Les rhéteurs rapportent comme une chose
mémorable le fait qu'un général romain, alors que le médecin d'un roi ennemi
était venu à lui, en offrant d'administrer du poison au roi, l'envoya enchaîné à
l'ennemi. Et ce fut en vérité chose remarquable que celui qui avait entrepris de
rivaliser de courage, ne voulut pas vaincre par la tromperie. En effet il ne
mettait pas la beauté morale dans la victoire, mais il proclamait d'avance comme
laide, la victoire elle-même si elle n'avait été recherchée par la beauté
morale.
Revenons à notre Moïse et tournons-nous
vers des faits antérieurs pour montrer que plus ils sont prestigieux, plus ils
sont anciens. Le roi d'Egypte ne voulait pas laisser partir le peuple de nos
pères. Moïse dit au prêtre Aaron d'étendre sa verge sur toutes les eaux de l'Egypte.
Aaron l'étendit et l'eau du fleuve fut changée en sang et personne ne pouvait
boire d'eau et tous les Égyptiens périssaient de soif, mais les courants d'eau
pure abondaient pour nos pères. Ils jetèrent de la cendre vers le ciel et il se
produisit des ulcères et des pustules brûlantes sur les hommes et les
quadrupèdes. Ils firent tomber la grêle avec un brillant éclair: et toutes
choses sur terre avaient été broyées. Moïse pria et tout l'ensemble des êtres
retrouva son agrément: la grêle s'arrêta, les ulcères se guérirent, les fleuves
fournirent les breuvages accoutumés.
De nouveau la terre avait été couverte
d'obscures ténèbres, pendant trois jours, depuis que Moïse avait levé la main et
répandu les ténèbres. Tout premier né d'Egypte mourait alors que toute
progéniture des Hébreux restait hors d'atteinte. Moïse sollicité de mettre fin à
ces calamités aussi, pria et l'obtint. En ce général il faut vanter le fait
qu'il se garda de participer à la tromperie; en notre Moïse ce fut une chose
admirable, qu'il détournât aussi par sa vertu personnelle, même d'un ennemi, les
châtiments brandis par Dieu: il était en vérité, comme il est écrit, extrêmement
doux et paisible. Il savait que le roi ne respecterait pas la fidélité à sa
promesse, cependant il jugeait beau moralement, ayant été sollicité, de prier,
ayant été offensé, de bénir, ayant été attaqué, de pardonner.
Il jeta sa verge, et il se fit un serpent
qui dévora les serpents des Egyptiens, pour signifier que le Verbe se ferait
chair qui éliminerait les venins du serpent cruel par la rémission et le pardon
des péchés. La verge est en effet le Verbe, droit, royal, plein de puissance; la
marque du pouvoir. La verge se fit serpent parce que celui qui était le Fils de
Dieu, né de Dieu le Père, s'est fait Fils de l'homme, né de la Vierge; lui qui,
élevé sur la croix comme le serpent, répandit un remède sur les blessures des
hommes. C'est pourquoi le Seigneur lui-même dit: « De même que Moïse éleva le
serpent au désert, de même faut-il que le Fils de l'homme soit élevé ».
Enfin se rapporte aussi au Seigneur Jésus
le second prodige que fit Moïse: « Il mit sa main dans la poche de son vêtement
et la présenta et sa main se fit comme neige. De nouveau, il la mit dans son
vêtement et la présenta et elle avait comme l'apparence de la chair humaine »,
pour signifier le Seigneur Jésus, d'abord l'éclat de la divinité, ensuite le
fait d'assumer la chair, et c'est la foi en laquelle il faudrait que croient les
nations et tous les peuples. C'est à juste titre qu'il mit sa main, parce que la
droite de Dieu est le Christ, en la divinité et l'incarnation de qui, celui qui
ne croit pas est châtié comme réprouvé; ainsi ce roi: parce qu'il ne crut pas à
des prodiges évidents, châtié par la suite, il priait pour mériter sa grâce.
Combien donc doit être grand l'attachement à la beauté morale, ces faits, d'une
part, en sont la preuve, et d'autre part, celui-ci surtout que Moïse s'offrait
pour le peuple: il demandait que Dieu pardonnât au peuple ou au moins qu'il le
rayât lui-même, Moïse, du livre des vivants.
Tobit aussi, de façon fort évidente,
représenta l'image de la beauté morale, alors qu'il laissait son repas pour
ensevelir les morts et invitait les indigents à partager la nourriture de sa
pauvre table. Ce fut le cas surtout de Raguel, lui qui, par considération de la
beauté morale, alors qu'on lui demandait de donner sa fille en mariage, ne
taisait pas non plus ses défauts, de peur de paraître tromper le prétendant par
son silence. Aussi, alors que Tobie le fils demandait qu'il lui donnât la jeune
fille, Raguel répondit qu'assurément, d'après la loi, elle lui était due, comme
à son parent, mais qu'il l'avait déjà donnée à six maris et que tous étaient
morts. Aussi, homme juste, avait-il plus de craintes pour les autres et
préférait-il que sa fille lui restât, sans être mariée, plutôt que de mettre en
péril des étrangers, à cause de ses noces.
