LES DEVOIRS

LIVRE I
(suite)

 

 

La colère.

Que l'on se garde de la colère, ou si l'on ne peut d'avance s'en garder, qu'on la contienne; l'irritation est en effet mauvaise conseillère de péché, elle qui bouleverse l'âme au point de ne pas laisser de place à la raison. La première chose est donc, si cela peut se faire, que le calme du caractère devienne une seconde nature, par une sorte d'habitude, par manière d'être, par résolution. Ensuite, puisque, la plupart du temps, la passion se trouve ancrée dans la nature et le caractère à ce point qu'on ne peut l'arracher ni l'éviter: si l'on a pu la prévenir, qu'on la réprime par la raison; ou bien si l'âme a été envahie par l'irritation avant qu'elle ait pu, grâce à la réflexion, la prévoir et la prévenir afin de n'être pas envahie, réfléchis à la manière de vaincre la passion de ton âme, d'apaiser ta colère. Résiste à la colère si tu peux, retire-toi si tu ne peux pas, car il est écrit: « Faites place à la colère. » Jacob se retira avec bonté devant son frère qui était irrité et, fort du conseil de Rebecca, c'est-à-dire de la patience, il préféra vivre au loin et séjourner en pays étranger plutôt que d'exciter l'irritation de son frère, puis revenir quand il pensa son frère apaisé. Et c'est pour cette raison qu'il trouva si grand crédit près de Dieu. Par quels hommages ensuite, par combien de présents se réconcilia-t-il son frère lui-même, en sorte que celui-ci ne se souvint pas de la bénédiction dérobée, mais se souvint de la compensation offerte!

Par conséquent si la colère a déjà surpris et envahi ton âme et si elle a monté en toi, n'abandonne pas ton rôle. Ton rôle est la patience, ton rôle est la raison; la sagesse est ton rôle, ton rôle est de calmer l'irritation. Ou alors si l'opiniâtreté de qui te répond, t'a troublé et si son outrance t'a poussé à l'irritation, si tu n'as pu apaiser ton âme, retiens ta langue. Il est écrit en effet: « Garde ta langue du mal et que tes lèvres ne profèrent pas la tromperie », puis: « Recherche la paix et poursuis-la. » Vois cette paix du saint Jacob, quelle grandeur. D'abord, tâche de calmer ton âme; si tu n'as pas eu le dessus, mets un frein à ta langue; ensuite n'omets pas de chercher la réconciliation. Les orateurs du monde ont mis dans leurs livres ces principes, après les avoir pris des nôtres  mais celui-là a le mérite de cette pensée qui le premier l'a exprimée.

Ainsi donc évitons ou tempérons la colère, pour qu'elle ne soit pas ou bien retranchée à nos mérites ou bien ajoutée à nos défauts. Ce n'est pas chose ordinaire d'apaiser sa colère; ce n'est pas moindre que de n'être pas emporté du tout. La première dépend de nous, la seconde de la nature. Ainsi les emportements chez les enfants sont inoffensifs: ils offrent plus d'agrément que d'amertume. Et s'il est vrai que les enfants s'emportent vite entre eux, ils se calment facilement et courent se rejoindre avec plus de douceur; ils ne savent se traiter avec ruse et artifice. Ne méprisez pas ces enfants dont le Seigneur dit: « A moins que vous n'ayez changé et ne soyez devenus comme cet enfant, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. » C'est pourquoi le Seigneur en personne, c'est-à-dire « la puissance de Dieu  », comme un enfant, « alors qu'on l'insultait, ne rendit pas l'insulte », alors qu'on le frappait, ne rendit pas les coups. Ainsi donc dispose-toi, comme si tu étais un enfant, à ne pas tenir rancune de l'injure, à ne pas user de méchanceté, à faire que toutes choses, de ta part, procèdent de l'innocence. Ne considère pas ce qui, de la part des autres, te vient en retour. Conserve ton rôle, garde la simplicité et la pureté de ton cœur. « Ne réponds pas » à la colère de l'homme en colère ou « à la déraison de l'homme déraisonnable. » Rapidement la faute provoque la faute; si tu frottes des pierres, le feu ne jaillit-il pas?

Les païens — avec leur manière habituelle de tout exalter et amplifier par des mots — rapportent une parole du philosophe Archytas [1] de Tarente, qu'il aurait adressée à son fermier: « O toi misérable, comme je te battrais, si je n'étais en colère! » Mais déjà David avait retenu sa main, pourtant armée pour satisfaire son irritation. Combien il est mieux encore de ne pas retourner un propos injurieux, que de ne pas tirer vengeance! Ce sont aussi des guerriers prêts à exercer des représailles contre Nabal, qu'Abigaïl avait dissuadés par sa prière. De cet épisode nous tirons la leçon qu'il faut non seulement que nous cédions aussi aux médiations opportunes, mais encore que nous en soyons charmés. Or David fut à ce point charmé qu'il bénit celle qui s'était entremise, parce qu'il avait été dissuadé de son désir de vengeance.

