ALEXANDRINA MARIA DA COSTA
Laïque, Coopératrice salésienne, Bienheureuse
(1904-1955)

Alexandrina Maria da Costa naquit à Balasar — petit village portugais à environ 50 km au nord de Porto, et à environ 250 km de Fatima — le 30 mars 1904.

Issue d’une famille chrétienne et pratiquante, dès son plus jeune âge, elle eût une très grande dévotion envers la très Sainte Vierge qu’elle appelait tendrement Mãezinha.[1]

En 1911, afin de pouvoir s’instruire, elle partit, avec sa sœur, Deolinda, à Póvoa de Varzim, distante de Balasar d'environ 16 km. En effet, au village natale, à ce temps-là, il n’existait pas d’école pour les jeunes filles.

« A Póvoa de Varzim — raconte Alexandrina dans son “Autobiographie” j’ai fait ma première communion... J’avais alors 7 ans... J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il prit possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était inexprimable. A tous j’annonçais la bonne nouvelle... »

En cette même année, « à Vila do Conde,[2] j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto, le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait qu’une grâce surnaturelle me transformait et m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer tout cela, mais je ne le sais pas. »

Après dix-huit mois de séjour à Póvoa, Alexandrina et Deolinda revinrent à Balasar auprès de leur mère et, presque aussitôt, elles déménagèrent et vinrent habiter, toujours à Balasar, au lieu-dit Calvário, comme si le Seigneur voulait lui montrer, dès lors, quelle serait sa mission sur la terre: être victime pour les pécheurs et vivre sa passion, dès le Jardin des Oliviers jusqu’au Calvaire (Calvário).

Avant d’aller plus loin dans ces extraits biographiques de la servante de Dieu, il est utile de parler d’un fait extraordinaire qui eut lieu dans le village en 1832. Jésus y fera allusion, au moins deux fois, lors de ses colloques.

En 1832, disions-nous, en allant à la messe, les paroissiens de Balasar découvrirent, en face de leur église, une croix de terre. Cette croix était composée de terre, plus noire que celle qui l’entourait. Intrigués, ils appelèrent monsieur l’abbé qui, sagement, la fit effacer. Aussitôt la même terre noire remonta, reformant ainsi la croix. Une deuxième fois, puis une troisième, monsieur le curé la fit effacer. Peine perdue, car à chaque fois la croix se reformait. Il fallut alors faire appel aux autorités pour en faire le constat. Monsieur l’abbé lui-même dût faire un rapport circonstancié qu’il envoya à son archevêque.

La foi et la piété des villageois étant grande et sincère, ils décidèrent de protéger cette croix par la construction d’une chapelle qui peut encore, de nos jours, être visitée. Et elle l’est par tous ceux — et ils sont de plus en plus nombreux! — qui vont prier sur la tombe de la servante de Dieu.

Mais reprenons notre récit et retrouvons Alexandrina à l’âge de 14 ans.

L’école terminée, il fallait gagner le « pain de chaque jour », « à la sueur de son front ». Malgré son âge tendre, la jeune fille fut placée chez un voisin, cultivateur. Cette place, elle ne la garda pas bien longtemps. Le cultivateur, personnage très bizarre, la maltraitait et de surcroît, n’avait que des “gros-mots” à la bouche, ce qui attristait grandement le cœur pure et simple de la jeune fille.

Au courant de cet état de choses, la mère d’Alexandrina, Maria Ana, la reprit à la maison.

Ce fut alors, qu’un événement qui nous prouve sa pureté d’âme eut lieu.

« Un jour,[3] — c’est Alexandrina qui raconte dans son Autobiographie — alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous travaillions à la couture, nous avons aperçu trois individus venant dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressentait quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après, nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper à la porte.

Qui est là? a demandé ma sœur. Et l'un d'entre eux, qui avait été mon patron, nous demanda d'ouvrir, sans plus.

— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, rétorqua Deolinda.

Après quelques instants de silence, nous avons entendu que le même individu montait par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à coudre sur cette trappe.

Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée, commença à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer un passage, par lequel il pénétra dans le salon.

Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, elle est parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient essayé de la retenir, en tirant sur ses vêtements.

L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.

Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et, désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation j'ai sauté [4] en bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me lever aussitôt, mais je ne le pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.

Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par terre un piquet et suis partie pour essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, luttait avec le troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.

— Hors d'ici! a été mon premier cri.

Ce fut comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le couloir, a prit peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis renaude compte que j'avais perdu une bague en or, lors de la chute.

— Chiens! À cause de vous j'ai perdu ma bague...

Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en disant:

Tiens, prends celle-ci, ne te fâches pas contre moi...

— Je n'en veux pas! — lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement!

Ils se sont retirés. Et nous, excitées et haletantes, nous sommes retournées à notre travail.

De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de notre amie.

Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins, plus tard, confirmèrent que ce saut a dû contribuer à aggraver mon infirmité. »

En effet, peu de temps après, la jeune Alexandrina fut contrainte de recueillir au lit, pour ne plus jamais se relever jusqu’à sa mort.

Les premiers temps de sa maladie, elle chercha à passer le temps en jouant aux cartes avec les filles de son âge qui venaient la visiter. Mais, peu à peu, son comportement changea et « le désir d’aimer la souffrance et de ne penser qu’à Jésus seul », commença à l’habiter et à croître chaque jour d’avantage.

Ce fut à cette époque qu’elle composa son hymne en l’honneur des Tabernacles, qui est un petit chef-d’œuvre du genre.[5] Ce fut aussi en cette période que la servante de Dieu, en récitant cette même prière, lévitait et ressentait dans son cœur de fortes chaleurs, tout particulièrement après la Communion. C’était le début d’une extraordinaire histoire d’amour entre elle et Jésus, car, au plus fort de ces phénomènes qu’elle méconnaissait, mais qu’elle croyait sincèrement venir de Jésus, elle demandait au Seigneur:

“Que faut-il que je fasse?”

La réponse reçue était invariable:

Souffrir, aimer, réparer!”

Petit à petit elle prit conscience de sa mission et, fit le “vœu le plus parfait” et s’offrit à Jésus comme vic-time pour les pécheurs.

En 1934, après la Communion, elle entendit Jésus l’inviter à participer à sa Passion:

Donne-moi tes mains: je veux les crucifier; donne-moi tes pieds: je veux les clouer avec moi; donne-moi ta tête: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi ton corps, offre-toi toute à moi.

Humblement et simplement, Alexandrina accepta l’invitation.

« J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices Qu’il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’il me ferait passer par des phénomènes singuliers. »

“Il me parlait de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...” raconte-t-elle encore.

Jésus la préparait pour sa mission sublime, disons plutôt ses missions: les pécheurs, les Tabernacles abandonnés ou profanés et la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.

Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.

Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...

Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: je choisirai tes sentiers.

Et les appels de Jésus continuent, vibrants d’amour et de fermeté:

Je t’ai choisie pour moi. Corresponds à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon temple, temple de la très Sainte-Trinité. Toutes les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un Tabernacle choisi par moi, afin que j’y habite et m’y repose. Je veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.

Tu es comme le canal par où passeront les grâces que je veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes viendront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes seront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.

Reçois, maintenant, ma fille, le sang de mon divin Cœur: c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que je donne aux âmes.

Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...

En attendant le 3 octobre 1938 où elle vivra pour la première fois la passion, elle se consacre entièrement et sans limitation aucune, au Seigneur, écrivant même de son propre sang cette pathétique consécration:

“Avec mon sang, je vous promets de beaucoup vous aimer, mon Jésus. Que mon amour soit tel, que je meurs enlacée à la croix. Je vous aime et je meurs d’amour pour vous, mon cher Jésus. Je veux habiter dans vos Tabernacles.[6]

Le 30 juin 1935, Jésus lui parle pour la première fois de la consécration du monde à Marie:

Autrefois, j’ai demandé la consécration du genre humain à mon divin Cœur.[7] Maintenant, je la demande au Cœur Immaculé de ma très sainte Mère.

Le Seigneur lui prédit même de quelle façon cette consécration se déroulerait. Nous le verrons lors de notre prochain article.

Ces choses, au contraire de ce que souhaitait Alexandrina, ne purent rester dans le secret de sa chambre. L’archevêque fut averti et, une première enquête diocésaine eut lieu, menée par le Père António Durão, sj. Il n’a rien trouvé de surnaturel dans le cas d’Alexandrina, et les choses en restèrent là.