Comme il résolut vite toutes les questions
des philosophes! Ceux-ci traitent des défauts des maisons, pour savoir si ces
défauts paraissent devoir être cachés ou révélés par le vendeur; notre homme
estima devoir ne pas cacher les défauts, même de sa fille. Et assurément ce
n'était pas lui qui cherchait à la donner en mariage, mais on l'en priait.
Combien cet homme, en tout cas, était plus attaché à la beauté morale que ces
philosophes, nous n'en pouvons douter, si nous comparons combien l'intérêt d'une
fille l'emporte sur l'argent d'un bien que l'on vend.
Considérons un autre exemple: accompli en
vue de la captivité, il atteignit la plus haute convenance de la beauté morale.
Aucune adversité en effet n'entrave la beauté morale qui, à cette occasion, se
dresse et domine plus que dans la prospérité. C'est pourquoi au milieu des
chaînes, au milieu des armes, des flammes, de la servitude — qui pour des hommes
libres est plus accablante que tout supplice — au milieu des affres des
mourants, des ruines de la patrie, de l'épouvante des hommes, du sang des
victimes, le souci de la beauté morale cependant ne quitta pas nos aïeux, mais
au milieu des cendres et de la poussière de la patrie détruite, ce souci
resplendit et brilla dans leurs pieuses dispositions.
De fait, alors qu'on emmenait en Perse nos
pères,, qui étaient alors les adorateurs du Dieu tout-puissant, les prêtres du
Seigneur prirent le feu de l'autel et le cachèrent secrètement dans une vallée.
Il y avait là une sorte de puits ouvert, peu fréquenté du fait du retrait de
l'eau et non ouvert à l'usage de la population, dans un endroit inconnu et
dérobé aux témoins; c'est là qu'ils déposèrent le feu, caché à la fois par un
signe sacré et par le silence. Ces hommes n'eurent pas la préoccupation
d'enfouir de l'or, de cacher de l'argent, pour les conserver à leurs
descendants; mais, dans l'extrémité où ils se trouvaient, gardant le souci de la
beauté morale, ils pensèrent devoir conserver le feu sacré pour éviter ou bien
que des impurs ne le souillassent, ou bien que le sang des défunts ne
l'éteignît, ou bien qu'un amas de décombres informes ne le supprimât.
Et ainsi ils s'en allèrent en Perse, avec
la liberté de leur seule religion, puisque, seule, elle ne put leur être
arrachée par la captivité. Mais après un très long temps, quand il plut à Dieu,
celui-ci donna au roi des Perses la pensée d'ordonner la restauration du temple,
en Judée, et le rétablissement des cérémonies prescrites par la loi, à
Jérusalem. Et en vue de cette tâche, le roi des Perses envoya le prêtre Néhémie.
Mais celui-ci emmena avec lui les petits-fils de ces prêtres qui, sur le point
de s'éloigner de la terre de leurs pères, avaient caché le feu sacré pour qu'il
ne fût pas détruit. Mais quand ils arrivèrent, ainsi que l'a rapporté le récit
des pères, ils ne trouvèrent pas de feu, mais de l'eau. Et comme le feu manquait
pour embraser les autels, le prêtre Néhémie leur enjoignit de puiser l'eau, de
la lui apporter et de la répandre sur le bois. Alors, chose admirable à voir,
bien que le ciel fût un tissu de nuages, le soleil soudain brilla, un grand feu
s'alluma, en telle sorte que tous, à l'occasion d'une grâce aussi évidente du
Seigneur, frappés de stupeur devant le fait, étaient inondés de joie. Néhémie
priait, les prêtres chantaient un hymne à Dieu. Et lorsque le sacrifice fut
consumé, Néhémie ordonna de nouveau d'inonder de grandes pierres avec l'eau qui
restait; cela fait, la flamme s'alluma, mais la lumière qui brillait venant de
l'autel fut aussitôt absorbée.
La chose lui ayant été révélée par un
rapport, le roi des Perses fit faire un temple à l'endroit où le feu avait été
caché et où ensuite l'eau fut trouvée, temple auquel on apportait des dons très
nombreux. Ceux qui se trouvaient avec le saint Néhémie appelèrent ce temple «
Epathar », terme qui a le sens de purification; le plus grand nombre le nomme
«Naphte». On trouve dans les écrits du prophète Jérémie qu'il ordonna de prendre
du feu, à ceux qui viendraient ensuite. Ce feu est celui qui tomba sur le
sacrifice de Moïse et le consuma, selon qu'il est écrit: « Le feu sortit du
Seigneur et consuma l'ensemble des holocaustes qui étaient sur l'autel ». Il
fallait que le sacrifice fût sanctifié par ce feu, et c'est pourquoi, en ce qui
concerne les fils d'Aaron, qui voulurent introduire un tout autre feu, de
nouveau le feu sortit du Seigneur et les consuma, si bien que, morts, ils furent
rejetés hors du camp.
