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Jésus fait un éloge grandiose de Jean
On aura remarqué que
Jésus reprend les mots du prophète Isaïe, lus dans la première
lecture. Matthieu ne manque jamais de souligner ainsi
l'accomplissement des prophéties dans la vie du Christ. Mais Christ
ajoute aussi que les lépreux sont guéris, et les morts ressuscités.
Effectivement, avant
le chapitre 11 de Matthieu, que nous lisons aujourd'hui, Christ a
déjà fait beaucoup de miracles, de guérisons multiples (ch.8), au
nombre desquels on ne voit toujours qu'un seul lépreux et une seule
résurrection. “Les” lépreux ? “Les” morts ?
En réalité, Jean n'a
certainement pas de doute sur Jésus, puisqu'il a déjà tressailli de
joie quand les deux futures mamans, Élisabeth et Marie, se sont
rencontrées (cf. Lc 1). Mais Jean, pour convaincre ses disciples, ne
veut pas les assommer de preuves ; très pédagogiquement, il leur
fait constater les faits : c'est bien ce que Jésus va les aider à
faire. Jésus fait donc remarquer aux émissaires de Jean que les
lépreux sont guéris et les morts ressuscités.
Dans la loi de Moïse,
la lèpre était signe d'un grave péché, le lépreux était exclu du
camp (Lv 13:46) ; on ne disait pas “guérir” de la lèpre, mais “être
purifié”, comme pour dire “être absout de son péché”. Si “les”
lépreux sont purifiés, cela veut dire que les pécheurs reçoivent le
pardon de leurs péchés ; si “les” morts ressuscitent, cela signifie
que ceux qui vivaient dans la mort (dans le péché, hors de
l'espérance, sans Dieu), retrouvent la vie (spirituelle, réelle,
vivifiante : la grâce de Dieu).
En quelque sorte,
Jésus fait donc remarquer à Jean : Tu as invité les foules à se
convertir, tu leur a demandé d'aplanir les routes devant Celui qui
vient ; voilà que les pécheurs reviennent à Dieu, parce que l'Agneau
de Dieu est là, qui va prendre sur lui les péchés de tous les
hommes ; sois donc heureux, Jean, parce que ta mission porte des
fruits.
Jésus en profite aussi
pour faire un éloge grandiose de Jean. Les critiques récents qui ont
tamisé l'Écriture pour la réduire en miettes, ont cherché tous les
arguments possibles pour nier l'existence de beaucoup de personnages
bibliques, mais jamais l'historicité de Jean Baptiste n'a été mise
en cause. Là encore Jésus ne s'arrête pas à la considération
humaine, historique ; certes, Jean est un personnage incontournable
par sa mission exceptionnelle, mais surtout il est grand parce qu'il
nous montre le chemin du Royaume. De même, plus tard, Jésus dira,
parlant de sa Mère : Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui font la
volonté de mon Père (cf. Mt 12:50) ; et aussi : Heureuse ma Mère,
non pas (seulement) parce qu'elle m'a nourri, mais parce qu'elle a
reçu ma Parole et l'a conservée (cf. Lc 11:28).
L'apôtre Jacques nous
recommande donc à juste titre de “prendre pour modèles d'endurance
et de patience les prophètes”. Lui aussi cherche à nous faire sortir
des considérations purement humaines. En effet, à chaque instant
nous nous surprenons à soupirer : si seulement je pouvais faire
ceci... cela... ; si seulement j'étais à la place de Untel ; si
seulement... Et notre “bougeotte” nous démange terriblement !
Mais bien avant tout
cela, je peux, moi, faire beaucoup de choses qui déjà changeront ma
vie. Avec l'Évangile, avec la prière, avec les sacrements, j'ai tout
ce qu'il faut pour guérir ma surdité et entendre la Voix de Dieu ;
ma cécité et admirer les gestes divins ; mon mutisme et proclamer la
gloire de Dieu ; mes membres boîteux et marcher désormais dans la
voie de Dieu ; ma lèpre et être purifié de mes péchés ; jusqu'à ma
mort spirituelle, et vivre d'une vie nouvelle.
Bien sûr, je ne
“guérirai” peut-être pas instantanément, soit parce que je n'irai
pas voir mon médecin, soit parce que je ne prendrai pas les
médicaments qu'il m'aura donnés, soit parce que ces médicaments
seront lents à agir (d'autant plus lents que j'aurai laissé la
maladie gagner du terrain : ah, ces vieilles habitudes, ces manies,
ces petits dadas quotidiens) ; mais si je suis “patient” comme les
prophètes, comme Jésus qui m'attend et qui frappe inlassablement à
la porte de mon cœur, certainement je guérirai.
De cette guérison
parlait aussi le psaume 145 : le Seigneur délie les enchaînés, parce
qu'Il leur remet leurs péchés ; Il redresse les accablés, parce
qu'Il prend sur Lui nos péchés ; Il soutient la veuve, parce que
toute âme pécheresse est comme une femme qui a perdu le soutien de
son mari défunt, et Jésus lui rend ce soutien ; l'orphelin aussi,
parce qu'un enfant sans parents n'a plus d'héritage, tandis que
recevoir l'enseignement de Jésus nous garantit l'héritage de la Vie
éternelle.
A tous ces malades
“affamés”, Jésus “donne le pain” (eucharistique) : “Qui mange ma
chair et boit mon sang a la vie éternelle” (Jn 6:54).
Abbé Charles-Marie de
Roussy
Commentaire pour le troisième dimanche de l'Avent -
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