Quatrième
dimanche de l'Avent
— A —

 

 

Lecture du livre de Isaïe, (VII, 10-16)

Le Seigneur envoya le prophète Isaïe dire au roi Achaz : « Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu, demande-le au fond des vallées ou bien en haut sur les sommets. » Acaz répondit : « Non, je n'en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l'épreuve. » Isaïe dit alors : « Ecoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! Eh bien, le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils et on l'appellera Emmanuel, c'est-à-dire : Dieu-avec-nous. De crème et de miel il se nourrira, et il saura rejeter le mal et choisir le bien[4], elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te font trembler. »

 

Psaume 23

Au Seigneur, le monde et sa richesse,
la terre et tous ses habitants !
C'est lui qui l'a fondée sur les mers
et la garde inébranlable sur les flots.

Qui peut gravir la montagne du Seigneur
et se tenir dans le lieu saint ?
L'homme au cœur pur, aux mains innocentes,
qui ne livre pas son âme aux idoles.

Il obtient, du Seigneur, la bénédiction,
et de Dieu son Sauveur, la justice.
Voici le peuple de ceux qui le cherchent,
qui recherchent la face de Dieu.

 

Commencement de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (1-7).

Moi Paul, serviteur de Jésus Christ, appelé par Dieu pour être Apôtre, mis à part pour annoncer la Bonne Nouvelle que Dieu avait déjà promise par ses prophètes dans les saintes Écritures, je m'adresse à vous, bien-aimés de Dieu qui êtes à Rome. Cette Bonne Nouvelle concerne son Fils : selon la chair, il est né de la race de David ; selon l'Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d'entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur. Pour que son nom soit honoré, nous avons reçu par lui grâce et mission d'Apôtre afin d'amener à l'obéissance de la foi toutes les nations païennes dont vous faites partie, vous aussi que Jésus Christ a appelés. Vous les fidèles qui êtes, par appel de Dieu, le peuple saint, que la grâce et la paix soient avec vous tous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur.

 

Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ
selon Saint Matthieu (I, 18-24).

Voici quelle fut l'origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils eussent habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret.

Il avait formé ce projet, lorsque l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : « Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : Dieu-avec-nous. »

Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse.

 

“Une étoile se lèvera de Jacob”

Huit cents ans environ se sont écoulés entre la prophétie d'Isaïe et le récit évangélique d'aujourd'hui.

On imagine volontiers l'étonnement de tous ceux qui auront entendu cette prophétie : comment une vierge pourra-t-elle concevoir et enfanter ? Les esprits bien disposés auront pensé que Dieu Créateur est certainement capable d'intervenir avec puissance dans les lois de la création, et auront attendu avec foi cet événement. Marie était de ceux-là. Un saint évêque du 3e siècle, Abdias de Babylone, rapporte cet enseignement remontant à l'apôtre saint André, que, de même qu'Adam fut formé de la terre avant qu'elle fût maudite, de même le Christ a été conçu de Marie, la vierge qui n'avait jamais été maudite.

Ceux au contraire qui auront entendu parler de cette prophétie, plus ou moins déformée dans des milieux idolâtriques, auront sans doute été à l'origine de certains récits mythologiques, pour tenter de donner une explication à cette étrange prophétie. On sait que dans la région de Chartres, des païens vénéraient une mystérieuse “vierge qui devait enfanter”. Le livre des Nombres contient aussi un très étrange événement, lorsque le païen Balaam reçoit de Dieu l'ordre de prophétiser sur le Christ : “Une étoile se lèvera de Jacob” (Nb 24:17).

Voilà donc que Dieu accomplit effectivement cette prophétie : Marie est enceinte ! Une fois encore Matthieu montre la réalisation de la prophétie d'Isaïe. Quelle épreuve affreuse pour le pieux et chaste Joseph. D'un côté, comme fiancé, il était déjà lié à Marie ; de l'autre, persuadé de la sainteté de Marie, il ne se résigne pas à appliquer la Loi du Deutéronome : d'après Dt 22:21, un époux qui découvrait la non-virginité de son épouse, devait la dénoncer, et celle-ci être lapidée.

Telle était alors la loi de Dieu. Dieu n'est pas “sévère”, mais ceux qui le craignent du fond de leur cœur doivent savoir combien les liens d'un saint mariage sont sacrés, et avec quelle sainte jalousie on doit les observer. Pour son peuple choisi, Dieu exigeait que l'on fît “disparaître le mal du milieu” de son peuple (Dt 22:21,22).

Quel horrible dilemme pour Joseph ! On comprend sa décision de se séparer “secrètement” de Marie. Voici que l'Ange de Dieu vient le rassurer. Alors, il se soumet immédiatement à cette mission sacrée : être le père visible d'un Enfant engendré par la volonté du Père Eternel. En d'autres termes, assumer sur terre la Paternité de Dieu ; en un mot : représenter Dieu auprès de Jésus et devant les hommes.

“Et il prit chez lui son épouse”. Joseph et Marie sont réellement unis dans un vrai et authentique mariage, et leur Fils est vraiment l'enfant de la volonté de Dieu. Depuis le premier péché, les lois naturelles ne coïncident plus avec la sainteté de Dieu : à l'origine, la mission d'engendrer la vie est trop sublime, divine et sacrée, pour qu'elle soit entachée de ces plaisirs charnels que l'homme recherche tant, et même en-dehors des liens du mariage.

La conception de Jésus ― nouvel Adam ― devait tout naturellement advenir selon la première loi de la création, celle d'avant le péché de l'homme, quand la volonté de l'homme était tout entière conforme à la volonté de Dieu. Jésus devait naître dans la sainteté parfaite, dans la pureté parfaite, loin de tout sentiment humain, libre du moindre souvenir de la chute d'Adam.

Que penseront ceux qui liront ces lignes ? Étonnement, doute, révolte peut-être. Sur un sujet similaire, Jésus nous dit : “A l'origine, il n'en était pas ainsi” (Mt 19:8). Saint Paul, exhortant les chrétiens de Rome ― et nous avec eux ― rappelle aujourd'hui que “toutes les nations païennes” ont été “amenées à l'obéissance de la foi”, appelées par Dieu “le peuple saint”. Il faut vraiment la foi, la grâce de Dieu, pour entrer dans la “logique” de Dieu et saisir quelque chose du mystère de cette conception.

Quelle mission sublime ! A quoi nous pourrons relier le psaume 23 d'aujourd'hui. “Voici le peuple de ceux qui cherchent (Dieu), qui recherchent la face de Dieu”. Comment rechercher “la face de Dieu”, si Dieu est invisible ? Simplement, en s'efforçant d'agir toujours comme si nous étions devant Dieu. Nous ne Le voyons pas, mais Lui nous voit. Rien ne lui échappe. Qu'il nous suffise ― même si c'est difficile ― de conserver comme Joseph “un cœur pur, des mains innocentes” qui nous permettront de “gravir la montagne du Seigneur”, c'est-à-dire d'élever notre âme toujours plus haut, plus proche de Dieu, pour savoir dire avec toujours plus de conviction, comme Joseph, comme Marie, comme Jésus : Que ta volonté soit faite.

Abbé Charles-Marie de Roussy
Commentaire pour le quatrième dimanche de l'Avent - A

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