Or venant en cet endroit, Jérémie découvrit
une maison en forme de caverne; il y porta la tente, l'arche et l'autel de
l'encens, et boucha l'entrée. Lorsque ceux qui étaient venus avec lui la
recherchèrent fort attentivement, afin de repérer pour eux-mêmes l'endroit, ils
ne purent en aucune manière le reconnaître et le découvrir. Mais quand Jérémie
apprit qu'ils avaient cherché à l'atteindre, il dit: « L'endroit sera inconnu
jusqu'à ce que Dieu rassemble l'assemblée de son peuple et devienne favorable.
Alors Dieu montrera tout cela et la majesté du Seigneur apparaîtra. »
L'assemblée du peuple, nous l'avons, la
faveur du Seigneur notre Dieu, nous la reconnaissons, elle qu'obtint
l'intercesseur en notre faveur dans sa passion. Je pense que nous ne pouvons pas
non plus ne pas connaître ce feu alors que nous avons lu que le Seigneur Jésus
baptise dans l'Esprit-Saint et le feu, comme Jean l'a dit dans l'Évangile. C'est
à juste titre que le sacrifice était consumé puisqu'il était sacrifié pour le
péché. Quant à ce feu, il fut la figure de l'Esprit-Saint qui devait descendre
après l'Ascension du Seigneur et remettre les péchés de tous, lui qui, à la
manière du feu, enflamme l'âme et l'esprit du fidèle. C'est pourquoi Jérémie dit
après avoir reçu l'Esprit: « Et ce fut dans mon cœur comme un feu ardent qui
portait la flamme dans mes os, et je fus disloqué de partout et je ne puis le
supporter ». Mais aussi dans les Actes des Apôtres nous lisons que, lorsque
l'Esprit fut tombé sur les apôtres et sur beaucoup qui attendaient les promesses
du Seigneur, des langues furent dispersées comme du feu. Finalement, l'âme de
chacun était échauffée à ce point que l'on croyait gorgés de vin, ceux qui
avaient reçu le don de parler diverses langues.
Que signifie donc le fait que le feu devint
de l'eau et que l'eau alluma du feu, si ce n'est que la grâce de l'Esprit brûle
par le feu et purifie par l'eau nos péchés? Le péché est lavé en effet et brûlé.
C'est pourquoi aussi l'apôtre dit: « Ce qu'est l'œuvre de chacun, le feu
l'éprouvera » et ensuite: « Si l'œuvre d'aucun brûle, il en subira la perte;
quant à lui, il sera sauvé, toutefois comme à travers le feu ».
Or nous avons établi cela à cette fin de
prouver que les péchés sont brûlés par le feu. Il est donc acquis que ce feu est
vraiment un feu sacré qui descendit alors sur le sacrifice, en figure de la
rémission à venir des péchés.
Ainsi donc ce feu est caché au temps de la
captivité, où règne la faute, mais au temps de la liberté il est produit au
grand jour. Et bien que changé dans l'apparence de l'eau, il conserve cependant
la nature du feu pour consumer le sacrifice. Et ne t'étonne pas en lisant que
Dieu le Père a dit: « Je suis un feu qui consume » et ailleurs: « Ils m'ont
abandonné, moi la source d'eau vive ». Lui aussi le Seigneur Jésus, comme un
feu, enflamme les cœurs de ceux qui l'écoutent, et comme une source, les
rafraîchit; de fait, lui-même dans son Evangile dit qu'il est venu à cette fin
d'apporter le feu sur la terre et de servir un breuvage d'eau vive à ceux qui
ont soif.
Au temps d'Elie aussi, le feu descendit
lorsqu'il défia les prophètes des païens, d'embraser l'autel sans y porter le
feu. Après que ceux-ci n'avaient pu le faire, lui-même arrosa d'eau sa victime
par trois fois, l'eau se répandait à l'entoure de l'autel, il éleva la voix, le
feu du Seigneur tomba du ciel et consuma l'holocauste.
Tu es cette victime. Examine en silence
chaque élément: c'est sur toi que descend la chaleur de l'Esprit-Saint, c'est
toi qu'elle paraît brûler en consumant tes péchés. Car le sacrifice qui fut
consumé au temps de Moïse, était un sacrifice pour le péché. C'est pourquoi
Moïse dit, comme il est écrit dans le livre des Macchabées: pour la raison que
ne fut pas mangé ce qui était sacrifice pour le péché, cela fut consumé. Lorsque
dans le sacrement de baptême l'homme extérieur tout entier périt, ne te
semble-t-il pas qu'il est consumé? Notre vieil homme a été fixé à la croix, crie
l'apôtre. Ici, comme te l'enseignent les préfigurations que sont les pères,
l'Egyptien est englouti, mais l'Hébreu se relève, renouvelé par le Saint-Esprit,
peuple hébreu qui a passé à pied, sans encombre, même à travers la mer Rouge où
les pères furent baptisés sous la nuée et dans la mer.
