Dirige notre joie vers la
joie d’un si grand mystère
Le troisième dimanche de l’Avent
était dans le passé appelé dimanche “en rose”, parce que le célébrant revêtait
alors un ornement rose et non violet, comme pour mitiger l’aspect un peu sombre
de la couleur violette, à l’approche de la fête de Noël. C’est qu’autrefois, la
période de l’Avent était vécue avec plus de “mortifications” que maintenant ; on
ne mettait pas de fleurs sur l’autel non plus, comme durant le Carême, et
certains religieux observaient (ou observent encore) le jeûne et l’abstinence à
certains jours.
En Israël aussi, de saintes âmes
jeûnaient pour mériter davantage et hâter la venue du Sauveur. L’Église ne nous
interdit pas cette pieuse pratique, mais elle ne nous y oblige pas, laissant à
chacun le choix raisonnable de la façon de préparer la belle fête de Noël.
L’Église reconnaît aussi que le rythme de la vie actuelle est tellement
bouleversé par rapport au passé, tellement effréné, qu’on ne peut pas obliger
des personnes fatiguées à se priver d’une nourriture légitime.
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L’annonce de Noël débute
aujourd’hui par une prophétie de Sophonie (VIIe siècle
avant le Christ, un peu avant Jérémie). Historiquement, Sophonie était intervenu
en Israël pour appeler le peuple à la conversion, car la ferveur était bien
retombée, surtout avec les règnes de deux rois impies. Le prophète montre quelle
sera la joie d’Israël après sa conversion : les accusateurs sont écartés,
l’ennemi aura rebroussé chemin (Sennachérib avait envahi une partie du
territoire de Juda).
Et de rappeler à Juda que son
vrai et unique Roi n’est pas celui qu’on voit sur un siège visible somptueux : Le
roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. C’est le verset que l’on applique
maintenant à la naissance du Fils de Dieu à Bethléem. C’est
lui qui apporte le salut.
Et pour bien souligner qu’il ne
s’agit pas d’une présence purement spirituelle, mais bien physique, le prophète
ajoute : il dansera pour toi avec des cris de joie, comme un Époux qui danse
avec son Épouse au jour heureux de leur mariage.
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Le psaume d’aujourd’hui est
un Cantique emprunté au prophète Isaïe, lequel, deux siècles encore avant
Sophonie, annonçait à Israël cette présence du Saint (de Dieu), dont le Nom est sublime.
Isaïe invite à la joie, à l’action de grâce pour cette divine présence.
Notons l’expression : Il
est grand au milieu de toi, qui
met l’accent sur la présence physique de Dieu dans Sion, le Dieu incarné qui
naîtra à Bethléem.
Le prophète affirme sa
conviction qu’il est réellement en présence de Dieu, car il n’a plus
de crainte, il
invite à jouer, à
jubiler.
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En parlant aux Grecs de
Philippes, saint Paul évoque à son tour la joie que doivent toujours avoir les
Chrétiens car, dit-il, le
Seigneur est proche.
Il y aurait beaucoup à dire
ici sur cette joie, car ici l’Apôtre ne vient pas “annoncer” la venue du
Seigneur, qui est né il y a une cinquantaine d’années, qui est déjà mort et
ressuscité. Pourtant, dit-il, le
Seigneur est proche. Les Apôtres ont effectivement annoncé comme “proche” le
retour du Seigneur.
Croyaient-ils que ce retour
était vraiment imminent, qu’ils l’auraient vécu déjà au premier siècle ? Ce
n’est pas sûr. Certains auront pu le croire un moment, mais bien vite le message
de l’Église a été que, pour chaque homme, la vie est très brève - oui, très-très
brève, et que bientôt nous nous retrouverons en face du Christ ressuscité,
devant l’Éternité qui ne finit pas. Voilà comment le
Seigneur est proche.
Quand saint Paul exhorte les
Chrétiens de Philippes avec son Le
Seigneur est proche, ce n’est probablement pas parce qu’il s’attend à revoir
le Seigneur demain ou après-demain, mais parce qu’il tient à ce que ses lecteurs
n’oublient jamais combien la vie est courte et qu’ils seront à leurs derniers
instants de vie beaucoup plus vite et beaucoup plus tôt qu’ils ne s’y attendent.
Même si l’on ne subit pas d’accident grave, même si la maladie ne nous frappe
pas, quand nous serons âgés, nous dirons tous que vraiment la vie ne dure qu’un
instant.
Alors, que faire ? Tout
simplement, dit l’Apôtre, être dans
la joie ;
non pas se réjouir, s’amuser, se divertir n’importe comment, mais : dans
la joie du Seigneur. Il y a en effet mille façons de se réjouir, mais toutes
ne sont pas également dignes du Seigneur. Nous sentons très bien dans notre cœur
ce qui plaît ou non à Jésus-Christ. Je peux me réjouir au bar, à déguster une
bière sur un fond sonore de reggæ ou de folk, mais je peux aussi me réjouir en
allant me réconcilier avec un camarade fâché de mon attitude… Je peux me réjouir
d’avoir réussi une bonne recette, mais je serai bien plus heureux de la partager
ensuite avec un voisin qui vit seul…
Saint Paul ajoute encore une
autre recommandation : Ne
soyez inquiets de rien. On
pourra peut-être se demander si Paul avait vraiment les pieds sur terre !
Comment ne pas avoir de soucis ? Ne pas être préoccupés par la feuille d’impôts,
par la pluie qui va gâcher une récolte…
Il ne s’agit pas d’échapper à nos
obligations, de vivre entre ciel et terre comme si nous étions de simples
esprits. Mais il faut, dans l’esprit de l’Apôtre qui d’ailleurs reprend
l’enseignement de Jésus, rester sereins, confiants en Dieu, avec la certitude
qu’Il n’abandonne jamais Ses enfants. Que gagne-t-on à s’inquiéter ? - De la
nervosité, et rarement un allégement de nos soucis.
Jésus nous avait déjà dit (Mt
6:25-34) de ne pas nous préoccuper de notre nourriture ou de notre vêtement et
de chercher d’abord le Royaume et sa justice.
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Écoutons maintenant les réponses de
Jean-Baptiste à ceux qui lui demandent que faire : partager ses vêtements ou son
repas avec de plus pauvres ; ne pas exiger plus que ce qui est dû ; ne faire
aucune violence à personne et se contenter de son salaire.
Tout commentaire ici reste
superflu. On pourrait dire qu’en ces brèves réponses, Jean-Baptiste résout les
plus grands de nos problèmes de société.
Mais le même Jean-Baptiste ne
cherche pas à s’imposer, encore moins à se faire passer pour un sauveur de la
nation : Il
vient, celui qui est plus puissant que moi ; devant
Lui, il n’est pas
digne de défaire la courroie de ses sandales, comme
pour nous dire que même prosternés, nous ne sommes jamais assez humbles devant
Dieu.
Jésus nous baptisera
dans l’Esprit Saint et dans le feu : l’Esprit
de Vérité et le feu de l’Amour qui va jusqu’à donner
sa vie pour ses amis (Jn
15:13).
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Déjà dans la Prière de
dimanche dernier nous demandions à Dieu de ne pas laisser le
souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de (son) Fils :
cette prière aurait bien trouvé sa place aujourd’hui, en écho à l’appel de Saint
Paul. Mais celle d’aujourd’hui n’est pas moins significative, peut-être même
plus convaincue, plus intérieure : Dirige
notre joie vers la joie d’un si grand mystère… avec un cœur vraiment nouveau.
Abbé Charles Marie de Roussy |