Déjà il avait dit au sujet de ses ennemis: « C'est qu'ils ont rejeté sur moi l'iniquité et que, dans la colère, ils m'étaient à charge. » Écoutons ce qu'il dit dans le trouble de la colère: « Qui me donnera des ailes comme à la colombe, je volerai et me reposerai? » Ces ennemis le provoquaient à l'emportement, celui-ci choisissait la tranquillité.

Déjà il avait dit: « Mettez-vous en colère et ne péchez pas. » Maître en morale, qui sait qu'on peut faire plier la passion naturelle, par la méthode d'un enseignement, plutôt qu'on ne peut l'arracher, il enseigne la morale. Cela signifie: Mettez-vous en colère quand il y a une faute contre laquelle vous devez vous mettre en colère. Il ne peut se faire en effet que nous ne soyons pas troublés par l'indignité des faits; autrement on ne nous attribue pas de la vertu, mais de la mollesse et de l'abandon. Mettez-vous donc en colère, à la condition de vous abstenir de faute. Ou bien entendez ainsi: Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas mais vainquez la colère par la raison. Ou du moins entendez ainsi: Si vous vous mettez en colère, mettez-vous en colère contre vous-mêmes parce que vous avez été emportés, et vous ne pécherez pas. Celui en effet qui se met en colère contre soi-même, parce qu'il a vite été troublé, cesse de se mettre en colère contre autrui; tandis que celui qui veut prouver la justesse de sa colère, s'enflamme davantage et tombe vite en faute. Or « mieux vaut » selon Salomon « l'homme qui contient sa colère que celui qui prend une ville » parce que la colère abuse même les gens courageux.

Nous devons donc nous garder de succomber aux passions avant que la raison ne rassemble nos esprits. La colère ou la douleur ou la peur de la mort la plupart du temps paralysent en effet l'âme et la frappent d'un coup imprévu. C'est pourquoi il est beau de prendre les devants par la réflexion dont le déroulement tiendra l'âme en haleine, afin qu'elle ne soit pas animée par des emportements subits, mais que, maintenue par une sorte de joug et par les rênes de la raison, elle s'adoucisse.

Les « mouvements de l'âme et le convenable ».

Il existe de doubles mouvements de l'âme, ce sont les pensées et le désir: les uns sont les mouvements des pensées, les autres ceux du désir; ils ne sont pas confondus mais distincts et différents. Les pensées ont pour fonction de rechercher le vrai et pour ainsi dire de le moudre, le désir pousse et excite à faire quelque chose. C'est pourquoi, par le genre même de leur nature, les pensées inspirent un calme tranquille, tandis que le désir suscite le mouvement de l'action. Ainsi donc nous avons été formés de telle sorte que la pensée de bons objets se présente à notre esprit, que le désir obéisse à la raison — si vraiment nous voulons faire porter l'attention de notre esprit à maintenir ce convenable — afin que l'attachement à quelque objet ne bannisse pas la raison, mais que la raison examine ce qui convient à la beauté morale.

Le convenable et la parole.

Et puisque nous avons dit qu'il appartient au respect du convenable que nous sachions, dans les actes ou les paroles, quelle mesure observer — or le bon ordre des paroles passe avant celui des actes  — la question du discours se divise en deux genres: l'entretien familier et l'exposé, en particulier l'examen portant sur la foi et la justice. Dans l'un et l'autre genres, il faut faire attention à ce que soit évitée toute passion, mais que le discours soit mené de manière douce et paisible, pleine de bienveillance et d'agrément, sans aucun outrage. Qu'il n'y ait pas, dans le discours familier, de tension opiniâtre; celle-ci d'ordinaire soulève des questions oiseuses plutôt qu'elle n'apporte quelque chose d'utile. Que la dis­cussion soit sans colère, la douceur sans amertume, l'avertissement sans dureté, l'exhortation sans brutalité. Et comme, dans tout acte de la vie, nous devons veiller à ceci, qu'un mouvement excessif de l'âme ne bannisse pas la raison, mais que nous gardions à la réflexion sa place, ainsi convient-il, même dans le discours, que l'on se tienne à cette règle de ne pas éveiller la colère ou la haine, de ne pas donner quelques signes de notre convoitise ou de notre apathie.

Ainsi donc que le discours de cette sorte s'attache surtout aux Écritures.  Pourquoi en effet? C'est qu'il nous faut de préférence parler de la meilleure manière de vivre, de l'encouragement à l'observance, du maintien de la règle de vie. Que le discours commence avec raison et finisse avec mesure. Le discours ennuyeux en effet provoque la colère. Or combien il est inconvenant, alors que toute conversation offre d'ordinaire un surcroît d'agrément, qu'elle offre un défaut qui choque!

L'exposé aussi, sur la doctrine de la foi, sur l'enseignement de la continence, sur l'examen de la justice, sur l'encouragement du zèle, ne sera pas toujours le même; mais, selon la lecture qui se sera présentée, il nous faut l'entreprendre et, dans la mesure où nous le pouvons, le poursuivre: ni trop long ni vite interrompu, et qu'il ne laisse pas le dégoût ou ne révèle pas la paresse et la négligence; le langage sera pur, simple, clair et net, plein de dignité et de gravité, sans rechercher l'élégance, mais sans renoncer à l'agrément.

