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L'Ascension de Jésus est déjà notre victoire
Cette année, la
première lecture et l'Évangile sont tous deux de Luc, et se
complètent fort bien.
Sur le texte
des Actes des Apôtres, on pourra s'en tenir à ce qui fut
écrit les années précédentes, puisque ce texte est commun
aux trois années (même si l'on n'a jamais fini de revenir
sur un texte et de lui trouver d'autres commentaires).
Dans
l'évangile, Luc semble enchaîner l'épisode de l'Ascension
immédiatement après celui de l'apparition de Jésus aux
Apôtres le jour de la Résurrection : "Puis il leur dit...",
"Puis il les emmena..." Tout est dans le sens qu'on donne au
mot "puis" ; dans l'évangile, ce mot sert à Luc à abréger
son récit (qu'il reprendra dans les Actes des Apôtres) ;
ici, "puis" pourrait se traduire par "plus tard".
D'ailleurs, Il a très bien pu leur répéter plusieurs fois ce
même discours, pour les convaincre toujours plus de
l'accomplissement des Écritures, jusqu'à leur "ouvrir
l'esprit pour comprendre" ces Écritures (Lc 24:45).
Jésus les
emmène à Béthanie : ce site est proche de Jérusalem ; c'est
là qu'habitait Lazare avec Marthe et Marie, qui Le
recevaient. C'est là que se trouve le Mont des Oliviers, où
Jésus fut arrêté. Et c'est là que Jésus prend congé des
Apôtres.
Un détail du
récit évangélique est ici particulièrement réconfortant,
c'est que les Apôtres s'en retournèrent à Jérusalem "remplis
de joie" : ceci démontre aussi la réalité de la
Résurrection, car ils n'auraient certainement pas éprouvé un
tel sentiment si Jésus avait purement et simplement disparu
après la mort, en les abandonnant à eux-mêmes.
Justement,
Jésus "ne les laisse pas orphelins" (Jn 14:18), mais Il leur
promet "une force venue d'en haut". Cette Force sera
l'Esprit, qu'ils recevront dix jours après l'Ascension, au
jour de la Pentecôte. Ensuite, dit le texte évangélique, ils
étaient "sans cesse dans le Temple", tandis que les Actes
disent qu'ils étaient au Cénacle. Ils étaient ensemble au
Cénacle pour parler entre eux, pour organiser leur vie
quotidienne, leurs repas ; le cénacle n'était toutefois pas
très loin du Temple, où ils se rendaient donc pour prier,
pour participer aux rites, en attendant de "codifier" leurs
propres cérémonies, la célébration de l'Eucharistie, la
proclamation de la Parole.
Le bref psaume
46 a été choisi pour son allusion à la "montée" : "Dieu
s'élève" et pour la description de sa majesté. Un autre
psaume (67), beaucoup plus long et plus mys-térieux semble
aussi annoncer l'Ascension. Un verset du psaume 46 est ici à
noter: le trône sacré de Dieu, que d'autres traductions
rendent par "trône de sainteté" (en latin: super sedem
sanctam suam, "sur son siège saint"). On ne peut
imaginer un Dieu Créateur et Tout-puissant, assis sur un
trône somptueux, de métal précieux et confortablement
enfoncé au fond de coussins voluptueux ; l'auteur sacré
décrit sa vision avec les termes de sa culture historique,
et ne peut imaginer le Roi du ciel autrement qu'un roi
terrestre, avec son trône ; mais ce trône est tout différent
: il est tout en sainteté, d'une matière qu'on ne connaît
pas sur terre, c'est le Lieu sacré où est Dieu, trois fois
Saint. "Saint, saint, saint, Dieu de l'univers...",
chantons-nous à la messe.
Ce Lieu saint
par excellence est le Saint des Saints du Temple de
Jérusalem, dont il va être question maintenant, dans
l'épître aux Hébreux.
Le thème
central de cette épître est une démonstration majestueuse de
la supériorité du Sacerdoce du Christ, sur le sacerdoce de
l'Ancienne Alliance, dans laquelle il fallait sans cesse
renouveler et les prêtres et les sacrifices. Jésus, lui, a
offert "le" Sacrifice unique et définitif qui ouvre la Vie
éternelle à tous les hommes.
Le "rideau du
sanctuaire" était ce tissu qui séparait du regard des
fidèles le Saint des Saints. Dans la première partie du
sanctuaire - le Saint -, se trouvaient les candélabres, la
table pour la présentation des pains. Derrière le voile, se
trouvait le Saint des Saints, où se trouvait l'encens,
l'arche de l'alliance recouverte d'or, contenant les tables
de l'Alliance et le bâton d'Aaron. Les prêtres entraient
régulièrement dans le Saint pour offrir les sacrifices, mais
seul le Grand Prêtre entrait dans le Saint des Saints, une
fois par an, avec le sang des sacrifices, pour ses propres
péchés et ceux du peuple entier.
Voilà ce qu'a
fait Jésus : passant du tabernacle de la nature humaine au
sanctuaire du Ciel, à travers le voile de la mort, il a
brisé le lien de la mort, il est entré dans le vrai
sanctuaire éternel, présentant à Dieu son propre sang et
notre propre nature humaine, désormais vainqueur de la mort
et du péché.
Les sacrifices
du Temple étaient les images du Sacrifice du Christ, et ont
trouvé en Lui leur accomplissement. Désormais, explique
saint Paul aux Hébreux récemment convertis, il n'est plus
nécessaire d'offrir encore des boucs et des veaux (He 9:12).
Dans la Loi, était déclaré impur qui avait eu un contact
physique, extérieur, avec un cadavre ou un objet impur ; il
était alors exclu du temple. Mais le Sang du Christ purifie
désormais nos consciences, il efface nos péchés. La
purification n'est plus seulement charnelle, elle est
intérieure, spirituelle, elle engendre une vie nouvelle.
Que les prêtres
continuent d'offrir chaque jour le Sacrifice de la Messe ne
signifie pas qu'ils multiplient le Sacrifice du Christ :
c'est toujours le même Sacrifice qui se répète dans le
temps, par la volonté de Celui qui a commandé aux apôtres :
Faites ceci en mémoire de moi. Cette célébration est une
source de grâces pour les fidèles, qui peuvent ainsi
participer visiblement à cet unique Sacrifice que le Christ
a consommé il y a deux mille ans.
Cette épître
aux Hébreux n'est pas très lue et elle contient des choses
difficiles. Mais le message de cette solennité de
l'Ascension est clair : en montant au ciel avec notre
nature, Jésus a exalté cette nature humaine en la
glorifiant, en la présentant à son Père, victorieuse du
péché. Ainsi, l'Ascension de Jésus est déjà notre victoire
(Prière du jour).
Abbé Charles
Marie de Roussy
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