Alexandrina Maria da Costa naquit à Balasar — petit village
portugais à environ 50 km au nord de Porto, et à
environ 250 km de Fatima — le
30 mars 1904.
Issue d’une famille chrétienne et pratiquante, dès son plus
jeune âge, elle eût une très grande dévotion envers la très Sainte Vierge
qu’elle appelait tendrement Mãezinha.
En 1911, afin de pouvoir s’instruire, elle partit, avec sa
sœur, Deolinda, à Póvoa de Varzim, distante de Balasar d'environ 16 km. En
effet, au village natale, à ce temps-là, il n’existait pas d’école pour les
jeunes filles.
« A Póvoa de Varzim
—
raconte Alexandrina dans son “Autobiographie” — j’ai fait ma première
communion... J’avais alors 7 ans... J’ai communié à genoux et, malgré ma petite
taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée
en mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il
prit possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était
inexprimable. A tous j’annonçais la bonne nouvelle... »
En cette même année,
« à Vila do Conde,
j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto, le sacrement de
Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et de la joie
qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne sais pas bien
expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait qu’une grâce surnaturelle me
transformait et m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien
expliquer tout cela, mais je ne le sais pas. »
Après dix-huit mois de séjour à Póvoa, Alexandrina et
Deolinda revinrent à Balasar auprès de leur mère et, presque aussitôt, elles
déménagèrent et vinrent habiter, toujours à Balasar, au lieu-dit Calvário, comme
si le Seigneur voulait lui montrer, dès lors, quelle serait sa mission sur la
terre: être victime pour les pécheurs et vivre sa passion, dès le Jardin des
Oliviers jusqu’au Calvaire (Calvário).
Avant d’aller plus loin dans ces extraits biographiques de la
servante de Dieu, il est utile de parler d’un fait extraordinaire qui eut lieu
dans le village en 1832. Jésus y fera allusion, au moins deux fois, lors de ses
colloques.
En 1832, disions-nous, en allant à la messe, les paroissiens
de Balasar découvrirent, en face de leur église, une croix de terre. Cette croix
était composée de terre, plus noire que celle qui l’entourait. Intrigués, ils
appelèrent monsieur l’abbé qui, sagement, la fit effacer. Aussitôt la même terre
noire remonta, reformant ainsi la croix. Une deuxième fois, puis une troisième,
monsieur le curé la fit effacer. Peine perdue, car à chaque fois la croix se
reformait. Il fallut alors faire appel aux autorités pour en faire le constat.
Monsieur l’abbé lui-même dût faire un rapport circonstancié qu’il envoya à son
archevêque.
La foi et la piété des villageois étant grande et sincère,
ils décidèrent de protéger cette croix par la construction d’une chapelle qui
peut encore, de nos jours, être visitée. Et elle l’est par tous ceux — et ils
sont de plus en plus nombreux! — qui vont prier sur la tombe de la servante de
Dieu.
Mais reprenons notre récit et retrouvons Alexandrina à l’âge
de 14 ans.
L’école terminée, il fallait gagner le « pain de chaque
jour », « à la sueur de son front ». Malgré son âge tendre, la jeune
fille fut placée chez un voisin, cultivateur. Cette place, elle ne la garda pas
bien longtemps. Le cultivateur, personnage très bizarre, la maltraitait et de
surcroît, n’avait que des “gros-mots” à la bouche, ce qui attristait
grandement le cœur pure et simple de la jeune fille.
Au courant de cet état de choses, la mère d’Alexandrina,
Maria Ana, la reprit à la maison.
Ce fut alors, qu’un événement qui nous prouve sa pureté d’âme
eut lieu.
« Un jour,
— c’est Alexandrina qui raconte dans son Autobiographie —
alors qu'avec
ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous travaillions à la couture,
nous avons aperçu trois individus venant dans notre direction. Deolinda, comme
si elle pressentait quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques
instants après, nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite
quelqu'un frapper à la porte.
— Qui est là? — a demandé ma sœur. Et l'un d'entre
eux, qui avait été mon patron, nous demanda d'ouvrir, sans plus.
— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas
question d'ouvrir, rétorqua Deolinda.
Après quelques instants de silence, nous avons entendu que
le même individu montait par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait
dans le salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à coudre sur cette trappe.
Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée,
commença à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever
quelques planches et à pratiquer un passage, par lequel il pénétra dans le
salon.
Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, elle est
parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient
essayé de la retenir, en tirant sur ses vêtements.
L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.
Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé
autour de moi et, désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était
ouverte et sans la moindre hésitation j'ai sauté
[4]
en bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me lever aussitôt, mais je ne le
pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.
Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par
terre un piquet et suis partie pour essayer de défendre ma sœur entouré par les
deux plus âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, luttait avec le
troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici! a été mon premier cri.
Ce fut comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le
couloir, a prit peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors
seulement, que je me suis renaude compte que j'avais perdu une bague en or, lors
de la chute.
— Chiens! À cause de vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt,
me l'a présentée, en disant:
— Tiens, prends celle-ci, ne te fâches pas contre moi...
— Je n'en veux pas! — lui ai-je répondu, indignée —
débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement!
Ils se sont retirés. Et nous, excitées et haletantes, nous
sommes retournées à notre travail.
De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à
personne, afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini
par l'apprendre, de la bouche de notre amie.
Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir de plus en
plus. Tous disaient que c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la
fenêtre. Même les médecins, plus tard, confirmèrent que ce saut a dû contribuer
à aggraver mon infirmité. »
En effet, peu de temps après, la jeune Alexandrina fut
contrainte de recueillir au lit, pour ne plus jamais se relever jusqu’à sa mort.
Les premiers temps de sa maladie, elle chercha à passer le
temps en jouant aux cartes avec les filles de son âge qui venaient la visiter.
Mais, peu à peu, son comportement changea et « le désir d’aimer la souffrance
et de ne penser qu’à Jésus seul », commença à l’habiter et à croître chaque
jour d’avantage.
Ce fut à cette époque qu’elle composa son hymne en l’honneur
des Tabernacles, qui est un petit chef-d’œuvre du genre.
Ce fut aussi en cette période que la servante de Dieu, en récitant cette même
prière, lévitait et ressentait dans son cœur de fortes chaleurs, tout
particulièrement après la Communion. C’était le début d’une extraordinaire
histoire d’amour entre elle et Jésus, car, au plus fort de ces phénomènes
qu’elle méconnaissait, mais qu’elle croyait sincèrement venir de Jésus, elle
demandait au Seigneur:
“Que faut-il que je fasse?”
La réponse reçue était invariable:
“Souffrir, aimer, réparer!”
Petit à petit elle prit conscience de sa mission et, fit le “vœu
le plus parfait” et s’offrit à Jésus comme vic-time pour les pécheurs.
En 1934, après la Communion, elle entendit Jésus l’inviter à
participer à sa Passion:
Donne-moi tes mains: je veux les crucifier; donne-moi tes
pieds: je veux les clouer avec moi; donne-moi ta tête: je veux la couronner
d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le
transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi ton
corps, offre-toi toute à moi.
Humblement et simplement, Alexandrina accepta l’invitation.
« J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais
que les sacrifices Qu’il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma
maladie, même si majorés; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’il me ferait
passer par des phénomènes singuliers. »
“Il me parlait de jour comme de nuit... Il se confiait à
moi...” raconte-t-elle encore.
Jésus la préparait pour sa mission sublime, disons plutôt ses
missions: les pécheurs, les Tabernacles abandonnés ou profanés et la
consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour
les pécheurs! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne;
la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur
faiblesse je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et
offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: je choisirai tes sentiers.
Et les appels de Jésus continuent, vibrants d’amour et de
fermeté:
Je t’ai choisie pour moi. Corresponds à mon amour. Je veux
être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur
de beaucoup d’âmes. Tu es mon temple, temple de la très Sainte-Trinité. Toutes
les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un
Tabernacle choisi par moi, afin que j’y habite et m’y repose. Je veux rassasier
ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que je
veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes viendront à moi. Je me
sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire,
beaucoup d’âmes seront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
Reçois, maintenant, ma fille, le sang de mon divin Cœur:
c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que je donne aux âmes.
Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur,
le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme,
changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant
appel que celui de Noé...
En attendant le 3 octobre 1938 où elle vivra pour la première
fois la passion, elle se consacre entièrement et sans limitation aucune, au
Seigneur, écrivant même de son propre sang cette pathétique consécration:
“Avec mon sang, je vous promets de beaucoup vous aimer, mon
Jésus. Que mon amour soit tel, que je meurs enlacée à la croix. Je vous aime et
je meurs d’amour pour vous, mon cher Jésus. Je veux habiter dans vos Tabernacles.”