Les hommes de ce monde donnent en outre un grand nombre de préceptes sur la façon de parler, qu'il nous faut, à mon avis, laisser de côté, par exemple sur les règles de la plaisanterie. De fait, bien que les plaisanteries soient parfois belles moralement et agréables, cependant elles répugnent à la discipline ecclésiastique, car, ce que nous n'avons pas trouvé dans les Écritures, comment pouvons-nous en faire usage?

Il faut s'en garder en effet, même dans les conversations, de peur qu'elles ne rabaissent la dignité d'un dessein de vie plus austère. « Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez » dit le Seigneur; et nous, nous cherchons matière à rire afin que, riant ici-bas, nous pleurions là-haut! Ce ne sont pas seulement les plaisanteries sans bornes  mais encore toutes les plaisanteries qu'il faut, à mon avis, éviter, à cette réserve près qu'il n'est pas inconvenant que, d'aventure, un discours soit plein de dignité et d'agrément.

Que dirais-je en effet de la voix dont je pense qu'il suffit qu'elle soit simple et pure? Qu'elle soit harmonieuse dépend de la nature et non du savoir-faire. Par la manière de prononcer, que la voix soit tout à fait nette et pleine de sève virile, afin d'éviter un accent rustique et quelque peu campagnard, non pas pour rechercher un débit théâtral, mais pour respecter un débit religieux.

Le convenable et l'action.

Sur la façon de parler, je pense avoir assez parlé; examinons maintenant, à propos de l'activité de la vie, ce qui sied. Or nous voyons trois points à considérer en ce domaine: le premier, que les désirs ne s'opposent pas à la raison; de cette seule manière en effet, nos devoirs peuvent s'accorder avec ce convenable; si en effet le désir obéit à la raison, ce qui convient peut facilement être observé dans tous nos devoirs. Ensuite, que nous n'apparaissions pas — par l'effet d'un zèle plus grand ou d'un zèle moindre que ne vaut l'affaire même que l'on entreprend — soit avoir entrepris une petite affaire avec une grande ambition, soit avoir fait défaut à une grande affaire avec trop peu d'ambition. Le troisième point concerne la mesure de nos goûts et de nos œuvres. Je pense qu'il faut ne pas passer sous silence non plus la question de l'ordre des choses et de l'opportunité des moments.

Mais ce premier point est pour ainsi dire le fondement de tous, à savoir que le désir obéisse à la raison. Le second et le troisième sont identiques: il s'agit dans l'un et l'autre cas de la mesure; vaine est en effet pour nous la considération de l'apparence extérieure de la vie libérale — que l'on teint pour beauté — et de la dignité. Suit la question de l'ordre des choses et de l'opportunité des moments. Et ainsi il y a trois points dont nous verrons si nous pouvons enseigner qu'ils ont été remplis par quelqu'un des saints.

Tout d'abord notre père Abraham en personne, qui fut formé et instruit pour l'enseignement d'une postérité à venir, quand il reçut l'ordre de quitter sa terre natale, sa parenté et la maison de son père, est-ce que, tout lié qu'il fût par l'attachement de multiples affections, il ne montra pas cependant l'obéissance de son désir à la raison? Quel homme en effet ne serait retenu par l'agrément du pays natal, de sa parenté et aussi de sa propre maison? En conséquence la douceur des siens le charmait, lui aussi, mais la pensée de l'empire céleste et de la rétribution éternelle l'émouvait davantage. N'estimait-il pas qu'il ne pouvait, sans péril extrême, emmener sa femme, faible face aux fatigues, fragile face aux violences, belle face aux passions des impudents? Et cependant il jugea plus sage de s'exposer à tout, que de refuser.  Puis alors qu'il descendait en Egypte, il l'avertit de dire qu'elle était sa sœur et non sa femme.

Remarque l'enjeu de son désir: il craignait pour la pudeur de sa femme, il craignait pour son propre salut, il tenait en suspicion les convoitises des Egyptiens, et cependant chez lui prévalut la raison, qui consistait à suivre jusqu'au bout la piété. Il estima en effet qu'avec la faveur de Dieu il pourrait être partout en sécurité, mais que, le Seigneur offensé, il ne pourrait, même chez lui, rester sain et sauf. Ainsi donc la raison vainquit le désir et se le rendit obéissant.

Sans s'épouvanter de la capture de son neveu et sans se troubler devant les peuples de tant de rois, il reprit la guerre; en possession de la victoire, il refusa la part du butin dont il était lui-même l'auteur. En outre, un fils lui ayant été promis, bien qu'il vît exténuées les forces de son corps épuisé, la stérilité de son épouse et son extrême vieillesse, même à l'encontre de l'usage de la nature, il crut en Dieu.

Remarque la convenance de toutes choses: Le désir ne fit pas défaut, mais il fut réprimé; l'âme fut à la hauteur des entreprises à mener, elle qui ne tenait ni les grandes choses pour peu importantes, ni les choses plus petites pour grandes; la modération devant les affaires; l'ordre des choses, l'opportunité des moments, la mesure des paroles. Premier par la foi, supérieur par la justice, actif dans le combat, sans cupidité dans la victoire, hospitalier chez lui, attentionné pour sa femme.