Dans le déluge aussi, au temps de Noé,
toute chair mourut; le juste cependant fut sauvé avec sa descendance. L'homme
n'est-il pas consumé lorsque l'être mortel est détaché de la vie? Car l'homme
extérieur se corrompt, mais l'homme intérieur se renouvelle. Et ce n'est pas
seulement dans le baptême, mais encore dans la pénitence que s'accomplit la
perte de la chair au profit de l'esprit, comme nous l'enseigne l'autorité
apostolique par ces mots de saint Paul: « J'ai jugé comme si j'étais présent
celui qui a agi ainsi, décidant de livrer ce genre d'homme à Satan pour la perte
de sa chair, afin que l'esprit soit sauvé au jour de Notre Seigneur Jésus
Christ.
Nous avons fait, semble-t-il, une bien
longue digression pour admirer le mystère, en nous appliquant à découvrir plus
pleinement l'enseignement révélé: celui-ci est plein de beauté morale jusqu'à ce
point qu'il est plein de sens religieux.
1. La
guerre contre la tribu de Benjamin.
Quel grand souci de la beauté morale eurent
nos ancêtres! À ce point qu'ils poursuivirent, par la guerre, la vengeance de
l'outrage subi par une seule femme, outrage que lui avait infligé la turpitude
d'hommes sans retenue; et qu'après avoir vaincu le peuple de la tribu de
Benjamin, ils firent serment de ne pas donner en mariage leurs propres filles à
ces hommes. La tribu serait restée sans aucun soutien d'une postérité, si elle
n'avait reçu la permission d'une indispensable tromperie. Cette concession
cependant n'est pas exempte, semble-t-il, du châtiment opportun de leur manque
de retenue, puisque cela seulement leur fut autorisé: de prendre des épouses par
un rapt, mais non pas par l'engagement du mariage. Et en vérité c'était chose
méritée que les mêmes hommes qui avaient rompu l'union d'autrui, fussent privés
de la cérémonie du mariage.
Histoire, d'autre part, combien digne de
pitié! Un homme, dit l'Écriture, un lévite, avait pris une épouse — elle est, je
pense, appelée concubine, de concubitus, du fait qu'elle partageait son lit —
qui, quelque temps après, mécontente de certaines choses, comme il arrive
d'ordinaire, se rendit chez son père et y fut quatre mois. Son mari se leva et
partit pour la maison de son beau-père afin de rentrer en grâce avec son épouse,
de l'inviter à revenir et de la ramener; la femme vint au devant de lui et fit
entrer son mari dans la maison de son père.
Le père de la jeune femme s'en réjouit,
vint à sa rencontre et se tint avec lui pendant trois jours: ils mangèrent et se
reposèrent. Le jour suivant, le lévite se leva à l'aube; il fut retenu par son
beau-père, si bien qu'il n'abandonna pas si vite l'agrément de sa compagnie. Un
second et un troisième jour, le père de la jeune femme ne permit pas à son
gendre de partir, avant que la joie entre eux et tout agrément ne fussent à leur
comble. Mais le septième jour, alors que déjà le jour déclinait à l'approche du
soir, après des agapes et de joyeuses compagnies, bien qu'il prétextât la
proximité immédiate de la nuit pour estimer qu'il fallait reposer chez les siens
plutôt que chez des étrangers, il ne put retenir son gendre et le laissa partir
en même temps que sa fille.
Mais lorsqu'un certain parcours eut été
accompli, bien que le soir désormais plus proche fût pressant et qu'on fût
arrivé à proximité de la ville des Jébuséens, malgré l'avis du petit serviteur
proposant que son maître fît un détour pour y aller, son maître n'accepta pas
parce que cette ville n'appartenait pas aux fils d'Israël; mais il entreprit de
parvenir jusqu'à Gabaa qui était habitée par le peuple de la tribu de Benjamin.
Il ne se trouvait personne pour leur donner, à leur arrivée, l'hospitalité, si
ce n'est un homme qui était étranger et d'âge avancé. Or cet homme les ayant
aperçus et ayant interrogé le lévite: « Où vas-tu? ou bien d'où viens-tu? »
celui-ci répondit qu'il était en voyage, qu'il regagnait la montagne d'Ephraïm
et qu'il ne se trouvait personne pour le recueillir; l'étranger lui offrit
l'hospitalité et apprêta le repas.
