion de Paul près de
Damas), sans oublier les apparitions de Marie à la rue du Bac
(1830), à Lourdes (1858), encore plus à Fatima (1917). C'est
avec grande reconnaissance envers Jean-Paul II que nous prions
maintenant chaque jeudi le Mystère lumineux du
Baptême de Jésus (Lettre apostolique Rosarium
Virginis Mariae,
21).
Il sera bon
de noter aussi avec quelle humilité Jean-Baptiste reçoit Jésus.
Encore une fois imaginons la scène. Il y a là quelques dizaines
de personnes au moins ; Jean-Baptiste est assailli de tous
côtés, on le questionne ; Jésus se présente : une réaction bien
humaine, de la part du Baptiste, aurait pu être une certaine
complaisance intérieure, à la pensée d'avoir côtoyé de si près
le Seigneur, devant toute la foule. Tout au contraire, Jean
proteste et s'efface : "C'est
moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi".
Mais alors, en
effet, qui a baptisé Jean ? - La bonne question, comme on dit
souvent. La Tradition patristique affirme que Jean-Baptiste fut
purifié par la présence du Christ lors de la rencontre des deux
futures Mamans au moment de la Visitation de Marie à Élisabeth.
Ensuite Jean-Baptiste sera baptisé dans son sang, un ou deux ans
après, lorsqu'Hérode le fera décapiter. Ce que nous appelons la
baptême du sang.
A la lumière
de l'évangile, lisons maintenant la lecture d'Isaïe. Le chapitre
42 est le premier des quatre Chants du Serviteur de Yahvé. Ces
quatre Chants nous parlent d'un Serviteur chargé d'une grande
mission salvifique, et dont tous les traits se réaliseront
pleinement en Jésus-Christ. On notera tout de suite l'expression "mon
élu en qui j'ai mis toute ma joie", reprise dans l'évangile
; d'autres expressions sont marquantes :
— Il
ne criera pas - il ne haussera pas le ton - on n'entendra pas sa
voix sur la place publique :
Jésus parlera beaucoup, mais sans "s'imposer", sans faire de
"publicité".
— Il
n'écrasera pas le roseau froissé - il n'éteindra pas la mèche
qui faiblit :
Jésus ne brimera pas le pécheur car il sait discerner dans toute
âme pécheresse quelque chose de bon qu'il encourage.
— Lui
ne faiblira pas, lui ne sera pas écrasé :
ceci ne contredit pas l'autre chant (Is 52-53) où est annoncée
la passion de ce Serviteur, mais il est vrai que même cette
Croix sera désormais le signe de la victoire. Dans un vieux
cantique nous chantions : Victoire, tu règneras, ô Croix, tu
nous sauveras.
Le psaume 28
à son tour chante le Seigneur. Ici, la
voix du Seigneur domine les eaux :
donc "il élève la voix" ? Non, mais sa douce voix - si nous
l'écoutons, bien sûr - fait taire le tumulte de nos murmures,
qui sont comme des eaux bourbeuses et bruyantes. Mettons un
frein aux plaintes, aux critiques, aux médisances, aux
mensonges, aux conversations inutiles, et nous serons tout
surpris d'entendre une autre Voix, sur un tout autre registre,
qui nous enseignera mille choses pour changer notre vie.
Cet
enseignement vaut pour toute personne de bonne volonté, enfant,
jeune, adulte, vieillard, car, dit saint Pierre dans les Actes
que nous lisons aujourd'hui, (Dieu) accueille
les hommes qui l'adorent et font ce qui est juste, quelle que
soit leur race.
Il faudrait
relever une phrase du même discours de Pierre, quand il dit que Dieu
l'a consacré par l'Esprit. Pierre
indique par là tout simplement la conception du Christ en Marie.
Ne croyons pas que la présence visible de la colombe au moment
du baptême de Jésus soit le signe que à ce moment précis Dieu
ait investi Jésus de sa divinité et de sa mission. Mais ici nous
touchons à l'insondable mystère de la Trinité Sainte, qu'il est
impossible d'expliquer avec nos expressions rationnelles.
Tâchons d'en dire seulement quelques mots, en priant Dieu de
nous pardonner notre maladresse.
Jésus est
éternellement Fils de Dieu, engendré de Lui, et Son image. De
même il est éternellement "oint" (christos) de l'Esprit qui est
Un dans le Père et le Fils. Un psaume le chante : "Dieu,
ton Dieu, t'a oint de l'huile de la joie" (Ps
44:8, repris en cf. He 1:9). Après trente années environ de vie
cachée, Jésus va commencer sa mission auprès des hommes, et le
"signe" que Dieu manifeste lors du baptême est là pour
convaincre la foule qu'elle est bien en présence de son Sauveur.
Jésus ne reçoit pas ici une sorte de révélation sur sa mission
ou sur son identité : mais c'est la foule - et nous autres, qui
recevons la solennelle invitation à nous tourner résolument vers
Lui et à L'écouter.
Écouter, dans
un sens de mettre en pratique. Peu de temps après, nous raconte
l'évangéliste Jean, Jésus sera avec Marie à des noces ; et Marie
nous dira : “Tout
ce qu'il vous dira, faites-le.”
Abbé Charles Marie de Roussy |