Son saint petit-fils Jacob aussi se plaisait à vivre chez lui en sécurité, mais sa mère voulut qu'il partît en pays étranger pour laisser le champ libre à la colère de son frère. Salutaire, le conseil l'emporta sur son désir: exilé de chez lui, en fuite loin de ses parents, il garda partout cependant la mesure appropriée en ses affaires et sauvegarda dans les divers moments l'opportunité; reçu chez lui par son père et sa mère pour que l'un, abusé par l'âge, lui donnât la bénédiction l'assurant de la soumission des siens, et que l'autre eût pour lui le penchant d'une pieuse affection; mis en avant aussi par une décision fraternelle, puisqu'il avait estimé devoir céder sa nourriture à son frère — il appréciait assurément le mets par inclination naturelle, mais par bonté il céda à une demande; pasteur fidèle au maître du troupeau, gendre attentionné pour son beau-père, ne renâclant pas au travail, frugal au repas, prenant les devants pour donner satisfaction, généreux pour fixer son salaire; enfin il apaisa à ce point la colère de son frère qu'il obtint la faveur de celui dont il craignait les ressentiments.

Que dirai-je de Joseph qui avait assurément le désir de la liberté et supporta une servitude inévitable? Quelle soumission dans l'esclavage, quelle constance dans la vertu, quelle obligeance dans sa prison; il était sage dans l'interprétation des songes, modéré dans l'exercice du pouvoir, prévoyant dans l'abondance, juste dans la disette, ajoutant aux affaires l'ordre de la louange, et aux moments l'opportunité, apportant l'équité aux peuples par la modération dans les devoirs de sa charge!

Job aussi, sans reproche tout au long de la prospérité et de l'adversité, patient, reconnaissant et agréable à Dieu, était tourmenté par ses souffrances mais il se consolait.

David encore, courageux au combat, patient dans l'adversité, pacifique à Jérusalem, traitable dans la victoire, affligé dans le péché, prévoyant dans la vieillesse, observa les mesures des choses, les successions des moments  à travers les tonalités de chacun des âges de la vie, de telle sorte qu'il m'apparaît que, exceptionnellement doux par son genre de vie non moins que par la douceur de son chant, il a laissé libre cours, pour Dieu, à l'immortelle mélodie de son mérite.

Les quatre vertus cardinales.

Quel devoir des vertus fondamentales fit défaut à ces hommes? De ces vertus, ils mirent au premier rang la prudence qui s'applique à la découverte du vrai et inspire le désir d'une science plus complète; au second rang, la justice qui accorde son dû à chacun, ne réclame pas le bien d'autrui, néglige son utilité propre, afin de sauvegarder l'équité entre tous; en troisième lieu, la force qui se distingue dans les activités de la guerre et dans la paix, par la grandeur et l'élévation de l'âme, et qui se signale par la vigueur physique; au quatrième rang, la tempérance qui observe la mesure et l'ordre en tout ce que nous estimons devoir faire ou dire.

Peut-être quelqu'un dira-t-il qu'il eût fallu placer tout cela en premier lieu, puisque c'est de ces quatre vertus que naissent les différentes catégories de devoirs. Mais cela relève de l'art, que d'abord l'on définisse le devoir et qu'ensuite on le divise en catégories déterminées. Or nous, nous fuyons l'art; nous présentons les exemples des anciens, exemples qui n'offrent ni obscurité pour les comprendre, ni subtilités pour en traiter. Que la vie des anciens soit donc pour nous un miroir de la règle morale et non point un commentaire ingénieux, par respect de l'imitation et non point par artifice de la discussion ».

Il y avait donc en premier lieu la prudence chez le saint Abraham dont l'Écriture dit: « Abraham crut en Dieu et ce lui fut imputé à justice ». Il n'est en effet personne de prudent qui ignore le Seigneur. Ainsi l'insensé a dit que « Dieu n'existe pas »; de fait le sage ne le dirait pas. Comment en effet serait-il sage celui qui ne recherche pas son créateur, qui dit à la pierre: « Tu es mon père », qui dit au diable, comme le manichéen: « Tu es mon créateur »? Comment serait-il sage celui — comme l'arien — qui préfère avoir un créateur imparfait et dégénéré plutôt que vrai et parfait? Comment serait-il sage celui — comme Marcion et Eunomius — qui préfère avoir un Seigneur mauvais plutôt qu'un bon? Comment serait-il sage celui qui ne craint pas son Dieu? " En effet la crainte du Seigneur est le début de la sagesse». Et tu trouves ailleurs: « Les sages ne s'écartent pas de la parole du Seigneur, mais la reprennent dans leurs professions de foi ». En même temps aussi, l'Écriture, en disant: « Ce lui fut imputé à justice », lui reconnut la grâce de la seconde vertu.