Mais lorsqu'on fut rassasié de manger et
que les mets furent retirés, des hommes pernicieux firent irruption, entourèrent
la maison. Alors le vieillard offrait à ces hommes criminels sa fille, qui était
vierge, et sa compagne du même âge avec qui elle avait l'habitude de se coucher,
pourvu que violence ne fût pas faite à son hôte. Mais la raison obtenant trop
peu de succès et la violence l'emportant, le lévite céda sa propre épouse: ils
la connurent et s'en jouèrent toute la nuit. Vaincue par cette cruauté ou par la
douleur de l'outrage, devant la demeure de l'hôte, où son mari était allé loger,
elle vint se jeter et rendit le dernier souffle, sauvant, fût-ce par l'ultime
don de sa vie, son affection de bonne épouse, afin de réserver à son mari, à
tout le moins, la cérémonie de ses obsèques.
La chose ayant été connue — pour ne pas
m'attarder beaucoup — presque tout le peuple d'Israël s'enflamma pour la guerre
et alors que, en raison du résultat douteux, le combat restait incertain,
cependant à la troisième phase du combat, le peuple de Benjamin fut livré au
peuple d'Israël et, jugé par un arrêt de Dieu, il subit le châtiment de son
manque de retenue et fut aussi condamné à ce que personne du peuple d'Israël ne
lui donnât, père, sa fille pour épouse, et ceci fut confirmé par l'engagement
d'un serment. Mais, au regret d'avoir porté contre leurs frères un arrêt aussi
dur, ils en modérèrent la sévérité, en telle sorte que les Benjaminites pussent
s'unir en mariage à des vierges orphelines dont les pères avaient été mis à mort
à cause d'une faute, ou bien puissent, en recourant au rapt, former une union:
car, par le forfait que constitue un délit si vilain — car ils avaient profané
le droit conjugal d'autrui — ils montrèrent qu'ils étaient indignes de prétendre
au mariage. Mais pour qu'une tribu ne fût pas perdue pour le peuple, la
concession d'une tromperie fut accordée.
Quel grand souci de la beauté morale eurent
donc nos ancêtres, cela ressort de ce que quarante mille hommes dégainèrent
l'épée contre leurs frères de la tribu de Benjamin, en voulant venger un outrage
à la pudeur, parce qu'on ne supportait pas les profanateurs de la chasteté. Et
ainsi en cette guerre, soixante-cinq mille hommes furent tués des deux côtés et
des villes brûlées. Et bien que le peuple d'Israël eût d'abord eu le dessous,
cependant, pas même ébranlé par la crainte d'une guerre malheureuse, il ne mit
pas de côté son tourment de venger la chasteté. Il se ruait au combat, se
préparant à laver, fût-ce par son propre sang, la tache de l'infamie qui avait
été perpétrée.
2. Les
quatre lépreux du siège de Samarie.
Et qu'y a-t-il d'étonnant à ce que le
peuple de Dieu eût le souci de ce convenable et du beau, puisque même les
lépreux, comme nous le lisons dans les Livres des Rois, ne manquèrent pas du
sens de la beauté morale?
Il y avait une grande famine à Samarie,
parce que l'armée des Syriens l'avait assiégée. Le roi, inquiet, inspectait sur
le rempart les sentinelles militaires; une femme l'interpella en disant: Cette
femme m'a persuadée d'amener mon fils, je l'ai amené, nous l'avons cuit et nous
l'avons mangé; elle a promis qu'elle aussi ensuite amènerait son fils et
qu'ensemble nous mangerions sa chair; mais maintenant elle a caché son fils et
ne veut pas l'amener. Le roi, ému de ce que des femmes s'étaient visiblement
repues des cadavres, non seulement d'êtres humains, mais encore de leurs propres
enfants qu'elles avaient tués, et bouleversé par l'exemple d'un malheur aussi
affreux, fit informer du meurtre le prophète Elisée, parce qu'il croyait qu'il
serait en son pouvoir de faire lever le siège et d'éloigner la famine; ou bien
pour la raison que le prophète n'avait pas permis au roi de frapper les Syriens
sur lesquels il avait répandu la cécité.
Elisée était assis avec les anciens, à
Bethel, et avant que le messager du roi n'entrât près de lui, il dit aux
personnages anciens: « Avez-vous vu que le fils de cet assassin a envoyé me
couper la tête? » Le messager entra et transmit l'ordre du roi à Elisée qui
annonçait le péril immédiat pour sa vie. Le prophète lui répondit: « A cette
heure, demain, une mesure de fleur de farine vaudra un sicle
,
et deux mesures d'orge de même, à la porte de Samarie », Et comme le messager
envoyé par le roi ne l'avait pas cru et disait: « Si le Seigneur faisait
pleuvoir du ciel surabondance de blé, pas même ainsi cela ne pourrait se faire
», Elisée lui dit: « Parce que tu n'as pas cru, tu le verras de tes yeux et tu
n'en mangeras pas ».
Et il se produisit soudain dans le camp
syrien comme un fracas de chars et un bruit précipité d'hommes à cheval et un
grand bruit de force armée et un énorme vacarme de guerre; les Syriens crurent
que le roi d'Israël avait fait appel, pour une coalition de guerre, au roi
d'Egypte et au roi des Amorrhéens; ils s'enfuirent au petit jour, en abandonnant
leurs tentes, parce qu'ils craignaient d'être écrasés par l'arrivée imprévue de
nouveaux ennemis et qu'il ne fût pas possible de résister aux forces conjuguées
des rois. Le fait était ignoré à Samarie parce que, vaincus par la peur et
consumés par la famine, les assiégés n'osaient pas même faire face.