Le 10 septembre 1936, faisant allusion à la révolution communiste qui sévissait alors en Espagne, Notre-Seigneur lui dit:

Ce fléau est un châtiment! C’est le courroux de Dieu! Je punis pour ramener les âmes à la grâce car, étant mort pour tous, je veux le salut de tous.

Et, prophétisant, Jésus ajouta:

Je ne veux pas être offensé et je le suis grandement, en Espagne et partout, dans le monde entier! Il est grand, le danger, que ce fléau et que les actes de barbarie se répandent.

Ce fut encore, au cours de cette année 1936, en la fête de la Sainte-Trinité, que la servante de Dieu souffrit la mort mystique.

Mais toutes ces “choses” n’étaient pas du goût de Satan. En juillet 1937, “non content de tourmenter ma conscience, raconte Alexandrina, et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu’à n’importe quelle heure de la journée...”

Puis, le 3 octobre 1938 arriva. Jésus l’avait prévenue qu’à cette date, elle vivrait les souffrances de la Passion, de midi à 15 heures.

A l’heure indiquée, tout le monde était là: Maria Ana, la mère; Deolinda, la sœur; le Père Pinho, sj, son directeur spirituel, et quelques autres personnes de la famille.

A la suite du saut par la fenêtre, Alexandrina ne pouvait plus se mouvoir seule; il lui fallait de l’aide, à chaque fois qu’elle voulait faire le moindre déplacement dans son lit. Le 3 octobre, elle n’eut besoin de personne. Tous les gestes et parcours de la Passion, elle les accomplit toute seule, s’agenouillant au Jardin des Oliviers; présentant les mains aux soldats qui y sont venus la chercher; transportant la croix et tombant sous celle-ci; se couchant sur elle pour y être clouée. Tous les moindres détails de la Passion de Jésus se sont ainsi déroulés devant les yeux des assistants en larmes et remplis de crainte. Au cours du chemin vers le Calvaire, Alexandrina aperçut celle qu’elle appelait sa sœur spirituelle et dont c’était la fête: sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Mais écoutons-la:

Midi sonné, Jésus est venu m’inviter:

Voilà, ma fille, le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi que le Calvaire. Acceptes-tu?

J’ai senti que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur le chemin du Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là-haut, grandeur nature, cloué sur la Croix.

J’ai cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près de Lui.

J’ai vu deux fois sainte Thérèse: la première fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre deux autres sœurs, puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.

A la suite du phénomène de la passion, le Père Mariano Pinho écrivit, pour la première fois au Saint-Père, pour lui demander la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Il lui expliqua ce qui se passait à Balasar.

Après cette lettre, une deuxième enquête fut diligentée, cette fois-ci par le Saint-Siège, à partir du 5 janvier 1939. Elle fut conduite par le chanoine Vilar, professeur au Sacré Collège de Rome, qui assista au phénomène de la passion et repartit très bien impressionné. Il devait mourir quelques mois plus tard d’un cancer, en offrant sa vie pour le succès de la consécration du monde à Marie.

Elle dû encore subir un examen médical approfondi, demandé par l’autorité ecclésiastique, car, depuis sa première crucifixion, Alexandrina ne s’alimentait plus. Seule la Communion quotidienne était son aliment.

Alphonse Rocha


[1] Que peut se traduire par tendre petite-maman ; maman chérie, et bien d’autres termes dont les enfants se servent pour montrer leur amour à leurs mamans. Lire : Main-hi-signe.

[2] Petite ville balnéaire, à 3 kilomètres de Póvoa de Varzim.

[3] Samedi Saint 30 mars 1918, jour de son anniversaire (14 ans).

[4] Il y a environ 3,5 mètres entre le rebord de la fenêtre et le sol du jardin, à l'extérieur.

[5] Voir: “Alexandrina de Balasar”. Éditions Téqui, Paris.

[6] Balasar, 14.10.1934.

[7] Demande faite aussi au Portugal, à sœur Marie du Divin-Cœur, supérieure du Bon-Pasteur à Porto, maintenant béatifiée. Cette consécration fut faite par le Pape Léon XIII et juin 1899.

 

 

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