Nos pères furent donc les premiers à établir que la prudence consiste dans la connaissance du vrai " — qui le fit en effet parmi les philosophes avant Abraham, David, Salomon? — puis à établir que la justice intéresse la société du genre humain; ainsi David dit: « II a distribué, il a donné aux pauvres, sa justice demeure pour l'éternité ». Le juste est pitoyable, le juste est généreux. Le sage et le juste possèdent les richesses du monde entier: Le juste tient les biens qui sont communs pour les siens propres et les biens qui lui sont propres pour communs. Le juste s'accuse lui-même avant d'accuser les autres; celui-là en effet est juste qui ne s'épargne pas lui-même et ne supporte pas de tenir cachées ses faiblesses secrètes. Vois combien Abraham fut juste: Dans sa vieillesse il avait reçu un fils en vertu de la promesse; au Seigneur qui le lui redemandait, il ne pensa pas devoir le refuser pour le sacrifice, bien qu'il fût son fils unique.

Remarque ici la présence de chacune des quatre vertus dans un seul fait. Ce fut sagesse de croire en Dieu et de ne pas préférer l'attrait de son fils à l'ordre de son créateur; ce fut justice de rendre ce qu'il avait reçu; ce fut force de contenir son désir par sa raison: Le père conduisait la victime, le fils questionnait, le sentiment paternel était tenté, mais n'était pas vaincu; le fils répétait le nom de père, il transperçait le cœur paternel, mais ne diminuait pas sa piété. S'y ajoute aussi la quatrième vertu, la tempérance: le juste observait à la fois la mesure de l'affection et l'ordonnance de la mise à mort. Finalement, en transportant les objets nécessaires au sacrifice, en allumant le feu, en liant son fils, en dégainant le glaive, il mérita par cette ordonnance de l'immolation, de conserver son fils.

Quelle plus grande sagesse que celle du saint Jacob: il vit Dieu « face à face » et mérita sa bénédiction? Quelle plus grande justice: il partagea avec son frère ce qu'il avait acquis, en lui offrant des présents? Quelle plus grande force: il lutta avec Dieu? Quelle plus grande modération que la sienne: il accommodait à ce point sa modération aux lieux et aux moments, qu'il préférait cacher par un mariage le déshonneur de sa fille plutôt que de le venger; en effet, établi au milieu d'étrangers, il pensait qu'il fallait veiller à la bonne entente plutôt que d'accumuler des haines.

Combien Noé fut sage, lui qui construisit une si grande arche! Combien il fut juste, lui qui, mis à part pour être la semence de tous, devint, seul entre tous, à la fois le survivant de la génération passée et l'auteur de la génération à venir, né qu'il était pour le monde bien plutôt et pour tous les hommes bien plus que pour lui-même! Combien il fut courageux d'avoir vaincu le déluge! Combien il fut tempérant d'avoir supporté le déluge: savoir quand il entrerait dans l'arche, avec quelle modération il y vivrait, quand il enverrait le corbeau et quand la colombe, quand il les recouvrerait à leur retour, quand il saisirait et reconnaîtrait le moment opportun de sortir?

La prudence.

Et ainsi ils exposent  que dans la découverte du vrai il faut observer ce convenable, qui consiste à rechercher avec un zèle extrême ce qu'est le vrai, à ne pas tenir des choses fausses pour vraies, à ne pas envelopper d'obscurités les choses vraies, à ne pas encombrer l'esprit de choses superflues ou compliquées et incertaines. Mais qu'y a-t-il d'aussi contraire au convenable que de révérer des morceaux de bois, ce qu'eux-mêmes font? Qu'y a-t-il d'aussi obscur que de traiter d'astronomie et de géométrie, ce qu'ils essayent, et de mesurer les espaces de l'altitude éthérée, d'enfermer dans des nombres le ciel aussi et la mer, d'abandonner les affaires du salut, et de chercher des erreurs?

Est-ce que cet homme instruit dans toute la sagesse des Egyptiens, Moïse, n'essaya pas tout cela? Mais il jugea cette sagesse préjudice et sottise et, se détournant d'elle, il chercha Dieu du fond du cœur; et c'est pour cette raison qu'il le vit, l'interrogea et l'entendit parler. Qui est plus sage que celui que Dieu a enseigné, qui a anéanti toute la sagesse des Egyptiens et tous les prestiges des arts par la puissance de son action personnelle? Ce n'est pas cet homme qui prenait les choses inconnues pour connues et y donnait à la légère son assentiment; ces deux défauts, ils peuvent bien dire qu'il faut les éviter, en ce domaine éminemment naturel et beau moralement de la découverte du vrai, ceux qui, pour eux-mêmes, jugent qu'il n'est ni contraire à la nature, ni laid moralement, d'adorer des pierres et de demander du secours à des statues qui ne peuvent avoir aucun sentiment.