Or il y avait quatre lépreux à la porte de
la cité, pour qui la vie était un supplice et mourir un gain; ils se dirent l'un
à l'autre: Voici que nous, nous sommes assis ici et mourons. Si nous entrons
dans la ville, nous mourrons de faim, si nous demeurons ici, aucun secours pour
vivre ne s'offre à nous; allons au camp syrien: ce sera ou bien l'abrègement de
la mort ou bien l'expédient du salut. Ils s'en allèrent donc et pénétrèrent dans
le camp: voici que tout était vide d'ennemis. Entrés dans les tentes, tout
d'abord ayant découvert des vivres, ils chassèrent leur faim, puis ils pillèrent
autant d'or et d'argent qu'ils purent. Et bien qu'ils fussent seuls à tomber sur
le butin, ils décidèrent cependant d'annoncer au roi que les Syriens avaient
fui: ils estimaient cela beau moralement, plutôt que de retenir l'information et
par là favoriser un pillage frauduleux.
Sur cette information, le peuple sortit,
pilla le camp syrien et l'approvisionnement des ennemis fit l'abondance: il
ramena le bon marché du ravitaillement, conformément à la parole du prophète, en
telle sorte que la mesure de fleur de farine coûta un sicle et deux mesures
d'orge le même prix. Dans cette liesse de la foule, ce messager sur lequel se
reposait le roi, écrasé entre ceux qui sortaient de la ville à la hâte et ceux
qui rentraient avec allégresse, fut piétiné par la foule et mourut.
3. Esther
et le roi des Perses.
Eh quoi? la reine Esther, afin d'arracher
son peuple au péril, ce qui était convenable et beau, ne s'offrit-elle pas à la
mort, sans trembler devant la fureur d'un roi cruel? Lui-même aussi le roi des
Perses, tout sauvage qu'il fût et d'un cœur orgueilleux, jugea si convenable,
pour le dénonciateur du guet-apens qui lui avait été préparé, de le payer de
reconnaissance et d'enlever un peuple libre à la servitude, de l'arracher à
l'extermination et de ne pas épargner celui qui avait conseillé des entreprises
si disconvenantes. Finalement bien qu'il le tînt pour le second après lui, pour
le premier parmi tous ses amis, le roi l'envoya au gibet, parce que ce roi avait
reconnu n'avoir pas été traité selon la beauté morale par les avis fallacieux de
cet homme.
L'amitié louable est en effet celle qui
sauvegarde la beauté morale. Il faut assurément la faire passer avant les
richesses, les honneurs, les charges, tandis que d'ordinaire elle ne passe
pas avant la beauté morale, niais suit la beauté morale. Telle fut l'amitié
de Jonathan qui, par motif de fidélité, n'esquivait ni la disgrâce de son
père ni le péril de sa vie. Telle fut l'amitié d'Ahimelech qui, pour le
motif des devoirs attachés à la faveur de l'hospitalité, estimait devoir
risquer la mort pour lui-même, plutôt que la trahison d'un ami en fuite.
Ainsi donc, il ne faut rien faire
passer avant la beauté morale. Toutefois, veiller à ce que celle-ci ne soit
pas laissée de côté par souci de l'amitié, est encore une chose que
l'Ecriture rappelle au sujet de l'amitié. Il existe en effet un grand nombre
de questions des philosophes, pour savoir si, pour un ami, quelqu'un doit
être hostile à sa patrie, ou s'il ne doit pas l'être pour agréer à son ami?
Pour savoir s'il faut qu'il manque à la bonne foi, par complaisance et
attention pour les intérêts de son ami?
L'Ecriture dit assurément: « Une
massue, un glaive, une flèche à pointe de fer, c'est ainsi qu'est l'homme
qui fournit un faux témoignage contre son ami ». Mais examine ce que
l'Ecriture affirme. Elle ne blâme pas le témoignage porté contre un ami,
mais le faux témoignage. Que faire en effet si pour la cause de Dieu, que
faire si pour la cause de la patrie, un homme se voit contraint de porter
témoignage? Est-ce que par hasard l'amitié doit peser plus lourd que la
religion, peser plus lourd que l'amour de ses concitoyens? Dans ces cas
eux-mêmes, pourtant, il faut rechercher la vérité du témoignage, pour éviter
qu'un ami ne soit attaqué du fait de la déloyauté de l'ami dont la loyauté
devrait le faire relaxer. Et ainsi l'ami ne doit ni accorder une faveur au
coupable, ni tendre un piège à l'innocent.