Le 30 juin 1935, Jésus lui parle pour la première fois de la
consécration du monde à Marie:
Autrefois, j’ai demandé la consécration du genre humain à
mon divin Cœur.
Maintenant, je la demande au Cœur Immaculé de ma très sainte Mère.
Le Seigneur lui prédit même de quelle façon cette
consécration se déroulerait. Nous le verrons lors de notre prochain article.
Ces choses, au contraire de ce que souhaitait Alexandrina, ne
purent rester dans le secret de sa chambre. L’archevêque fut averti et, une
première enquête diocésaine eut lieu, menée par le Père António Durão, sj. Il
n’a rien trouvé de surnaturel dans le cas d’Alexandrina, et les choses en
restèrent là.
Le 10 septembre 1936, faisant allusion à la révolution
communiste qui sévissait alors en Espagne, Notre-Seigneur lui dit:
Ce fléau est un châtiment! C’est le courroux de Dieu! Je
punis pour ramener les âmes à la grâce car, étant mort pour tous, je veux le
salut de tous.
Et, prophétisant, Jésus ajouta:
Je ne veux pas être offensé et je le suis grandement, en
Espagne et partout, dans le monde entier! Il est grand, le danger, que ce fléau
et que les actes de barbarie se répandent.
Ce fut encore, au cours de cette année 1936, en la fête de la
Sainte-Trinité, que la servante de Dieu souffrit la mort mystique.
Mais toutes ces “choses” n’étaient pas du goût de
Satan. En juillet 1937, “non content de tourmenter ma conscience, raconte
Alexandrina, et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à
me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu’à n’importe quelle heure de la
journée...”
Puis, le 3 octobre 1938 arriva. Jésus l’avait prévenue qu’à
cette date, elle vivrait les souffrances de la Passion, de midi à 15 heures.
A l’heure indiquée, tout le monde était là: Maria Ana, la
mère; Deolinda, la sœur; le Père Pinho, sj, son directeur spirituel, et quelques
autres personnes de la famille.
A la suite du saut par la fenêtre, Alexandrina ne pouvait
plus se mouvoir seule; il lui fallait de l’aide, à chaque fois qu’elle voulait
faire le moindre déplacement dans son lit. Le 3 octobre, elle n’eut besoin de
personne. Tous les gestes et parcours de la Passion, elle les accomplit toute
seule, s’agenouillant au Jardin des Oliviers; présentant les mains aux soldats
qui y sont venus la chercher; transportant la croix et tombant sous celle-ci; se
couchant sur elle pour y être clouée. Tous les moindres détails de la Passion de
Jésus se sont ainsi déroulés devant les yeux des assistants en larmes et remplis
de crainte. Au cours du chemin vers le Calvaire, Alexandrina aperçut celle
qu’elle appelait sa sœur spirituelle et dont c’était la fête: sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus. Mais écoutons-la:
“Midi sonné, Jésus est venu m’inviter:
Voilà, ma fille, le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi
que le Calvaire. Acceptes-tu?
J’ai senti que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur
le chemin du Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là-haut,
grandeur nature, cloué sur la Croix.
J’ai cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près
de Lui.
J’ai vu deux fois sainte Thérèse:la première fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre
deux autres sœurs, puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.
A la suite du phénomène de la passion, le Père Mariano Pinho
écrivit, pour la première fois au Saint-Père, pour lui demander la consécration
du monde au Cœur Immaculé de Marie. Il lui expliqua ce qui se passait à Balasar.
Après cette lettre, une deuxième enquête fut diligentée,
cette fois-ci par le Saint-Siège, à partir du 5 janvier 1939. Elle fut conduite
par le chanoine Vilar, professeur au Sacré Collège de Rome, qui assista au
phénomène de la passion et repartit très bien impressionné. Il devait mourir
quelques mois plus tard d’un cancer, en offrant sa vie pour le succès de la
consécration du monde à Marie.
Elle dû encore subir un examen médical approfondi, demandé
par l’autorité ecclésiastique, car, depuis sa première crucifixion, Alexandrina
ne s’alimentait plus. Seule la Communion quotidienne était son aliment.
Alphonse Rocha
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