Ainsi donc plus la sagesse est une haute vertu, plus il faut, j'estime, faire effort pour pouvoir y parvenir. C'est pourquoi, afin de ne rien penser à l'encontre de la nature, ni rien de laid moralement et de contraire au convenable, nous devons apporter à l'examen des questions, en vue de les étudier, ces deux choses, à savoir le temps et l'attention. Il n'est en effet rien de plus en quoi l'homme puisse l'emporter sur tous les autres êtres vivants, que le fait d'avoir la raison en partage, de rechercher les causes des choses, de considérer qu'il lui faut tâcher à découvrir l'auteur de son espèce, celui au pouvoir de qui se trouve le pouvoir de vie et de mort sur nous, qui dirige ce monde à son gré, à qui nous savons devoir rendre compte de nos actes. Il n'est rien en effet qui soit plus profitable à une vie belle moralement que de croire qu'il sera notre juge, lui à qui n'échappent pas les choses cachées, font offense celles qui sont contraires au convenable et plaisent celles qui sont belles moralement.

Ainsi donc il est inhérent à tous les hommes de tâcher à découvrir le vrai, conformément à la nature humaine qui nous entraîne à l'étude de la connaissance et de la science, et répand en nous le désir de la recherche. Y exceller paraît à tout le monde une belle chose, mais il appartient à un petit nombre d'y parvenir, à ceux qui dépensent un effort considérable à retourner leurs pensées, à examiner leurs desseins, afin de pouvoir accéder à cette vie heureuse et belle, et s'en rapprocher par leurs œuvres: « Ce n'est pas en effet, affirme Jésus, celui qui m'aura dit: Seigneur, Seigneur, qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui aura fait ce que je dis ». En réalité, les études relatives à la science, sans les actes, je ne sais si elles ne sont pas bien plutôt une entrave.

Ainsi donc la première source du devoir est la prudence. Qu'est-ce en effet qui accomplit aussi pleinement le devoir que d'offrir au créateur zèle et respect? Cette source cependant s'écoule aussi vers toutes les autres vertus; il ne peut en effet exister de justice sans prudence: l'examen de ce qui est juste ou de ce qui est injuste est assurément le fait d'une prudence pas banale; l'erreur dans les deux cas est extrême. « Celui en effet qui juge juste ce qui est injuste, et injuste ce qui est juste, est en abomination devant Dieu. A quoi bon abonder en justice pour l'imprudent? » dit Salomon. Il n'est pas, d'autre part, de prudence sans justice: en effet, la piété à l'égard de Dieu est le début de l'intelligence. En quoi l'on s'avise que ce mot a été traduit plutôt qu'inventé par les sages de ce monde: « la piété est le fondement de toutes les vertus ».

De la justice relève la piété, due en premier lieu à Dieu, en second lieu à la patrie, en troisième lieu aux parents et pareillement à tous, piété qui est elle-même conforme à l'enseignement de la nature, puisque, dès le tout jeune âge, aussitôt que le sentiment a commencé de se répandre en nous, nous aimons la vie comme un don de Dieu, nous chérissons la patrie et nos parents, puis les enfants de même âge auxquels nous désirons nous joindre. De là naît la charité qui donne la préférence aux autres sur soi, au lieu de rechercher ce qui revient à soi, en quoi réside le principe de la justice.

Il est aussi inné chez tous les êtres vivants, d'abord de veiller à leur conservation, de se garder de ce qui est nocif, de désirer ce qui est profitable « comme la nourriture, comme les gîtes » pour se défendre, grâce à eux, du danger, des pluies, du soleil, ce qui relève de la prudence. Il s'ensuit aussi que tous les genres d'êtres vivants « sont sociaux par nature », tout d'abord avec ceux qui partagent leur propre genre et leur conformation, ensuite également avec tous les autres; ainsi voit-on les bovins se plaire en troupeaux, les chevaux en bandes, et essentiellement les semblables avec leurs semblables; les cerfs aussi se joindre aux cerfs et très souvent aux hommes. Et maintenant que dire de l'ardeur à procréer et de la postérité ou encore de l'amour des parents, où réside une forme éminente de la justice?

Il est donc clair que ces vertus et toutes les autres sont apparentées entre elles: le courage aussi qui, ou bien à la guerre protège la patrie contre les barbares, ou bien en temps de paix défend les faibles, ou bien les compagnons contre les bandits, accomplit pleinement la justice; d'autre part, savoir par quelle résolution défendre et aider, saisir aussi les opportunités des moments et des lieux, relèvent de la prudence et du tact; et la tempérance elle-même sans la prudence ne peut savoir la manière; connaître l'opportunité et rendre suivant la mesure relèvent de la justice; et en tout cela la grandeur d'âme est nécessaire, avec un certain courage de l'esprit, très souvent aussi du corps, pour que l'on puisse accomplir ce que l'on veut.

La Justice.

Ainsi donc la justice se rapporte au lien social et à la communauté du genre humain. On considère en effet le lien social en distinguant deux points de vue: la justice et la bienfaisance que l'on appelle aussi générosité et obligeance; la justice me paraît plus grande, la générosité plus agréable; celle-là s'attache à la sévérité, celle-ci à la bonté.

Mais cela même que les philosophes estiment le premier office de la justice, est chez nous proscrit. Ceux-ci disent en effet que telle est la première forme de la justice qu'on ne nuise à personne, si ce n'est provoqué par un préjudice, ce qu'exclut l'autorité de l'Évangile! l'Écriture veut en effet que soit en nous l'esprit du Fils de l'homme qui est venu apporter la grâce et non porter préjudice.