Assurément, s'il arrive qu'il soit
nécessaire de porter témoignage, s'il arrive que l'ami connaisse quelque
défaut chez son ami, il faut l'admonester en secret; s'il n'écoute pas.
l'admonester ouvertement. Les admonestations en effet sont bienfaisantes et
très souvent meilleures que l'amitié qui se tait. Et s'il arrive que ton ami
se juge outragé, toi cependant admoneste-le; et s'il arrive que l'amertume
de l'admonestation blesse son âme, toi cependant admoneste-le; ne crains
pas: « Les blessures que fait un ami sont en effet plus supportables que les
baisers des flatteurs ». Admoneste donc un ami qui s'égare, ne manque pas à
un ami innocent. L'amitié en effet doit être constante, persévérer dans
l'affection: nous ne devons pas, d'une manière enfantine, changer d'amis par
une sorte de vagabondage du sentiment.
Ouvre ton cœur à ton ami pour qu'il te
soit fidèle et que tu puises en lui l'agrément de ta vie: « Un ami fidèle en
effet est un remède de la vie » en vue de l'immortalité. Respecte ton ami
comme un égal, n'aie pas honte de devancer ton ami par le devoir du service
rendu; l'amitié en effet ignore l'orgueil. C'est en effet pourquoi le sage
dit: « Ne rougis pas de défendre un ami ». Ne manque pas à un ami dans le
besoin, ne le délaisse pas, ne l'abandonne pas; car l'amitié est une aide de
la vie. Aussi, en elle, portons-nous nos fardeaux, comme l'apôtre l'a
enseigné: il parle en effet à ceux que la charité de cette amitié a unis. Et
en effet, si la prospérité d'un ami aide ses amis, pourquoi, également dans
l'adversité d'un ami, l'aide de ses amis ne serait-elle pas à sa
disposition? Aidons par un conseil, apportons nos efforts, compatissons avec
affection.
Si c'est nécessaire, supportons, à
cause d'un ami, même des épreuves. Bien souvent il faut encourir des
inimitiés à cause de l'innocence d'un ami, fréquemment des dénigrements si
l'on s'oppose ou répond quand un ami est attaqué et accusé. Et ne regrette
pas ce genre d'affrontement. Voici en effet la parole du juste: « Et si des
maux m'arrivent à cause d'un ami, je les assume ». C'est en effet dans
l'adversité qu'on reconnaît l'ami, car dans la prospérité tous paraissent
des amis. Mais de même que dans l'adversité, la patience et l'endurance de
l'ami sont nécessaires, de même dans la prospérité, l'autorité est-elle
opportune, afin de contenir et de réfuter l'arrogance d'un ami qui se vante.
Comme s'exprime bien Job, placé dans
l'adversité: « Ayez pitié de moi, mes amis, ayez pitié». Cette parole n'est
pas en quelque sorte une parole d'abattement, mais en quelque sorte une
parole de censure. De fait, c'est au moment qu'il est attaqué injustement
par ses amis, qu'il répondit: « Ayez pitié de moi, mes amis », c'est-à-dire:
vous devriez exercer la miséricorde, or vous accablez et harcelez un homme
aux tribulations de qui, au titre de l'amitié, il vous faudrait compatir.
Maintenez donc, mes fils, l'amitié
engagée avec vos frères: rien n'est plus beau parmi les réalités humaines.
C'est un réconfort en cette vie,
certes, que d'avoir à qui ouvrir ton cœur, avec qui partager des choses
cachées, à qui confier le secret de ton cœur; que de t'assurer un homme
fidèle, pour te féliciter dans les jours heureux, compatir dans les jours
tristes, t'encourager dans les persécutions. Quels bons amis les jeunes
hébreux que pas même la flamme de la fournaise ardente ne détacha de leur
mutuel amour! De ce passage nous avons parlé précédemment. Le saint David
dit bien: « Saül et Jonathan, beaux et très chers, inséparables dans leur
vie, dans la mort non plus ne furent pas séparés ».
Tel le fruit de l'amitié; il n'est pas
que la bonne foi soit détruite à cause de l'amitié. Il ne peut en effet être
l'ami d'un homme, celui qui a été de mauvaise foi avec Dieu. L'amitié est
gardienne de la fidélité et maîtresse d'égalité, en telle sorte que le
supérieur se montre l'égal de l'inférieur et l'inférieur l'égal du
supérieur. Entre des genres de vie différents en effet, l'amitié ne peut
exister; et c'est pourquoi l'agrément de l'un et l'agrément de l'autre
doivent s'accorder mutuellement: que ni l'autorité ne fasse défaut à
l'inférieur, si la chose le réclame, ni l'humilité au supérieur; qu'il
écoute comme un semblable, comme un égal, et que le premier avertisse, fasse
un reproche comme un ami, non par zèle ostentatoire mais par sentiment de
charité.
Que l'avertissement ne soit pas dur, ni
le reproche outrageant. De même en effet que l'amitié doit être soucieuse
d'éviter la flatterie, de même doit-elle être aussi étrangère à l'arrogance.