Puis ils estimèrent comme une forme de la justice que l'on tienne les biens communs, c'est-à-dire les biens publics pour des biens publics et les biens privés pour des biens propres. Pas même cela n'est conforme à la nature: la nature en effet a répandu toutes choses en commun pour tous. Dieu a ordonné en effet que toutes choses fussent engendrées de telle sorte que la nourriture fût commune pour tous et que la terre par conséquent fût une sorte de propriété commune de tous. C'est donc la nature qui a engendré le droit commun et l'usage qui a fait le droit privé. Or sur ce point, disent les philosophes, les stoïciens ont pensé que les produits de la terre sont tous créés pour les besoins des hommes et que les hommes ont été engendrés pour les hommes afin qu'eux-mêmes puissent se rendre service les uns aux autres.

D'où tirèrent-ils cette affirmation si ce n'est de nos Écritures »? Moïse a écrit en effet que Dieu dit: « Faisons l'homme à notre image et selon notre ressemblance, qu'il ait l'empire des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de toutes les bêtes qui se meuvent sur la terre ». Et David dit: « Tu as mis toutes choses sous ses pieds, les brebis et les bœufs, en outre aussi toutes les bêtes de la campagne, les oiseaux du ciel et les poissons de la mer ». Ainsi donc ils ont appris de nos Écritures que toutes choses ont été soumises à l'homme et ils pensent, pour cette raison qu'elles ont été engendrées pour l'homme.

Que l'homme aussi a été engendré en vue de l'homme, nous l'avons trouvé dans les livres de Moïse, lorsque Dieu dit: « II n'est pas bon que l'homme soit seul, faisons lui une aide semblable à lui ». C'est donc pour lui prêter assistance que la femme fut donnée à l'homme afin qu'elle enfantât, en sorte que l'homme fût une assistance pour l'homme. Car, avant que la femme fût formée, il fut dit d'Adam: « Il ne s'est pas trouvé d'aide semblable à lui », il ne pouvait obtenir en effet d'assistance pour l'homme que de l'homme. En conséquence, parmi tous les animaux, il ne s'est trouvé aucun animal semblable et, pour parler net, aucun aide de l'homme: ainsi donc le sexe féminin était attendu comme aide.

Ainsi donc selon la volonté de Dieu ou le lien de la nature, nous devons nous secourir mutuellement, rivaliser dans l'accomplissement des devoirs, mettre pour ainsi dire en commun tous les intérêts et, pour user du mot de l'Écriture, nous porter assistance l'un à l'autre ou bien par le zèle, ou bien par l'accomplissement du devoir, ou bien par l'argent, ou bien par les œuvres, ou bien de n'importe quelle manière, afin d'accroître l'agrément du lien social entre nous. Et que personne ne soit détourné du devoir, même par l'effroi du danger, mais qu'il tienne pour siennes toutes adversités ou prospérités. Ainsi le saint Moïse ne redouta pas, en faveur du peuple, d'entreprendre les lourdes guerres pour une patrie, ni ne trembla devant les armes d'un roi très puissant, ni ne s'effraya devant la fureur de la cruauté des barbares, mais il abandonna son propre salut pour rendre à son peuple la liberté.

Aussi est-il resplendissant, l'éclat de la justice qui, « née pour les autres plutôt que pour soi », vient en aide à notre communauté et à notre société; elle occupe la haute place pour tenir toutes choses soumises à son jugement, porter secours aux autres, apporter de l'argent, ne pas repousser les devoirs, assumer les périls d'autrui.

Qui ne désirerait occuper cette citadelle de la vertu si la cupidité, venue la première, n'affaiblissait et ne faisait plier la vigueur d'une si grande vertu? Et en effet, en désirant augmenter nos ressources, accumuler de l'argent, accaparer les terres par nos propriétés, l'emporter par la richesse, nous avons dépouillé le beau vêtement de la justice, nous avons perdu la bienfaisance commune: Comment en effet peut-il être juste, celui qui s'applique à enlever à autrui ce qu'il cherche pour soi?

La volonté de puissance aussi amollit la beauté virile de la justice: Comment en effet peut-il intervenir en faveur des autres, celui qui s'efforce de se soumettre les autres, et porter secours au faible contre les puissants, celui qui, personnellement, cherche à faire peser sa puissance sur la liberté?

Or la grandeur de la justice peut être reconnue à ceci qu'elle ne fait acception ni de lieux, ni de personnes, ni de temps, elle que l'on sauvegarde même à l'égard des ennemis; en telle sorte que, si l'on a décidé avec l'ennemi, ou du lieu ou du jour pour le combat, on estime contraire à la justice de prendre les devants ou sur le lieu ou dans le temps. Il importe en effet de savoir si quelqu'un est fait prisonnier à la suite de quelque bataille et d'une lutte sévère, ou bien l'est à la suite d'une faveur supérieure ou de quelque événement heureux, puisque l'on tire vengeance plus dure des ennemis plus durs et sans foi et de ceux qui ont nui davantage; tel fut le cas des Madianites [2] qui, par l'entremise de leurs femmes, avaient fait tomber dans le péché la plupart des hommes du peuple juif — aussi la colère de Dieu fondit-elle sur le peuple de nos pères — et pour cette raison il arriva que Moïse, dans sa victoire, ne souffrît pas qu'aucun survécût; mais que pour les Gabaonites [3] qui avaient éprouvé le peuple de nos pères plutôt par la ruse que par la guerre, Josué ne les réduisit pas par le combat, mais les soumit à l'outrage d'une condition de dépendance; tandis que pour les Syriens qui cernaient Elisée et que celui-ci avait introduits dans la ville — frappés qu'ils étaient d'une cécité temporaire, ils ne pouvaient voir où ils entraient — alors que le roi d'Israël voulait les massacrer, le prophète n'y consentit pas et lui dit: « Tu ne massacreras pas ceux que tu n'as pas faits prisonniers par ton glaive et ta lance: donne-leur du pain et de l'eau, qu'ils mangent, qu'ils boivent, qu'on les renvoie et qu'ils s'en aillent vers leur maître »; cela dans l'intention que, provoqués par cette humanité, ils fissent preuve de reconnaissance. Finalement, les brigands Syriens cessèrent par la suite de venir sur la terre d'Israël.

Si donc la justice garde sa valeur même dans la guerre, combien plus doit-on la respecter dans la paix! Et c'est ainsi que le prophète fit grâce à ceux qui étaient venus pour se saisir de lui. Voici en effet ce que nous lisons: le roi de Syrie avait envoyé son armée pour le cerner, ayant eu connaissance que c'était Elisée qui se mettait en travers de tous ses desseins et machinations. Or en voyant cette armée, Giezi, le serviteur du prophète, commença à s'inquiéter du péril de leurs vies. Mais le prophète lui dit: « Ne crains pas, car il y a plus de troupes avec nous qu'avec eux ». Et à la prière du prophète demandant que s'ouvrissent les yeux de son serviteur, ils s'ouvrirent. Et c'est ainsi que Giezi vit toute la montagne couverte de chevaux et de chars à l'entour d'Elisée. Et tandis que les Syriens descendaient, le prophète dit: « Que le Seigneur frappe de cécité l'armée de Syrie ». L'ayant obtenu, il dit aux Syriens: « Suivez-moi et je vous conduirai à l'homme que vous cherchez ». Et ils virent Elisée dont ils étaient impatients de se saisir; et le voyant ils ne pouvaient s'en emparer. Il est donc clair que même dans la guerre il faut que la bonne foi et la justice soient respectées et que ce convenable ne peut exister si l'on viole la bonne foi.

Enfin même leurs adversaires, les anciens les nommaient d'un terme amène: ils les appelaient peregrini, étrangers. Les hostes, ennemis, en effet dans l'usage ancien étaient appelés peregrini, étrangers. Or cela même aussi nous pouvons dire que ce fut tiré de nos Écritures. Les Hébreux en effet appelaient leurs adversaires allophyli, c'est-à-dire avec un mot latin alienigenae, gens d'autre race. Ainsi dans le premier livre des Règnes, voici ce que nous lisons: « Et il arriva dans ces jours-là que alienigenae, des gens d'autre race se rassemblèrent pour le combat contre Israël ».

« Ainsi donc le fondement de la justice, c'est la foi »; en effet les cœurs des justes méditent la foi et celui qui, étant juste, s'accuse, établit la justice sur la foi, de fait c'est alors que sa justice apparaît, chaque fois qu'il confesse la vérité. Car le Seigneur dit aussi par la voix d'Isaïe: « Voici que j'envoie une pierre pour fondement de Sion », c'est-à-dire le Christ pour les fondements de l'Église. La foi de tous en effet est le Christ; or l'Église est comme la forme de la justice: droit commun de tous, elle prie en commun, agit en commun, est tentée en commun; ainsi, celui qui renonce à soi-même est lui-même juste, est lui-même digne du Christ. C'est pourquoi Paul aussi a établi le Christ pour fondement, afin que sur lui nous placions des œuvres de justice, car la foi est le fondement, mais dans les œuvres se trouve, ou l'iniquité si elles sont mauvaises, ou la justice si elles sont bonnes.


[1] Archytas était un philosophe pythagoricien, né à Tarente vers 430, ami de Platon en faveur de qui il serait intervenu auprès de Denys le Jeune; Archytas était aussi mathématicien, comme le rappelle Horace,; il fut aussi homme d'État et homme de guerre; il aurait péri dans un naufrage vers 348.
[2] Peuple nomade de l'Arabie du Nord, que la Bible fait descendre de Madian, fils d'Abraham. Les Madianites furent vaincus par Gédéon.
[3] Gababonite habitants de Gabaon (aujourd'hui al-Djib située à 10 km au nord-ouest de Jérusalem) seulement, ou de cette ville et des 3 localités qui en dépendaient (2 Samuel 21.1-4; Josué 9.3,7,17).

    

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