Qu'est-ce en effet qu'un ami, si ce n'est un partenaire d'affection, à qui
l'on associe et joint son âme, à qui on la mêle de telle sorte que l'on
veuille devenir, de deux êtres, un seul, à qui, autre soi-même, l'on se
confie, de qui l'on ne craint rien, l'on ne réclame soi-même rien, en vue de
son propre intérêt, qui ne soit beau moralement? L'amitié en effet n'est pas
rentable, mais pleine de charme, pleine d'agrément. L'amitié est en effet
une vertu, non pas un bénéfice, car elle est engendrée non par l'argent mais
par l'agrément, non par une mise aux enchères des avantages, mais par une
rivalité de bienveillance.
Enfin les amitiés des indigents sont
bien souvent meilleures que celles des riches, et fréquemment les riches
sont dépourvus des amis que les pauvres ont en grand nombre. Il n'y a pas en
effet d'amitié vraie, là où il y a la trompeuse flatterie. C'est ainsi que
beaucoup de gens obligent les riches par flagornerie, tandis qu'à l'égard du
pauvre, personne ne feint. Toute déférence accordée au pauvre est vraie,
l'amitié qu'on a pour lui est exempte d'envie.
Qu'y a-t-il de plus précieux que
l'amitié qui est commune aux anges et aux hommes? Aussi le Seigneur Jésus
dit-il: « Faites-vous des amis avec l'argent injuste, pour qu'ils vous
reçoivent dans leurs tentes éternelles ». Lui-même, Dieu nous fait ses amis
de petits esclaves que nous étions, comme lui-même le dit: « Désormais vous
êtes mes amis, si vous faites ce que je vous prescris ». Il nous a donné le
modèle de l'amitié pour que nous le suivions, à savoir: faire la volonté de
l'ami, ouvrir à l'ami tous les secrets que nous avons dans le cœur, et ne
pas ignorer ses sentiments intimes. Nous, montrons-lui notre cœur et que lui
nous ouvre le sien. « Je vous ai dit mes amis, dit-il, pour cette raison que
tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître ». L'ami
ne cache donc rien, s'il est véridique: il épanche son âme, comme le
Seigneur Jésus épanchait les mystères du Père.
Celui donc qui accomplit le
commandement de Dieu, est son ami, est honoré de ce nom. Celui qui a les
mêmes sentiments dans l'âme, est aussi son ami, parce que l'unité des âmes
existe chez les amis et que personne n'est plus exécrable que celui qui a
blessé l'amitié. Aussi, en ce qui concerne le traître, le Seigneur a-t-il
trouvé ceci qui était le plus grave pour condamner sa déloyauté: il n'a pas
montré la réciprocité de la faveur reçue et il a mêlé le poison de la malice
aux repas de l'amitié. Et c'est pourquoi le Seigneur parle ainsi: « Toi, en
vérité, un homme qui avait les mêmes sentiments dans l'âme que moi, et mon
guide et mon compagnon, qui toujours prenais avec moi d'agréables mets ».
Cela signifie: Ce n'est pas supportable qu'ayant les mêmes sentiments dans
l'âme, tu aies attenté contre celui qui t'avait gratifié de sa faveur: « De
fait, si mon ennemi m'avait maudit, je l'eusse supporté, naturellement, et
de celui qui me haïssait, je me serais caché ». Un ennemi peut être évité,
mais pas un ami s'il veut tendre un piège. Nous nous gardons de celui à qui
nous ne confions pas nos desseins, mais nous ne pouvons nous garder de celui
à qui nous les avons confiés. C'est pourquoi, afin d'augmenter l'aversion du
péché, le Seigneur ne dit pas: Toi, en vérité, mon serviteur, mon apôtre,
mais: ayant les mêmes sentiments dans l'âme que moi; cela signifie: ce n'est
pas de moi, mais bien de toi-même que tu es le traître, toi qui as trahi
celui qui avait les mêmes sentiments dans l'âme.
Le Seigneur en personne, après avoir
été offensé par les trois rois qui avaient manqué de déférence à l'égard du
saint Job, préféra leur pardonner sur l'intercession de leur ami, en sorte
que le suffrage de l'amitié devînt rémission des péchés. C'est pourquoi Job
pria et le Seigneur pardonna: l'amitié fut profitable à ceux pour qui la
suffisance fut nuisible.
Je vous ai laissé ces pages, mes fils,
pour que vous les gardiez dans vos âmes:
Quant à savoir si elles ont quelque
intérêt, c'est vous qui en ferez l'épreuve. En tout cas, elles apporteront
une grande abondance d'exemples; de fait, à peu près tous les exemples de
nos aïeux, de très nombreuses paroles d'eux aussi, se trouvent inclus dans
ces trois livres; de la sorte, si le style n'offre aucun agrément, toutefois
la suite des temps anciens, exposée en une sorte de résumé, rassemble une
multitude d'enseignements.
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